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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Les Scientifiques et les Élus

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Academic year: 2021

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LES SCIENTIFIQUES ET LES ÉLUS

Pierre CLÉMENT

L.I.R.D.I.M.S., Université Lyon 1

MOTS-CLÉS: CULTURE SCIENTIFIQUE - POLITIQUE - UNIVERSITÉS-ENSEIGNEMENT - RECHERCHE - EXPERTISE

RÉSUMÉ: Les élus demandent aux scientifiques des réalisations et des expertises qui cautionnent leur propre politique aux yeux des médias et de leurs électeurs. Les scientifiques ont certes mission de

répondreàces demandes pour diffuser des connaissances scientifiques auprès du plus grand nombre.

Mais un fonctionnement démocratique devrait favoriser des lieux d'expertise indépendants des financeurs.

SUMMARY : What the elected members are expecting from the working out and expert advices of scientists ? Guarantees of their own politics. More democraty needs more independance and more access to media for expert advices. Scientists are first interested by their own researches. Elected members could inflect the sientific research to take more account of the social questions.

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1. PRÉLIMINAIRES

1.1 Quels scientifiques ?

La synthèse qu'il m'a été demandé de tenter sur les relations entre les scientifiques et les élus n'est

pas aiséeàréaliser. Le monde scientifique est en effet plus vaste que celui dans lequel je travaille

depuis bientôt trente ans, celui de mes recherches en biologie et en didactique de la biologie.

On oublie trop souvent les scientifiques du secteur privé, et du secteur militaire: ils ont leurs propres relations avec les élus pour développer leurs missions qui peuvent parfois inclure des actions de C.S.T. (culture scientifique et techniquet), et je peux difficilement parler avec leur point de vue. De plus, les "scientifiques" ne sont pas uniquement des chercheurs: ce sont aussi des enseignants, des formateurs, des médiateurs (journalistes, etc.), des techniciens et ingénieurs, des autodidactes, bref tous ceux qui maîtrisent des savoirs ou savoir faire scientifiques suffisants pour les transmettre à d'autres dans des situations d'éducation formelle ou informelle. Je limiterai le thème qui m'a été proposé aux relations qu'entretiennent des universitaires scientifiques (et autres chercheurs des secteurs publics civils) avec les élus.

1.2 Quels élus ?

Les universitaires et autres chercheurs scientifiques sont confrontésàplusieurs types d'élections, et

peuvent donc être électeurs ou élus dans trois types de situations (tableau1).Les relations entre les

scientifiques et les élus se compliquent donc par le fait que certains scientifiques sont aussi des élus, d'autres non. Et leur représentativité varie donc ...

2. LOGIQUE DES ÉLUS POLITIQUES ET LOGIQUE DÉMOCRATIQUE

2.1 Demander des expertises aux scientifiques

Les élus politiques savent qu'ils ne peuvent pas être compétents dans tous les domaines. Ils ont besoin d'experts. Ils en recrutent dans leurs services (ministères, régions, municipalités, communauté européenne), et ces fonctionnaires servent d'interface entre les groupes d'élus et le réseau de scientifiques spécialisés auquel ils demandent d'expertiser les dossiers. Certains de ces experts bénéficient de contrats parfois conséquents, d'autres sont nommés pour un temps donné dans des commissions d'évaluation (C.N.U., C.N.R.S., ...), ou sont consultés plus ponctuellement, sans rémunération complémentaire (si ce n'est symbolique, par le pouvoir que confère de telles expertises).

La logique des élus est de faire cautionner leur politique par des experts, pour convaincre les médias, et par là l'opinion publique, que leur politique est la meilleure, afin d'être ensuite reélus. Les experts

sont donc choisis dans cette perspective, par leur capacité supposéeàconvaincre l'opinion publique

1J'emploierai plus volontiers ce terme que celui d'alphabétisation scientifique et technique. Cette dernière resson, de

mon point de vue, de la responsabilité de l'école, puis de formations continues, que les actions deC.S.T.ne peuvent

remplacer, tout en leur étant complémentaires.

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SCRUTINS SCRUTINS POLITIQUES PROFESSIONNELS SCRUTINS INSTANCES MILITANTS SCIENTIFIQ UES France: -Nationales Locales Europe présidentielles Région Cantons (C.N.V., (C.A.,C.S ASSOCIATIONS -législatives Municipalités C.N.R.S.) .Vniv.) Sociétés savantes Recherche + +++ + (+) consultatif + Revues scientifiques Syndicats Associations de professeurs Enseignement + +++ ++ ++ consultatif + Syndicats Associations Didactique, etc ... C.S.T., C.C.S.T.I., Éducation non (+) +++ + + (+) ? (+) Mouvements d'éducation formelle populaire C.E.M.E.A., etc ...

