• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 : La problématique

1.3 Le retour au travail

Le retour au travail est un processus complexe qui est influencé par une multitude de variables telles que le niveau de soutien, la résolution ou non du problème de santé, le contexte et les conditions de travail dans lequel il s’effectue pour ne nommer que celles- ci. Cependant encore peu d’études ont examiné les liens entre les divers aspects du travail et le retour au travail, à l’exception du soutien social des collègues et des supérieurs (Huijs, Koppes, Taris & Blonk, 2012). Pourtant, il est reconnu que pour les personnes qui se sont absentées du travail en raison d’un problème de santé mentale, le retour peut représenter une source de stress et d’inquiétude et être vécu difficilement si les facteurs liés au travail n’ont pas été pris en considération (St-Arnaud et al., 2007). Autant dans le domaine de la réhabilitation que dans celui de la santé au travail, des études ont démontré que le retour au travail est une étape cruciale qui doit avoir fait l’objet d’une planification bien avant la journée de retour, durant la période d’absence (Durand, Vachon, Loisel & Berthelette, 2003; St-Arnaud et al., 2011a).

Cependant, dans leur étude sur la réinsertion professionnelle à la suite d’un problème de santé mentale, St-Arnaud et al., (2003) révèlent qu’au sein de l’activité de travail, la santé des travailleurs poursuit sa reconstruction. En effet, les auteurs affirment que le retour au travail survient généralement avant que les travailleurs aient retrouvé complètement leur santé et que le recouvrement complet s’effectue au fil du temps lorsque les travailleurs sont à la tâche. Ainsi, la possibilité de revenir progressivement au travail, de bénéficier de l’accueil et du soutien des collègues et des supérieurs et d’apporter des changements aux conditions qui ont contribué au retrait du travail sont parmi les éléments qui favorisent le retour au travail réussi (St-Arnaud et al., 2003, 2007). Ces divers aspects composant le retour au travail seront abordés dans la section suivante.

22

1.3.1 Retour progressif au travail

Afin de soutenir le travailleur dans son rétablissement et dans le recouvrement de ses capacités de travail, les modalités de retour au travail progressif sont facilement mises en place par les employeurs (St-Arnaud et al., 20004b). Selon le modèle de retour au travail thérapeutique de Durant et Loisel (2001), le retour progressif est même considéré comme une mesure essentielle du retour au travail. En ce sens, la possibilité de revenir au travail à temps partiel serait également associée à une plus courte durée de l’absence. En effet, les résultats d’une étude menée auprès de 828 travailleurs allemands s’étant absentés du travail en raison de problème de santé physique, de santé mentale ou les deux, montrent que le fait de pouvoir retourner au travail à temps partiel est associé à un retour plus rapide au travail à temps plein (Huijs et al., 2012). Les auteurs expliquent que le retour à temps partiel permet au travailleur de s’exposer progressivement au travail et qu’il sert d’expérience positive pour les travailleurs.

En dépit de l’usage répandu de cette pratique de retour au travail, les auteurs appellent à la prudence. En effet, revenir progressivement dans les mêmes conditions qui ont contribué à l’émergence du problème de santé mentale peut s’avérer risqué pour les personnes (St-Arnaud et al., 2007). De plus, les supérieurs devraient considérer ce retour au travail comme un entraînement à la tâche puisque le travailleur ne reviendra pas en pleine possession de ses capacités et de ses moyens (Durand & Briand, 2011). Ainsi, le retour au travail progressif devrait être considéré comme étant une période de reprise de contact avec le travail, car après une période d’absence il faut laisser du temps aux travailleurs pour qu’ils se réhabituent au travail (Durand & Briand, 2011).

23

Or, dans un contexte de rentabilité et d’atteinte des objectifs, le retour progressif, souvent marqué du paradoxe « prends ton temps, mais fais ça vite », ne permet pas toujours au travailleur de bénéficier du soutien réel dont il a besoin pour retrouver ses capacités (St-Arnaud et al., 2004a). Ainsi, pour être efficace, le retour progressif doit se réaliser dans des conditions propices afin de réellement fournir au travailleur un espace de reconstruction de sa capacité de travail.

D’autres auteurs rappellent que le retour progressif ne doit pas se faire au détriment des collègues de travail qui hériteraient d’une charge de travail supplémentaire en raison de cette mesure d’accommodement. Selon les données de Baril et al, (1994), ces derniers pourraient réagir négativement envers ce qui pourrait être considéré comme étant un privilège de la part de l’employeur. À cet effet, Durand et Loisel (2001) recommandent que l’employé qui effectue le remplacement du travailleur en absence demeure en poste durant la période de retour progressif assurant ainsi une meilleur efficacité de la mesure.

