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Chapitre IV PRÉSENTATION ET ANALYSE DES DONNÉES

4.2 Analyse des motifs de l’organisation en associations

4.2.1 Vécu migratoire

4.2.1.3 Vécu postmigratoire

4.2.1.3.3 Difficultés rencontrées

Sachant que tous les participants à cette étude sont arrivés à Québec en passant par la ville de Montréal, neuf sur dix n’ont jamais résidé plus de six mois dans une autre ville que Québec. Le seul participant qui a résidé plus d’une année dans une autre ville québécoise l’a fait en raison des études. Malgré le bon accueil et toutes les précautions prises par les immigrants afin de réussir au mieux leur vie à Québec, ils ne sont pas à l’abri de certaines réalités.

Ces immigrants camerounais à Québec, dans leur vie professionnelle, travaillent pour le gouvernement provincial pour certains (deux), dans des organismes communautaires (un) ou au privé (un). Les autres sont étudiants (cinq) ou à la recherche d’un emploi (un).

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Dans leur processus de recherche d’emploi, l’idéal serait pour les immigrants de trouver un travail dans un domaine correspondant à celui de leurs formations. Cependant, faute de pouvoir en trouver, certains se sentent obligés de travailler dans des domaines non spécialisés. Ces emplois non spécialisés leur seraient beaucoup plus accessibles comme l’exprime Ernestine NM :

« Cela fera bientôt un an que je suis arrivée à Québec et je n’ai toujours pas trouvé d’emploi dans mon domaine. Tout ce que j’ai fait jusqu’à présent, c’est travailler comme [non de l’emploi déqualifié]. C’est un emploi que j’ai pu trouver facilement. Je me souviens avoir postulé vers 10 h. À 14 h, je passais l’entrevue et, le lendemain, je commençais à travailler. Je constate que c’est le genre d’emploi qui est fait pour nous, les immigrants au Québec. » (Ernestine NM)

Cette déclaration illustre également la prise de conscience qu’avoir immigré à Québec ou avoir obtenu un diplôme québécois n’est pas suffisant pour s’insérer professionnellement dans cette société. Toutefois, tous ne rencontrent pas de freins majeurs à leur insertion. De ce fait, l’insertion professionnelle comme l’intégration à la vie à Québec semble très subjective à chaque immigrant, même si pour la majorité le parcours pour y parvenir n’est pas facile. Ainsi, sur les dix personnes ayant participé à cette étude, seulement deux ont déclaré ne pas avoir rencontré de difficultés majeures limitant ou retardant leur intégration à Québec. Ces derniers déclarent d’ailleurs occuper des postes à responsabilités dans leur lieu de travail. Par contre, pour les huit autres, l’intégration se fait en passant par diverses frustrations. Certains déclarent avoir été victimes d’actes de racisme :

« Je dois dire que c’est une situation à laquelle je m’attendais, car il ne faut pas qu’on se voile les yeux, le racisme existe! Il y aura toujours des blancs qui n’apprécieront pas (silence et hésitation, puis sourire) des nègres. » (André M)

« Avec ça, il y a souvent des actes de racisme. Personnellement, j’en ai vécu et, entre autres, je me rappelle bien de ce jour-là où un jeune durant la pause, alors que j’étais assis à une table et que je mangeais, prend mes lunettes qu’il a trempées dans

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ma nourriture et tout le monde s’est mis à rire. Et même pendant la formation, on te dit “quand tu finis, tu vas travailler ailleurs, tu ne peux pas travailler ici”, je vivais avec des propos comme ça. Je me rappelle même, à la fin de ma formation du DEP, un professeur m’a dit pour m’aider qu’il fallait que j’aille chercher le travail dans une autre province. D’après lui, ce n’était pas évident qu’on m’accepte à Québec en tant que noir. » (Thomas NM)

La désillusion de ce à quoi ils s’attendaient en tant qu’immigrants et en s’installant dans la ville de Québec a été, pour la majorité des participants de cette étude, une période très difficile à vivre tel que le traduit ici Thomas NM lorsqu’il dit : « J’ai pris conscience là que soit je retourne aux études, soit je vais passer le reste de ma vie à souffrir comme ça. »

