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Les corrélats interactionnels du fonctionnement réflexif maternel

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Les corrélats interactionnels du fonctionnement réflexif maternel

Thèse

Annie Leroux

Doctorat en psychologie – recherche et intervention

Philosophiae Doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

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Résumé

Dans le cadre de la théorie de la mentalisation, le fonctionnement réflexif (FR) parental réfère à un processus cognitivo-affectif permettant au parent de percevoir et de comprendre ses propres comportements et ceux de son enfant en termes d’états mentaux. La recherche a démontré que le FR parental exerce une influence déterminante au sein de la relation parent-enfant. À ce jour, le FR parental est communément mesuré dans le contexte de la dyade mère-nourrisson en privilégiant l’analyse du discours comme méthode d’évaluation. L’objectif principal de cette étude consistait à examiner les propriétés psychométriques de l’Échelle des corrélats interactionnels du fonctionnement réflexif maternel (ECI-FRM), un instrument de mesure novateur fondé sur l’observation des comportements maternels associés au FR auprès des enfants d’âge scolaire. Deux indices de la fidélité, soit l’accord interjuges et la cohérence interne des facteurs, ainsi que trois éléments de preuve de la validité de construit, soit la validité factorielle, la validité par groupes contrastés et la validité théorique, ont été étudiés. L’échantillon total comptait 158 dyades mère-enfant composées d’enfants âgés de 5 à 12 ans (M = 90,49 mois, ÉT = 23,55 mois). Le FR parental a été mesuré à l’aide de l’Entrevue du parent sur le développement (PDI-R). La psychopathologie infantile a été évaluée avec l’Inventaire des comportements de l’enfant (CBCL), le Formulaire de l’enseignant (TRF) et l’Échelle de dissociation (CDC). Le Gribouillis mère-enfant constituait l’activité semi-structurée à laquelle la dyade participait afin de permettre l’observation des interactions. Les résultats ont révélé d’excellents indices d’accord interjuges. Trois facteurs, dont la cohérence interne allant de passable à satisfaisante, ont émergé de l’analyse factorielle. De plus, l’ECI-FRM s’est avérée en mesure de différencier les groupes provenant d’un milieu socioéconomique favorisé ou défavorisé. Finalement, les résultats indiquent que les corrélats interactionnels du FR maternel jouent un rôle médiateur entre le FR de la mère et la psychopathologie infantile. Globalement, les résultats suggèrent que l’ECI-FRM détient de bonnes qualités psychométriques faisant d’elle un instrument de mesure prometteur. Des propositions quant à la poursuite du processus de validation sont discutées. Les implications cliniques potentielles de l’ECI-FRM sont aussi mises en lumière.

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Abstract

From mentalization perspective, parental reflective functioning (RF), refers to the parent’s capacity to reflect upon his/her own or the child’s behaviour in terms of underlying mental states. Parental RF has been demonstrated to have important implications for the mother-child relationship. At present, measures of parental RF evaluate the parent’s mentalization as evident in his verbal discourse. In addition research has largely focused on parental mentalization in relation to infants. The aim of this study was to examine the psychometric properties of the Interactional Correlates of Maternal RF Scale (IC-MRF Scale), a novel instrument based on an observational method to assess maternal interactional behaviours that are considered indicative of RF while interacting with their school aged children. Two types of reliability, namely inter-rater reliability and internal consistency, as well as three types of construct validity-supporting evidence, namely factorial validity, contrasted-groups validity and theoretical validity, were investigated. The IC-MRF Scale was used within a specific interactive context, namely, the Mother-Child Squiggle Task (MCST). A total of 158 mother-child dyads participated in the study. Children were aged from 5 to 12 years old (M = 90,49 months, SD = 23,55 months). In order to validate the IC-MRF Scale, the mother’s RF was measured with the Parent Development Interview-Revised (PDI-R). Child psychopathology was assessed with the Child Behavior Checklist (CBCL), the Teacher Report Form (TRF) and the Child Dissociative Checklist (CDC). Results confirmed that good inter-rater reliability could be obtained using the coding manual. Three coherent and interpretable factors emerged from the factor analysis, namely reflective behaviours, relational behaviours and aggressive behaviours. Moreover, IC-MRF scores of a low-risk socio-economic group were significantly different than those of a high-risk socioeconomic group, confirming the discriminant validity of the measure. Finally, interactional correlates of maternal RF mediated the relationship between mother’s RF and child psychopathology. In sum, the study provides preliminary evidence that the IC-MRF Scale is a reliable and valid measure of the interactional correlates of maternal RF. Research and clinical implications are highlighted and discussed.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Liste des tableaux ... xiii

Liste des figures ... xv

Liste des abréviations, sigles et acronymes ... xvii

Liste des symboles ... xix

Remerciements ... xxi

Chapitre 1. Introduction ... 1

Interaction parent-enfant ... 1

Le fonctionnement réflexif ... 4

Les mesures existantes du fonctionnement réflexif ... 5

Le fonctionnement réflexif parental et ses analogues conceptuels ... 7

Conscience maternelle des états mentaux... 9

Philosophie parentale concernant les émotions ... 9

Cognitions parentales concernant les états mentaux ... 11

Manifestation de la mentalisation par les mouvements du corps ... 12

L’évaluation du FR parental : un nouvel horizon ... 13

Contextualisation empirique d’un outil d’évaluation novateur ... 14

L’interaction parent-enfant au-delà de la petite enfance ... 15

L’évaluation de l’interaction mère-enfant par l’observation ... 17

L’évaluation de l’interaction mère-enfant en laboratoire ... 19

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Échelles globales ... 20

Échelles spécifiques ... 23

Maternage positif et communication affective ... 23

Connectivité ... 24

Sensibilité au monde interne ... 26

Réceptivité mutuelle dans la dyade... 27

Soutien à l’autonomie ... 27

Conclusion ... 29

Échelle des corrélats interactionnels du FR maternel (ÉCI-FRM) ... 29

Le Gribouillis ... 29

Avantages de la méthode du Gribouillis ... 31

Composition de l’ÉCI-FRM ... 32

Validation de l’ÉCI-FRM ... 32

Fidélité interjuges ... 33

Validité factorielle ... 33

Cohérence interne des facteurs ... 34

Validité par groupes contrastés ... 34

Validité théorique ... 34 Objectifs de l’étude ... 35 Chapitre 2. Méthodologie ... 39 Participants ... 39 Recrutement ... 39 Échantillon ... 39 Sous-échantillons ... 39

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Procédure ... 40

Première rencontre ... 40

Deuxième rencontre ... 41

Cotation ... 41

Développement de l’Échelle des corrélats interactionnels du fonctionnement réflexif maternel ... 41

Instruments de mesure ... 43

Entrevue du parent sur le développement ... 43

Gribouillis mère-enfant ... 44

L’échelle des corrélats interactionnels du fonctionnement réflexif maternel ... 45

Inventaire des comportements de l’enfant ... 46

Formulaire de l’enseignant ... 47

Échelle de dissociation ... 48

Analyses ... 48

Traitement des données ... 48

Accord interjuges ... 49

Validité factorielle ... 50

Cohérence interne des facteurs ... 52

Validité par groupes contrastés ... 52

Validité théorique ... 53

Chapitre 3. Résultats ... 55

Distributions des items de l’ÉCI-FRM ... 55

Accord interjuges ... 56

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Cohérence interne des facteurs ... 60

Validité par groupes contrastés ... 60

Validité théorique ... 63

Analyses corrélationnelles ... 63

Analyses exploratoires de médiation ... 68

Perspective de la mère... 68 Perspective de l’enseignant ... 71 Chapitre 4. Discussion ... 75 Accord interjuges ... 76 Validité factorielle ... 76 Cohérence interne ... 79

