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Dynamiques intracommunautaires des néo-Québécois provenant d'Afrique subsaharienne à Québec

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Dynamiques intracommunautaires des

néo-Québécois provenant d’Afrique subsaharienne à

Québec

Mémoire

Thierry Kininga

Maîtrise en service social

Maître en service social (M.Serv.soc.)

Québec, Canada

© Thierry Kininga, 2017

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Dynamiques intracommunautaires des

néo-Québécois provenant d’Afrique subsaharienne à

Québec

Mémoire

Thierry Kininga

Sous la direction de :

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III

Résumé

Cette étude qualitative de type exploratoire nous a permis de répondre à la question de recherche : « Quelles sont les perceptions des immigrants camerounais par rapport aux enjeux reliés aux dynamiques intracommunautaires existant à Québec? » L’objectif que sous-tendait cette étude était la compréhension des motifs de l’organisation en associations des néo-Québécois provenant d’Afrique subsaharienne à Québec. L’étude s’est particulièrement centrée sur les immigrants camerounais à Québec. L’analyse du discours des participants à cette étude nous indique que l’imaginaire des immigrants, avant de quitter leur pays d’origine, est celui d’un pays dans lequel ils se réaliseraient et, de ce fait, offrirait de meilleures conditions de vie non seulement à eux, mais également à leur famille. Cette réalisation de soi, d’après leur imaginaire, passe nécessairement par leur contribution au développement et au bon fonctionnement de la société qui les accueille et qui devient leur nouveau chez-eux. Cette réalisation rendue impossible ou retardée par les difficultés rencontrées en terre d’accueil, l’organisation en associations selon l’ethnie et/ou le pays d’origine, est le moyen de vivre une solidarité qui leur permet de surmonter leurs difficultés, mais aussi de se souvenir de qui ils sont et d’où ils viennent. Ainsi, leur culture d’origine qui a forgé leur identité leur permet de s’intégrer à la culture du pays d’accueil.

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IV

Abstract

This qualitative study of exploratory type allowed us to answer the research question: what are the perceptions of Cameroonian immigrant of the issues related to existing intra communal in Quebec City? The objective behind this study was the comprehension of organizational reasons in association of new Quebec citizen coming from Sub-Saharan Africa in Quebec City. The study is particularly focused on the Cameroonian immigrants in Quebec City. The analysis of the participants’ speeches in this study indicates that their idealism of immigrants, before they leave their origin’s country, is a country where they would fulfill themselves and thus they would offer better living conditions not only to them, but also to their families. This self-achievement from their idealism necessarily involves their contribution to the development and good functioning of the society which hosts them and which becomes their new home. This self-achievement made impossible or delayed by difficulties in land of immigration, the organization in association by ethnicity and or by the country of origin, is the way to live a solidarity that allows them to overcome their difficulties but also, to remember who they are, where they come from. Thus, their original cultures that have forged their identities, allows them to integrate the culture of the country of immigration.

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Table des matières

Résumé ... III Abstract ... IV

Table des matières……….……….. V Abréviations et sigles ... IX Remerciements ... X Introduction ... 1 Chapitre I – PROBLÉMATIQUE ... 3 1.1 Objet de l’étude ... 3 1.1.1 Aperçu de l’immigration au niveau mondial ... 3 1.1.2 Aperçu de l’immigration au Canada et au Québec ... 4 1.1.3 Présence africaine et première communauté noire au Québec ... 6 1.1.4 Immigration au Québec, dans la ville de Québec et Camerounais à Québec ... 7 1.1.5 Associations camerounaises au Québec et à Québec ... 8 1.2 Recension des écrits ... 10 1.2.1 Difficultés d’intégration des immigrants et stratégies d’adaptation de ces derniers dans le monde et au Québec ... 10 1.2.2 Problèmes posés par l’organisation des immigrants en associations ... 15 1.2.3 Limites de ces études ... 18 1.2.4 Justification du choix du sujet ... 18

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VI Chapitre II - CADRE THÉORIQUE ET CONCEPTUEL ... 21 2.1 Cadre épistémologique ... 21 2.1.1 Constructivisme ... 21 2.2 Cadre théorique ... 22 2.2.1 Théorie du parcours de vie ... 22 2.3 Cadre conceptuel ... 26 2.3.1 Dynamique intracommunautaire ... 26 2.3.2 Le parcours de vie ... 26 2.3.3 Cheminement social ... 27 2.3.4 La transition ... 28 2.3.5 Associations et communautés ... 28 2.4 Propositions de recherche ... 29 2.5 Tableau d’opérationnalisation des objectifs de recherche ... 29 Chapitre III - MÉTHODOLOGIE ... 32 3.1 Approche de recherche privilégiée ... 32 3.2 Type de recherche ... 33 3.3 Population à l’étude ... 33 3.4 Méthode d’échantillonnage ... 34 3.5 Techniques de collecte de données ... 35 3.6 Analyse des données ... 37 3.7 Considérations éthiques ... 38 3.8 Validation des résultats ... 39

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VII Chapitre IV - PRÉSENTATION ET ANALYSE DES DONNÉES ... 40 4.1 Caractéristiques sociodémographiques des participants à l'étude ... 40 4.1.1 Présentations individuelles des répondants ... 40 4.2 Analyse des motifs de l’organisation en associations ... 46 4.2.1 Vécu migratoire ... 46 4.2.1.1 Personnes présentes à l’aéroport au Cameroun ... 46 4.2.1.2 Déroulement du voyage ... 47 4.2.1.3 Vécu postmigratoire ... 48 4.2.1.3.1 Arrivée au Québec et à Québec ... 48 4.2.1.3.2 Raison(s) du choix de la ville de Québec ... 51 4.2.1.3.3 Difficultés rencontrées ... 53 4.2.1.3.4 Création des associations à Québec et les motivations à devenir membre d’une association ... 57 4.2.1.3.6 Création des associations à Québec ... 58

4.2.1.3.7 Localisation et moyen de prise de contact avec les associations ... 62 4.2.1.3.8 Conditions d’adhésion aux associations ... 63 4.2.1.4 Motivations à ne pas devenir membre d’une association ... 65 4.2.1.5 Satisfaction ou insatisfaction de l’adhésion à une association .. 66 4.3 Analyse de l’accueil et de l’intégration des nouveaux membres dans les associations ... 67 4.4 Analyse de la transposition ou non des problèmes ethniques du pays d’origine à Québec ... 70 4.5 Résultat 1 : Motivation de la création et de l’organisation en associations à Québec ... 71 4.6 Résultat 2 : Accueil et intégration des nouveaux membres dans les associations à Québec ... 72 4.7 Résultat 3 : Transposition ou non des problèmes ethniques du pays d’origine ... 73

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VIII Chapitre V - DISCUSSION DES RÉSULTATS ... 74 5.1 Caractéristiques sociodémographiques ... 75 5.1.1 Informations générales ... 75 5.2 Motivations de la création et de l’organisation en associations à Québec ... 77 5.3 Accueil et intégration des nouveaux dans les associations à Québec ... 80 5.4 Transposition ou non des problèmes ethniques du pays d’origine à Québec ... 82 5.5 Forces et limites de l’étude ... 82 5.6 Portée de l'étude pour l'intervention et perspectives pour la recherche ... 83 5.6.1 Portée de l'étude pour l’intervention ... 83 5.6.2 Perspectives pour la recherche ... 85 Conclusion ... 86 Références bibliographiques ... 89 ANNEXES ... 98

ANNEXE A : FORMULAIRE DE CONSENTEMENT ... 99

ANNEXE B : LISTE DES RESSOURCES D’AIDE AUX PARTICIPANTS ... 104

ANNEXE C : ANNONCE DE RECRUTEMENT DES PARTICIPANTES ET PARTICIPANTS 105 ANNEXE D : GUIDE D’ENTREVUE AVEC UNE PERSONNE MEMBRE D’UNE ASSOCIATION ... 106

ANNEXE E : GUIDE D’ENTREVUE AVEC UNE PERSONNE NON MEMBRE D’UNE ASSOCIATION ... 109

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IX

ABRÉVIATIONS ET SIGLES

BAC : Bibliothèque et Archives Canada

CEFAN : Chaire pour le développement de la recherche sur la culture d’expression

française en Amérique du Nord

CDPDJ : Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse

DCCI : Direction des Communications du Ministère des Communautés culturelles

et de l’Immigration du Québec

MIDI : Ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion au Québec OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Économiques OIM : Organisation Internationale pour les Migrations

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REMERCIEMENTS

La réalisation de ce mémoire est le fruit d’un travail collectif. En effet, même s’il est le résultat de mes efforts et de mes sacrifices, plusieurs personnes y ont contribué, chacun à sa manière.

