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Le contexte de survenue des comportements agressifs chez les personnes âgées institutionnalisées souffrant de démence

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Academic year: 2021

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GENEVIÈVE PRIMEAU

?75-3

LE CONTEXTE DE SURVENUE DES COMPORTEMENTS AGRESSIFS CHEZ LES PERSONNES ÂGÉES INSTITUTIONNALISÉES SOUFFRANT DE DÉMENCE.

Mémoire Présenté à la

Faculté des études supérieures de !,Université Laval

pour !,obtention

du grade de maître en psychologie (M.Ps.)

Faculté des sciences sociales ÉCOLE DE PSYCHOLOGIE

UNIVERSITÉ LAVAL

AVRIL 2001 © Geneviève Primean, 2001

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U

Résumé

En centre hospitalier de soins de longue durée, des comportements agressifs (CA) sont émis quotidiennement par 24 à 65% des personnes âgées démentes et ont un impact majeur sur leur qualité de vie de même que sur Γampleur du fardeau ressenti par le personnel soignant. Quoique certaines hypothèses biologiques ou psychiatriques aient été émises pour expliquer la survenue des CA, des études soulignent également l’impact des facteurs environnementaux. L’étude actuelle avait donc pour objectif l’analyse systématique de certaines conditions environnementales associées aux CA verbaux et physiques. La méthode utilisée consistait en !’observation directe non participante de 15 patients qui manifestaient des CA, sur une période totale de 12 heures chacun. Un ordinateur de main permettait de coder en temps réel l’occurrence des CA ainsi que le lieu et l’activité effectuée par le participant. Le nombre de CA observés s’élève à 216, dont 135 verbaux. Dans 68% des cas, ils étaient dirigés vers le personnel. Ils sont survenus plus particulièrement pendant les activités de la vie quotidienne (56%), dans la chambre du patient (55%), entre 9h et llh (40%) ainsi qu’entre 17h et 19h (30%). Ces résultats soulignent que chez les individus présentant d’importantes difficultés cognitives, différents facteurs environnementaux associés à des lieux et des circonstances particulières contribuent à l’émission de CA.

Directeur de recherche Geneviève Primean

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Ill AVANT-PROPOS

La réalisation de ce mémoire a représenté pour moi une expérience d’apprentissage unique. Cette expérience a impliqué la participation de plusieurs personnes queje tiens à remercier chaleureusement.

Tout d’abord, j’aimerais souligner l’apport précieux de mon directeur de recherche, M. Jean Vézina. Ses conseils judicieux au niveau technique comme théorique m’ont permis de tirer le maximum de mon implication dans ce projet et je lui en suis très reconnaissante.

J’adresse également un merci tout spécial à l’équipe de recherche : Evelyne, Jonathan, Caroline, Shirley et Christian. Votre implication dépasse de beaucoup votre apport technique, votre présence et support constant m’ont beaucoup touché. Encore une fois, merci.

Je remercie également tous les membres du personnel du Centre hospitalier Jeffery Hale qui ont collaboré plus ou moins directement à la réalisation de cette étude. Votre accueil chaleureux et votre dévouement à l’égard de la clientèle ont grandement favorisé !’accomplissement de ce projet.

En terminant, je tiens à exprimer ma reconnaissance à ceux qui ont joué un rôle inestimable, quoique indirect, dans l’accomplissement de ce mémoire : mes amis, ma famille et, tout particulièrement, Vincent.

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IV

TABLE DES MATIÈRES

Résumé...ii

AVANT-PROPOS...iü TABLE DES MATIÈRES... iv

LISTE DES ANNEXES... vii

CHAPITRE I Introduction Introduction... 2

Importance du problème... 5

Origine des troubles du comportement... 10

But et pertinence de l’étude...22

CHAPITRE Π Le contexte de survenue des comportements agressifs chez les personnes âgées institutionnalisées soufflant de démence (article). Page titre... 30 Résumé... 31 Abstract... 32 Remerciements...33 Introduction... 34 Méthodologie...41 41 Participants

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Matériel...42

Fiche signalétique... 42

Fonctions cognitives (3MS)...42

Troubles du comportement (CMAI)...43

Troubles du comportement (RAGE)... 44

Autonomie fonctionnelle (SMAF)... 45

Ordinateur et logiciel... 45 Procédure... 47 Résultats... 49 Observation directe... 49 Questionnaires...52 Discussion... 54 Observation directe... 54 Questionnaires...58 Références... 62 Tableau 1... 70 Tableau 2... 71 72 Tableau 3

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VI Tableau 4... 73 Tableau 5... 74 Tableau 6... 75 Titre de la Figure 1... 76 Figure 1... 77 CHAPITRE Ht Conclusion Conclusion... 79 Observation directe... 79 Questionnaires...86

Limites de l’étude et suggestions pour les recherches futures... 87

Références... 90 113 ANNEXES

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LISTE DES ANNEXES

Formule de consentement Matériel

Fiche signalétique

Modified Mini-Mental State Examination Inventaire d’agitation de Cohen-Mansfield

Rating Scale for Agressive Behavior in the Elderly ANNEXE 1

ANNEXE 2

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CHAPITRE I

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2 Le contexte de survenue des comportements agressifs

chez les personnes âgées institutionnalisées souffrant de démence. INTRODUCTION

À l'heure actuelle, plus de 250 000 personnes âgées de 65 ans et plus souffrent de démence au Canada, ce qui correspond à près de 8% de cette population. La démence apparaissant surtout chez les personnes âgées, le vieillissement que connaît la population dans notre société entraînera une augmentation du nombre de Canadiens atteints. Ainsi, si les taux d’incidence et la durée moyenne de survie se maintiennent, il est attendu que le nombre de personnes âgées qui souffriront de démence s'élèvera à 778 000 au Canada d'ici l'an 2031. La prévalence de la démence augmente avec l’âge, et atteindrait près de 35% après 85 ans. La démence de type Alzheimer serait la plus répandue et affecterait 5% de la population âgée de plus de 65 ans (Étude canadienne sur la santé et le vieillissement, 1994). Le coût annuel net de la démence a été estimé à 3,9 milliards de dollars en 1994, comme en témoignent les services rémunérés dans la communauté, les soins dans les établissements de santé, les médicaments, !’hospitalisation, le diagnostic et la recherche (0stbye & Crosse, 1994).

La démence est caractérisée par de nombreuses difficultés cognitives telles que les pertes de mémoire, l'aphasie, l'apraxie, l'agnosie et une atteinte des fonctions cognitives. L’altération des facultés cognitives se fait globalement et progressivement avec l’évolution de la maladie, et les dommages cérébraux sont généralement irréversibles. Plusieurs maladies peuvent être à l’origine du processus démentiel, dont les plus fréquentes sont la maladie d’Alzheimer et les problèmes vasculaires. Les difficultés cognitives engendrées sont importantes et entraînent une altération significative du

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fonctionnement social et professionnel. Ces troubles de la mémoire et des autres fonctions supérieures amènent la personne souffrant de démence à être de plus en plus dépendante d’autrui pour l’ensemble des activités de la vie quotidienne, comme l’habillement, la prise des repas, les déplacements, les soins reliés à l’hygiène, etc. (American Psychiatrie Association, 1996).

En plus d’être caractérisée par de multiples déficits cognitifs et fonctionnels, la littérature fait état d’une variété de symptômes pouvant être associés à la démence : dépression (Lopez et al., 1996 ; Lyketsos et al., 1999 ; Ritchie, Touchon & Ledesert, 1998), anxiété (Mintzer & Brawman-Mintzer, 1996), agitation (Cohen-Mansfield & Billig, 1986 ; Rashti, Kunik, Molinari, Orengo & Workman, 1996), comportements perturbateurs (Algase et al., 1996 ; Beck et al, 1998 ; Jackson et al., 1989 ; Swearer Drachman, O’Donnell & Mitchell, 1988), comportements dérangeants (Kolanowski, 1995), troubles du comportement (Rapp, Flint, Herrmann & Proulx, 1992 ; Teri & Logsdon, 1994). Les symptômes désignés par ces construits varient cependant d’une recherche à l’autre, alors que des termes différents peuvent désigner un même phénomène (Zaudig, 1996). Cette situation amène des variations dans les résultats obtenus, au niveau des facteurs associés et de la prévalence par exemple. Relevant ce besoin d’une définition opérationnelle afin d’orienter les recherches futures, les experts de !’International Psychogeriatric Association ont recommandé en 1996 d’utiliser dorénavant l’expression « Signes et symptômes psychologiques et comportementaux de la démence (SPCD)». Cette appellation désigne les symptômes suivants : les troubles perceptuels, de l’idéation, de l’humeur et du comportement qui surviennent chez les patients atteints de démence. Les symptômes psychologiques comprennent l’anxiété, l’humeur dépressive, les

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hallucinations et les délires, alors que les symptômes comportementaux incluent l’agression physique, les cris, la turbulence, Γagitation, l’errance, les comportements inappropriés culturellement, la désinhibition sexuelle, !’accumulation d’objets, le langage injurieux et la résistance (International Psychogeriatric Association, 1998).