Validité par groupes contrastés ... 79

Validité théorique ... 81

Analyses corrélationnelles ... 82

Le FR parental et les comportements maternels ... 82

Les comportements maternels et la psychopathologie infantile ... 82

Perspective de la mère ... 83

Perspective de l’enseignant ... 84

Analyses de médiation ... 85

Comportements de soutien à la réflexivité (facteur CSR) ... 86

Comportements relationnels (facteur CR) ... 88

Comportements agressifs (facteur CA) ... 89

Modèles alternatifs ... 90

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Limites de l’étude ... 93

Propositions pour les recherches futures ... 95

Conclusion ... 97

Bibliographie ... 99

Annexe A. Description des sous-échantillons ... 119

Annexe B. ÉCI-FRM ... 123

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Liste des tableaux

Tableau

1 Principaux instruments de mesure pour l’évaluation des capacités de mentalisation du parent au sein de la relation parent-enfant ... 8 2 Statistiques descriptives et distributions des items de l’ÉCI-FRM ... 55 3 Comparaison des indices d’ajustement selon le modèle testé ... 57 4 Saturations factorielles exploratoires des items de l’ÉCI-FRM et corrélations

factorielles ... 58 5 Comparaisons des scores dimensionnels à l’ÉCI-FRM en fonction des facteurs de

risque socioéconomiques ... 62 6 Matrice de corrélations des variables à l’étude selon la perspective de la mère ... 64 7 Matrice de corrélations des variables à l’étude selon la perspective de

l’enseignant ... 66 8 L’effet du FR maternel sur la psychopathologie infantile par l’entremise des

facettes spécifiques du comportement de la mère comme médiateur (perspective de la mère) ... 71 9 L’effet du FR maternel sur la psychopathologie infantile par l’entremise des

facettes spécifiques du comportement de la mère comme médiateur (perspective de l’enseignant) ... 74 10 Caractéristiques démographiques des sous-échantillons selon la présence ou

l’absence d’une histoire de sévices sexuels chez l’enfant composant la dyade ... 120 11 Caractéristiques des dyades incluses et excluses dans les sous-échantillons... 122

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Liste des figures

Figure

1 Le rôle médiateur des comportements maternels de soutien à la réflexivité dans la relation entre le FR maternel et la dissociation chez l’enfant (perspective mère). ... 69 2 Le rôle médiateur des comportements maternels relationnels dans la relation entre

le FR maternel et les comportements agressifs chez l’enfant ainsi que la

dissociation chez l’enfant (perspective mère). ... 69 3 Le rôle médiateur des comportements maternels de soutien à la réflexivité dans la

relation entre le FR maternel et les comportements intériorisés, les problèmes sociaux, les comportements délinquants et l’agressivité chez l’enfant (perspective enseignant). ... 72 4 Le rôle médiateur des comportements maternels agressifs dans la relation entre le

FR maternel et les comportements délinquants chez l’enfant (perspective

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Liste des abréviations, sigles et acronymes

AAI : Adult Attachment Interview

CAI : Child Attachment Interview CA : Comportement agressif CBCL : Child Behavior Checklist CDC : Child Dissociative Checklist CFI : Comparative Fit Index

CIC : Coefficient de corrélation intraclasse CLSC : Centre local de services communautaires CR : Comportement relationnel

CSR : Comportement de soutien à la réflexivité DPICS-II : Dyadic Parent-Child Coding System II

ÉCI-FRM : Échelle des Corrélats Interactionnels du Fonctionnement Réflexif Maternel ESEM : Exploratory Structural Equation Modeling

FICS : Family Interaction Coding System FR : Fonctionnement réflexif

PDI : Parent Development Interview

PDI-R : Parent Development Interview-Revised PI : Pregnancy Interview

PRFQ-1 : Parental Reflective Functioning Questionnaire-1 RMSEA : Root Mean Square Error of Approximation

SCIFF : System for Coding Interactions and Family Functioning TLI : Tucker-Lewis Index

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Liste des symboles

a, b, c et c’ : coefficient de régression non standardisé α : Coefficient alpha de Cronbach

d : Mesure de la force de la relation (d de Cohen) ÉT : Écart type

F : Valeur de la distribution F M : Moyenne

N : Nombre total d’unités d’observation

n : Nombre d’unités d’observation dans un sous-échantillon p : Probabilité

r : Coefficient de corrélation de Pearson t : Valeur de la distribution t

TE : Taille d’effet

χ² : Statistique du khi-carré Z : Valeur de la distribution Z

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Remerciements

La réalisation de ma thèse ainsi que l’ensemble de mon cheminement doctoral n’auraient pas été possibles sans la présence et le soutien des gens qui m’entourent. Chacun, à leur manière, ma famille, mes amis, mes collègues, mes professeurs et mes mentors ont contribué à l’aboutissement d’un parcours académique mémorable.

Je souhaiterais d’abord remercier ma directrice de thèse, madame Karin Ensink, de m’avoir chaleureusement accueillie dans son laboratoire. Merci de m’avoir partagé votre expertise de pointe sur la théorie de la mentalisation et le fonctionnement réflexif, des concepts qui sont au coeur de mon travail de recherche, mais aussi bien ancrés dans ma pratique clinique. Merci de m’avoir accordé votre confiance et d’avoir cru en moi, même dans les moments les plus difficiles.

Je tiens à remercier mon comité de thèse formé de ma directrice, madame Lina Normandin et monsieur Stéphane Sabourin, pour m’avoir accompagnée dans toutes les étapes de la réalisation de mon projet de thèse. Vos réflexions, votre expérience ainsi que votre soutien moral ont été essentiels à l’aboutissement de ce projet. Votre encadrement et votre capacité à maintenir des objectifs réalistes ont su contenir mes angoisses d’étudiante face à un projet de recherche ambitieux.

J’aimerais exprimer ma gratitude à madame Normandin pour m’avoir offert de travailler sur le Gribouillis, un sujet que vous aviez à coeur de voir évoluer. Un merci particulier aussi pour votre grande générosité sur le plan clinique. Votre enseignement constitue les fondements de ma pratique professionnelle auprès des enfants et de leurs parents. Je vous en suis très reconnaissante.

Je remercie mes examinatrices externes, madame Tamarha Pierce et madame Chantal Cyr, pour votre lecture approfondie de ma thèse au moment de son évaluation finale. Je vous

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remercie de m’avoir fait bénéficier d’un regard nouveau sur mon document. Votre passage fut bref, mais grandement apprécié.

Chers coteurs, je vous suis énormément reconnaissante de votre intérêt pour le Gribouillis et votre travail rigoureux. Merci à vous, Ariane Santerre, Josée Duval, Catherine Normand, Jade Charron-Drolet et François Nadeau. Je remercie chaleureusement les étudiants Christine Dubé et Élodie Marcoux qui ont aussi contribué à la réalisation de ce projet aux différentes étapes de son développement.

Une attention particulière à mes collègues et amis du labo qui ont rendu mon expérience doctorale tellement plus agréable, douce et festive. Je suis privilégiée d’avoir eu la chance de partager ces dernières années en votre compagnie et de plus poursuivre ma carrière professionnelle avec certains d’entre vous. Un merci particulier à la doyenne du lab, Roxanne, pour ta guidance, ton authenticité et ta bienveillance. Un merci tout spécial à mes deux mousquetaires, Éva et Marie-Ève, pour vos folies, votre sensibilité et votre soutien inconditionnel. Je tiens aussi à remercier mes amis/collègues/partenaires Jacinthe, Véronik et Louis-Alexandre. Je me sens extrêmement privilégiée de partager le projet du Centre de Psychologie Québec avec vous. Je vous serai éternellement reconnaissante pour votre patience, votre compréhension et votre solidarité. Voilà des assises solides pour un avenir prometteur!

Merci aux amis de longue date qui me sont chers et qui, malgré mes absences prolongées et mon manque de disponibilité, sont demeurés à mes côtés dans toute leur authenticité et leur unicité. Un merci spécial à ma marraine, Denise, pour sa générosité et son soutien inébranlable, que ce soit pour prendre soin d’Edouard ou de corriger des textes à toute heure du jour et de la nuit…Un merci plein d’amour à ma Mamie qui, avec sa douceur et ses prières, me suit à travers toutes les étapes de ma vie. J’aimerais aussi remercier ma belle-famille pour sa présence et son support constant, et ce, à plusieurs niveaux. Merci à vous!

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Mes frères! Derrière les découragements collectifs et les taquineries inépuisables sur mon « éternel » statut d’étudiante, votre regard aimant et rempli de fierté m’a aidée à persévérer et à me rendre jusqu’au bout de mon sinueux parcours académique. Merci à vous trois que j’aime de tout mon cœur! Comment exprimer mon amour et ma reconnaissance à toi chère maman. Tu es mon inspiration, ma référence et mon guide. À travers ton regard, je sens que tout est possible pour moi…même un doctorat! Tu m’as donné des racines et des ailes. Tu respectes mes choix, tu me comprends, tu m’accueilles et tu m’aimes comme je suis. Petite, je me voyais à travers le regard que tu posais sur moi. Aujourd’hui, je te vois à travers ma façon d’être mère. Quel beau cadeau! Merci maman, je t’aime!