De la direction de l’École de Service social (Gilles Tremblay), en passant par la direction du programme de maîtrise (Valérie Roy) et la gestion des études (Nathalie Boisvert), j’ai reçu toute l’attention qu’un étudiant peut espérer. Merci également à tous les professeurs qui du 31 août 2015 à aujourd’hui ont accompagné mon cheminement à travers les cours. Vous êtes tous dans mon cœur!

Ma reconnaissance spéciale à ma directrice de recherche, Stéphanie Arsenault. Merci,

Stéphanie, pour la confiance que tu m’as faite, merci pour ta disponibilité, merci pour le témoignage de ta personne au service de ce qui nous rassemble en travail social : la dignité humaine et la justice sociale.

Je tiens également à remercier tous mes collègues de classe et de bureaux. Vous êtes de ses personnes qu’on aimerait rencontrer tous les jours.

Merci à toute la communauté universitaire, professeurs et étudiants de l’Université Laval. Vous, appartenant à différentes facultés, programmes et associations, qui avez partagé ma belle et riche expérience à l’Université Laval et qui y avez contribué. Merci à toutes les personnes que je ne nomme pas ici.

Enfin, un merci particulier à celui qui m’a donné la force et la santé de mener cette maîtrise à terme. Merci, mon Dieu, d’avoir gardé ton regard sur moi comme toujours. Merci pour la sagesse que tu as su m’inspirer hier et pour celle que tu m’inspireras encore demain. Je te bénis.

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Introduction

Les personnes immigrantes sont porteuses de culture, de codes de conduite et de valeurs qui imprègnent leur parcours de vie (Gherghel et Saint-Jacques, 2013). Ces codes de conduites, cultures et valeurs imprègnent la vie de ces dernières durant leur processus d’intégration en terre d’accueil (Legault et Rachédi, 2008). Ces mouvements de personnes que constitue l’immigration sont parfois suivis, pour certains immigrants, d’une organisation en communautés, aussi appelée association. Ce mode d’organisation de certains immigrants, souvent sur la base de leur origine nationale, tribale ou clanique, est une réalité notamment de l’immigration africaine (Kamdem, 2008).

Suivant les réalités de ces derniers en terre d’accueil, il peut s’agir entre autres de stratégies d’adaptation, d’intégration, de protection, de solidarité ou de stratégies de maintien du lien avec le pays d’origine (Ézéchiel, 2006). Cependant, ce mode d’organisation serait également lié aux difficultés que rencontrent les immigrants à s’intégrer à leur nouvelle société, ce qui pourrait être considéré comme un échec ou une insuffisance des politiques et des mesures mises en place par les pays d’accueil afin de favoriser l’intégration des immigrants (Legault et Rachédi, 2008).

Au Québec, alors que la région administrative de Montréal est réputée pour la densité et le nombre d’immigrants notamment originaires d’Afrique subsaharienne qui s’y installent ou prévoient de le faire, la ville de Québec fait de plus en plus partie des destinations privilégiées. Actuellement, elle regroupe une population non négligeable d’immigrants africains originaires d’Afrique subsaharienne, dont les Camerounaises et les Camerounais qui y forment le premier grand groupe (MIDI, 2015). Des 13 associations principales de Camerounais à l’échelle canadienne répertoriées par la représentation diplomatique du Cameroun à Ottawa, la ville de Québec en compte deux.

De ce fait, la présente étude vise à comprendre les raisons qui motivent la décision de certains immigrants camerounais à Québec à s’organiser en association. Il a pour thème général les « Dynamiques intracommunautaires des néo-Québécois provenant du

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Cameroun à Québec. » Nous aurons ainsi à l’étude la population des immigrants1 camerounais ayant le statut de résidents permanents ou de résidents temporaires établis à Québec. Il s’agit de répondre à la question : « Quelles sont les perceptions des immigrants camerounais par rapport aux enjeux reliés aux dynamiques intracommunautaires existant à Québec? » Cette question générale de recherche, qui constitue l’objectif général de cette étude, est subdivisée en trois questions spécifiques : 1- Pourquoi certains immigrants camerounais à Québec s’organisent en association? 2- Comment sont intégrés les nouveaux membres de ces associations? 3- Dans quelle mesure y transposent-ils à Québec les conflits ethniques vécus dans leur pays d’origine?

Pour y parvenir, nous inscrivons ce travail dans un paradigme constructiviste qui, selon Morris (2006), permet un questionnement centré sur un désir de compréhension d’un phénomène. Le présent travail, ayant pour base théorique la « théorie du parcours de vie », s’articule comme suit : dans le chapitre I, nous présentons la problématique qui nous intéresse et qui fait l’objet de ce travail. Dans le chapitre II, nous présentons le cadre théorique et conceptuel suivi et dans le chapitre III, nous présentons la démarche méthodologique de recherche que nous avons privilégiée. Cette partie est suivie du chapitre IV intitulé « Analyse des données » et enfin du chapitre V intitulé « Discussion des résultats ».

À la fin de ces différents chapitres, nous présentons une conclusion générale de cette recherche suivie des références bibliographiques ayant servi pour la réalisation de cette recherche. Nous joignons également à cette recherche une documentation en annexe au sujet du recrutement des participants, des considérations éthiques et de la collecte de données.

1 Dans cette étude, le masculin est régulièrement utilisé pour désigner les femmes et les hommes. La

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Chapitre I – PROBLÉMATIQUE

Cette recherche a pour objet l’étude des perceptions des immigrants camerounais par rapport aux enjeux reliés aux dynamiques intracommunautaires existant à Québec. Ce premier chapitre présente les aspects de la problématique qui nous conduisent à nous intéresser à cette réalité; il est subdivisé en plusieurs parties. Dans la première partie, nous présentons l’objet de l’étude. La deuxième partie présente la recension scientifique des écrits ayant un lien direct avec la problématique étudiée et ayant servi à argumenter la position du problème. Dans la troisième partie, nous présentons les limites de ces études et enfin, dans la quatrième partie, nous présentons la justification du choix de ce sujet.

1.1 Objet de l’étude

1.1.1 Aperçu de l’immigration au niveau mondial

La majorité des personnes immigrantes ne quittent pas leur pays ou leur continent pour le seul plaisir d’immigrer. L’immigration est une réalité très ancienne. Depuis le 19e siècle qui marque le début de l’industrialisation, elle a entraîné de grands mouvements de population des campagnes vers les villes à la recherche de meilleures conditions de vie par l’obtention d’un travail, qualifié ou non. Ces déplacements internes de personnes à la recherche de meilleures conditions de vie ont transcendé les frontières. Ces déplacements sont aujourd’hui, de ce fait, appelés « immigration internationale » (Blanc-Chaléard, 2001). Partant de cela, l’immigration est vécue de façon différente par chaque pays et chaque continent selon qu’il est à la fois une destination et un lieu d’origine ou seulement une destination ou seulement un lieu d’origine. Sachant que certains pays sont caractérisés par le départ de leur population, l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE, 2011) précise que parmi les destinations d’immigration pour les divers motifs évoqués plus haut, l’Europe, les États-Unis d’Amérique, l’Australie et le Canada figurent parmi les pays les plus convoités.