En ce qui concerne plus précisément les symptômes dit « comportementaux », ceux-ci ne constituent pas des critères diagnostiques et sont souvent plutôt perçus comme résultant des difficultés cognitives ou comme étant l’expression de changements au niveau de la personnalité (Deimling & Bass, 1986 ; Fairbum & Hope, 1988). C’est probablement en grande partie pour cette raison qu’ils ont été largement écartés des études empiriques sur la démence jusqu’à tout récemment (Patel & Hope, 1992a ; Ryden,

1988), particulièrement par les chercheurs en psychologie (Bird, 1999).

Toutefois, le vieillissement que subit actuellement la population suscite !’alourdissement de la clientèle gériatrique institutionnalisée, contribuant à faire des symptômes comportementaux une réalité de plus en plus préoccupante en établissement de soins de longue durée (Dicaire, Pelletier, Durant, Dubé & Lepage, 1997 ; Zimmer, Watson & Treat, 1984). Cette préoccupation est d’autant plus grande en ce qui concerne les symptômes comportementaux de nature agressive, ceux-ci représentant une des plus sérieuses manifestations associées à la démence. En effet, les comportements agressifs (CA), qui désignent des actes manifestes qui impliquent l’émission de stimuli nocifs envers (mais pas nécessairement dirigés vers) un objet, une personne ou soi-même, et qui sont clairement non accidentels (Patel & Hope, 1993), peuvent avoir des conséquences potentiellement dangereuses sur la personne elle-même ainsi que sur son entourage. Étant donné l’impact majeur des symptômes comportementaux, et plus particulièrement des

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CA, sur le bien-être des personnes atteintes et leur entourage, plusieurs auteurs sont donc d’avis que ceux-ci constituent la principale cible des méthodes de gestion et d’intervention comportementales et psychopharmacologiques, et qu’il est par conséquent essentiel de favoriser les recherches visant !’accroissement des connaissances sur le sujet (Esiri, 1996 ; Finkel, Costa E Silva, Cohen, Miller & Sartorius, 1997 ; Rapp et al., 1992). IMPORTANCE DU PROBLÈME

Les symptômes comportementaux entraînent des répercussions néfastes à différents niveaux, affectant particulièrement le bien-être de la personne âgée atteinte (Patterson et al., 1999). En effet, certains prétendent que ces comportements, combinés à la perte des capacités de communication, influencent la qualité des soins fournis à la personne en produisant un cercle vicieux qui aggrave sa condition puisque son manque de coopération risque d’entraver l’évaluation et le traitement de sa condition (Cohen- Mansfield, 1995). Par exemple, il est probable qu’en institution le personnel et l’entourage tendent à éviter d’entrer en contact avec les patients agressifs, ce qui peut accentuer leur désorientation et leur frustration, et ainsi affecter leur estime de soi (Rossby, Beck & Heacock, 1992 ; Winger, Schirm & Stewart, 1987). En effet, le personnel perçoit une diminution du temps et de la qualité des soins alloués aux bénéficiaires en réaction à leur CA (Farrell Miller, 1997) alors que ceux-ci rapportent avoir moins de contrôle sur leur socialisation et leurs activités de la vie quotidienne que les individus non agressifs (Winger et al., 1987). D’autres observent que les patients agressifs sont plus souvent mis à l’écart et qu’on leur impose une routine quotidienne plus rigide, tout en diminuant les occasions de rencontres sociales (Meddaugh, 1990, 1991). De plus, les études font ressortir que la présence de symptômes comportementaux 5

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est associée à une plus grande consommation de médicaments, principalement des neuroleptiques et des benzodiazépines (Billig, Cohen-Mansfield & Lipson, 1991 ; Cohen- Mansfield, Billig, Lipson, Rosenthal & Pawlson, 1990 ; Malone, Thompson & Goodwin, 1993). De surcroît, selon Rovner et Katz (1993) ainsi que Kopecky et Yudofsky (1999), il semble que plusieurs études arrivent à une même conclusion décevante : les différents agents utilisés pour contrer les SPCD sont fréquemment non adaptés à la problématique pour laquelle ils sont prescrits et sont associés à d’importants effets secondaires.

Les symptômes comportementaux affectent également la qualité de vie des aidants naturels de la personne atteinte. En milieu naturel, ces manifestations suscitent notamment chez eux les conséquences suivantes : fatigue» colère, conflits familiaux ainsi que diminution du temps accordé aux loisirs et au repos (Rabins, Mace & Lucas, 1982). D’autres ont démontré que ces symptômes sont corrélés à l’ampleur du fardeau et de la dépression ressentis par les aidants (Teri, Truax & Pearson, 1988). De plus, des études ont démontré l’influence néfaste de ces symptômes sur le fonctionnement social, la santé physique ainsi que les difficultés psychologiques (dépression, anxiété, hostilité) des aidants (Deimling & Bass, 1986 ; Kinney & Paris-Stephens, 1989a, 1989b). En raison notamment de la grande détresse qu’ils suscitent chez les soignants familiaux (Rabins et al., 1982), les symptômes comportementaux, et tout particulièrement les CA, constituent l'un des motifs les plus souvent mentionnés comme menant à l'admission en maison de soins ou en milieu hospitalier (Chenoweth & Spencer, 1986 ; Margo, Robinson & Corea, 1980 ; Moak, 1990 ; O’Donnell et al., 1992). Par conséquent, ils seraient parfois responsables d’une institutionnalisation prématurée de la personne démente (Eastley & Mian, 1993 ; Gibbons, Gannon & Wrigley, 1997 ; Steele, Rovner, Chase & Folstein,

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1990). En plus de représenter un facteur de risque pour Γinstitutionnalisation, Γirritabilité et les comportements difficiles nocturnes seraient associés à un plus grand risque de décès chez les personnes atteintes de démence (Knopman, Kitto, Deinard & Heiring, 1988).

Une fois placés en institution, tout en continuant d’avoir un impact sur la qualité de vie des aidants familiaux (Parris-Stephens, Ogrocki & Kinney, 1991), ces patients qui manifestent des symptômes comportementaux constituent une importante source de stress pour le personnel soignant (Cohen-Mansfield, Wemer, Marx & Lipson, 1993 ; Eveiitt, Fields, Soumerai & Avom, 1991). Cet impact se reflète notamment dans le fait qu’ils considèrent généralement qu’il est difficile, et même parfois très difficile, de gérer les symptômes comportementaux de nature agressive (Freyne & Wrigley, 1996). En effet, les conséquences des CA sur la santé physique et mentale de ceux-ci sont nombreuses: hypervigilance, inquiétudes, ressentiment, peur... (Farrell Miller, 1997) et ils contribuent ainsi à diminuer la satisfaction professionnelle des soignants (Dougherty, Bolger, Preston, Jones & Payne, 1992). Une enquête réalisée au Québec en 1997 a d’ailleurs révélé que

55% des 300 membres du personnel soignant en centre hospitalier de soins de longue

durée souffraient d’épuisement professionnel. Le taux d’absentéisme atteignait 47 500 heures en 1999 comparativement à 21 000 heures en 1997. Une raison invoquée par les chercheurs pour expliquer ces chiffres est !’alourdissement de la clientèle âgée. En effet, ils soulignent que la population âgée hébergée dans ces institutions présente une augmentation de la fréquence et de la sévérité de leurs atteintes cognitives, facteur étroitement associé à !’augmentation des troubles de comportements. Ainsi, parmi les situations stressantes rapportées par le personnel des centres d’hébergement en soins de

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longue durée, la plupart réfèrent aux caractéristiques de la clientèle (47%). En effet, les attaques physiques, le langage insultant, les cris et les comportements perturbateurs émis par les bénéficiaires se sont révélés être des situations engendrant un niveau élevé d’anxiété et de préoccupations : 50% des soignants disaient réagir émotivement lorsque confrontés à de tels comportements (Dicaire et al., 1997).