MERCI à mon amoureux, Jonathan, avec qui j’ai le grand privilège de partager ma vie. Tu es mon allié, mon complice et avec le temps tu es devenu un pilier solide sur qui je peux m’appuyer. Grâce à toi, à ton amour, à ton sens inouï des responsabilités et à ton écoute, j’ai réussi à atteindre la lumière au bout du tunnel académique tout en étant parent et entreprendre des projets qui nous tiennent à cœur. Je t’aime! Edouard, toi qui est arrivé dans ma vie à la fin de mon périple d’étudiante, tu ouvres la voie à notre nouvelle vie. Tu me combles d’Amour et de Bonheur. Être ta maman est le plus beau des cadeaux, un cadeau tombé du ciel peut-être… Je termine en remerciant mon père qui est parti quelques années trop tôt pour vivre et célébrer cet accomplissement avec moi. Papa, même si tu n’es plus avec nous physiquement, sache qu’un papa, ça ne meurt jamais. Tu demeures dans mon cœur, mon esprit et ma personnalité. Merci papa!

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Chapitre 1.

Introduction

L’étude des processus interactionnels entre un parent et son enfant se veut très large. Elle implique des enfants de tous âges et évalue une multitude de comportements parentaux. Les recherches issues de la théorie de la mentalisation ont démontré que le fonctionnement réflexif (FR) parental constitue un processus mental d’influence au sein de la relation parent-enfant. Les travaux scientifiques concernant le FR parental s’intéressent communément à la dyade parent-enfant formée d’enfants en bas âge (ex : nourrisson et petite enfance). De plus, l’évaluation du FR parental s’effectue couramment à partir d’une entrevue à l’aide d’une méthode basée sur l’analyse du discours. À ce jour, aucun instrument de mesure ne permet l’évaluation des processus interactionnels associés au FR survenant entre un parent et son enfant d’âge scolaire. La présente thèse vise à valider une mesure fondée sur l’observation des interactions entre la mère et son enfant permettant l’analyse des comportements liés aux capacités réflexives de la mère. Cette initiative scientifique constitue un pas en avant dans le domaine de la mentalisation en enrichissant la conceptualisation du FR parental.

Interaction parent-enfant

Plusieurs travaux ont clairement associé la relation mère-enfant au développement de l’enfant. Or, la qualité de cette relation est une notion complexe qui regroupe différents aspects. L’interaction entre le parent et son enfant a été étudiée dans le contexte de plusieurs orientations théoriques et cadres de recherche. L’un des aspects fondamentaux concernant la recherche s’intéressant à l’interaction parent-enfant est l’évaluation des comportements parentaux. Au cours des dernières décennies, une multitude de théories sur le parentage ainsi qu’un grand nombre d’instruments de mesure ont été étudiés (Hurley, Huscroft-D’Angelo, Trout, Griffith, & Epstein, 2014; Locke & Prinz, 2002; Smith 2011). Malgré cela, aucun consensus théorique n’a encore été établi concernant la définition du parentage, la façon de le conceptualiser et comment il influence le développement de l’enfant.

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Dans le cadre d’une synthèse critique ciblant divers aspects du parentage, O’Connor (2002) souligne que, malgré les efforts effectués pour établir une théorie générale et unificatrice du parentage, les chercheurs semblent plutôt privilégier les théories plus spécifiques visant des types particuliers de pratiques parentales, des conséquences développementales distinctes et des mécanismes précis par lesquels la relation parent-enfant influence la trajectoire développementale de l’parent-enfant. À titre d’exemples, des travaux séminaux ont permis le développement de construits spécifiques relatifs aux caractéristiques individuelles du parent telles que la sensibilité maternelle décrite par Ainsworth, Blehar, Waters et Wall (1978). Devenue un construit scientifique largement étudié, la sensibilité maternelle a été associée à plusieurs caractéristiques infantiles et mécanismes développementaux. De façon similaire, les pratiques parentales caractérisées par la coercition et le contrôle agressif attirent l’attention de la communauté scientifique; celles-ci étant reconnues notamment pour leur contribution au développement de comportements antisociaux et délinquants chez l’enfant (Moffitt, 1993; Patterson, 1996). Bref, diverses preuves empiriques supportent un éventail de théories concernant l’interaction parent-enfant et son influence sur le développement infantile.

Malgré l’absence d’une théorie intégrative unique nous permettant de mieux comprendre la relation parent-enfant, O’Connor (2002) stipule qu’il existe une cohérence considérable quant à la façon de concevoir la définition du parentage. À cet égard, l’auteur identifie deux grands domaines d’analyse. En premier lieu, il souligne la distinction entre l’étude des caractéristiques dyadiques de la relation parent-enfant (ex. : la mutualité, la réciprocité) et celle des caractéristiques individuelles du parent (ex. : le style disciplinaire, la sensibilité) ou de l’enfant (ex. : le tempérament, le patron d’attachement). Dans un effort de se situer dans le tableau conceptuel du parentage, la présente thèse examine plus particulièrement les caractéristiques du parent en interaction avec son enfant.

En deuxième lieu, O’Connor (2002) souligne la distinction entre l’étude des processus interactionnels comportementaux (p. ex., l’hostilité, le soutien à l’autonomie) et celle des processus interactionnels sociocognitifs (p. ex., l’empathie, les représentations parentales). Quoique ces deux axes d’évaluation de la qualité de l’interaction parent-enfant soient issus

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de perspectives théoriques différentes, l’auteur soutient qu’elles sont complémentaires. À cet égard, Grusec, Goodnow et Kuczynski (2000) affirmaient dans une analyse critique qu’une meilleure compréhension des cognitions et des affects du parent est nécessaire pour expliquer, prédire et modifier le comportement de ce dernier. D’ailleurs, la recherche évoque clairement la connexion entre les affects, les cognitions et les comportements parentaux (Slade, Belsky, Aber, & Phelps, 1999; van IJzendoorn, 1995). Toujours dans un effort de se situer dans le tableau conceptuel du parentage, la présente thèse s’intéresse plus particulièrement aux processus interactionnels comportementaux du parent. Par ailleurs, les comportements parentaux à l’étude découlent, tel que nous le supposons, d’une dimension socioaffective, soit le fonctionnement réflexif.

Le FR, un construit relativement jeune dans le domaine des processus mentaux, attire l’attention scientifique et clinique dû à son influence au sein de la relation mère-enfant. En effet, d’un point de vue théorique, le FR du parent exercerait une influence déterminante sur le développement de l’enfant (Fonagy, Gergely, Jurist, & Target, 2002). De fait, différents groupes de recherche ont démontré empiriquement un lien clair entre les capacités réflectives du parent et la sécurité d’attachement de l’enfant ainsi que son fonctionnement psychosocial (Benbassat & Priel, 2012; Meins et al., 2002; Oppenheim & Koren-Karie, 2002; Slade, Grienenberger, Bernbach, Levy, & Locker, 2005). De surcroit, quelques études se sont penchées sur le lien entre les capacités réflectives du parent et les comportements parentaux (Grienenberger, Kelly, & Slade, 2005; Hartmann, 1999; Rosenblum, McDonough, Sameroff, & Muzik, 2008; Slade, 2005; Slade et al., 1999). Les données concernant le FR parental suggèrent un intérêt marqué pour une meilleure compréhension des mécanismes à travers lesquels les représentations mentales du parent affectent le développement de l’enfant. Ainsi, il appert que le FR parental pourrait constituer un construit théorique prépondérant permettant de mieux saisir les processus mentaux et interactionnels sous-tendant l’interaction parent-enfant et, par le fait même, influençant le cours du développement cognitivo-affectif chez l’enfant (Sharp & Fonagy, 2008).