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Ainsi, selon Blanc-Chaléard (2001), l’Europe est caractérisée par une immigration interne et internationale non négligeable. Bülent pense que « les causes et les raisons du mouvement migratoire au 20e siècle en Europe affichent une telle variété qu’aucune typologie de classification ne pourrait prétendre être exhaustive […] » (2002, p. 27). Ainsi, 1914 marque selon lui, le début de la visibilité de l’immigration en Europe. Cette visibilité de l’immigration a progressivement pris de l’ampleur avec les années (Blanc-Chaléard, 2001). Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM, 2016), pour les 14 premiers jours de l’année 2016, ce sont 23 664 personnes immigrantes qui sont arrivées clandestinement sur le territoire européen. De même, selon Eurostat (2016), ce sont 3,4 millions de personnes qui ont immigré en Europe entre 2013 et 2014. La même source souligne que 33,5 millions des résidents en Europe étaient nés à l’étranger et que l’âge médian de ces immigrants était de 28 ans.

En Océanie, l’Australie fait office de leader continental tant sur le plan économique, académique que sécuritaire. En 50 ans, selon la Banque mondiale et Perspective Monde de l’Université de Sherbrooke (2016), le pays a connu une croissance en immigration de 96 %. Entre 1962 et 2012, le pays a enregistré « une moyenne annuelle de 571 593,18 » personnes immigrantes venues s’établir, travailler, étudier ou sont venues en tant que réfugiées. En dépit de certaines similitudes des motifs d’immigration, chaque pays aborde l’accueil d’immigrants de façon différente en fonction de son histoire et de ses besoins. Malgré certaines ressemblances des raisons d’immigration, l’immigration est vécue différemment par les pays de destination en fonction de leur histoire.

1.1.2 Aperçu de l’immigration au Canada et au Québec

À la suite des restrictions mises en place pour favoriser l’arrivée d’immigrants venus d’Amérique et d’Europe jusque dans les années 1860, la présence africaine au Canada et au Québec durant cette période s’est limitée aux esclaves. En 1689, à la demande de Jean-François Ruette d'Auteuil (1658-1737), procureur général du Conseil souverain dès 1681, Louis XIV autorise l’importation d’esclaves noirs vers la Nouvelle-France, cela, en raison de la rareté d’une main-d’œuvre domestique et ouvrière peu couteuse et soumise.

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Désormais, le « Code Noir »2 de 1685 promulgué par Louis XIV s'appliquait en Nouvelle-France. « Mais c'est en 1709 qu'une ordonnance de Jacques Raudot, intendant de la Nouvelle-France de 1705 à 1711, a légalisé l'esclavage dans la colonie. Bien que l'importation d'esclaves noirs ait reçu la sanction royale, il n'y eut jamais au Canada d'importation massive » (CEFAN, 2016).

Les esclaves du Canada étaient composés d'Amérindiens et de Noirs. Au Québec, ils étaient surtout concentrés à Montréal (63 %) et à Québec (33 %), mais il y en avait un nombre important à Détroit (Pays-d'en-Haut)3.

Les esclaves servaient principalement comme domestiques. En général, les propriétaires avaient un ou deux esclaves pour « faire bonne figure ». Durant cette période, « un Noir valait en principe deux Amérindiens » (CEFAN, 2016). Si les esclaves étaient rapidement francisés, ils demeuraient en général illettrés. Selon Bibliothèque et Archives du Canada « la première personne de race noire arrivée au Canada était un africain nommé Mathieu da Costa; il arrive en 1608 et agit en tant qu'interprète des Indiens Micmacs pour le gouverneur de l'Acadie » (2016). Selon le BAC (2016), plusieurs milliers d’Africains sont arrivés au Canada entre le 17e et le 18e siècle comme esclaves. Durant la Révolution américaine de 1775 à 1783, le Canada, alors sous domination britannique, promit aux noirs esclaves la liberté et l’égalité de droits en échange de leur service militaire. Après cette révolution américaine, les autorités britanniques accueillent, plus de 3 000 esclaves et Noirs libres qui sont demeurés loyaux envers la Couronne (2016). La même source indique que « Ces Loyalistes de race noire rejoignent plusieurs autres Loyalistes en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à l'Île-du-Prince-Édouard. »

2 Le Code noir selon le CEFAN (2016) est un « Recueil d'édits, déclarations et arrêts concernant les esclaves

nègres de l'Amérique ». « Il existe deux versions du Code noir. La première version a été élaborée par le ministre Jean-Baptiste Colbert (1616 - 1683). Il fut promulgué en mars 1685 par Louis XIV. La seconde version fut promulguée par Louis XV au mois de mars 1724. Les articles 5, 7, 8, 18 et 25 du Code noir de 1665 n'ont pas été repris dans la version de 1724. »

3 L'expression « Pays-d'en-Haut » se rapportaient à toute la région au nord du Saint-Laurent et « à l'ouest

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Bien que le Canada n’ait pas été un acteur direct de la traite transatlantique d’esclaves, l’esclavage au Canada était légal jusqu’en 1834 (UQTR, 2016). Ainsi, les premières traces africaines dans l’histoire du Canada, et plus précisément du Québec, remontent à 1689 (CEFAN, 2016).

En 1907, le Canada vit une forte récession économique. Sa participation à la Première et à la Seconde Guerres mondiales le rend vulnérable tant sur le plan démographique qu’économique. Son désir de redevenir compétitif fait apparaître un manque crucial de main-d’œuvre dans les années 1960, ce qui le conduit à progressivement augmenter le nombre d’immigrants venus des autres régions du monde. Dans la même continuité de cette ouverture d’accueil en nombre plus important d’immigrants des pays des autres régions du monde, le gouvernement du Canada met fin au système d'immigration basée sur la discrimination raciale en 1967. Ce qui a conduit à une augmentation importante du nombre d’immigrants africains sur le territoire canadien (BAC, 2016).

Selon Linteau et al. (1989, p. 63) cité par Legault et Rachédi (2008, p. 13), le Québec présente « un cas unique de double majorité-minorité » : les Canadiens francophones sont majoritaires au Québec, mais minoritaires à l’échelle de tout le Canada. Cette réalité, parmi d’autres, conduit le Québec à accentuer sa politique d’attraction d’immigrants francophones, notamment pour combler son déficit démographique, mais aussi pour stimuler son économie (DCCI, 1991). Cette immigration prend de l’ampleur dès 1980 avec l’arrivée des Haïtiens, des Européens de l’Est, des Algériens et des Africains dans les années 1990 (Legault et Rachédi, 2008). La pluralité des origines culturelles de ces immigrants accueillis au Québec fait de lui un carrefour de l’interculturalité (Legault et Rachédi, 2008).

1.1.3 Présence africaine et première communauté noire au Québec

Entre 1834 et la fin du 19e siècle, bien que présents à Montréal, les noirs ne sont pas organisés en communautés. Selon le site Internet des archives de Montréal, il faut attendre le recrutement de ces derniers dans les projets de construction des chemins de fer

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pour voir naître les premières communautés. La première communauté se développe en 1897. Ce regroupement est favorisé par la concentration des travailleurs à proximité de leur lieu de travail, dans le quartier Saint-Antoine à Montréal aujourd’hui connu sous le nom de «Petite Bourgogne » (Germain et Poirier, 2007). Il conduit à la création de diverses organisations telles que le « Colored Women’s Club » en 1902 et l’« Union Congregational Church » en 1907. Malgré la création de l’« University Negro Improvement Association » en 1919 et de la « Negro Community Center » en 1927, la discrimination envers les Noirs reste constamment présente. Cela se manifeste notamment dans leurs droits sociaux et économiques : l’accès aux services de santé et aux services sociaux, l’accès au marché de l’emploi et à l’égalité salariale (Legault et Rachédi, 2007) sont les points majeurs de cette discrimination.