De plus, les symptômes comportementaux, principalement les CA, peuvent constituer un problème de gestion sérieux en institution en nécessitant un haut ratio de personnel par résidant (Cohen-Mansfield & Billig, 1986 ; Winger et al., 1987). Dans une étude réalisée en Suisse, les symptômes comportementaux étaient d’ailleurs reliés à une augmentation des coûts de prise en charge en institution (Wimo, Krakau, Mattson & Nelvig, 1993). Il arrive également que les comportements d’opposition et de résistance empêchent le personnel de prodiguer les soins appropriés (Ware, Fairbum & Hope, 1990). Cette situation a des conséquences d’autant plus préoccupantes du fait que les personnes émettant des CA présentent généralement de plus grandes difficultés fonctionnelles (Burgio et al., 1994 ; Cariaga, Burgio, Flynn & Martin, 1991 ; Cohen- Mansfield, Billig et al., 1990 ; Devanand et al., 1992 ; Gibbons et al., 1997 ; Holroyd, Currie & Abraham, 1996 ; Winger et al., 1987) et peuvent ainsi plus difficilement voir personnellement à leur hygiène corporelle.

Les conséquences des symptômes comportementaux associés à la démence sont d’autant plus déplorables que ceux-ci seraient fréquemment rencontrés chez cette population, aussi bien dans la communauté qu’en institution : les taux de prévalence varient généralement entre 26% et 88% (Cohen-Mansfield, 1986 ; Devanand et al., 1992 ; Jackson et al., 1989 ; Rovner, Kafonek, Filipp, Lucas & Folstein, 1986 ; Swearer et al.,

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1988 ; Teri, Larson & Reifler, 1988 ; Zimmer et al., 1984). Un groupe de chercheur ayant évalué 241 patients atteints d’Alzheimer rapportent pour leur part que 99,2% des individus présentaient au moins un problème de comportement (Koss et al., 1997). L’écart observé entre ces différents taux peut notamment s’expliquer par une variation au niveau des comportements considérés, des outils utilisés et des populations à l’étude.

En ce qui concerne spécifiquement les CA, les prévalences chez la population âgée atteinte de démence varient généralement entre 24% et 65%, avec une plus grande proportion de comportements verbalement agressifs comparativement aux comportements physiquement agressifs (Aarsland, Cummings, Yenner & Miller, 1996 ; Deutsch, Bylsma, Rovner, Steele & Folstein, 1991 ; Gibbons et al., 1997 ; Gormley, Rizwan & Lovestone, 1998 ; Hamel et al., 1990 ; Patel & Hope, 1992a ; Patterson et al., 1990 ; Rabins et al., 1982 ; Ryden, 1988 ; Swearer et al., 1988). Les taux rapportés varient selon les critères utilisés pour désigner les comportements comme agressifs, le seuil déterminé pour les considérer comme perturbateurs et la méthode utilisée pour les détecter (Fisher & Swingen, 1997). De plus, les taux de prévalence varient selon les CA étudiés puisque certains se limitent aux comportements physiques (Deutsch et al., 1991) et que plusieurs excluent les comportements sexuels (Gormley et al., 1998 ; Patterson et al., 1990) et ceux émis envers des objets ou soi-même (Hamel et al., 1990 ; Ryden, 1988).

Les symptômes comportementaux associés à la démence, et tout particulièrement les comportements à caractère agressif, ont donc des répercussions néfastes sur le fonctionnement non seulement des personnes atteintes, mais aussi sur leur entourage et sur ceux qui leur prodiguent des soins. Dans un Contexte de vieillissement de la population et de réduction des ressources sanitaires, il apparaît primordial d’approfondir

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nos connaissances en ce qui concerne l’origine de ces comportements et le contexte de survenue de ceux-ci. Ainsi, nous serons plus en mesure d’identifier les variables susceptibles de conduire les patients à émettre ces comportements de même que les conditions qui favorisent leur occurrence (Beck et al., 1998), pour permettre d’élaborer des modèles d’intervention, de traitement et de prévention mieux adaptés (Beck, Robinson & Baldwin, 1992 ; Cohen-Mansfield & Billig, 1986 ; Cohen-Mansfield & Deutsch, 1996 ; Kolanowski, Hurwitz, Taylor, Evans & Strumpf, 1994 ; Kopecky & Yudofsky, 1999) et concevoir des milieux de vie institutionnels qui soient à la fois sécuritaires et le moins restrictifs possible (Jones, 1985 ; Meyer, Schalock & Genaidy, 1991).

ORIGINE DES TROUBLES DU COMPORTEMENT

À l’instar de Giancola et Zeichner (1993), on constate un manque flagrant de constance dans les théories rapportées en lien avec l’origine des CA, ainsi qu’un nombre très restreint de recherches empiriques ayant tenté de corroborer celles-ci. Les postulats de recherche étant majoritairement athéoriques, les connaissances sont limitées en ce qui concerne !’explication et la prédiction des comportements (Fisher & Swingen, 1997). Les théories existantes peuvent se regrouper en trois grandes catégories.

Dans la première catégorie se trouvent les théories bioanatomiques qui affirment que les symptômes comportementaux tirent leur origine d’une altération cérébrale. Par exemple, certains neurotransmetteurs ont été associés à l’émission de CA. Tout d’abord, la sérotonine serait présente en quantité moindre chez les individus agressifs atteints de démence. Ce déficit a notamment été observé au niveau du gyrus orbital chez des patients ayant été hospitalisés en raison de CA, lorsque comparés à des patients admis sous

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d’autres prétextes et à ceux du groupe contrôle (Palmer, Stratmann, Procter & Bowen, 1988). D’autres ont observé chez quatre patients physiquement agressifs souffrant d’Alzheimer un nombre inférieur de récepteurs à la sérotonine dans 12 des 13 régions corticales analysées, comparativement à huit patients non agressifs (Procter, Francis, Stratmann & Bowen, 1992).

La dopamine pourrait aussi être liée de façon étiologique aux CA. Une relative préservation de la substance noire pars compacta, une source majeure de dopamine, a été observée chez des individus atteints de démence émettant des comportements physiquement violents, comparativement à des individus non violents. Toutefois, cette relation s’explique peut-être plutôt par le fait qu’une plus grande quantité de neuroleptiques était administrée aux patients violents pour contrôler leur comportement, ce qui a pu avoir pour conséquence la préservation de cette structure (Victoroff, Zarow, Mack, Hsu & Chui, 1996).

En plus des études corrélationnelles, des études cliniques ont démontré que certains agents pharmacologiques influençant la quantité de ces neurotransmetteurs dans le système nerveux auraient un effet bénéfique sur les CA. Par exemple, une étude évaluant l’effet d’un inhibiteur de la monoamine (L-deprenyl) chez 17 individus atteints d’Alzheimer a révélé chez eux une diminution de la tension et de !’excitation, ainsi qu’une légère réduction, quoique non significative, de leur niveau d’hostilité (Tariot et al., 1987). Le Rispéridone™, un neuroleptique ayant pour action le blocage des récepteurs à la sérotonine, s’est révélé efficace avec des patients atteints de démence présentant des CA (De Deyn & Katz, 2000). Toutefois, cet agent a aussi pour effet de bloquer les récepteurs à la dopamine (Owens, 1994), alors que certaines études mettent en

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cause la préservation de la dopamine dans la prédisposition aux CA, ce qui suscite une certaine confusion dans la compréhension de l’apport de la dopamine. D’autres ont remarqué chez des patients atteints d’Alzheimer une diminution de l’irritabilité, de la turbulence et des CA verbaux dans quelques études suite à !’administration de Trazodone™, un inhibiteur de la recapture de la sérotonine (Lebert, Pasquier, Petit, 1994; Pinner & Rich, 1988 ; Sultzer, Gray, Gunay, Berisford & Mahler, 1997). Un autre médicament rehaussant le taux de sérotonine, le Buspirone™ s’est montré efficace pour traiter l’agitation et l’agressivité de six personnes démentes sur 16 dans l’étude de Herrmann et Eryavek (1993). L’administration de ces deux médicaments (Trazodone™ et Buspirone™) a été d’une efficacité limitée dans une étude les comparant à un placebo (Lawlor et al., 1994).