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Le fonctionnement réflexif

Le FR réfère à un processus cognitif et émotionnel permettant à l’individu de percevoir et de comprendre ses propres comportements et ceux des autres sous forme d’états mentaux (Slade, 2005). En d’autres mots, le FR constitue une habileté cognitivo-affective qui permet à l’individu d’interpréter ses propres expériences et de comprendre ses comportements et ceux des autres en termes de sentiments, croyances, pensées, désirs et intentions (Fonagy & Target, 1997). Les capacités réflexives de l’humain lui permettent une compréhension de soi et d’autrui qui va au-delà des comportements apparents. Cela est rendu possible lorsque l’individu prend en considération les états mentaux dynamiques et non observables qui sous-tendent ces comportements. Ainsi, le FR joue un rôle crucial dans les relations interpersonnelles puisqu’il permet de donner un sens aux réactions émotionnelles ou encore à des agissements de toutes sortes lorsque ceux-ci se présentent dans la vie de tous les jours (Slade, 2005). D’ailleurs, la capacité de maintenir une fonction réflexive adéquate a été proposée comme un facteur de résilience majeur dans le développement de l’enfant et à l’âge adulte (Fonagy, Steele, Steele, Higgitt, & Target, 1994) puisque celle-ci permet de donner un sens aux comportements d’autrui qui deviennent ainsi plus prévisibles et moins difficiles à gérer.

La présente recherche s’intéresse plus particulièrement au FR maternel, c’est-à-dire à la capacité de la mère à traduire son propre comportement et celui de son enfant en termes d’états mentaux (Slade, 2005). Le FR d’une mère se manifeste à la fois par sa capacité à se comprendre en situation d’interaction avec son enfant ainsi qu’à comprendre ce dernier. Grienenberger et ses collaborateurs (2005) soulignent qu’il existe une relation étroite entre le FR de la mère et la qualité de l’interaction entre celle-ci et son enfant. Fonagy et Target (1997) considèrent qu’une mère ayant de bonnes capacités réflexives s’intéresse au monde interne de son enfant. Elle explore activement les pensées, émotions et intentions de son enfant en fonction de la compréhension qu’elle a de lui. Lorsqu’elle est en interaction, la mère réflexive est à l’affût autant de ses propres expériences affectives que de celles de son enfant, ce qui lui permet de comprendre et contenir ce dernier. Plusieurs théoriciens estiment que la capacité de la mère à reconnaitre, nommer et contenir les expériences vécues par son enfant permet à celui-ci de donner un sens à ses comportements, pensées et

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sentiments (Sharp & Fonagy, 2008). Ainsi, l’enfant consolide non seulement son sentiment de sécurité, mais aussi les représentations du soi et de l’autre constituant son monde interne.

De surcroit, le FR de la mère quant aux comportements de son enfant est susceptible d’améliorer la capacité de régulation des affects de ce dernier par des modes de communication parentaux plus sains (Ensink, Rousseau, Biberzic, & Normandin, soumis). En outre, une étude indique que le FR de la mère est lié aux capacités réflexives de l’enfant (Ensink, Normandin, Sabourin, Fonagy, & Target, soumis). Des résultats provenant de notre laboratoire suggèrent aussi que le FR de la mère serait associé à la psychopathologie infantile. Ces résultats viennent appuyer le modèle théorique proposé par Sharp et Fonagy (2008) qui met en relation le FR parental, les capacités de mentalisation de l’enfant, la régulation des émotions et la psychopathologie infantile. En résumé, le FR maternel est particulièrement important dans le processus de la gestion des relations interpersonnelles et de la régulation des affects.

Les mesures existantes du fonctionnement réflexif

Il existe deux instruments permettant de mesurer le FR chez l’adulte et un seul chez l’enfant. L’Adult Attachment Interview (AAI: George, Kaplan, & Main, 1996) est une entrevue semi-structurée portant sur les expériences d’attachement de l’adulte avec ses propres parents. Bien que le AAI ait été développé dans le but de codifier l’attachement, Fonagy, Target, Steele et Steele (1998) ont développé une grille de cotation permettant de mesurer le FR des adultes à partir de cette entrevue. Le Parent Development Interview-Revised (PDI-R: Slade, Aber, Berger, Bresgi, & Kaplan, 2002) est une entrevue semi-structurée portant sur la relation actuelle entre le parent et son enfant. L’entrevue permet d’examiner les représentations du parent au sujet de son enfant, de lui-même en tant que parent et de sa relation avec l’enfant. Une grille de cotation permettant de mesurer le FR de l’adulte en tant que parent dans le contexte de la relation avec son enfant a été développée (Slade, Bernbach, Grienenberger, Levy, & Locker, 2004). Finalement, le Child Attachment Interview (CAI: Target, Fonagy, & Shmueli-Goetz, 2003), une adaptation du AAI, permet de mesurer le FR chez l’enfant de 8 à 13 ans. Quoique le CAI ait été développé initialement

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dans le but de coter le style d’attachement de l’enfant, une grille a été conçue afin de permettre la cotation du FR de l’enfant (Target, Oganasan, & Ensink, 2001). L’objectif principal du CAI consiste à explorer la façon dont l’enfant réfléchit en termes d’états mentaux à propos de ses relations et plus particulièrement avec les membres de sa famille.

De façon plus spécifique au FR parental, il existe trois instruments de mesure validés empiriquement, incluant deux entrevues et un questionnaire. Premièrement, le PDI-R décrit plus haut est l’instrument le plus communément retrouvé dans la documentation scientifique qui traite du FR parental. Cette entrevue offre des informations détaillées et très riches sur le plan clinique. Deuxièmement, Slade (2003) a développé le Pregnancy Interview (PI), une entrevue semi-structurée de 22 questions administrées à la future mère durant son troisième trimestre de grossesse. À travers les questions d’entrevue, le PI a pour but d’évoquer les états mentaux de la mère à l’égard de son expérience émotionnelle liée à la grossesse ainsi que ses attentes, ses espérances et ses peurs par rapport à sa future relation avec son enfant. L’entrevue permet d’examiner les représentations de la mère au sujet de son bébé, d’elle-même en tant que parent et de ses états mentaux. La grille de cotation du PI est fondée sur le même système de cotation permettant de mesurer le FR parental au PDI-R (Slade et al., 2004). Troisièmement, le Parental Reflective Functioning Questionnaire-1 (PRFQ-1: Luyten et al., 2009) est un questionnaire comportant 39 énoncés sur une échelle de type Likert allant de « fortement en désaccord » à « fortement en accord ». Les énoncés visent à évaluer la propension du parent à comprendre, faire preuve de curiosité ou démontrer de la négation à l’égard des états mentaux et de leur influence sur le comportement.

Globalement, l’évaluation des capacités réflexives de l’adulte comme de l’enfant est basée sur une méthode narrative, laquelle est axée sur les réponses de la personne interviewée. En effet, la majorité des outils précédemment décrits mesurent le FR par l’analyse du discours à partir d’une entrevue. Par exemple, le PDI-R permet l’évaluation directe de la capacité du parent à réfléchir à l’expérience interne de son enfant ainsi qu’à ses propres expériences en tant que parent, et ce, par l’entremise de questions centrées sur ses expériences récentes avec son enfant. Les réponses à ces questions sont alors analysées

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et cotées selon une échelle mesurant le niveau des capacités réflexives parentales de l’individu. Il appert que l’analyse du discours est une méthode répandue pour mesurer les capacités réflexives du parent.

Le fonctionnement réflexif parental et ses analogues conceptuels

Tout comme Slade et ses collègues, d’autres équipes de chercheurs se sont intéressées à la conceptualisation et à l’évaluation des capacités de mentalisation chez le parent. La section qui suit fait état des principaux instruments de mesure issus de ces études. Le Tableau 1 présente un résumé des instruments discutés subséquemment.