Dans les années 1960, l’organisation communautaire des immigrants prend de l’ampleur (Archives Montréal, 2016). Parmi les communautés d’immigrants, aussi connues sous la dénomination associations, qui seront créées quelques années plus tard, figurent les communautés d’immigrants originaires d’Afrique subsaharienne et notamment du Cameroun.

1.1.4 Immigration au Québec, dans la ville de Québec et Camerounais à Québec

L’immigration au Québec est une réalité priorisée par le gouvernement provincial. En 2015, selon le MIDI, 49 024 personnes immigrantes sont arrivées au Québec. Le nombre de personnes accueillies demeure conforme aux prévisions gouvernementales dans la mesure où les prévisions pour le Québec entre 2012 et 2015 étaient l’accueil de 48 500 à 51 500 nouveaux immigrants. Selon le MIDI :

« La part du Québec dans l’immigration canadienne est de 18,0 % pour l’année 2015, contre 19,3 % en 2014, le Canada dans son ensemble ayant admis 271 662 et 260 404 personnes immigrantes respectivement au cours de chacune de ces années. Aussi, le Québec se classe second après l’Ontario (38,1 %) parmi les principales provinces d’immigration canadienne. » (2016, p. 1)

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En 2014, la population du Québec était de 8 214 672 personnes et celle de la Capitale-Nationale de 731 838 habitants. Les immigrants accueillis dans la communauté métropolitaine de Québec4 entre 2005 et 2014 étaient de 20 379 personnes (MIDI, 2016). Selon le MIDI (2015), 19 080 d’entre eux résidaient toujours dans la Capitale-Nationale en janvier 2015. Le Cameroun fait partie des 10 premiers pays de naissance des immigrants accueillis dans la région de la Capitale-Nationale (MIDI, 2015). Ce pays est classé au 6e rang avec une population à Québec de 713 immigrants qui y résidaient encore en janvier 2015, ce qui représentait 3,7 % de la population des immigrants de la Capitale-Nationale. En janvier 2016, cette population est passée à 814 personnes, soit un pourcentage de 4,2 %. Il est ainsi le premier pays d’Afrique subsaharienne dont les immigrants dans la ville de Québec sont originaires.

1.1.5 Associations camerounaises au Québec et à Québec

Le Canada et le Cameroun présentent une particularité importante. Les deux pays ayant connus une présence à la fois française et britannique ont pour langues officielles l’anglais et le français. Tous deux membres à la fois de l’organisation internationale de la francophonie et du Commonwealth, le Canada et le Cameroun ont développé une coopération dans plusieurs domaines, dont l’éducation. Pendant plusieurs années et aujourd’hui encore, le Canada offre plusieurs bourses au gouvernement camerounais afin que certains de ses ressortissants (surtout ses fonctionnaires) puissent venir y suivre des études supérieures. Avec l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays en 1962 (Présidence de la République du Cameroun, 2014), soit deux ans après l’indépendance du Cameroun et deux ans après l’ouverture de l’immigration au Canada aux pays tiers (cf. p. 4-5), les Camerounais s’installent en grand nombre au Canada et plus particulièrement au Québec, comme résidents permanents et résidents temporaires.

4 La « Communauté métropolitaine de Québec regroupe 28 municipalités de la grande région de Québec (la

liste complète est disponible à : http://www.mamrot.gouv.qc.ca/repertoire-des-municipalites/fiche/mrc/235) »

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Parmi les associations d’immigrants originaires d’Afrique subsaharienne au Canada et au Québec, celles regroupant certains Camerounais présentent une particularité : « La diaspora camerounaise au Canada se caractérise par sa diversité, tel qu’en témoigne la pluralité d’associations à l’intérieur desquelles les Camerounais se regroupent » (http://www.hc-cameroon-ottawa.org/44/fr/Diaspora.html). En France, par exemple, les associations camerounaises sont nombreuses. Entre 1997 et 2007 Kamdem (2008) répertorie 1224 associations de Camerounais. Ces dernières étaient réparties de la manière suivante : 452 associations à caractère ethnique, 376 associations à caractère humanitaire, 269 associations à caractère économique et 27 associations à caractère politique. Les immigrants, tout en étant membres de ces associations, gardent bien présents les liens avec leur famille restée au Cameroun. Certains de ces immigrants sont d’ailleurs souvent pourvoyeurs financiers de la famille restée au Cameroun. La communauté qui représente une source multiforme de services pour l’immigrant est selon Kamdem (2008) une forme de famille en terre d’accueil. Il présente les communautés (ou associations) comme une ressource incontournable et donc essentielle aux immigrants dans leur société d’accueil. Ce caractère communautaire de l’immigration des Camerounais est traduit par l’écrivain camerounais John Mbiti qui présente la facette essentialiste et communautaire de l’immigration en ces termes : « Je suis parce que nous sommes et puisque nous sommes, je suis » (1972, p. 137).

Des 13 principales associations de Camerounaises et Camerounais répertoriées par la représentation diplomatique du Cameroun à Ottawa, la seule ville de Québec en compte deux. Ces associations sont respectivement composées d’une cinquantaine de membres. À l’intérieur de ces regroupements au Canada, nous retrouvons une vingtaine de sous-associations connues et fondées sur l’appartenance ethnique et linguistique en fonction de la région et du village d’origine au Cameroun.

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1.2 Recension des écrits

1.2.1 Difficultés d’intégration des immigrants et stratégies d’adaptation de ces derniers dans le monde et au Québec

L’immigration est un enjeu international majeur. Comme dans d’autres pays dont la Suisse et la France, les immigrants au Québec créent des organisations sociales en fonction de leur pays d’origine. Pour tenter de comprendre leurs motivations, Bolzman (2001), parlant de tous les pays qui accueillent des immigrants, souligne que l'intégration des immigrants relève des gouvernements des pays d’accueil des immigrants. Ces gouvernements ont selon lui, la responsabilité de faire participer tous les citoyens à ces efforts. Bolzman (2001) souligne que l’intégration des immigrants est aussi le mouvement d’individus déstructurés qui cherchent à retrouver une société nouvelle censée les protéger. Ainsi, toujours selon Bolzman (2001), les obstacles à l'intégration contribuent à leur déstabilisation qui entraîne, chez ces derniers, la mise en place de mécanismes de substitution.

Parlant du Québec, l’auteur précise que des études menées au Canada, plus précisément au Québec, et en France démontrent qu'il existe une hiérarchisation discriminante de la reconnaissance et de l’intégration des migrants sur le marché de l'emploi et de ce fait, à la société québécoise. Autrement dit, certains immigrants européens sont susceptibles d'avoir plus de facilité d’accès à un emploi stable et bien rémunéré au même titre que les Québécois. A contrario, un migrant originaire d'Afrique subsaharienne aura davantage de difficultés à se faire embaucher. Ainsi, pour Bolzman (2001), certaines catégories de migrants vivent une vulnérabilité plus que discriminante en raison de leur origine. Il souligne toutefois qu’après un long séjour de résidence, certains de ces immigrants peuvent obtenir la reconnaissance dont ils ont besoin.

Consacrant une partie de son étude à la situation des immigrants au Québec, Bolzman (2001) et (Ézéquielles, 2006), soulignent que cette reconnaissance semble facilitée pour certains par l’obtention d’un diplôme au Canada ou au Québec.

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Nonobstant cette possibilité, les discriminations à l’emploi se poursuivent pour certains immigrants même après avoir obtenu un diplôme au Canada (Mianda, 1998). Cette réalité est également décrite par (Eid (2012) dans une étude visant à « mesurer la discrimination à l’embauche subie par les minorités racisées. » Selon cette étude, à caractéristiques et à compétences égales, un candidat ayant un nom à consonance québécoise a au moins 60 % plus de chances d’être invité à une entrevue d’embauche contrairement à une personne dont le nom a une consonance africaine, arabe ou latino-américaine.