Même si les recensions des écrits insistent abondamment sur la possibilité d’un apport sérotoninergique et catécholaminergique sur les CA des personnes âgées atteintes de démence, la plupart des connaissances actuelles se basent plutôt sur des expérimentations effectuées avec des animaux (Akai, Yamaguchi, Mizuta & Kuno, 1993; Nikulina, Avgustinovich & Popova, 1992 ; Troncone & Tufik, 1991) ou avec d’autres catégories de patients (Âsberg et al., 1981 ; Branchey, Branchey, Shaw & Lieber, 1984 ; Brown, et al., 1982 ; Stanley et al., 2000 ; Träskman, Âsberg, Bertilsson & Sjöstrand, 1981). De plus, même si la sérotonine et les catécholamines peuvent jouer un rôle dans l’étiologie des CA chez les personnes atteintes de démence, elles ne peuvent être les seules responsables puisque les agents visant à en rétablir leur niveau dans !’organisme sont d’une efficacité limitée. Des recherches supplémentaires sont donc nécessaires afin

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de clarifier le rôle de ces neurotransmetteurs chez les personnes agressives atteintes de démence.

H en est de même en ce qui concerne la localisation des régions cérébrales responsables de ces comportements. Ainsi, diverses investigations empiriques effectuées avec des animaux et avec différents patients psychiatriques ont fait ressortir l’apport de l’hypothalamus (Haugh & Markesbery, 1983 ; Reeves & Plum, 1969 ; Tonkonogy & Geller, 1992), de l’amygdale (Lee et al., 1998 ; Ramamurthi, 1988 ; Sachdev, Smith, Matheson, Last, Blumbergs, 1992) et du lobe temporal (Delgado-Escueta et al., 1981 ; Devinsky & Bear, 1984). Chez des personnes atteintes d’Alzheimer, une étude a révélé une plus grande fréquence d’atrophie temporale chez les individus présentant des CA (Bums, Jacoby & Levy, 1990). Le lobe frontal a aussi plusieurs fois été mis en relation avec les CA. Cette région serait notamment responsable du contrôle des impulsions (Luria, 1980), ce qui expliquerait pourquoi les déficits à ce niveau sont parfois mis en relation avec les CA (Blumer & Benson, 1975 ; Gedye, 1989 ; Heinrichs, 1989). D’ailleurs, les types de démences affectant le lobe frontal sont reconnus comme entraînant une fréquence élevée de CA par rapport aux autres types de démence (McHugh & Folstein, 1975 ; Miller, Darby, Benson, Cummings & Miller, 1997 ; Sungaila & Crokett, 1993). Toutefois, ces résultats ne permettent pas de conclure en une relation directe puisque les individus présentant des lésions dans ces régions ne deviennent pas tous agressifs. De plus, il y a un nombre très limité d’expérimentations s’étant attardé à la population démente.

Les effets d’une condition médicale générale surimposée à la démence constituent une autre explication biomédicale avancée pour expliquer les CA. Tout d’abord, le

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delirium est souvent rapporté en concomitance avec la démence et peut générer ce type de comportement. Une étude ayant évalué 315 patients atteints de démence et provenant de divers milieux a observé que 43% d’entre eux présentaient un delirium alors que 18,5% des patients souffrant de delirium étaient agressifs (Sandberg, Gustafson, Brännström & Bucht, 1999). En plus du delirium, différentes affections médicales ont été mises en cause. Par exemple, une étude a évalué 70 patients atteints de démence admis en raison de symptômes comportementaux et a révélé que 43% souffraient d’une affection médicale ou d’un delirium surimposés à la démence. Après le traitement de ces conditions, l’ensemble d’entre eux ont vu leur état s’améliorer significativement (O’Connor, 1987). Une équipe de chercheurs rapporte aussi que chez une population de patients âgés institutionnalisés, 5 des 6 individus les plus agressifs présentaient une infection du tractus urinaire (Malone et al., 1993). Une étude n’observe toutefois aucune relation entre les CA et diverses conditions médicales (Cohen-Mansfield, Billig et al., 1990) alors que certains observent plutôt une relation inverse entre le nombre de diagnostics médicaux et le nombre de CA (Beck et al., 1998). Toutefois, comme ces conditions sont habituellement réversibles, le médecin se doit d’être vigilant à ces possibilités (Roberge, 1996).

La deuxième catégorie regroupe les explications de nature “psychiatrique ”. Ainsi, les symptômes comportementaux pourraient tirer leur origine de différents troubles ayant une incidence sur l’équilibre psychologique des individus. Par exemple, chez les personnes qui ne sont pas atteintes de démence, il est reconnu que la dépression peut se manifester par des symptômes comportementaux comme de l’irritabilité (American Psychiatrie Association, 1996). Puisque avec la démence, le raisonnement et le langage se

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détériorent graduellement, la communication devient davantage non verbale. Ainsi, il devient possible que chez ces individus, les symptômes dépressifs puissent se traduire par les CA. Les symptômes dépressifs d’ailleurs ont été mis en relation avec l’émission des CA par certains groupes de chercheurs. Par exemple, Cohen-Mansfield et Werner (1998b) ont trouvé que les symptômes dépressifs permettent de prédire l’occurrence des CA physiques et verbaux chez les personnes âgées tandis que Cohen-Mansfield et Marx (1988) ont remarqué en maison de soins une relation entre les signes observables de la dépression et les CA. Beck et al. (1998) ont pour leur part décelé une relation entre les CA et le score obtenu à une échelle de dépression, mais seulement pour les CA verbaux et non ceux physiques. Une étude chez une population atteinte de démence révèle également un nombre significativement plus élevé de dépression majeure parmi des individus physiquement agressifs comparativement à un groupe non agressif (Lyketsos et al., 1999). Finalement, une diminution de la symptomatologie dépressive serait reliée à une diminution de l’ampleur des CA (Kunik et al., 1998). Certaines études n’ont toutefois pas répliqué ces résultats (Aarsland et al., 1996 ; Gormley et al., 1998 ; Kunik et al.,

1999; Swearer et al., 1988).

Plusieurs explications pourraient être à l’origine du manque de consistance de ces résultats : une mesure trop sommaire des CA ou de la dépression ou alors les caractéristiques particulières de !’échantillon utilisé, au niveau de la médication administrée ou du faible taux de trouble de l’humeur par exemple. De plus, les échantillons sont rarement exclusivement composés d’individus atteints de démence. Ainsi, d’autres études sont nécessaires afin d’éclairer l’influence de la dépression sur les

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Parmi les explications psychiatriques, la possibilité que l’anxiété ressentie par les patients soit un élément exacerbant leurs réactions comportementales est aussi parfois envisagée (Müntzer & Brawman-Mintzer, 1996). En effet, les individus atteints de démence peuvent voir la satisfaction de leurs besoins négligée en raison notamment de leurs propres difficultés à identifier ces besoins et à les transposer en une demande d’assistance claire (Rader & Harvath, 1991). De cette situation émergeraient divers sentiments alimentant leur anxiété, tels que la peur, la confusion et la culpabilité, ce qui contribuerait à !’irritabilité (Chou, Kass & Richie, 1996).

Les délires, les illusions et les hallucinations semblent aussi représenter une explication possible à la présence des CA. Tout d’abord, quelques études ont révélé une corrélation entre les CA et ces symptômes (Kloszewska, 1998 ; Kunik et al., 1999). De même, certains ont relevé une fréquence plus élevée de ces symptômes chez les individus présentant des CA, comparativement à ceux n’en présentant pas (Deutsch et al., 1991 ; Gormley et al., 1998). De plus, des études ont observé un plus grand nombre de CA chez des individus présentant ces symptômes, lorsque comparés à un groupe contrôle (Aarsland et al., 1996 ; Gilley, Wilson, Beckett & Evans, 1997 ; Lopez et al., 1991). Une explication possible de cette relation veut que les CA puissent émerger suite aux distorsions dans la perception de l’environnement. Par exemple, les idées délirantes de persécution pourraient résulter en un biais cognitif dans !’interprétation des situations comme étant des menaces potentielles, ce qui augmenterait le risque d’une réponse agressive (Gilley et al., 1997 ; Patel & Hope, 1993). Toutefois, même si la relation semble plutôt constante en ce qui concerne les délires, elle est beaucoup moins claire pour ce qui est des hallucinations (Deutsch et al., 1991 ; Gilley et al., 1997 ; Gormley et

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al., 1998 ; Kloszewska, 1998). Quant aux illusions, elles sont le plus souvent omises des recherches (Deutsch et al., 1991 ; Gilley et al., 1997 ; Lopez et al., 1991). Ces inconsistances s’ajoutent au fait qu’une étude ayant évalué 26 patients déments ne relève aucune corrélation entre les délires et les hallucinations et les CA (Swearer et al., 1988), ouvrant ainsi la voie à d’autres études visant à clarifier cette relation.