Enfin l’utilisation du retour progressif présente des aspects intéressants qui méritent d’être considérés lors du retour au travail à la suite d’un problème de santé mentale. Il doit cependant être fait de manière à ne pas créer de friction auprès des collègues, car un autre déterminant du retour est, d’abord et avant tout, d’obtenir leur soutien.

1.3.2 L’accueil et le soutien des supérieurs et des collègues

Le soutien et l’accueil des collègues, notamment la contribution spécifique du supérieur immédiat, sont des éléments qui ont largement été documentés et qui sont

24

reconnus pour leur influence sur le retour au travail (Gates, 1993; Huijs et al., 2012; Nieuwenhuijsen et al., 2004; Post et al, 2005).

Les rapports sociaux peuvent être une source de motivation pour les travailleurs et ils favorisent un retour plus rapide au travail. Ainsi, se sentir accueilli et soutenu par ses collègues et supérieurs lorsqu’on est prêt à revenir au travail est un élément à prendre en considération dans la préparation du retour (Caveen et al., 2006; Post et al., 2005). Cependant, lorsque le travailleur a connu une certaine perturbation dans ses rapports sociaux au travail avant son départ, la perception de son milieu de travail sera davantage négative et influencera le retour au travail (Baril et al., 2003). À ce titre, les résultats de l’étude de St-Arnaud et al., (2004b) révèlent que des comportements anormaux que les travailleurs ont eus avant de quitter leur travail ont contribué à la dégradation des relations sociales et certains travailleurs craignent que l’image négative laissée avant le départ ne soit encore trop présente à leur retour.

Les supérieurs immédiats, par leur rôle central auprès des travailleurs, sont les acteurs privilégiés qui peuvent favoriser ou nuire au retour au travail. Ce sont eux qui sont responsables de la planification du travail et ils sont en position pour décider des mesures et interventions à mettre en place pour aider les travailleurs. À cet effet, leur contribution spécifique a largement été documentée au cours des dernières années (Gates, 1993; Nieuwenhuijsen et al., 2004). Plus récemment, le processus d’implantation d’une démarche de soutien au retour au travail proposée par St-Arnaud et al. (2011a, 2011c) met en lumière la contribution du supérieur immédiat et permet d’encadrer son rôle afin de favoriser sa participation en tant qu’acteur de soutien au retour au travail. Pour ce faire, les chercheurs ont intégré dans leur démarche une rencontre entre un coordonnateur, le travailleur et son supérieur immédiat afin de convenir d’un plan de

25

retour au travail. Ainsi, les différentes parties peuvent convenir ensemble des modalités de retour. Cette approche s’avère prometteuse dans la mesure où elle permet à chacun des acteurs de jouer pleinement son rôle au sein d’une démarche tangible.

Comme on le peut le constater, le rôle d’accueil et le soutien des collègues et des supérieurs sont importants pour le retour au travail. Cependant, un dernier élément est déterminant pour le retour au travail. C’est la nature même du travail et les conditions dans lesquelles s’effectue le retour.

1.3.3 Changements dans les conditions de travail

À partir du moment où ils ont été investigués durant la période d’absence, certains éléments peuvent être changés ou modifiés lors du retour au travail. Ces améliorations dans les conditions de travail favorisent le retour, surtout lorsque le travail a été reconnu comme un élément pathogène pour la personne (St-Arnaud et al., 2003). Franche et al. (2005) vont plus loin en affirmant que des modifications au poste de travail, temporaires ou permanentes, demeurent une composante centrale pour que les interventions qui visent la réintégration de travailleurs, soient efficaces.

Ces changements peuvent être de nature très variée. Par exemple, les travaux de Johansson, Lundberg et Lundberg (2006) ont révélé que pour les personnes qui ont été en absence de longue durée, l’opportunité de travailler selon un horaire flexible a été un élément déterminant dans leur retour au travail. Selon St-Arnaud et al., (2011a, 2011b), il est important que les améliorations apportées au travail soient déterminées par le travailleur et fassent l’objet d’un consensus avec son supérieur immédiat. De plus, ces changements devront faire l’objet de suivi dans le temps afin de s’assurer qu’ils soient maintenus ou tiennent toujours la route. En effet, l’évolution de l’état de santé du

26

travailleur et les possibles changements qui peuvent survenir dans le milieu de travail peuvent mener à des ajustements nécessaires au niveau des améliorations apportées lors du retour.