Ezéchielles (2006), quant à lui, s’interroge sur la manière dont les stratégies ou les mécanismes mis en place par les immigrants subsahariens influencent leur processus d’adaptation. En se penchant sur le cas particulier des immigrants maliens, sénégalais et guinéens qui, selon lui, vivent les mêmes difficultés d’adaptation à la société québécoise, il semble abonder dans le même sens que Bolzman (2001). Ils parlent des difficultés d’intégration comme les discriminations que vivent certains immigrants concernant l’accès au marché du travail et qui entraînent le repli sur soi. Toutefois, contrairement à Bolzman (2001) qui ne précise pas quels étaient les mécanismes individuels mis en place pour l’adaptation, Ezéchielles (2006) précise que l’intégration des immigrants à une société dépend premièrement de la volonté de chaque immigrant. Il rend ainsi l’immigrant premier responsable de son intégration à sa nouvelle société. C’est dans cette optique qu’il aborde les stratégies individuelles et collectives mises en place par les immigrants au Canada afin de s’insérer à la société dans laquelle ils ont choisi de vivre. Il continue en indiquant que les études permettant d’obtenir un diplôme dans le pays d’accueil favoriseraient une insertion sur le marché du travail. Le mariage avec une personne native du pays d’accueil et l’investissement dans une association constituent quelques-unes des autres stratégies d’intégration pour certains immigrants.

Cependant, Mianda (1998) affirme que le Canada est un pays fondé sur la diversité culturelle. En se référant à d’autres auteurs, elle abonde dans le même sens que Bolzman (2001) lorsqu’il dit que les immigrants originaires « des pays du Tiers-monde éprouvent plus de difficultés d’intégration que les immigrants d’origine européenne. » Mianda (1998) explique ces difficultés d’intégration rencontrées par ces immigrants par la peur des

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Canadiens de perdre leur culture et leur identité s’ils s’ouvraient grandement à la diversité. En effet, l’immigration prend de l’ampleur et certains immigrants restent attachés au modèle culturel de leur pays d’origine souligne Mianda (1998) en citant d’autres chercheurs (Langlois, Laplante et Levy, 1990). D’après les résultats de son étude, certains immigrants ne respecteraient pas les principes de base de la société d’accueil tels que l’absence de liens entre l’État et l’Église ainsi que l’égalité des sexes (hommes, femmes).

Contrairement à Ezéchielles (2006) et Bolzman (2001) qui dans leurs travaux ne précisent pas si les conclusions de leurs recherches pouvaient être appliquées différemment selon que l’immigrant est un homme ou une femme, Mianda (1998) précise que les femmes vivent les mêmes réalités que les hommes immigrants notamment en ce qui concerne leur éducation et l’accès à l’emploi dans la mesure où leur capacité à occuper certaines fonctions est mise en doute avant même qu’elles aient pu avoir une expérience. Mianda (1998) souligne que dans certaines situations, des usagers sont agréablement surpris de la qualité du service rendu par ces immigrantes. Les femmes immigrantes noires doivent faire face aux regards stéréotypés de certaines femmes blanches qui s’estiment supérieures aux immigrantes noires).

Selon Mianda (1998), le fait d’être immigrante africaine rendrait plus difficile la vie en société et notamment l’accès au marché de l’emploi. Les femmes vivraient donc des réalités bien plus discriminatoires que certains hommes. Elle précise que cette réalité favoriserait l’union conjugale entre les immigrantes et immigrants africains contrairement aux résultats des recherches menées par Ezéchielles (2006) qui envisageaient le mariage mixte comme l’une des stratégies individuelles mises en place par les immigrants en vue de leur intégration. Mianda, en poursuivant la présentation des résultats de son étude, développe que ces femmes immigrantes, par apport aux femmes originaire du pays d’accueil, « se sentent beaucoup plus solidaires des hommes de leurs communautés qui vivent les mêmes exclusions » (1998, p. 34). Pour elle, une association d’immigrants en terre d’accueil serait bénéfique pour l’intégration de ses membres à leur nouvelle société.

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Girard et Sercia abordent les habitudes alimentaires des immigrants dans leurs études « les transformations des pratiques alimentaires d’immigrants allophones de la région de Montréal ».

Selon eux, ces derniers, notamment ceux qui ont le plus de moyens financiers, « travaillent à recréer des nourritures familières, à trouver les moyens de les préparer et coopèrent afin de les rendre disponibles » (2014, p. 26). Ces auteurs mettent en avant le fait que les personnes immigrantes s’organiseraient en communautés parce que les réalités sociales et économiques du pays d’accueil, la solitude et le désir pour certains de se retrouver entre immigrants originaires d’un même pays les y contraignent.

Ezéchielles (2006) poursuit, quant à lui, en parlant des stratégies d’intégration mises en place par les immigrants et semble être du même avis que Girard et Sercia (2014) sur le fait que l’ensemble de ces stratégies transposées en terre d’accueil, loin d’être un moyen d’imposer leurs cultures, notamment alimentaires, demeurent un moyen de ne pas oublier qui ils sont et d’où ils viennent.

En conséquence, les pratiques alimentaires et la manière dont les aliments sont produits, vendus, transformés et consommés correspondent à ce que Girard et Sercia, appellent la « dynamique de l’ensemble des modèles alimentaires » (2013, p. 26). Pour Girard et Sercia (2013), cette « dynamique de l’ensemble des modèles alimentaires » fait référence à un processus impliquant plusieurs personnes et plusieurs institutions qui rendent disponibles les ingrédients et un savoir-faire culinaire nécessaires à la dégustation des repas traditionnels des pays d’origine des immigrants. Cela prend vie dans un espace à la fois « matériel et symbolique », faisant ainsi référence aux notions d’« étranger et [de] territorialité » développées par Kattan (2007). Il souligne, comme Mianda (1998) ainsi que Girard et Sercia (2014), que les immigrants sont à la recherche de meilleures conditions de vie. Ils arrivent à la conclusion que, même étant naturalisé citoyen, l’immigrant reste étranger de par ses origines. De ce fait, le stéréotype « étranger » fait référence à celui qui est différent. Cette différence, selon lui, se traduit entre autres par la couleur de peau, le langage parlé et la religion, et entraînerait une préférence d’établissement dans certaines régions plus que dans d’autres à l’intérieur d’un même pays dans la mesure où ils estiment

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qu’ils auront plus de facilité à se réaliser et à être reconnu à leur juste valeur : tant sur le plan social que professionnel. Pour certains, il y aurait plus de facilité à faire face aux difficultés qu’entraîne leur condition d’immigrants en vivant plus nombreux sur un même territoire et plus de difficultés à être dispersés sur le plan territorial.

Toutefois, Kattan (2007) souligne que ce mode d’organisation, en lien avec les travaux de Bolzman (2001), est un réel danger pour la société d’accueil et un facteur de discrimination mutuel (entre autochtones, « citoyens de souche » et immigrants). Cette situation, selon lui, permettrait de s’interroger sur le degré d’attachement et le sentiment d’appartenance à la terre d’accueil. Il souligne cependant que cela dépend des motifs d’immigration. Il affirme sur ce plan que les personnes exilées seraient moins portées à s’intégrer parce qu’elles auraient quitté leur pays d’origine par la force. Elles resteraient, de ce fait, fortement attachées à leurs idéologies, comparativement aux autres catégories d’immigrants qui seraient plus disposés à adopter les us et coutumes de leur terre d’accueil.