La troisième catégorie d’explications met davantage l’accent sur les facteurs environnementaux. Même si les hypothèses explicatives énumérées plus haut expliquent partiellement comment un individu atteint de démence peut être prédisposé à l’émission de CA, elles ne permettent aucunement de prédire les situations dans lesquelles ces comportements surviendront (Kolanowski, 1995; Rabins, 1994). Plusieurs études ont donc porté sur les différents facteurs environnementaux pouvant être associés à l’émission de CA chez les personnes atteintes de démence.

Tout d’abord, l’activité dans laquelle l’individu est engagé semble avoir une influence sur l’émission de CA. Par exemple, une étude effectuée avec des personnes démentes demeurant à la maison a révélé que 36% à 93% de ces comportements avaient lieu durant les soins intimes (être lavé, habillé, nourri ou toute autre activité impliquant un contact physique ; Keene et al., 1999). Une étude effectuée chez une population semblable révèle également que les situations impliquant que les individus soient approchés par leur soignant pour !’administration de soins sont celles suscitant le plus de verbalisations dérangeantes (« disruptive vocalizations »), ce qui comprend notamment les cris et le langage abusif (Cariaga et al., 1991). En maison de soins, le personnel rapporte aussi que les CA surviennent majoritairement quand ils s’apprêtent à fournir des soins aux bénéficiaires, particulièrement des soins d’hygiène (Farrell Miller, 1997). Ces

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résultats sont répliqués en institution, où 75% à 89% des incidents agressifs surviennent quand le personnel assiste les bénéficiaires dans leurs activités de la vie quotidienne, comme les soins d’hygiène, s’habiller ou se déshabiller, prendre sa médication ou se nourrir (Freyne & Wiigley, 1996 ; Nilsson, Palmstiema & Wistedt, 1988 ; Palmstiema & Wistedt, 1987). Finalement, une étude a révélé que les CA étaient plus souvent manifestés lorsque les patients étaient touchés qu’à toute autre distance interpersonnel de la part des soignants (Marx, Wemer & Cohen-Mansfield, 1989).

Les interactions sociales et les soins d’hygiène apparaissent donc être les principales activités associées à l’émission des CA. Cette constatation amène les auteurs à souligner l’impact de l’invasion de l’espace personnel sur le comportement des patients déments. En effet, dans ces situations où le patient réagit agressivement à l’assistance d’autrui, ils émettent l’hypothèse que les altérations cognitives l’empêchent de comprendre exactement la situation, et qu’ainsi il interprète incorrectement les intentions de l’aidant, d’où une réaction agressive visant à se protéger des menaces perçues (Bridges-Parlet, Knopman & Thompson, 1994 ; Cohen-Mansfield & Wemer, 1995 ; Rossby et al., 1992 ; Ware et al., 1990).

En plus de l’invasion de l’espace personnel, les situations qui apparaissent prédisposer aux CA impliquent fréquemment qu’un individu, habituellement un membre du personnel, demande au patient d’émettre une parole ou d’effectuer un geste. Une étude effectuée en milieu naturel révèle d’ailleurs que le fait de demander au patient de faire quelque chose constitue l’élément le plus souvent rapporté par les aidants comme suscitant l’émission de CA (Hamel et al., 1990) alors que d’autres ont répliqué ces résultats en milieu psychogériatrique (Meyer et al., 1991). Dans ce contexte, il est

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possible que les stimulations ou les demandes de Γ environnement puissent dépasser les capacités d’adaptation de la personne et ainsi susciter de la frustration et le désir de faire cesser la demande, ce qui précipiterait la survenue des CA (Fisher & Swingen, 1997 ; Holden, 1994). En situation de demande, les CA pourraient également résulter d’un désir d’entrer en relation mal maîtrisé en raison des difficultés de communication associées à la démence (Cariaga et al., 1991 ; Cohen-Mansfield & Wemer, 1995). Certains considèrent d’ailleurs que les CA surviennent généralement dans la poursuite d’un objectif ou dans l’expression d’un besoin, et qu’ils constituent alors la réponse la plus intégrée et la plus efficace que la personne démente puisse émettre, compte tenu des limitations conséquentes au processus démentiel, des capacités préservées et des contraintes et commodités de l’environnement (Algase et al., 1996).

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Finalement, les épisodes agressifs ne seraient pas exclusivement influencés par les éléments y prédisposant mais aussi par les événements qui surviennent en réponse à ces comportements (Rabins, 1994 ; Rossby et al., 1992). En effet, certaines capacités d’apprentissages sont maintenues chez les individus atteints de démence, malgré les difficultés cognitives. Ainsi, ils conservent en partie la capacité d’associer leurs comportements aux conséquences de ceux-ci et donc d’être renforcés par ces conséquences (Plaud, Moberg & Ferraro, 1998). Le retrait du stimulus aversif (le bain, !’interaction...) en réaction aux CA, et la réduction de l’anxiété qui s’ensuit, pourrait ainsi contribuer au maintien de ce type de réaction dans le répertoire comportemental de l’individu atteint de démence (Fisher & Swingen, 1997 ; Lanza, 1983). De la même façon, l’apparition d’une conséquence attrayante en réaction aux CA pourrait contribuer à maintenir les comportements indésirables, comme lorsque des stimulations tactiles

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agréables sont utilisées pour calmer les personnes agitées verbalement (Cariaga et al., 1991). Toutefois, il s’agit généralement d’hypothèses qui demandent à être vérifiées empiriquement.

La proximité, les demandes excessives et le renforcement des comportements sont trois facteurs reliés aux activités effectuées par les patients atteints de démence qui illustrent l’influence de la qualité des interventions des soignants dans le déclenchement des CA. L’étude de Kolanowski et al. (1994) démontre d’ailleurs qu’en institution, les facteurs personnels sont insuffisants pour expliquer complètement les troubles du comportement et que l’ajout d’un facteur organisationnel, la formation professionnelle des employés, permet de prédire plus adéquatement l’ampleur de ces comportements, dont notamment la présence de CA. De plus, une étude effectuée en institution avec une population démente révèle que 37% des CA émis par ces bénéficiaires étaient suscités par une interaction avec le personnel, ce que les auteurs expliquent notamment par !’utilisation de méthodes inefficaces avec la clientèle agressive. D’ailleurs, après un court programme de formation, ce taux se portait plutôt à 27% (Colenda & Hamer, 1991). Non seulement le manque de formation peut-il parfois contribuer à l’émission de CA, mais certaines interventions peuvent aussi susciter directement ce genre de comportements. Par exemple, en milieu naturel, il peut arriver que l’épuisement vécu pas les aidants suscite chez eux de l’impatience et des CA envers les individus atteints de démence, qui risquent de réagir à leur tour par ce type de comportements (Hamel et al., 1990 ; Pot, Van Dyck, Jonker & Deeg, 1996 ; Ryden, 1988 ; Ware et al., 1990) .

Parmi les facteurs environnementaux influençant l’émission de CA, le moment de la journée semble également jouer un rôle. Tout d’abord, les études effectuées en

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institution rapportent que les CA sont plus souvent émis le jour que le soir et la nuit (Colenda & Hamer, 1991 ; Freyne & Wrigley, 1996 ; Hagen & Sayers, 1995 ; Jones, 1985 ; Silver & Yudofsky, 1987). De plus, Γavant-midi semble particulièrement propice à l’émission des CA, probablement parce qu’il s’agit d’un moment où s’intensifie l’assistance aux patients dans leurs activités de la vie quotidienne (Beck et al., 1992 ; Freyne & Wrigley, 1996 ; Hagen & Sayers, 1995 ; Jones, 1985 ; Patel & Hope, 1992a).

Finalement, certains stimuli de l’environnement physique, tels que la température, la luminosité et le niveau de bruit pourraient faire en sorte que certains lieux fréquentés par les bénéficiaires puissent susciter des CA (Beck & Vogelpohl, 1999 ; Fisher & Swingen, 1997 ; Lovell, Ancoli-Israel & Gevirtz, 1995 ; Mintzer & Brawman-Mintzer, 1996 : Silliman, Sternberg & Fretwell, 1988). Une étude démontre d’ailleurs que le niveau de lumière, de bruit et chaleur a un impact significatif sur les troubles du comportement suivants : l’errance, les demandes d’attention, la manipulation inappropriée d’objets et les mouvements étranges (Cohen-Mansfield & Werner, 1995). Ainsi, les patients souffrant de démence présentant des difficultés de communication, ceux-ci pourraient exprimer leur inconfort et leur détresse par l’émission de CA (Cohen- Mansfield & Wemer, 1995 ; Fisher & Swingen, 1997).