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Tableau 1

Principaux instruments de mesure pour l’évaluation des capacités de mentalisation du parent au sein de la relation parent-enfant

Instrument/ Procédure

Construit théorique

Intérêt scientifique Méthode d’évaluation (type d’analyse) Âge de l’enfant dans la dyade Type de mentalisation Parent Development Interview-Revised (Slade et al., 2002) Fonctionnement réflexif parental L’étude de la transmission intergénérationnelle de l’attachement Entrevue (analyse du discours)

Tout âge Explicite

Maternal mental state talk coding scheme (Meins et al., 2001) Conscience maternelle relative aux états mentaux L’étude de la transmission intergénérationnelle de l’attachement Observation de l’interaction (analyse des verbalisations) Nourrisson Explicite Meta-emotion Interview (Katz & Gottman, 1986) Philosophie parentale concernant les émotions L’étude du lien entre les capacités de mentalisation du parent et l’adaptation psychosociale de l’enfant Entrevue (analyse du discours) Âge préscolaire (4 à 6 ans) Explicite Maternal accuracy paradigm (Sharp, Fonagy, & Goodyer, 2006) Cognitions parentales concernant les intentions et les attributions de l’enfant L’étude du lien entre les capacités de mentalisation du parent et la psychopathologie infantile Entrevue (analyse de comparaison des réponses du parent et de l’enfant) Âge scolaire (7 à 11 ans) Explicite Parental embodied mentalization coding system (Shai, 2011) Mentalisation parentale incarnée dans le mouvement L’étude des manifestations comportementales des processus de mentalisation Observation de l’interaction (analyse des mouvements du corps) Nourrisson Implicite

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Conscience maternelle des états mentaux

Meins, Fernyhough, Fradley et Tuckey (2001) s’intéressent au discours maternel et au développement socioaffectif de l’enfant. Plus précisément, Meins étudie les verbalisations des mères en situation d’interaction avec leur enfant (maternal mental state talk). Il est admis que la capacité de la mère à « lire » de façon juste et appropriée les états mentaux de son enfant varie grandement. En effet, certaines mères sont meilleures que d’autres en ce qui a trait à l’interprétation des pensées et des émotions vécues par leur enfant. Des études longitudinales ont démontré qu’une plus grande conscience maternelle relativement aux états mentaux du nourrisson (maternal mind-mindedness) prédit un style d’attachement sécure chez l’enfant (Arnott & Meins, 2007) et une plus grande facilité chez l’enfant à comprendre l’esprit de l’autre (Meins et al., 2002). Ainsi, il appert que, lorsqu’il est juste et approprié, le discours maternel sur les états mentaux favorise le développement socioaffectif de l’enfant tant sur le plan du système d’attachement que sur celui de la compréhension de soi et de l’autre.

Si l’on compare l’étude de la conscience maternelle par rapport aux états mentaux du nourrisson telle que mesurée par les verbalisations de la mère et l’étude du fonctionnement réflexif parental tel que mesuré par l’analyse du discours au PDI-R, le chevauchement conceptuel est clair. En effet, les deux approches évaluent la capacité de la mère à traiter son enfant comme un être doté d’un monde psychologique. Cependant, les construits diffèrent principalement en ce qui a trait à la méthode d’évaluation privilégiée. Meins observe l’interaction directe entre la mère et son nourrisson alors que Slade soumet la mère à une entrevue concernant la relation mère-enfant. Sharp et Fonagy (2008) avancent que les deux approches offrent une perspective unique mais complémentaire à l’égard de la capacité de mentalisation de la mère.

Philosophie parentale concernant les émotions

Gottman, Katz et Hooven (1996) s’intéressent à la notion de métacognition du parent face aux émotions. Les auteurs stipulent que les parents ont un ensemble organisé de sentiments et de réflexions à l’égard de leurs propres émotions et de celles de leurs enfants; on l’appelle la philosophie parentale concernant les émotions (parental meta-emotion

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philosophy). Certains parents seraient plus sensibles que d’autres aux expériences émotionnelles et auraient une plus grande facilité à guider leurs enfants lorsque ceux-ci vivent des émotions. Les résultats d’une étude longitudinale mettent en évidence le lien entre la philosophie parentale concernant les émotions, les comportements parentaux et la psychopathologie infantile (Gottman et al., 1996). En outre, il a été démontré que la conscience et le coaching parental en ce qui a trait aux émotions inhibent les comportements parentaux négatifs, qui, à leur tour, diminuent la présence de psychopathologie chez l’enfant. Les résultats suggèrent aussi que le coaching parental à l’égard des émotions a un effet positif sur la capacité de l’enfant à contenir et réguler ses affects. Une autre étude montre que, comparativement aux mères du groupe contrôle, les mères d’enfant avec un trouble des conduites sont moins conscientes de leurs propres émotions et elles offrent moins de guidance à leur enfant lorsque celui-ci vit des sentiments négatifs (Katz & Windecker-Nelson, 2004). Les résultats suggèrent donc qu’une mère détenant une meilleure compréhension de son monde interne démontre aussi une plus grande facilité à apprendre à son enfant à reconnaitre ses états émotionnels et à les maitriser, promouvant ainsi un développement favorable. En résumé, la contribution de Gottman et de son équipe (1996) est substantielle puisqu’ils font le lien empirique entre la capacité de mentalisation du parent et la capacité de l’enfant à réguler ses émotions. Les chercheurs démontrent aussi l’impact des représentations mentales du parent sur la psychopathologie infantile.

Sharp et Fonagy (2008) reconnaissent le chevauchement conceptuel entre le FR parental, la conscience maternelle relativement aux états mentaux du nourrisson et la philosophie parentale concernant les émotions. Ces trois construits considèrent l’enfant comme un être doté d’intentions, capable de penser et enclin à éprouver des émotions. Cependant, tandis que les travaux de Slade et Meins proviennent du point de vue de l’étude de la transmission intergénérationnelle de l’attachement, les études relatives à la philosophie parentale concernant les émotions sont plutôt propulsées par le désir de mieux comprendre le lien entre les capacités de mentalisations du parent et l’adaptation psychosociale de l’enfant.

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Cognitions parentales concernant les états mentaux

Sharp et ses collègues (2006) s’intéressent à la notion des cognitions parentales à l’égard des états mentaux des enfants d’âge scolaire en se concentrant plus précisément sur le style d’attribution de ces derniers. Les auteurs ont développé un paradigme d’évaluation dans le but de mesurer la justesse des efforts de mentalisation parentale. D’abord, l’examinateur présente à l’enfant une série de scénarios sociaux susceptibles d’évoquer une certaine détresse psychologique (p. ex., être mis à l’écart, être ridiculisé, intégrer une nouvelle école). L’enfant est alors invité à choisir l’une des trois options décrivant le mieux la pensée qu’il attribuerait à la ou aux personnes visées dans le scénario en question. Ensuite, la mère est appelée à deviner les réponses de son enfant pour chacun des scénarios. Sharp et ses collègues (2006) prétendent ainsi évaluer la mesure dans laquelle la mère comprend de façon juste l’esprit de son enfant en situation sociale. Conformément à l’hypothèse de base, les mères détenant une meilleure capacité à s’imaginer l’esprit de leur enfant en devinant correctement leur style d’attribution en situation sociale est associée à un meilleur niveau d’adaptation psychosociale chez l’enfant, tel qu’indiqué par une faible symptomatologie sur une mesure de psychopathologie infantile.

Essentiellement, l’étude de Sharp et de son équipe (2006) révèle des résultats concordants avec les travaux concernant le fonctionnement réflexif parental, la conscience maternelle des états mentaux et la philosophie parentale concernant les émotions. En effet, malgré des différences apparentes en ce qui a trait à l’opérationnalisation des construits, ce sont tous des indices de la qualité des représentations parentales du monde interne de l’enfant. Par ailleurs, la contribution unique du paradigme de Sharp et de ses collègues (2006) est sans doute le développement d’une méthode d’évaluation permettant de mesurer les capacités de mentalisation des parents d’enfants plus vieux, soit de 7 à 11 ans (Sharp & Fonagy, 2008). En ce sens, les auteurs bonifient notre compréhension à l’égard des capacités de mentalisation du parent en s’intéressant à la dyade mère-enfant au-delà de la petite enfance.

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Manifestation de la mentalisation par les mouvements du corps

L’avancée la plus récente dans le domaine de l’évaluation des capacités de mentalisation chez le parent relève des travaux novateurs de Shai (2011). Issu de la perspective théorique du FR, le postulat de Shai et Belsky (2011) suggère que le FR peut se manifester de plusieurs façons, incluant les aspects observables tels que les mouvements du corps du parent en interaction avec son enfant. En effet, les auteurs stipulent que la théorie relative à la mentalisation ne révèle aucune balise restreignant l’observation des capacités réflexives parentales aux manifestations métacognitives et langagières.