Toutefois, en joignant les résultats des travaux des autres auteurs mentionnés ci-dessus en ce qui concerne la réalité de l’organisation des immigrants en communautés ethniques et nationales, Kattan (2007) se démarque des autres auteurs en affirmant que les immigrants s’organisent en association parce qu’ils ne maîtrisent pas le mode et les règles de fonctionnement de la société d’accueil. C’est cela qui, selon lui, conduirait à ce que Mianda (1998) a appelé le repli sur soi, favorisant la création des communautés ethniques. À ce sujet, Labelle, Beaudet, Lévy et Tardif (1994), dans leur étude portant sur « La question nationale dans le discours de leaders d’associations ethniques de la région de Montréal », donnent la parole aux leaders des communautés qui sont pour eux des acteurs majeurs dans l’articulation entre dynamiques intracommunautaires et les liens avec le reste de la société québécoise; faisant ainsi ressortir, contrairement à tous les auteurs mentionnés ci-haut, le caractère structuré de ces communautés.

Beaudet, Lévy et Tardif soulignent, en citant Bourque et Duchastel, la nécessité d’envisager le Québec « comme un espace [social, régional, national] » (1994, p. 86). De même, ils soutiennent que cette représentation vise à se structurer dans un espace marqué

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par une culture particulière, au cœur d'une réalité spécifique québécoise, faisant ainsi référence à la notion de territoire abordée par Kattan (2007) qui renvoie à un espace de vie d’une population immigrante donnée.

Kattan (2007) ainsi que Beaudet, Lévy et Tardif (1994) pensent que certains Québécois seraient à la recherche de leur identité. De ce fait, certains immigrants n’auraient pas d’autre choix que de conserver la leur. D’après eux, en s’appuyant sur les discours des leaders d’associations ethniques à Montréal, le fait que les Québécois de souche soient à la recherche de leur propre identité serait l’un des motifs pour lesquels certains immigrants s’organisent en communautés; contrairement aux affirmations et hypothèses des travaux d’autres auteurs déjà évoqués.

1.2.2 Problèmes posés par l’organisation des immigrants en associations

Dans leurs différents travaux, Beaudet, Lévy et Tardif (1994) arrivent comme Kattan (2007) et Bolzman (2001) à la conclusion que ce mode d’organisation est problématique. Ils se basent sur les dissensions internes, mais aussi externes entre la société québécoise et les minorités culturelles qui la composent. C’est dans cette logique que Winter (2000) s’oppose à la vision essentialiste de la communauté telle que développée entre autres par Beaudet, Lévy et Tardif (1994) qui envisagent la communauté ethnique comme un moyen incontournable de se protéger des difficultés liées à la condition d’immigrant.

Winter (2000) affirme que le recours à la communauté ethnique ou à la solidarité ethnique contribue à l’exclusion sociale des immigrants membres des communautés ethniques. Ainsi, d’après elle, en traduisant la pensée de Max Weber, le meilleur moyen de s’intégrer à une société est d’affronter les réalités qui se présentent. Le recours à la communauté ethnique serait ainsi, selon elle, la principale raison expliquant ce qu’elle présente comme une fuite et un manque réel de volonté de s’intégrer à la société d’accueil (Weber, 1971 cité par Winter, E. 2000). Dans ce même ordre d’idées, Heine, Licata et Azzi (2007) s’interrogent sur la nécessité de s’organiser en communauté. Ils se questionnent aussi sur

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la nécessité de perpétuer en terre d’accueil les codes culturels du pays d’origine, notamment parce que cela exige quelques fois aux membres de ces communautés de vivre leur culture d’origine de façon bien plus stricte que dans leur pays d’origine.

Ces auteurs semblent affirmer, comme Winter (2000), que le contact fréquent avec le pays d’origine favorise la participation à une communauté ethnique. De ce fait, les règles, les codes culturels et les relations qui se développent ou sont imposés limiteraient l’immigrant dans son intégration à sa nouvelle société. Ces conclusions remettent en question certains résultats des travaux d’Ezéchielles (2006) qui semble présenter le contact avec la société d’origine par la communauté ethnique en terre d’immigration comme étant un élément facilitant ou permettant l’intégration des membres à la société d’accueil.

De plus, selon Heine, Licata et Azzi (2007), la communauté contribuerait au maintien de stéréotypes sur les immigrants; créant ainsi un ensemble de dommages à l’immigrant qui est souvent susceptible d’être confronté à des querelles ethniques internes nouvelles ou antérieures dans sa communauté; limitant parfois le contact avec le reste de la société. Ils posent d’une certaine manière la question de l’adhésion volontaire (non coercitive d’une tierce personne) des immigrants à une association et les répercussions positives ou négatives que cela pourrait avoir sur ces derniers.

Arsenault et Nadeau-Cossette (2013) analysent les facteurs influençant la constitution de liens entre compatriotes immigrants issus de pays ayant connu de violents conflits internes. Dans cette étude, les auteures abordent la question des motivations des immigrants et des réfugiés originaires des pays en guerre ou ayant connu la guerre, à participer ou non à une communauté ethnique. Dans un contexte québécois, les facteurs économiques, les facteurs professionnels et la différence de cultures de la société d’accueil d’avec celle du pays d’origine des immigrants et réfugiés à laquelle s’ajoute pour certains d’entre eux la barrière linguistique tel que mentionné plus haut a un effet sur leur processus d’intégration. Arsenault et Nadeau-Cossette (2013), parlant spécifiquement des immigrants et des réfugiés originaires des pays en guerre ou ayant connu la guerre, indiquent qu’un certain nombre de facteurs favorisent ou non l’adhésion à une communauté ethnique. Selon

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les auteures, ces facteurs sont les « allégeances politiques et idéologiques, les identités claniques, ethniques ou religieuses, le fait même de se trouver en exil, l’existence de préjugés ou de stéréotypes à l’endroit des immigrants, la taille et la concentration territoriale de la population immigrante concernée ainsi que d’autres facteurs d’ordre personnel comme l’âge des immigrants, leur niveau de scolarité, leur origine urbaine ou rurale, leur situation économique et leur classe sociale ainsi que leur statut migratoire » (2013, p. 11).

Pour certains, ces facteurs peuvent être considérés comme des avantages, mais aussi comme des inconvénients pour d’autres ; selon qu’ils partagent ou non les mêmes opinions, qu’ils appartiennent au même clan, à la même ethnie ou encore, qu’ils soient originaires de territoires urbains ou ruraux. Ainsi, les stratégies d’intégration mises en place par certains immigrants et réfugiés passent par la réinvention du sens de la communauté sans lequel ils seraient sans repères (Blackwell, 1993; Eastmond, 1998; Remington Lucken, 2010 cité par Arsenault et Cossette, 2013). Par contre, d’autres immigrants et réfugiés décident simplement d’éviter tout contact avec les immigrants et réfugiés ayant les mêmes origines qu’eux dans la mesure où, selon les résultats de cette étude, les problèmes du pays d’origine peuvent être transférés dans le pays d’immigration. La communauté peut ainsi être un facteur rendant difficile l’intégration. C’est ainsi que les auteures soulignent que certains des problèmes intracommunautaires trouvent leur fondement dans le vécu prémigratoire des immigrants et des réfugiés. Ces problèmes peuvent conduire à l’exclusion de certains immigrants et réfugiés de ces communautés.

Au terme de cette étude, les auteures concluent que l’apport de la communauté dans le processus d’intégration d’un individu est perçu de différentes façons par les immigrants. De ce fait, ce ne sont pas tous les immigrants et réfugiés qui souhaitent rejoindre une communauté ethnique ou culturelle. Dans certaines circonstances, les tensions du pays d’origine peuvent continuer à alimenter les relations entre immigrants conduisant certains d’entre eux à éviter tout contact avec les personnes de leur pays d’origine.

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Au terme de ce raisonnement, une question a émergé. Il s’agit pour nous dans ce travail de répondre à la question : « Quelles sont les perceptions des immigrants

camerounais par rapport aux enjeux reliés aux dynamiques intracommunautaires existant à Québec? »

1.2.3 Limites de ces études

Bien qu’abordant les réalités des immigrants ainsi que les motifs possibles de leur organisation en associations, l’ensemble de ces études n’abordent pas la question des associations d’immigrants dans la ville de Québec. Toutefois, si certaines d’entre elles parlent du Québec, elles se sont limitées à la seule ville de Montréal. La seule étude à Québec concernant un sujet se rapprochant de la problématique qui fait l’objet de la présente étude s’est limitée aux immigrants et aux réfugiés ayant spécifiquement connu un épisode de guerre dans leur pays.