L’organisation physique des lieux, que ce soit la couleur des murs, la disposition du mobilier, la présence ou non de matériel prothétique etc., s’avère également être un facteur environnemental pouvant influencer les symptômes comportementaux. En effet, même si l’adaptation à un nouvel environnement peut susciter diverses réactions comportementales (Bellin, 1990 ; Cohen-Mansfield, 1991 ; King, Dimônd & McCance, 1987), certaines études ayant évalué l’effet de changements apportés à !’environnement

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physique ont remarqué une amélioration au niveau du comportement des patients en institution (El-Sherif, 1986 ; Lawton, Fulcomer & Kleban, 1984 ; Minde, Haynes & Rodenburg, 1990).

L’influence des activités effectuées, du bruit, de la température, de la luminosité et de Γ environnement physique constituent donc des facteurs qui contribuent potentiellement à faire de certaines pièces des lieux propices à l’émission de CA Ainsi, même si une étude effectuée en maison de soins n’observe pas de variation dans le nombre de CA selon la pièce (Cohen-Mansfield, Werner & Marx, 1990), ces facteurs expliquent probablement le fait que certaines études observent une variation du taux de CA en institution selon l’endroit où se trouve le patient (Beck et al., 1992 ; Freyne et Wrigley, 1996).

BUT ET PERTINENCE DE L’ÉTUDE

La méthode privilégiée par les chercheurs pour l’étude des facteurs environnementaux pouvant influencer la survenue des CA émis par les personnes démentes en institution est !’utilisation de questionnaires ou de grilles permettant de noter et de détailler l’occurrence des symptômes comportementaux. Ces instruments sont basés sur le postulat voulant que les événements à rapporter sont spécifiques et observables, et que par conséquent des informations fiables peuvent être obtenues auprès des personnes côtoyant les individus déments qui manifestent ces comportements. On assiste ainsi à une prolifération d’échelles (e.g. Behavioral Pathology in Alzheimer’s Disease (BEHAVE- AD), Overt Aggression Scale (OAS), Cohen-Mansfield Agitation Inventory (CMAI), Mutlidimentional Observation Scale for Elderly Subjects (MOSES)). Sans nier leur utilité, plusieurs raisons portent à croire que ces instruments présentent des limites

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importantes qui incitent à la prudence dans Γinterprétation des résultats rapportés, et sont par conséquent d’une utilité restreinte dans le développement des connaissances.

Tout d’abord, les personnes souffrant de démence présentent diverses limitations cognitives et fonctionnelles qui les empêchent de rapporter fidèlement leur expérience et de répondre efficacement aux méthodes psychométriques habituelles. Par conséquent, l’opinion d’une source collatérale qui connaît bien la personne atteinte de démence est habituellement sollicitée (Esiri, 1996; Teri & Logsdon, 1994). Cette source collatérale peut être un aidant naturel ou un membre du personnel soignant.

Une première limite viendrait du fait que ces échelles sont soumises au biais du rappel de l’événement étant donné qu’elles sont rétrospectives (Bridges-Parlet et al., 1994; Patel & Hope, 1992b). De plus, il arrive que les comportements problématiques se produisent hors de la vue de la source collatérale. Par conséquent, les informations recueillies seraient imprécises et incomplètes (Bridges-Parlet et al., 1994 ; Cariaga et al., 1991 ; Roberge, 1996). Plusieurs auteurs constatent également que le contenu de ce qui est rapporté par le personnel soignant présente le désavantage d’être biaisé en raison du fait que le soignant rapportant l’événement problématique est directement impliqué dans cet événement. En effet, les soignants expérimentent une gamme d’émotions en réaction aux épisodes agressifs, allant de la dépression à la culpabilité, ce qui tendrait à atténuer l’objectivité des incidents relatés et peut ainsi avoir pour conséquence la surestimation de la fréquence ou la sévérité des CA (Cohen-Mansfield, 1996 ; Teri, Borson, Kiyak & Yamagishi, 1989). Également, étant donné la propension du personnel soignant à normaliser la présence des symptômes comportementaux en institution, et de leur manque de motivation à participer à ce genre d’étude dans certains milieux, il semble que les

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incidents agressifs puissent être sous rapportés (Bridges-Parlet et al., 1994 ; Eastley & Man, 1993 ; Lion, Snyder & Merrill, 1981; Malone et al., 1993). Finalement, si les échelles donnent un estimé de la fréquence et de la sévérité des troubles du comportement, elles ne donnent cependant aucune information sur le contexte entourant ces comportements (Burgio, 1996).

Dans Γobjectif de mieux comprendre le lien entre les CA de la personne souffrant de démence et les facteurs de F environnement, une technique de cueillette de données plus sophistiquée apparaît nécessaire, d’où le recours à !’observation directe. Cette procédure s’inspire de la méthodologie utilisée en éthologie animale et humaine pour étudier la relation entre le comportement et l’environnement. Plus précisément, !’observation directe non participante implique d’observer, sans intervenir, le comportement d’une personne souffrant de démence dans son quotidien. Cette procédure permet ainsi de combler les lacunes des méthodes traditionnelles utilisées jusqu’à présent, notamment au niveau de la validité écologique.

Quelques études ont d’ailleurs tenté d’utiliser !’observation directe non participante afin d’approfondir les connaissances concernant le fonctionnement quotidien des personnes âgées souffrant de démence résidant en institution et qui présentent des CA. Tout d’abord, Ward, Murphy, Procter et Weinman (1992) ont utilisé l’échantillonnage par balayage (« momentary time sampling ») pour évaluer la durée et la fréquence de divers aspects du comportement : attention, posture, mobilité, CA... Les 85 heures d’observation n’ont révélé qu’un seul CA physique et aucun CA verbal, ce qu’ils expliquent par Γ efficacité de la médication et des interventions du personnel soignant.

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Contrairement à l’étude précédente qui n’a révélé aucune information sur l’influence des facteurs environnementaux sur le comportement, Cohen-Mansfield et Werner (1995) ont utilisé une grille (Agitation Behavior Mapping Instrument! pour noter non seulement l’occurrence des comportements d’agitation mais aussi divers facteurs y étant reliés : moment, lieux, attributs de !’environnement physique (éclairage, bruit, température, contention), environnement social et activité. En ce qui concerne leur influence sur les CA, plusieurs tendances ont été décelées mais seulement les éléments suivants étaient significativement associés à une augmentation des CA : le toucher, la chambre, l’heure du dîner et la soirée. De plus, la présence à la salle d’activité était inversement reliée à l’émission de CA. En raison du grand nombre d’informations à prendre en note, les intervalles d’observation étaient limités à trois minutes, ce qui restreint les conclusions à émettre concernant la durée des CA. De plus, en ce qui concerne la portée de tels résultats, la généralisation à la population démente se trouve limitée du fait que plusieurs participants ne présentaient pas un tel diagnostic. Finalement, un instrument manuel a été utilisé dans cette étude, alors qu’en raison de la grande quantité d’informations consignée, ce genre d’instrument peut être susceptible aux erreurs de sommation et de transcription (VanHaitsma, Lawton, Kleban, Klapper & Com,

1997).

En plus de permettre de limiter ce genre d’erreur, !’observation directe informatisée a pour avantage d’augmenter le volume des informations pouvant être consignées. Cette méthode a notamment été employée par Bridges-Parlet, Knopman et Thompson (1994) qui ont utilisé un lecteur de codes à barres pour coder la présence des différents événements qui précèdent les comportements physiquement agressifs et leur

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succèdent. Le nombre d’épisodes physiquement agressifs relevés est de 28, dont 68% d’une durée de cinq minutes ou moins. Le personnel a été la cible de 23 d’entre eux, dont 15 pendant les soins d’hygiène.. Le plus souvent, des CA verbaux ou un manque de collaboration précédaient les CA physiques, alors que l’émission de tels comportements était rapidement suivie d’un retour à un comportement non agressif. La validité de ces résultats est nuancée par le fait que les observateurs ne pouvaient cependant pas consigner les éléments en temps réel mais ils disposaient plutôt de 40 secondes à toutes les minutes pour noter les événements s’étant déroulés dans la minute précédente (échantillonnage par balayage). De plus, si un même événement s’était produit plusieurs fois au cours de cet intervalle, le logiciel ne permettait pas de le coder plus d’une fois, ce qui a pu biaiser les fréquences obtenues puisque les CA sont généralement émis sous forme d’épisodes de courte durée composés de multiples comportements. Finalement, il n’est pas fait mention de la formation des observateurs, l’entente inter-juges n’a pas été évaluée pendant l’étude et un seul observateur complétait toutes les périodes d’observation d’un même participant, d’où un manque d’information concernant la validité et la fidélité des observations de cette étude.