Ainsi, Shai et Belsky (2011) ont introduit le construit de la mentalisation parentale incarnée dans le mouvement (parental embodied mentalizing), c’est-à-dire la manifestation implicite et non verbale de la mentalisation. Plus précisément, il s’agit de la capacité du parent à comprendre de façon inconsciente et non réflexive les états mentaux de l’enfant à travers les expressions corporelles de celui-ci et d’adapter ses propres mouvements en conséquence. L’émergence de ce nouveau construit ébranle la conceptualisation traditionnelle de la mentalisation. En effet, tel que le décrit le présent survol des instruments d’évaluation des capacités de mentalisation du parent, virtuellement toutes les approches actuelles conceptualisent la mentalisation comme une capacité verbale, consciente et explicite. À l’inverse, le construit de la mentalisation parentale incarnée dans le mouvement s’intéresse à la mesure dans laquelle le parent répond de façon sensible, juste et appropriée avec son corps à travers ses mouvements aux états mentaux du nourrisson tels que manifestés, eux aussi, par les mouvements de son corps. Le système de cotation (Shai 2011) est fondé sur une méthode d’observation où les mouvements du parent sont évalués en situation d’interaction avec le nourrisson selon six caractéristiques. Shai et Fonagy (2014) font état des résultats préliminaires mais prometteurs du construit novateur. Ils mentionnent notamment l’association positive entre la mentalisation parentale incarnée dans le mouvement et la sensibilité maternelle, le FR parental tel que mesuré par le PDI-R et un patron d’attachement sécurisé. De surcroit, l’étude longitudinale suggèrerait que le fonctionnement psychosocial chez l’enfant d’âge préscolaire serait lié à la capacité du parent à comprendre de façon inconsciente et non réflexive les états mentaux du nourrisson à travers les expressions corporelles de celui-ci et à adapter ses propres mouvements en

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conséquence. Plus spécifiquement, les enfants des mères détenant une meilleure capacité à s’ajuster et à répondre aux états mentaux par la voie de leurs mouvements corporels seraient plus habiles socialement et moins enclins à présenter des problèmes comportementaux intériorisés et extériorisés (Shai & Fonagy, 2014).

Un construit innovateur tel que celui de la mentalisation parentale incarnée dans le mouvement constitue une contribution appréciable dans le domaine de la mentalisation. Ce construit pourrait potentiellement permettre une meilleure compréhension de la façon dont les représentations mentales du parent par rapport à son enfant se traduisent dans l’interaction. Le bourgeonnement d’idées novatrices témoigne de la volonté d’élargir l’opérationnalisation de la théorie de la mentalisation telle qu’appliquée dans le contexte de l’interaction parent-enfant. La mentalisation parentale incarnée dans le mouvement constitue un complément à l’approche conventionnelle caractérisée par l’analyse du discours et des verbalisations. Ainsi, les avancées théoriques récemment mises à jour ouvrent une nouvelle avenue quant à l’étude du FR parental.

L’évaluation du FR parental : un nouvel horizon

Les données empiriques disponibles jusqu’à maintenant nous indiquent que les capacités réflexives du parent contribuent à promouvoir un développement favorable chez l’enfant. Quoique le FR parental soit un construit relativement jeune dans le domaine des processus mentaux, déjà différentes avenues ont été explorées quant à son évaluation ainsi qu’à l’évaluation de ses analogues conceptuels. Présentement, les capacités réflexives du parent sont observées principalement dans le contexte de la dyade parent-enfant formée de la mère et de son nourrisson. Force est de constater aussi que la voie de l’analyse du discours (Slade et al., 2002) et des verbalisations (Meins et al., 2001) est privilégiée. Bien que ces méthodes apparaissent satisfaisantes, elles ne permettent pas d’identifier d’autres facteurs comportementaux se déployant dans les processus interactionnels réflexifs. Afin de pallier à cette limite conceptuelle, une opérationnalisation purement comportementale et implicite du FR parental a été développée (Shai & Belsky, 2011) pour l’observation de l’interaction mère-nourrisson. Or, qu’en est-il des nombreux processus interactifs

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potentiellement en action lors du contact entre la mère réflexive et son enfant devenu plus vieux?

À cet égard, Sharp et ses collègues (2006) ont entamé une réflexion et présenté des résultats préliminaires concernant le FR parental au sein de la dyade comprenant un enfant d’âge scolaire. Nous remarquons une propension des auteurs s’intéressant à une population d’enfants plus vieux (p. ex., âge préscolaire et scolaire) à faire le pont entre les capacités de mentalisation du parent et la psychopathologie infantile. Tout bien considéré, le construit du FR parental, déjà en évolution, gagnerait à s’inspirer des avancées empiriques des concepts qui s’y apparentent. En ce sens, cette étude présente un nouvel horizon dans l’exploration de l’opérationnalisation du FR parental via un outil d’évaluation novateur.

La présente thèse propose le développement d’une mesure des corrélats interactionnels du FR parental. Puisque le concept du FR parental s’actualise principalement dans la relation parent-enfant, il est pertinent d’évaluer les comportements liés aux capacités réflexives du parent à partir de l’observation même des interactions parent-enfant afin de s’approcher du point d’action du construit à l’étude. De plus, nous proposons d’explorer la façon dont les capacités réflexives du parent se déploient entre le parent et son enfant d’âge scolaire, une dyade très peu étudiée dans le domaine du FR parental. Le but principal de la présente étude est d’évaluer les propriétés psychométriques de l’Échelle des corrélats interactionnels du FR maternel (ÉCI-FRM; Normandin, Leroux, Terradas, & Ensink, 2011), une nouvelle mesure conçue dans le cadre de cette thèse pour permettre l’évaluation de la qualité des interactions parent-enfant avec des enfants d’âge scolaire.

Contextualisation empirique d’un outil d’évaluation novateur

La section qui suit offre un survol de l’état actuel des connaissances par rapport aux caractéristiques principales du cadre d’évaluation de l’ÉCI-FRM. Les thèmes abordés sont : l’interaction enfant au-delà de la petite enfance, l’évaluation de l’interaction parent-enfant au moyen d’une méthode d’observation et l’évaluation de l’interaction parent-parent-enfant

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en laboratoire. Nous concluons avec une analyse succincte des instruments de mesure existants et pertinents aux caractéristiques visées par la présente thèse.

L’interaction parent-enfant au-delà de la petite enfance

Dans le cadre de la théorie de la mentalisation, les recherches alliant le développement socioémotionnel de l’enfant et l’étude des interactions parent-enfant s’intéressent communément à la dyade parent-enfant formée d’enfants en bas âge (ex : nourrisson et petite enfance). Pourtant, des changements importants se produisent non seulement sur le plan physique, mais aussi sur les plans affectif, social et cognitif au fur et à mesure que l’enfant vieillit, notamment tout au long de la période scolaire (Brooks-Gunn, Petersen, & Eichhorn, 1985; Paikoff & Brooks-Gunn, 1991). Inévitablement, la relation parent-enfant évolue elle aussi. Le rôle du parent s’élargit pour inclure non seulement celui de la figure d’attachement, mais aussi ceux de conseiller et conciliateur en plus d’inculquer un système de valeurs et d’exercer la discipline (Thompson, 1998).

En ce qui a trait aux aspects disciplinaires, l’étude du contrôle parental auprès des enfants d’âge scolaire a occupé une place de choix au fil des années dans la documentation scientifique. En effet, le contrôle parental prend une importance grandissante puisque l’enfant passe plus de temps à l’extérieur du nid familial au profit des contacts avec ses pairs. Brièvement, les connaissances sur le lien entre le style disciplinaire et la qualité de la relation parent-enfant proviennent principalement des travaux de Baumrind (1971) qui ont conduit à l’identification de trois styles parentaux, soit le style autoritaire, permissif et démocratique. À cela, Maccoby et Martin (1983) ont rajouté le style désengagé. Les recherches dans ce domaine ont permis de faire valoir l’idée que l’exercice d’un contrôle parental se caractérisant par des règles cohérentes et de la discipline jumelé à un niveau élevé d’affection et d’écoute mènent à une relation parent-enfant favorable.