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(arguments d'autorité = de notoriété, et/ou d'efficacité). L'expertise n'est pas une recherche, et engage obligatoirement la subjectivité de l'expert sur des questions complexes2. La logique démocratique est certes de choisir ses élus, mais c'est aussi, entre les élections, de favoriser des expertises (ou contre-expertises) indépendantes des pouvoirs politiques, et de permettre leur diffusion dans les médias, afin que les citoyens aient le maximum d'éléments pour trancher. Le danger est bien sûr la querelle d'experts, incompréhensible pour les non-spécialistes: l'enjeu de la C.S.T. est bien ici, dans une éducation suffisante des citoyens pour qu'ils puissent peser sur les choix technico-scientifiques des politiques, choix qui structurent de plus en plus nos vies quotidiennes.

2.2 Traiter avec des scientifiques représentatifs

Face aux élus, l'honnèteté et la conviction d'un scientifique pèsent moins que leur représentativité. Celle-ci peut être de deux ordres (non incompatibles) :

*

LafUJtoriété scientijico-médiatique :

Le prix Nobel en est l'illustration extrème, mais d'autres réussites scientifiques assurent le succès médiatique de leurs auteurs (Testard pour Amandine, Cohen pour la cartographie du génome humain, etc.). D'autres scientifiques enfin sont très médiatiques (Hubert Reeves, Albert Jacquard, ...). Le danger est alors que ces scientifiques, grisés par la notoriété que leur confère l'accès aux médias, sortent de leur domaine de compétence, et utilisent leur autorité pour émettre des jugements personnels, soit dans des domaines non scientifiques, soit dans des champs scientifiques dont ils ne

sont pas experts. La communauté scientifique doitàcet égard assurer un rôle de régulateur critique

par rapport à ses porte-paroles dans les médias. Et les médias eux-mêmes ont une lourde responsabilité; ils pourraient être plus attentifs aux opinions de l'ensemble de la communauté scientifique, limiter plus les glissements de compétence, favoriser plus les débats qui informent et forment.

*

Lareprésentativité institutionnelle:

Certains scientifiques sont élus par leurs collègues pour diriger, gérer et représenter leur institution: laboratoire, université, comités nationaux où les élus siègent à côté des membres nommés par le ministère, sociétés savantes, associations de professeurs, etc. Ils sont alors représentatifs de ceux qui les ont élus pour négocier avec les pouvoirs publics, ou participer à des expertises. La stratégie des élus politiques et de leurs administrations, est de n'accorder d'attention aux propositions issues du milieu scientifique que si elles sont cautionnées, voire défendues, par les responsables des institutions

scientifiques. Ainsi un projet d'universitaires scientifiques relatif àdes recherches, ou à des

enseignements, ou encoreàdes actions de C.S.T., ne sera soutenu par le ministère ou la région que

s'il a l'aval du président d'université, après avoir franchi les filtres de diverses commissions universitaires.

Une remarque sur les comités nationaux tels que leC.N.V.,le C.N.-C.N.R.S. : y ayant siégé

pendant des années en tant qu'élu syndical, j'y ai expérimenté deux pièges: celui de fonctionner

2 Sur le statut de l'expertise, voir: Clément P., Pourquoi et comment évaluer une animation scientifique?, in A.

Giordan.L-L. Martinand etC.Souchon,Actes des Xles Journées Internationales sur l'Éducation Scientifique,

1989.73-86et Roqueplo Ph.,Climats sous surveillance. Limites et conditions de l'expertise scientifique,Paris: Éd.Économica.

1993,401 pp.

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comme les experts nommés, en oubliant notre mandat auprès des collègues qui nous ont élus, et le piège des défenses catégorielles systématiques, qui diminuent progressivement le poids de nos interventions. Malgré cela, la présence d'élus dans ces comités est une garantie démocratique essentielle, qui assure la transparence et la publicité de débats qui débouchent sur des décisions importantes pour le recrutement et la carrière des universitaires et des chercheurs.

3. LOGIQUE DES SCIENTIFIQUES ET LOGIQUE DÉMOCRATIQUE 3.1 D'abord la recherche

Certes les universitaires ont trois missions clairement explicités dans la loi Savary de 1984 (recherche, enseignement, et diffusion de la C.S.T.). Mais les pratiques évoluent plus lentement que les textes, et leur carrière dépend encore essentiellement, sinon exclusivement de leurs activités de recherche. Leurs stratégie est alors entièrement tournée vers tout ce qui leur permet d'avoir des postes et des crédits pour développer leurs recherches. Dans une logique démocratique, le rôle des élus politiques est décisif pour définir une politique de recherche qui prenne en compte les intérêts et les attentes de leurs électeurs. En France comme dans la plupart des pays développés, le financement de la recherche scientifique est pour une large part assuré par le secteur industriel (privé ou nationalisé) et le secteur militaire. Le reste vient des ministères (enseignement supérieur et recherche, mais aussi santé, agriculture, environnement, etc.), et, depuis peu, des régions. L'idée initiale des Boutiques de sciences, lorsqu'elles ont été créées en France en 1981-2, était d'infléchir la politique de recherche pour qu'elle prenne un peu en compte la demande sociale. Leur échec n'a pas empéché cene demande de s'exprimer par d'autres canaux: par exemple les mouvements écologiques ont eu suffisamment d'impact médiatique pour que se développent des recherches sur l'Environnement.