Bowie et Mountain (1993) ont plutôt utilisé un logiciel permettant de coder les événements en temps réel à l’aide d’un ordinateur de main (Psion Organiser). Les auteurs se sont restreints à l’étude des activités générales : soins, activité sociale, activité motrice, réception de soins, comportements antisociaux, comportements inappropriés et neutre. Des comportements antisociaux ont été présents pendant 0,2% du temps total d’observation (114 heures) mais aucune information n’indique si l’une ou l’autre des

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activités évaluées a eu lieu pendant l’émission des comportements antisociaux et pourrait donc leur être associée.

En examinant les résultats des différentes études ayant porté sur le sujet, on constate que malgré les hypothèses intéressantes soulevées pour expliquer la relation entre les CA et les facteurs environnementaux, les résultats demeurent parcellaires et peu répliqués, tout comme la distinction entre les CA verbaux et ceux physiques n’est pas toujours systématisée. Aussi, des interrogations persistent quant à la relation entre les propos rapportés par les soignants et l’état réel de la situation. De plus, les études antérieures ont rarement porté sur un échantillon homogène d’individus atteints de démence ou sur le contexte institutionnel particulier au Québec. De surcroît, les explications pouvant être avancées concernant l’influence de l’environnement demeurent limitées en raison des procédures utilisées ou de certaines lacunes méthodologiques, et ce malgré !’utilisation de !’observation directe. Dans ce contexte, l’étude actuelle se voulait de faire appel à une procédure systématique et rigoureuse dans une institution québécoise, afin d’observer plus spécifiquement le contexte de survenue de ces comportements, ainsi que la relation entre ces informations et l’opinion du personnel, tout en apportant diverses améliorations aux protocoles de recherche employés jusqu’à maintenant.

En réponses aux limites soulevées, la sélection des participants s’est centrée uniquement sur des individus atteints de démence afin de constituer un échantillon homogène qui favorise la généralisation des résultats à cette population. Ceüx-ci ont également été pré-identifiés par le personnel pour s’assurer qu’il s’agisse d’individus présentant au moins à l’occasion des comportements agressifs. Étant donné que certaines recherches ont fait ressortir une plus faible prévalence de CA le soir et la nuit,

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!’observation s’est limitée à la période comprise entre 7h et 20h. De plus, !’observation se faisait en continu de façon à limiter les inconvénients de l’échantillonnage par balayage, tels que le biais du rappel et !’impossibilité d’obtenir la durée des CA. La préparation des observateurs comprenait une formation théorique de 40 heures portant sur les SPCD, un entraînement d’environ 50 heures à !’observation et la cotation de séquences comportementales sur vidéo et une période de familiarisation au milieu d’une cinquantaine d’heures réparties sur 3 mois, afin de s’assurer de !’efficacité de ceux-ci. Finalement, la validité des observations effectuées était assurée par diverses précautions méthodologiques, notamment une évaluation rigoureuse de l’entente inter-juges et !’utilisation d’une définition systématique des CA.

L’étude effectuée avait donc pour objectif d’établir la fréquence et de la durée des CA ainsi que de dégager dans quelles situations (heu, activité et moment de la journée) ces comportements sont émis. Étant donné les critiques mentionnées plus haut en ce qui concerne la fiabilité des informations rapportées par le personnel soignant, un objectif secondaire consistait en l’évaluation de la concordance entre leur opinion et les résultats de !’observation.

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CHAPITRE Π

Le contexte de survenue des comportements agressifs chez les personnes âgées institutionnalisées soufflant de démence.

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30 Le contexte de survenue des comportements agressifs chez les personnes âgées

institutionnalisées atteintes de démence.

Geneviève Primean, B. A., Jean Vézina, Ph D., Philippe Landreville, Ph D., Jonathan Aubert, B.A, Caroline Brochu, B. A, Shirley Imbeault, B. A, Evelyne Matteau, M.Ps. &

Christian Laplante, M.Ps. Université Laval École de Psychologie Université Laval Québec, QC G1K7P4

e-mail : jean.vezina @psy.ulaval.ca fax : (418) 656-3646

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31 Mots clés : comportements agressifs, symptômes comportementaux, démence,

observation directe, centre hospitalier de soins de longue durée.

Résumé

En centre hospitalier de soins de longue durée, des comportements agressifs (CA) sont émis quotidiennement par 24 à 65% des personnes âgées démentes et ont un impact majeur sur leur qualité de vie de même que sur Γampleur du fardeau ressenti par le personnel soignant. Quoique certaines hypothèses biologiques ou psychiatriques aient été émises pour expliquer la survenue des CA, des études soulignent également l’impact des facteurs environnementaux. L’étude actuelle avait donc pour objectif l’analyse systématique de certaines conditions environnementales associées aux CA verbaux et physiques. La méthode utilisée consistait en !’observation directe non participante de 15 patients qui manifestaient des CA, sur une période totale de 12 heures chacun. Un ordinateur de main permettait de coder en temps réel l’occurrence des CA ainsi que le lieu et l’activité effectuée par le participant. Le nombre de CA observés s’élève à 216, dont 135 verbaux. Dans 68% des cas, ils étaient dirigés vers le personnel. Us sont survenus plus particulièrement pendant les activités de la vie quotidienne (56%), dans la chambre du patient (55%), entre 9h et llh (40%) ainsi qu’entre 17h et 19h (30%). Ces résultats soulignent que chez les individus présentant d’importantes difficultés cognitives, différents facteurs environnementaux associés à des lieux et des circonstances particulières contribuent à l’émission de CA.

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32 Abstract

In long-term care institutions, aggressive behaviors (AB) are emitted daily by 24% to 65% of the demented elderly people and have a major impact on their quality of life as well as on the burden experienced by staff members. Although certain biological and psychiatric hypotheses have been proposed to explain the presence of AB, some studies also emphasize the impact of environmental factors. The purpose of the present study is to systematically analyze certain environmental conditions associated to verbal and physical AB. The methodology involved the non-participant, direct observation of 15 patients displaying AB, over a period of 12 hours each. A handheld computer permitted the real time coding of the occurrence of AB as well as the recording of the location and the activity performed by the participants. In this study, 216 episodes were found, of which 135 AB were verbal. In 68% of the cases, AB were aimed at the staff members. They occurred principally during the activities of daily living (56%), in the bedroom of the participants (55%). The AB took place primarily between 9h and 1 lh (40%) and also between 17h and 19h (30%). These results emphasize the fact that, among the people experiencing extensive cognitive impairment, various environmental factors associated to particular locations and circumstances contribute to the presence of AB.

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33 Remerciements

Nous remercions la direction et le personnel du Centre Hospitalier Jeffery Hale pour leur collaboration à l’étude.

Cette étude a été réalisée grâce au soutien financier du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH).

Cette étude a été réalisée comme exigence partielle de la maîtrise en psychologie de Geneviève Primean. Jean Vézina a agi à titre de directeur de recherche.

Les demandes de tirés à part doivent être adressés à : Requests for offprints should be sent to :

Jean Vézina, Ph.D., École de psychologie, Université Laval, Cité universitaire, Québec, G1K 7P4.

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34 Le contexte de survenue des comportements agressifs

chez les personnes âgées institutionnalisées atteintes de démence.

Selon l’Étude Canadienne sur la Santé et le Vieillissement, un peu plus de 250 000 personnes âgées de 65 ans et plus étaient atteintes de démence au Canada en 1994, ce qui correspondait à près de 8% de cette population. D’ici 30 ans, cette étude estime que le vieillissement de la population portera ce chiffre à 778 000. En plus d’entraîner des coûts financiers importants (0stbye & Crosse, 1994), la démence a un impact sur le fonctionnement de la personne elle-même, de son entourage et du personnel soignant, particulièrement quand viennent s’ajouter aux altérations cognitives divers symptômes comportementaux tels que l’errance, !’agitation, la désinhibition sexuelle...