Le retour aux études malgré l’âge reste, selon certains d’entre eux, la seule solution permettant de se faire une place dans la société québécoise et, de ce fait, d’améliorer leurs conditions de vie. Cela est exprimé en ces mots :

« J’étais convaincu que j’allais trouver un travail dons mon domaine et selon mon niveau d’études. Rendu là, je me suis dit qu’à 35 ans, je ne suis pas venu ici pour étudier, mais c’était la seule chose à faire, pour me trouver une place, il me faillait un diplôme d’ici. » (Thomas NM)

Le retour aux études est donc une façon pour eux de chercher une forme de reconnaissance de la part des Québécois. La décision de reprendre les cours fait aussi suite pour ces derniers à la difficulté de faire reconnaître leurs études, leurs acquis ou leurs expériences professionnelles antérieures. En attendant la reconnaissance, certains d’entre eux sont souvent obligés d’accepter de travailler, entre autres, comme plongeurs ou dans le domaine de la manutention, dans des conditions difficiles pour un salaire modique.

À cet instant, la remise en question de leur présence au Canada et dans la ville de Québec, et de leur immigration, apparait. Cela est formulé de la manière suivante :

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« C’est un restaurant sûr… où beaucoup d’Africains passent pour travailler comme plongeurs. C’est rendu là-bas que je me suis demandé ce que je faisais au Canada. Tu entres à 8 h dans la plonge dans un endroit où il fait chaud. De 8 h à 15 h, avec 15 minutes seulement pour dîner. Pour 9 $ de l’heure, je me suis donc demandé ce que je faisais ici. » (Thomas NM)

Certains de ces néo-Québécois, membres d’association et ayant le statut de résidents temporaires (étudiants étrangers), font face à des réalités qu’ils dénoncent, en plus de toutes les difficultés évoquées. Ces difficultés seraient des motifs favorisant leur adhésion aux associations afin de trouver une solidarité, mais aussi de pouvoir en parler. C’est ce que semblent traduire ces mots :

« De plus, comme étudiant, ce n’est pas facile la vie ici. On a besoin de solidarité. C’est cet esprit de solidarité qui m’a beaucoup impressionné et qui fait comprendre qu’il était pour moi un devoir moral d’adhérer à cette association. » (André M)

En effet, ils dénoncent non seulement le coût élevé des études en raison de leur statut qui ne se justifie pas, selon eux, sachant que pour une bonne partie d’entre eux, ils mettront leurs compétences au service du Québec en demandant la résidence permanente. De plus, même s’ils paient leurs études un prix élevé, leurs droits sont limités.

« Les étudiants étrangers et notamment africains contribuent pour beaucoup à la vie économique du Québec. Seulement leurs frais de scolarité exorbitants en disent long. Cependant, ce sont des personnes qui ont très peu de droits et dont l’avis ne compte pas pour grand-chose… Pourtant quand on va à l’épicerie ou quand on paye le loyer, les factures, on ne nous demande pas de payer des frais réduits du fait de notre statut. Au contraire, on paye le prix comme tout le monde et parfois, les frais du logement, par exemple, vont être aussi chers du fait qu’on est étudiant venant d’un autre pays. On se sent un peu comme abusé de tous. En plus, je ne sais pas si c’est la loi, mais comment demander à un étudiant qui est arrivé il y a juste une ou deux semaines, même un ou deux mois, et qui veut un logement de vous fournir

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une enquête de crédit au Canada sachant que déjà certaines banques ne donnent pas des cartes de crédit aux étudiants étrangers. » (Justine M)

Malgré ces difficultés, aucun d’entre eux n’a envisagé, ou ne veut envisager la possibilité de retourner au Cameroun tout de suite. Au contraire, toutes les difficultés rencontrées, loin de les décourager, leur donnent envie de relever le défi et d’atteindre leurs objectifs comme le dit Thomas NM : « Donc tout ça, c’est venu plutôt me donner une force. »

4.2.1.3.4 Création des associations à Québec et les motivations à devenir membre