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Motivations de la création et de l’organisation en associations à Québec

Chapitre V DISCUSSION DES RÉSULTATS

5.2 Motivations de la création et de l’organisation en associations à Québec

Les résultats de cette étude révèlent que la vie associative des néo-Québécois originaire du Cameroun à Québec est dense. Les buts de ces associations sont variés. Cette constatation, Kamdem (2008) en fait déjà mention lorsqu’il parle de la vie associative de la diaspora camerounaise en France, notamment. La représentation diplomatique du Cameroun à Ottawa fait le même constat lorsqu’elle dit que « la diaspora camerounaise au Canada se caractérise par sa diversité, telle que le témoigne la pluralité d’associations à l’intérieure desquelles les Camerounais se regroupent. » (http://www.hc-cameroon- ottawa.org/44/fr/Diaspora.html). Toutefois, alors que cette dernière indique à Québec la présence de deux associations, les résultats de cette étude révèlent un nombre plus important d’associations de Camerounais. Celles-ci ne sont pas toutes enregistrées auprès du Registraire des entreprises du Québec et de cette représentation diplomatique.

Comme développé par Gherghel et Saint-Jacques, le « fait ponctuel, qui peut être enregistré à un moment précis et qui concerne un individu, dans un temps et un espace particulier » (2013, p. 23) indique que l’individu a la capacité de prendre plus ou moins souverainement ses décisions.

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Il ressort des résultats de cette étude que la décision des immigrants camerounais à créer et à faire partie d’une association a pour dénominateurs communs les difficultés rencontrées comme immigrants lorsque, pour certains, les réalités contextuelles ne répondent pas et ne coïncident pas à leur imaginaire.

Ainsi, devenir membre d’une association de Camerounais à Québec est important pour l’ensemble des participants à cette étude. « Les expériences de la vie dans le temps et l’espace » sont alors « facteurs de convergence » comme l’indique la théorie du parcours de vie. Les difficultés d’intégration à une nouvelle société ou les facteurs facilitant celle-ci tels que développés par Ezéchielles (2006) sont subjectifs. Ils ont toutefois une influence sur plus d’une personne. Les stratégies d’adaptation afin d’y faire face sont alors des facteurs qui rapprochent certains immigrants tels que développés par Mianda (1998). Ces similitudes et le désir de les vivre en groupe sont, comme le démontrent les résultats de cette étude, renforcés par la présence d’un nombre considérable d’immigrants ayant les mêmes origines dans un espace donné. C’est ce que Kattan (2007) appelle la territorialité, territorialité que Kattan (2007) perçoit comme un danger pour la société d’accueil. Pour lui, il s’agit de ce que Mianda (1998) semble appeler le repli sur soi de la part des immigrants. Ce repli sur soi selon Kattan (2007), est aussi, pour lui, une expression de la fracture sociale et un signe que certains immigrants ne maîtrisent pas le mode et les règles de fonctionnement de leur société d’accueil. La conséquence de ce repli sur soi serait alors à l’origine de l’organisation en associations ethniques des immigrants.

C’est dans cette logique qu’Heine, Licata et Azi (2017) s’interrogent sur la nécessité pour les immigrants à s’organiser en associations. Pour Winter (2000), l’organisation en associations et le recours des membres à celles-ci contribuent à l’exclusion sociale de ces derniers. Elle envisage les associations d’immigrants comme un moyen de fuite face à la réalité alors que Beaudet, Lévy, Tardif (1994) et Bolzman (2001) l’envisagent comme un moyen de protection face aux difficultés qu’entraîne l’immigration.

Du point de vue des immigrants, notamment camerounais tel que le démontrent les résultats de cette étude, s’organiser en associations avec des critères d’adhésion propres n’est pas

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un signe de repli sur soi entraînant la fracture sociale ou encore un signe de méconnaissance de leur part, du mode de fonctionnement et des règles de la société québécoise. Ils sont bien informés des règles de la vie québécoise et c’est pour cela qu’ils organisent des séances d’informations dans les associations afin de les diffuser aux nouveaux venus. Selon eux, il s’agit au contraire d’une stratégie visant à ne pas renier leur origine et à trouver ensemble les moyens de parvenir à leur intégration individuelle à travers le groupe. Cela partant de leur vécu individuel dont les nombreuses similitudes se rejoignent et permettent le partage de ces différentes expériences individuelles.

Ce partage d’expériences individuelles en groupe vise également leur intégration sociale et économique afin de contribuer au développement de Québec en s’appuyant sur leur identité et sur la solidarité mutuelle qu’ils se témoignent. Il s’agit ainsi des principales raisons motivant leur organisation en associations à Québec. Nonobstant ces raisons, telle que développé par Kamdem (2008), l’organisation associative des immigrants peut aussi être une habitude de fonctionnement dans le pays d’origine.

C’est ce que certains participants relèvent dans cette étude; surtout lorsqu’au Cameroun, ils ont résidé dans une province autre que leur province natale. Cela dénote ainsi un caractère culturel de l’organisation en associations des immigrants.

Partant de cela, « les vies sont interreliées entre elles » comme le pense Gherghel et Saint- Jacques (2013). Les difficultés ou les joies individuelles deviennent communes au groupe qui cherche à trouver des solutions, dans la mesure où les problèmes et les joies des uns deviennent ceux des autres. C’est ce que les participants à cette étude appellent la

solidarité camerounaise.

Néanmoins, ce ne sont pas tous les immigrants camerounais à Québec qui adhèrent à une association; même si le désir y est présent. Comme le démontrent les résultats de cette recherche et comme développé dans la théorie du parcours de vie, les individus sont capables d’effectuer des choix. Ces choix, ils les font en général en fonction de ce qui leur est favorable ou non. Ils tiennent ainsi compte des suggestions reçues et donc, de l’information reçue ou de leur expérience.

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Ce qui conduit, dans cette étude, certains membres de ces associations à se retirer dès le moment où ils estiment que le groupe ne répond plus à leurs intérêts.

La décision pour une personne immigrante de faire partie d’une association peut ainsi être une phase passagère de son intégration à une nouvelle société et à ses réalités. La durée de cette phase passagère peut alors varier selon les individus et/ou l’aide reçue du groupe. Tout semble également dépendre du degré de liberté que le groupe offre à la personne dans sa prise de décisions. En effet, le désir d’être totalement indépendant et libre afin d’effectuer leurs propres choix fait émerger l’idée de l’emprise que pourrait avoir une association ethnique sur la vie des membres. Si cela est vrai dans le pays d’origine, cela l’est également à l’intérieur de certaines associations dans le pays d’immigration. C’est ce que démontrent les résultats de l’étude réalisée par Arsenault et Nadeau-Cosette (2013) sur les « Facteurs influençant la constitution de liens entre compatriotes immigrants issus de pays ayant connu de violents conflits internes ».