Une des fonctions essentielles des médias, dans le domaine de la C.S.T., devrait être de rendre publiques et compréhensibles les relations entre la politique de recherche scientifique et les choix de société. Les citoyens et leurs élus auraient ainsi les moyens de peser sur cette politique, en assumant un pouvoir qu'ils ont jusqu'à présent délégué aux seuls experts dont pourtant les intérêts ne sont pas toujours les leurs. Dans certains domaines les français savent quelles recherches ils veulent privilégier; ils l'expriment même parfois pour la santé et pour l'environnement. Et il n'est pas normal que la recherche médicale ait besoin de quêtes publiques médiatisées pour pouvoir fonctionner: car ces quêtes sont un impôt supplémentaire qui frappe surtout les revenus faibles et moyens.

Quand les élus politiques font appel à des scientifiques experts pour définir une politique de recherche, ceux-ci privilégient bien sûr leur propre domaine de recherche. Il n'est certes pas simple de gérer les tensions et rapports de force entre disciplines et écoles concurrentes au sein de la communauté scientifique. Mais les élus politiques pourraient moins démissionner de leurs responsabilités à cet égard: l'expérience montre que les scientifiques re-orientent leurs recherches dans les secteurs financés: les procédures d'appel d'offres sur des thèmes de recherche ciblés sont ainsi des armes efficaces dans les mains des ministères et des régions.

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3.2 L'enseignement et la diffusion de la C.S.T.

La tendance des universitaires scientifiques, heureusement pas de tous, serait plutôt d'utiliser ces missions, qui sont les leurs, pour obtenir plus de moyens afin de développer leurs propres recherches. Ainsi la création d'enseignements universitaires nouveaux est stimulée par le désir d'obtenir des postes nouveaux d'enseignants-chercheurs. L'adaptation de ces enseignements nouveaux à des demandes économiques et sociales est un vaste débat que je ne peux pas aborder ici, mais par rapport auquel les élus peuvent aussi avoir une politique: car différents choix sont possibles, dont les enjeux mériteraient d'être explicités, médiatisés, débattus plus démocratiquement. En ce qui concerne la diffusion de connaissances scientifiques par les médias, les chercheurs commencent à comprendre qu'ils y ont intérêt pour obtenir plus de financements pour leur recherche, car les médias touchent aussi les pouvoirs publics et les élus qui décident de ces financements. Certains laboratoires ont donc un service qui gère les relations avec la presse aux moments les plus

opportuns. Etiln'est pas rare que la conférence de presse précède la publication de résultats face aux

enjeux de certaines recherches (sur le SIDA par exemple).

Mais les universitaires scientifiques ne sont pas réductibles à ces stratégies. Nombre d'entre eux se passionnent pour leurs enseignements même si c'est au détriment de leur carrière, et innovent sur le plan pédagogique, voire s'intéressent aux recherches en didactique de leur discipline. Et nombre d'entre eux s'investissent généreusement dans des opérations de C.S.T. : opérations porte ouvertes,

journées dela Science enfête, conférences publiques, interventions dans les écoles, dans les M.J.C.,

participation àdes mouvements d'éducation populaire, àdes associations, des expositions, etc.

Autant d'actions qui font partie de leurs missions, mais qui ne sont pas encore suffisamment valorisées par les instances qui jugent de la carrière de ces universitaires.

Le budget que le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche consacre à la C.S.T. est en grande partie utilisé pour faire vivre la C.S.I. de la Villette: il en reste très peu pour tous les C.C.S.T.I. de France, et pour le soutien de toutes les autres opérations de C.S.T. Il y a heureusement des possibilités de financement par les instances locales, et les projets qui sont actuellement en train d'aboutir en Rhône-Alpes, par exemple, ont chacun le soutien très fort d'une municipalité: création du C.C.S.T.I. de Chambéry avec espace d'exposition pennanent, extension du C.C.S.T.de Grenoble sur le campus scientifique, avec projet de planétarium, et, dans le Grand

Lyon: ArchimiumàSaint-Fons, Planétarium à Vaulx en Velin, Centre de découvertes pour enfants à

Lyon-La Duchère. Dans tous ces cas, saufàGrenoble, c'est la municipalité qui a eu l'initiative; dans

un deuxième temps, elle cherche des scientifiques pour donner du contenuàson projet; et parfois elle

organise aussi, dans un troisième temps, un questionnement des publics potentiels pour prouver

qu'ils existent et sont demandeurs. Certesily a chaque fois des scientifiques pour répondre présent ;

mais il devrait aussi y avoir place (et financement) pour des projets issus de la communauté scientifique (certains existent déjà), et qui sait, un jour, pour des projets issus de demandes sociales, du public lui-même...

Références

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