Parmi ces symptômes, les comportements agressifs (CA) représentent une des plus sérieuses manifestations associées à la démence étant donné leurs conséquences potentiellement dangereuses sur la personne elle-même ainsi que sur son entourage. En effet, ceux-ci désignent des actes manifestes verbaux ou physiques qui impliquent l’émission de stimuli nocifs envers (mais pas nécessairement dirigés vers) un objet, une personne ou soi-même, et qui sont clairement non accidentels (Patel & Hope, 1993).

Diverses études rapportent que 24% à 65% des individus atteints de démence manifestent des CA (Gormley, Rizwan & Lovestone, 1998 ; Hamel et al., 1990 ; Patel & Hope, 1992a ; Patterson et al., 1990 ; Ryden, 1988 ; Swearer, Drachman, ODonnell, & Mitchell, 1988). Ces comportements ont des répercussions négatives à différents niveaux, notamment sur la qualité de vie du patient lui-même. En effet, le personnel perçoit une diminution du temps et de la qualité des soins alloués aux bénéficiaires en réaction à leur CA (Farrell Miller, 1997) et il peut arriver que les comportements d’opposition et de

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résistance empêchent le personnel de prodiguer les soins appropriés (Ware, Fairbum & Hope, 1990). De plus, les patients agressifs sont plus souvent mis à l’écart et une routine quotidienne plus rigide leur est imposée, alors que les occasions de rencontres sociales sont réduites (Meddaugh, 1991). Par conséquent, ceux-ci rapportent avoir moins de contrôle sur leur socialisation et leurs activités de la vie quotidienne que les individus non agressifs (Winger, Schirm & Stewart, 1987). Ces symptômes sont également associés à une plus grande consommation de médicaments (Billig, Cohen-Mansfield & Lipson, 1991 ; Cohen-Mansfield, Billig, Lipson, Rosenthal & Pawlson, 1990 ; Malone, Thompson & Goodwin, 1993), alors que les differents agents utilisés présentent parfois d’importants effets secondaires (Rovner & Katz, 1993). De surcroît, selon Kopecky et Yudofsky (1999) ainsi que Rovner et Katz (1993) la médication serait fréquemment non adaptée à la problématique pour laquelle elle est prescrite.

En institution, le personnel considère généralement qu’il est difficile, et même parfois très difficile, de gérer les symptômes comportementaux de nature agressive (Freyne & Wrigley, 1996). Les conséquences sur leur santé physique et mentale sont donc nombreuses : hypervigilance, inquiétudes, ressentiment, peur... (Farrell Miller, 1997). Les CA contribuent ainsi à diminuer leur satisfaction professionnelle (Dougherty, Bolger, Preston, Jones & Payne, 1992) et à alimenter l’épuisement professionnel chez ceux-ci (Dicaire, Pelletier, Durant, Dubé & Lepage, 1997).

Plusieurs théories ont été proposées pour expliquer l’émission de CA par les personnes atteintes de démence. Tout d’abord, les théories bioanatomiques et biochimiques affirment que les symptômes comportementaux tirent leur origine d’une altération cérébrale telle qu’une diminution de la sérotonine ou une augmentation de la

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dopamine. De plus, diverses régions cérébrales ont été associées à la présence de CA chez les personnes démentes, soit principalement l’hypothalamus, l’amygdale, le lobe temporal et le lobe frontal. Finalement, diverses affections médicales surimposées à la démence sont parfois tenues responsables de la prédisposition à l’émission de CA, telles que le delirium ou une infection du tractus urinaire (O’Connor, 1987).

Les explications de nature “psychiatrique ” proposent notamment que les symptômes dépressifs (Cohen-Mansfield & Werner, 1998) ou l’anxiété (Mintzer & Brawman-Mintzer, 1996) puissent prédisposer à l’émission de CA chez les individus déments en exacerbant leurs réactions comportementales. Les délires, illusions et hallucinations représenteraient aussi parfois une explication à la présence des CA (Kunik et al, 1999).

Plusieurs facteurs environnementaux semblent également être associés à l’émission des CA chez les personnes atteintes de démence. Tout d’abord, l’activité dans laquelle l’individu est engagé semble avoir une influence sur ses comportements. Par exemple, les résultats de plusieurs études suggèrent que les interactions sociales et les soins d’hygiène constituent les activités les plus susceptibles de provoquer des CA (Cariaga, Burgio, Flynn & Martin, 1991 ; Farrell Miller, 1997 ; Freyne & Wrigley, 1996 ; Keene et al., 1999). De plus, les situations qui apparaissent prédisposer aux CA impliquent fréquemment qu’un individu, habituellement un membre du personnel, demande au patient d’émettre une parole ou d’effectuer un geste (Hamel et al., 1990 ; Meyer, Schalock & Genaidy, 1991).

Finalement, certains stimuli de !’environnement physique pourraient faire en sorte que les lieux fréquentés par les bénéficiaires puissent prédisposer à l’émission de CA. Par

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exemple, la température, la luminosité et le niveau de bruit pourraient influencer l’émission de certains symptômes comportementaux (Beck & Vogelpohl, 1999 ; Cohen- Mansfield & Werner, 1995 ; Fisher & Swingen, 1997).

La méthode privilégiée par les chercheurs pour l’étude des facteurs environnementaux pouvant influencer la survenue des CA émis par les personnes démentes en institution est !’utilisation de questionnaires ou de grilles permettant de noter et de détailler l’occurrence des symptômes comportementaux. Cependant, ces instruments sont rétrospectifs et sont donc soumis au biais du rappel de l’événement (Bridges-Parlet, Knopman & Thompson, 1994 ; Patel & Hope, 1992b). De plus, comme il arrive que les comportements problématiques se produisent hors de la vue du personnel, les informations recueillies seraient imprécises et incomplètes (Bridges-Parlet et al., 1994; Cariaga et al., 1991). Les incidents relatés par le personnel soignant peuvent également être surestimés en raison du fait que les soignants expérimentent une gamme d’émotion en réaction aux épisodes agressifs, allant de la dépression à la culpabilité (Teri, Borson, Kiyak & Yamagishi, 1989). Us peuvent également être sous rapportés étant donné la propension du personnel soignant à normaliser la présence des symptômes comportementaux en institution, et de leur manque de motivation à participer à ce genre d’étude dans certains milieux (Bridges-Parlet et al., 1994 ; Eastley & Mian, 1993 ; Lion, Snyder & Merrill, 1981; Malone et al., 1993). Finalement, ces échelles ne donnent aucune information sur le contexte entourant l’émission de ces comportements (Burgio,

1996).

L’observation directe non participante permet de combler efficacement certaines de ces lacunes puisque cette technique implique qu’un observateur indépendant analyse,

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sans intervenir, les comportements du participant et leur contexte de survenue. Quelques études ont d’ailleurs tenté d’utiliser cette méthode afin d’approfondir les connaissances concernant le fonctionnement quotidien des personnes âgées souffrant de démence résidant en institution et qui présentent des CA Tout d’abord, en 1995, Cohen-Mansfield et Werner ont utilisé une grille (Agitation Behavior Mapping Instrument) pour noter l’occurrence des comportements d’agitation et ont observé que différents facteurs environnementaux modulaient la présence de plusieurs symptômes comportementaux. En ce qui concerne spécifiquement les CA l’heure du dîner et la soirée étaient associés à une augmentation de ces comportements. Egalement, ceux-ci augmentaient lorsqu’ils étaient touchés et lorsqu’ils étaient dans leur propre chambre. Au contraire, on observait une diminution des CA dans la salle d’activité. En ce qui concerne la portée de tels résultats, la généralisation à la population démente se trouve limitée du fait que plusieurs participants ne présentaient pas un tel diagnostic. De plus, un instrument manuel a été utilisé dans cette étude, alors qu’en raison de la grande quantité d’informations consignée, ce genre d’instrument peut être susceptible aux erreurs de sommation et de transcription (VanHaitsma, Lawton, Kleban, Klapper & Com, 1997).

En plus de permettre de limiter ce genre d’erreur, !’observation directe informatisée a pour avantage d’augmenter le volume des informations pouvant être consignées. Cette méthode a notamment été utilisée par Bridges-Parlet, Knopman et Thompson (1994) qui ont employé un lecteur de codes à barres pour coder la présence des différents événements qui précèdent les CA physiques et leur succèdent. Les résultats obtenus révèlent que le personnel a été la cible de 23 des 28 CA, dont 15 pendant les soins d’hygiène. Le plus souvent, des CA verbaux ou un manque de collaboration

Références

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