En ce qui concerne les aspects socioaffectifs, le lien entre l’attachement et la qualité de la relation parent-enfant est d’un grand intérêt scientifique et clinique depuis plusieurs années. Moss, Rousseau, Parent, St-Laurent et Saintonge (1998) ont développé une grille

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d’observation basée sur les prémisses de la théorie de l’attachement et des caractéristiques de l’interaction mère-enfant à la période scolaire. Les résultats de l’étude ont révélé des variations importantes dans le style interactionnel des dyades dont les enfants présentaient des styles d’attachement différents. Essentiellement, l’évaluation globale de la qualité des interactions mère-enfant des dyades comptant un enfant bénéficiant d’un attachement sécurisant est plus positive et équilibrée que celles des dyades dont l’enfant présente un attachement insécurisant. Plus spécifiquement, le patron de communication des dyades dont l’attachement est sécurisant reflète « un niveau de mutualité, de réciprocité et d’expression émotionnelle équilibré » comparativement aux dyades dont l’attachement est insécurisant (Moss, St-Laurent, Cyr, & Humber, 2000).

De façon plus générale, les travaux de Kerns, Tomich, Aspelmeier et Contreras (2000) se sont intéressés à l’évaluation de la relation parent-enfant à l’aide de divers instruments de mesure fondés sur la théorie de l’attachement auprès des dyades comprenant un enfant âgé entre 9 et 12 ans. Parmi les instruments utilisés, une mesure observationnelle employant une version du Family Interaction Q-sort (Beckwith, Rodning, & Cohen, 1992; Gjerde, 1986) permettait la codification de la sensibilité parentale à partir d’une méthode de Tri-de-cartes. Des exemples de comportements parentaux sensibles comprenaient « le parent semble sensible aux besoins, opinions et émotions de l’enfant » et « le parent explique pourquoi et comment il prend une décision ». À l’inverse, des exemples de comportements parentaux insensibles comprenait « le parent semble critique, hostile et indifférent face aux idées de l’enfant » et « le parent remet entièrement le contrôle de la situation entre les mains de l’enfant ». Les résultats suggèrent notamment que les comportements interactionnels dits sensibles sont associés positivement à la disposition du parent à servir de figure d’attachement pour l’enfant.

Dans le même ordre d’idées, la communication des affects au sein de la dyade parent-enfant a été étudiée par le biais de l’analyse des conversations. Les théoriciens dans le domaine de l’attachement prédisaient que l’expression verbale des affects serait plus ouverte, c’est-à-dire que les émotions seraient exprimées librement et de façon appropriée dans une relation d’attachement sécurisante (Bowlby, 1988). Sur le plan empirique, c’est

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d’ailleurs ce que Main et ses collègues (Main, Kaplan, & Cassidy, 1985) ont démontré dans le cadre d’une étude de référence. Depuis, les résultats de nombreuses études s’intéressant à l’analyse des conversations parent-enfant ont abondé dans le même sens (Cyr, Dubois-Comtois, & Moss, 2008; Laible & Thompson, 2000).

Si l’on s’attarde à la relation parent-enfant étudiée dans le cadre de la théorie de la mentalisation, Sharp et ses collègues (2006) évoque l’absence de données empiriques concernant la continuité de l’influence du FR parental sur le fonctionnement psychosocial de l’enfant à l’âge scolaire. Les auteurs soulignent aussi le peu d’intérêt porté jusqu’à maintenant à l’opérationnalisation des capacités réflexives maternelles dans le cadre d’études impliquant des enfants plus vieux. Pourtant, le FR parental joue un rôle crucial dans la capacité du parent à s’adapter et à comprendre son enfant. Des crises de larmes aux excès de colère et à l’agitation, les parents ont pour tâche d’interpréter ce que l’enfant ressent, pense et désire à partir d’un comportement. Bien entendu, le rôle du parent évolue au fur et à mesure que l’enfant grandit. Cela dit, même un enfant ayant acquis des capacités langagières adéquates ne détient pas un appareil psychique suffisamment autonome pour comprendre, réguler et exprimer l’éventail de ses expériences internes. Par conséquent, le fonctionnement réflexif parental demeure une compétence aussi pertinente avec le nourrisson qu’avec un enfant d’âge scolaire (Suchman, Pajulo, Kalland, DeCoste, & Mayes, 2012).

La présente étude se veut novatrice dans le contexte où, virtuellement, aucune étude ne s’est encore penchée sur l’évaluation de corrélats interactionnels du FR maternel dans un échantillon d’enfants d’âge scolaire.

L’évaluation de l’interaction mère-enfant par l’observation

Avec des enfants d’âge scolaire, les interactions parent-enfant sont examinées lors d’activités diverses. Les séances d’observation, qu’elles soient effectuées en milieu naturel ou en laboratoire, se veulent un échantillon de la relation parent-enfant nous permettant d’en évaluer la qualité. Aspland et Gardner (2003) maintiennent que la méthode

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d’observation directe est inestimable pour l’étude des mécanismes impliqués dans l’interaction parent-enfant puisqu’elle offre l’opportunité d’évaluer les processus interactionnels réels. De plus, des auteurs soutiennent que la mesure observationnelle axée sur les conduites parentales représente la méthodologie la plus fiable pour prédire le fonctionnement de l’enfant (Zaslow et al., 2006).

L’utilité de l’observation, qu’elle soit en milieu naturel ou en laboratoire, peut être compromise principalement par le biais de l’observateur et la réactivité de la personne observée (Aspland & Gardner, 2003). En ce qui a trait au biais de l’observateur, les écrits suggèrent qu’avec une formation adéquate des observateurs et un système de cotation bien opérationnalisé, les résultats ont peu de chance d’être altérés de façon significative par ce biais. Pour ce qui est de la réactivité, c’est-à-dire l’influence possible de la procédure d’observation sur le comportement de la personne observée (i.e., le parent), des mesures peuvent être prises pour la minimiser. Laisser le temps au parent de se familiariser au contexte d’observation, limiter le nombre d’observateurs et minimiser la présence intrusive de l’équipement d’enregistrement en sont quelques exemples. Par ailleurs, qu’elle soit faite en milieu naturel ou en laboratoire, l’observation des comportements parentaux n’échappe pas à la désirabilité sociale des parents envers l’expérimentateur. Ainsi, lors de l’interprétation des résultats, il est important de prendre en considération que la fréquence naturelle de l’émission de certains comportements interactionnels soit modifiée, soit à la baisse ou à la hausse selon la nature du comportement.

Tel qu’il sera discuté dans une section à venir, la méthode d’observation directe de la présente étude porte une attention particulière aux mises en garde décrites dans les recensions des écrits. De plus, conformément aux propos d’Aspland et Gardner (2003), une tâche semi-structurée induisant une légère dose de stress au sein de la dyade parent-enfant est mise de l’avant dans la présente étude afin d’avoir accès à un plus large éventail de comportements sur une courte période de temps (Jacob, Tennenbaum, & Krahn, 1987). Fonagy et Target (1997) appuient cette idée en stipulant que l’activation de la relation d’attachement entre la mère et son enfant ainsi que l’introduction d’un élément de stress pour la mère sont deux conditions essentielles pour mesurer le FR.

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L’évaluation de l’interaction mère-enfant en laboratoire

Le recours à l’observation en laboratoire présente des avantages certains. D’abord, l’observation en laboratoire comportant une interaction libre ou une tâche structurée offre un contexte standardisé. La tâche structurée en laboratoire permet une meilleure comparaison entre les participants puisqu’ils ont été évalués dans un contexte le plus uniforme possible (Lindahl, 2001). En outre, une procédure d’observation en laboratoire offre un environnement plus favorable à l’enregistrement vidéo, ce qui facilite l’obtention d’indice de fidélité de la mesure, tel que l’accord interjuges. Ensuite, l’observation en laboratoire, plus particulièrement celle comportant une tâche structurée, permet de susciter un éventail de comportements de façon accélérée en induisant, par exemple, une dose de stress dans la tâche proposée. En d’autres mots, en plaçant une certaine demande sur le parent, la tâche structurée peut faciliter l’émergence de comportements peu fréquents que l’on souhaite observer (Lindahl, 2001). Autrement, certains comportements pourraient prendre plus de temps à se manifester naturellement, donc nécessiter une observation plus longue.

Il est communément évoqué dans les écrits scientifiques que l’observation des interactions parent-enfant en laboratoire n’est pas représentative des interactions réelles de la dyade (voir Gardner, 2000 pour un résumé). De fait, la validité écologique des observations en laboratoire et la possibilité de généraliser les résultats obtenus font l’objet de débats. Néanmoins, la méthode d’observation en laboratoire demeure largement utilisée (Locke & Prinz, 2002).