Même si les études présentées s’accordent sur certains points traitant des motifs qui conduisent les immigrants à s’organiser en association sur la base de leurs origines nationales, tribales et ethniques, la question des associations néo-québécoises provenant d’Afrique subsaharienne à Québec et les dynamiques à la fois individuelles et collectives qui sous-tendent la formation de ses associations restent peu étudiées.

1.2.4 Justification du choix du sujet 1.2.4.1 Pertinence scientifique

En plus d’être un exercice exigé dans notre programme de formation de maîtrise en service social, nous estimons que la réalisation de ce mémoire sur cette problématique à Québec s’avère nécessaire sur le plan scientifique. En effet, la problématique de l’immigration est aujourd’hui une réalité internationale majeure. L’organisation associative des immigrants dans leurs pays d’accueil semble de plus en plus intéresser les chercheurs dans la mesure où comprendre les processus conduisant à cette organisation

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associative des immigrants et les dynamiques internes à celles-ci apparaît majeur afin d’y apporter des réponses adéquates tant sur le plan politique que professionnel.

Dans le cas du Canada et plus particulièrement du Québec, la majorité des études sur l’immigration ont été réalisées principalement dans la région de Montréal. Par conséquent, il n’existe pas encore une diversité suffisante d’études portant sur la ville de Québec pouvant conduire à une vue d’ensemble sur la réalité de l’organisation associative des immigrants, notamment ceux originaires d’Afrique subsaharienne, et plus précisément du Cameroun à Québec.

Partant de ce constat que nous avons fait durant le processus de recension des écrits, ce mémoire permettrait dans un premier temps d’apporter des éléments supplémentaires visant à documenter cette réalité dans la ville de Québec. Ensuite, elle pourrait mettre en évidence d’autres aspects spécifiques de cette réalité et, de ce fait, orienter certaines études futures qui permettraient de mieux cerner les réalités des immigrants notamment africains à Québec. Cela pourrait alors permettre d’ajuster les politiques et les programmes dirigés vers cette population tout en donnant lieu à la mise en place de techniques d’intervention spécifiques pour les personnes membres de ce type d’associations.

1.2.4.2 Pertinence sociale

Dans une perspective sociale, la réalisation de ce mémoire sur ce thème contribuera selon nous à sensibiliser et outiller les travailleurs sociaux tout comme les différents intervenants sociaux à la fois du secteur public et du secteur privé sur les réalités de ces immigrants. L’objectif est de fournir des connaissances permettant d’ajuster leurs pratiques auprès de cette population tout en permettant la création d’espaces de dialogues inclusifs entre les différents acteurs sociaux, sous l’égide des travailleurs sociaux.

Dans la revue de la littérature présentée, il est fait état de discrimination, de racisme ou de préjugés chez une partie de la population québécoise vis-à-vis certains immigrants. En vue de lutter contre cela, nous pensons que les résultats de ce travail pourraient constituer un

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support pour la mise en œuvre d’actions et d’outils (par les différentes instances compétentes du secteur privé et public) visant à lutter contre la discrimination ; partant du fait qu’elle apporte des informations nouvelles sur la connaissance de cette réalité à Québec. Les actions qui pourront être prises viseraient par exemple la vulgarisation des résultats de cette étude auprès de différents acteurs sociaux et de la population ; l’évaluation des mesures et des politiques sociales mises en place (cela en tenant compte de la théorie du parcours de vie utilisée comme base théorique dans ce travail qui, selon Elder, Johnson, et Crosnoe (2005), permet également d’évaluer les politiques sociales) et l’évaluation des services offerts aux immigrants nouvellement arrivés et à ceux installés depuis plus longtemps.

Cela permettrait également de lutter contre l’isolement social des immigrants prévenant l’éclatement d’éventuels conflits majeurs à l’intérieur de ces communautés en vue d’une meilleure cohésion sociale à Québec.

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Chapitre II - CADRE THÉORIQUE ET CONCEPTUEL

Dans ce deuxième chapitre, nous abordons le cadre théorique et les définitions conceptuelles sur lesquelles repose cette recherche. Considérant que cette recherche s’inscrit dans une logique de compréhension des motivations des néo-Québécois originaires du Cameroun à s’organiser en association à Québec, nous avons choisi la théorie du parcours de vie qui « est actuellement vue comme une des orientations théoriques prépondérantes dans l’étude de la vie des personnes parce qu’elle propose une analyse “compréhensive” du développement individuel pour examiner les liens entre le changement social, la structure sociale et l’action individuelle » (Gherghel et Saint-Jacques, 2013, p. 86). Nous présentons tour à tour dans ce chapitre, le cadre épistémologique, le cadre théorique, le cadre conceptuel, la proposition de recherche et, enfin, le tableau d’opérationnalisation des objectifs de cette recherche.

2.1 Cadre épistémologique 2.1.1 Constructivisme

Le constructivisme est un paradigme qui, en recherche qualitative, propose un processus d’analyse basé sur la compréhension du problème étudié. Dans ce processus, le chercheur n’est ni totalement neutre ni extérieur à son objet d’étude et, de ce fait, n’est pas détenteur de vérités absolues. Dans cette perspective, le chercheur est davantage un interprète ou un médiateur de sens et, dans certains cas, il est un passeur de mots ou un facilitateur, un collaborateur égal aux participants (Bernier, 2005).

Concrètement, le chercheur utilise une structure d’entrevue souple (semi-dirigée ou non). Il emploie des questions ouvertes et il met l’accent sur la reformulation des propos de ses interlocuteurs, cela afin de s’approcher de la compréhension de ces derniers. Ainsi, une étude basée sur un paradigme constructiviste peut être une étude descriptive, comparative, compréhensive, interprétative ou évaluative. Les questions de recherche typiques concernent les motivations, les buts, les attentes, les aspirations auxquels s’ajoutent les

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stratégies, les logiques d’action, les perceptions, les représentations, les significations, les croyances, les opinions et les attitudes qu’ont les participants vis-à-vis du problème étudié. Il s’agit donc d’un processus interactif.

Dans une recherche constructiviste, le chercheur s’appuie sur trois sources d’informations que sont les savoirs expérientiels et formels du chercheur, les écrits scientifiques (empiriques et théoriques) et les informateurs-clés (Colloque « Constructivisme et éducation », 2009).

Le constructivisme permet ainsi une démarche, un questionnement critique des connaissances actuelles sur le sujet; une construction intellectuelle des connaissances qui permet au chercheur de se démarquer de l’adhésion systématique à des connaissances scientifiques déjà existantes. Elle permet au chercheur d’avoir une vision holistique de son objet d’étude et d’argumenter clairement les fondements de ses choix ainsi que les procédures utilisées pour établir la légitimité de la recherche.

2.2 Cadre théorique

Partant de notre intérêt pour les motivations et la perception individuelles des membres de ces associations, notre préférence par rapport aux choix épistémologiques s’inscrit dans une vision subjective en référence à l’épistémologie du sujet. À l’intérieur de ce cadre scientifique, une théorie a retenu notre attention : il s’agit de la théorie du parcours de vie.

2.2.1 Théorie du parcours de vie

Le parcours de vie est l’étude multidisciplinaire (Gaudet, 2013; Sapin et coll., 2007) et interdisciplinaire du déroulement des vies individuelles (Lalive d’Épinay et coll., 2005; Levy et coll., 2005). D’après la présentation faite par Gherghel et Saint-Jacques (2013), la théorie du parcours de vie est une orientation théorique prépondérante dans l’étude de la vie des personnes. Elle propose une analyse compréhensive du développement individuel

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pour examiner les liens entre le changement social, la structure sociale et l’action individuelle et collective et peut ainsi être considérée comme un paradigme (Sapin et coll., 2007).