En somme, les observations menées en laboratoire facilitent l’obtention d’indices de fidélité en plus de permettre l’accès à un éventail de comportements de façon efficace, et ce, dans un contexte standardisé. La tâche proposée dans le cadre de la présente étude pour l’observation des comportements interactionnels sera discutée plus en détail subséquemment.

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Analyse des instruments de mesure existants

Un grand nombre de systèmes de cotation des comportements parentaux ont été développés et largement utilisés dans le domaine de la recherche portant sur les pratiques parentales. Les échelles de cotation varient considérablement en ce qui a trait aux comportements codifiés, la façon de mener la cotation, la quantité de formation requise et la rigueur avec laquelle leurs qualités psychométriques ont été évaluées (Aspland & Gardner, 2003). La section qui suit présente un survol des principales échelles d’observation des comportements parentaux axées sur l’observation directe dans un contexte de laboratoire. Une attention particulière est mise sur les outils de mesure applicables aux enfants d’âge scolaire. Il sera d’abord question des échelles évaluant l’interaction parent-enfant de façon globale et par la suite, des échelles d’observation plus spécifiques seront discutées.

Échelles globales. Vu le grand nombre d’instruments de mesure s’intéressant aux pratiques parentales, des efforts constants ont été déployés pour relever, évaluer et comparer les différents outils. Ainsi, un bon nombre de recensions des écrits ont été réalisées (Alderfer et al., 2008; Hurley et al., 2014; Locke & Prinz, 2002). Par exemple, Locke et Prinz (2002) ont publié une revue exhaustive des mesures parentales utilisées entre les années 1978 et 1999. Les auteurs brossent le portrait des outils mesurant les deux facettes du parentage les plus étudiées, tant sur le plan théorique qu’empirique, soit la discipline et la nurturance. Malgré la présence accrue de ce type d’instruments dans les écrits, les auteurs soulignent que peu de ceux-ci ont été suffisamment développés et validés empiriquement au point d’être fortement recommandés à la communauté scientifique.

Parmi les instruments considérés, un total de 33 systèmes de cotation standardisés axés sur une méthode d’observation ont été examinés. De ce nombre, six étaient applicables aux enfants d’âge scolaire. Le Family Interaction Coding System (FICS: Patterson, 1982), duquel découle le Family Process Code (Dishion et al., 1983) ainsi que le Interpersonal Process Code (Rusby, Estes, & Dishion, 1991), s’utilise principalement en milieu naturel, porte peu d’attention à l’affect du parent en interaction avec son enfant et met un accent particulier sur l’observation des comportements parentaux coercitifs. Cet instrument, ainsi que ses successeurs, sont d’abord utilisés pour l’observation des interactions familiales

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plutôt que pour les interactions dyadiques. Il en est de même pour les échelles de cotation du Family Interaction Coding System (Hetherington & Clingempeel, 1992). Le High Risk Interaction Coding System (Cooperman & Steinbach, 1995) est aussi tiré du FICS, mais a été principalement développé pour l’étude de Serbin et ses collègues (1998) concernant la transmission intergénérationnelle des facteurs de risque psychosocial de mères ayant des antécédents liés à l’agressivité et au retrait social en bas âge. D’autres systèmes de cotation utilisés à grande échelle ont été validés empiriquement, mais certains nécessitent une longue formation (p. ex., le INTERACT Coding System de Dumas, 1987; le Standardized Observation Code-Revised 3rd Edition de Cerezo, Keesler, Dunn, & Wahler, 1986) ou plus d’un coteur pour une seule interaction (p. ex., le Response Class Matrix de Mash, Terdal, & Anderson, 1973). D’autres ont vu leur utilisation diminuer (p. ex., le Interpersonal Behavior Construct Scale de Kogan & Gordon, 1975; le Parent Behavior Rating Scales de Baumrind, 1971) à cause du développement d’outils plus récents. Le Dyadic Parent-Child Coding System II (DPICS-II: Eyberg, Bessmer, Newcomb, Edwards, & Robinson, 1994), duquel découlent notamment le Maternal-Child Interaction Scale (Tuteur, Ewigman, Peterson, & Hosokawa, 1995) et le Maternal Warmth and Control rating Scales (Rubin & McKinnon, 1993), sont des outils forts intéressants, mais conçus pour des enfants entre 2 et 7 ans, ce qui correspond à une tranche d’âge se situant dans la moyenne inférieure des enfants d’âge scolaire. En revanche, le System for Coding Interactions and Family Functioning (SCIFF: Lindahl & Malik, 1996) vise l’observation de la dyade comprenant un enfant entre 5 et 12 ans. Il s’agit d’un système de cotation qui s’applique à l’observation en laboratoire, mais les échelles de cotation relatives à la dyade parent-enfant évaluent majoritairement des comportements négatifs (p. ex., le rejet/invalidation, l’isolement et la coercition). Aussi, son utilisation nécessite une formation approfondie et une supervision continue.

Pour leur part, Alderfer et ses collègues (2008) ont réalisé un ouvrage de référence en présentant une revue exhaustive des instruments de mesure validés évaluant le fonctionnement familial dans un contexte pédiatrique. Les auteurs soulignent qu’une vaste majorité des instruments s’attardent principalement aux aspects généraux des relations familiales telles que la cohésion, la communication, l’affectivité et la capacité d’adaptation,

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alors qu’un nombre plus limité se concentre sur une composante précise du système familial comme par exemple l’attachement, les conflits ou la compétition. Force est de constater que peu d’instruments de mesure basés sur des données probantes utilisent une méthode d’observation de l’interaction pour évaluer la relation parent-enfant. En effet, parmi les 29 instruments de mesure répondant aux critères d’inclusion de l’étude, six s’appliquaient au fonctionnement général de la famille et seulement une échelle de cotation s’adressait à la dyade parent-enfant de façon plus spécifique, soit le Constraining and Enabling Coding System de Hauser et ses collègues (1984). Cet outil de mesure s’appliquait davantage à une dyade comprenant un adolescent.

Tout récemment, Hurley et ses collègues (2014) ont examiné en détail les propriétés psychométriques (fidélité et validité) des instruments de mesure relatifs à l’évaluation des compétences parentales et des attitudes parentales. Les auteurs brossent un portrait psychométrique actuel d’un bon nombre d’outils d’évaluation, dont cinq systèmes de cotation basés sur une méthode d’observation. Il est notamment question de deux échelles discutées précédemment dans le cadre de la recension des écrits de Locke et Prinz (2002), soit le DPIC et le SCIFF. Le DPIC ne correspondant pas au groupe d’âge d’intérêt de la présente étude, nous aborderons plutôt le SCIFF qui, lui, s’applique à des enfants d’âge scolaire et s’effectue dans un contexte de laboratoire. Selon l’analyse de Hurley et de ses collaborateurs (2014), le SCIFF n’obtient aucune cote acceptable en ce qui a trait aux neuf indices de validité pris en compte. Il s’agit là d’un constat préoccupant. D’ailleurs, les auteurs insistent sur le manque d’outils détenant des qualités psychométriques adéquates, ce qui n’est pas sans rappeler les propos de Locke et Prinz (2002). Clairement, la recherche actuelle se doit de redoubler d’effort afin de démontrer les qualités psychométriques des instruments de mesure axés sur l’évaluation des comportements parentaux par la méthode d’observation. L’une des pistes de solution apportées par les auteurs est de développer de nouveaux instruments de mesure détenant des propriétés psychométriques fiables, et ce, en se concentrant notamment sur des aspects spécifiques du parentage.

En conclusion, malgré les nombreux systèmes de cotation centrés sur l’évaluation des comportements interactionnels au sein de la dyade parent-enfant, pratiquement aucun de

Figure

Tableau 3 présente une comparaison des indices d’ajustements pour les trois modèles  testés
Figure 2. Le rôle médiateur des comportements maternels relationnels dans la relation entre  le FR maternel et les comportements agressifs chez l’enfant ainsi que la dissociation chez  l’enfant (perspective mère)
Figure 3. Le rôle médiateur des comportements maternels de soutien à la réflexivité dans la  relation entre le FR maternel et les comportements intériorisés, les problèmes sociaux, les  comportements délinquants et l’agressivité chez l’enfant (perspective
Figure 4. Le rôle médiateur des comportements maternels agressifs dans la relation entre le  FR maternel et les comportements délinquants chez l’enfant (perspective enseignant)

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