Le parcours de vie, pris comme un paradigme, est un cadre général d’orientation du chercheur dans les choix méthodologiques devant guider sa recherche (Hesse-Biber et Leavy, 2004). Ses choix méthodologiques orientent également la détermination de sa question de recherche et le cadre conceptuel de sa recherche.

Considérant qu’immigrer implique un ensemble de bouleversements, un quasi-départ à zéro dans la vie de la personne qui décide de quitter son pays, et ce, quelles que soient les raisons qui ont motivé la décision d’immigrer (Legault et Rachédi, 2008), la perspective transdisciplinaire du parcours de vie que nous présentons nous semble appropriée pour cette étude. En effet, elle s’inspire des résultats de plusieurs domaines d’études des sciences sociales et prend en compte tant des processus sociologiques, psychologiques que démographiques. Elle tente notamment de répondre à la question : « comment les individus sélectionnent-ils et construisent-ils leurs environnements sociaux? » (Gherghel et Saint-Jacques, 2013, p. 3). Cela pourrait nous conduire à répondre à la question du pourquoi en partant du principe que « l’analyse des problèmes sociaux est aujourd’hui au cœur de la formation de plusieurs disciplines en sciences humaines, notamment en sociologie et en travail social » (Vatz Laaroussi, 2009, p. ii).

Ainsi, la dimension sociohistorique des personnes prises individuellement, puis collectivement en lien avec cette théorie nous a aidé à découvrir ce qui motive le besoin et la décision de s’organiser et d’adhérer à une communauté (à une association) en terre d’accueil, surtout lorsque celle-ci est fondée sur certains critères d’adhésion telle que présentée dans la recension des écrits.

La théorie du parcours de vie nous a permis de trouver le cadre de référence de la globalité en partant du particulier, car les expériences de chaque individu peuvent influencer le fonctionnement des individus à l’intérieur d’un groupe donné d’immigrants

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(Ezéchielles, 2006). La théorie du parcours de vie accorde une place importante à l’approche qualitative et aux discours des personnes interviewées. À l’intérieur de la théorie du parcours de vie, plusieurs applications, méthodologies et approches existent. Des efforts ont été déployés pour montrer la complémentarité et la convergence (Elder et coll., 2004) des approches élaborées dans différents champs d’études, tout en intégrant un aspect interdisciplinaire (Levy et coll., 2005). Cette théorie dont le concept central est « le parcours de vie » consiste à analyser l’ensemble des séquences d’évènements vécus par une personne (Gherghel et Saint-Jacques, 2013). Cet ensemble d’évènements analysés au présent est ainsi réalisé sur la base d’un axe historique qui imprègne les décisions prises par chaque personne immigrante (Legault et Rachédi, 2008).

Cette analyse a été faite à la lumière des cinq principes que comprend cette théorie et qui ont imprégné toute la démarche méthodologique de cette recherche. Nous avons mis l’accent particulièrement sur l’adaptation des instruments de collecte de données aux principes de la théorie. Ces principes sont les suivants :

Le développement se fait tout au long de la vie d’un individu. Pour comprendre

ce qui conduit une personne à intégrer un groupe donné à un endroit donné, il faut tout d’abord chercher à comprendre les raisons pour lesquelles cette personne s’y trouve ainsi que les possibles difficultés que cette personne y a rencontrées.

L’individu est capable d’intention et de faire des choix. La difficulté ou la

facilité d’intégration à une nouvelle société est subjective à chaque individu (Ezéchielles, 2006). Cela partant du principe que les expériences du passé et le contact à la nouvelle société sont uniques et vécus de façon individuelle par chaque immigrant. Ainsi, le désir d’appartenir à un groupe peut être ou ne pas être relié à une nécessité selon les individus et leurs expériences. La personne immigrante a donc la capacité de construire certains aspects de son parcours de vie par des choix et des actions, tout en tenant compte à la fois des contraintes auxquelles elle est confrontée et des possibilités qui s’offrent à elle (Gherghel et Saint-Jacques, 2013).

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Les expériences de la vie dans le temps et l’espace sont les facteurs de convergence. Bien que les expériences soient subjectives, des personnes, du fait de leurs

similitudes, peuvent vivre extérieurement des réalités semblables qui les rapprochent (Mianda, 1998). Selon Germain et Poirier (2007), la présence d’immigrants ayant les mêmes origines en un même lieu favoriserait l’organisation de ces derniers en associations.

La temporalité des évènements de la vie. Comme développé par Gherghel et

Saint-Jacques (2013, p. 23), le « fait ponctuel, qui peut être enregistré à un moment précis et qui concerne un individu, dans un temps et un espace particuliers » indique que l’individu a la capacité de prendre plus ou moins souverainement ses décisions. La décision pour une personne immigrante de faire partie d’une association peut ainsi être une phase passagère de son intégration à une nouvelle société et à ses réalités ou encore être une action constante de son vécu.

Les vies sont interreliées entre elles. Les réalités de la vie des individus et de la

vie en société font en sorte que ce qui peut être décidé par une personne affecte également son réseau social (Gherghel et Saint-Jacques, 2013). Les individus décident en général en fonction de ce qui leur est favorable ou non. Ils tiennent compte ou non des suggestions qui leur sont faites. La décision de se mettre ou de ne pas se mettre en communauté dépendrait donc de ce qu’un individu attend ou estime pouvoir ou non obtenir. Il est aussi probable que ce choix soit lié à une habitude culturelle du pays d’origine à s’organiser en associations sans pour autant que cela soit justifié par l’existence d’un problème ou plusieurs problèmes particuliers (Kamdem, 2008).

À la lumière de cette théorie, nous nous sommes intéressés au vécu prémigratoire, migratoire et postmigratoire de chacun des participants à cette recherche. Ces différents aspects ont formé les grandes lignes de nos guides d’entrevues.

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2.3 Cadre conceptuel

Pour ce travail de recherche, nous avons utilisé un certain nombre de concepts (dynamique intracommunautaire, néo-Québécois, association et communauté) qui ont été identifiés à partir de notre question de recherche ; de la théorie du parcours de vie et dont nous précisons ici le sens dans lequel ils doivent être compris dans le cadre de ce travail.

2.3.1 Dynamique intracommunautaire

La dynamique est un « Ensemble de forces qui entraîne, provoque un mouvement, une évolution à l'intérieur d'une structure » Larousse en ligne (2015). Il s’agit des facteurs positifs ou négatifs, existant ou non et produisant des effets dans les relations entre deux instances. D’après ce même dictionnaire, le terme intra est un « Préfixe indiquant la présence à l'intérieur de quelque chose. » Quant à la communauté, pour Sarason (1974) cité dans Arsenault et Cossette (2013), elle peut être définie comme « le sentiment d’appartenir et de faire partie d’un réseau de support et de relations sur lequel on peut s’appuyer ». Dans le cadre de cette recherche, nous nous intéresserons uniquement aux communautés ethniques camerounaises et nous excluons toutes les autres formes d’associations dans lesquelles pourraient évoluer des Camerounais.

Ainsi, en nous basant sur les travaux des chercheurs mentionnés plus haut, nous avons retenu la définition de la dynamique intracommunautaire comme étant la réalité des mécanismes de vie ou de survie et des liens existants entre des immigrants à l’intérieur d’un groupe d’immigrants en particulier en terre d’accueil.

2.3.2 Le parcours de vie

Le parcours de vie est selon Gherghel et Saint-Jacques, « une séquence d’événements qui se déroule en fonction des groupes d’âge et qui est socialement définie et ordonnée dans le temps et le contexte historique ». Cette définition met en avant deux éléments fondamentaux présents dans l’approche : « relier le développement individuel

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