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Isolationnisme ou internationalisme : analyse comparative de la couverture médiatique de la résistance et de la collaboration en Europe occupée réalisée par le Chicago Tribune et le New York Times lors de la Deuxième Guerre mondiale

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Academic year: 2021

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© Philippe Martin, 2020

Isolationnisme ou internationalisme: analyse

comparative de la couverture médiatique de la

résistance et de la collaboration en Europe occupée

réalisée par le Chicago Tribune et le New York Times

lors de la Deuxième Guerre mondiale

Mémoire

Philippe Martin

Maîtrise en histoire - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

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Isolationnisme ou internationalisme : analyse

comparative de la couverture médiatique de la

résistance et de la collaboration en Europe occupée

réalisée par le Chicago Tribune et le New York

Times lors de la Deuxième Guerre mondiale

Mémoire

Philippe Martin

Sous la direction de :

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Résumé du mémoire

Ce mémoire compare la couverture médiatique de la résistance et de la collaboration en Europe occupée réalisée par le Chicago Tribune et le New York Times lors de la Deuxième Guerre mondiale. Notre analyse s’inscrit dans une période voyant une métamorphose profonde du rôle des États-Unis sur la scène internationale; l’isolationnisme traditionnel étant écarté au moment de l’intervention militaire américaine dans le conflit en décembre 1941 et abandonné, au terme de la guerre, avec le rôle clé du pays dans la fondation d’une nouvelle organisation internationale. Les deux quotidiens retenus pour cette étude, en plus de se démarquer par leur importance nationale, présentent des perspectives opposées au sujet de cet enjeu majeur. Le Chicago Tribune, proche idéologiquement du parti républicain et critique acharné du président Roosevelt, est catégoriquement opposé à la participation des États-Unis au conflit avant l’attaque sur Pearl Harbor et milite pour un retour à l’isolationnisme traditionnel une fois la victoire acquise. De son côté, le New York Times, appuyant généralement le parti démocrate et les politiques de Roosevelt, apparaît en faveur d’une neutralité orientée dès le début du conflit et présente la fondation d’une nouvelle organisation internationale comme un objectif de guerre essentiel. Dans le contexte particulier de l’activité de la presse en temps de guerre, la censure et le patriotisme limitant les critiques au sujet de la position officielle du gouvernement, les relations du gouvernement américain avec les mouvements de résistance et les collaborateurs représentent des éléments notables sur lesquels les quotidiens étudiés présentent des perspectives souvent opposées. Notre mémoire montre donc en quoi les positions très différentes du Chicago Tribune et du

New York Times au sujet de la participation américaine au conflit et, surtout, du rôle des

États-Unis dans le monde ont influencé leur couverture médiatique des résistants et des collaborateurs en Europe occupée.

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Abstract

This thesis compare and contrast the Chicago Tribune’s and New York Times’ coverage of resistance and collaboration in German-occupied Europe during World War II. Our study concerns a period which saw a profound transformation of the United States’ role on the international scene. Indeed, the United States’ military intervention in the conflict in December 1941 and, especially, its key role in establishing a new intergovernmental organisation marked the end of American isolationism. Both selected newspaper, besides their national readership, present opposite perspectives about this important debate. The

Chicago Tribune, ideologically close to the Republican Party and unrelenting critic of

president Roosevelt, is adamantly opposed to American involvement in the war until the attack on Pearl Harbor and advocate for a return to isolationism after victory. For its part, the

New York Times, generally supportive of the Democratic Party and of Roosevelt’s policies,

is in favor of helping the Allies from the start of the conflict and presents the establishment of a new intergovernmental organisation as a crucial war aim. In the specific context of journalism in wartime, when censorship and patriotism minimize criticisms of the government’s official position, the American government’s relationships with resistance movements and collaborators are significant subjects about which the studied newspapers often present contrasting point of views. Our thesis present how the Chicago Tribune’s and

New York Times’ very different stances about American involvement in World War II and,

especially, the United States’ role in the world influenced their coverage of resistance and collaboration in German-occupied Europe.

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Table des matières

Résumé du mémoire ... ii

Abstract ... iii

Remerciements ... v

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Comparaison générale quantitative de la couverture médiatique de la résistance et de la collaboration réalisée par le New York Times et le Chicago Tribune ... 19

Chapitre 2 : L’Europe occupée avant l’entrée en guerre des États-Unis ... 24

Chapitre 3 : De l’entrée en guerre des États-Unis jusqu’à l’opération Torch ... 34

Chapitre 4 : De l’opération Torch à l’armistice italien ... 44

Chapitre 5 : De l’armistice italien à D-Day ... 56

Chapitre 6 : D-Day et ses suites ... 72

Chapitre 7 : Combats aux frontières allemandes ... 87

Chapitre 8 : Invasion de l’Allemagne et fin de la guerre en Europe ... 112

Conclusion ... 124 Bibliographie ... 133 Annexes ... 136 Tableau 1 ... 136 Graphique 1 ... 137 Graphique 2 ... 138 Graphique 3 ... 138 Graphique 4 ... 139 Graphique 5 ... 139 Tableau 2 ... 140

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Remerciements

Je remercie tout particulièrement mon directeur de recherche, monsieur Talbot Charles Imlay, pour ses précieux conseils et commentaires, son appui continuel et son aide inestimable. Je tiens aussi à exprimer ma gratitude à madame Johanne Daigle et monsieur Pierre-Yves Saunier pour leurs nombreux conseils et l’intérêt qu’ils ont porté à ma recherche dans le cadre du séminaire de maîtrise. De même, je suis reconnaissant envers les membres de mon jury d’évaluation, madame Deborah Barton et monsieur Greg Robinson, pour leurs judicieux commentaires.

De plus, je remercie sincèrement ma famille, particulièrement mes parents, madame Claude Corriveau et monsieur Michel Martin, et mes amis pour leur soutien constant lors de la réalisation de ce mémoire.

Philippe Martin Août 2020

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Introduction

Le sujet

L’invasion de la Pologne par l’Allemagne le 1er septembre 1939 marque le début de la Deuxième Guerre mondiale en Europe. Sur la scène européenne, le 8 mai 1945, la capitulation sans condition de l’Allemagne aux Alliés met un terme à près de six ans de violence sans précédent1. Ce conflit global se démarque, entre autres, par la mort d’environ 50 millions de civils; un état de fait pouvant, en grande partie, être imputé à la brutalité des politiques d’occupation de l’Allemagne nazie dans les territoires conquis. Si, parmi ces politiques brutales, autant Hollywood que l’historiographie accordent une place prépondérante à l’Holocauste, l’occupation allemande se caractérise aussi par la répression envers les résistants, la discrimination à l’endroit d’autres minorités ethniques et les atrocités commises contre les civils dans le cadre d’opérations militaires, particulièrement sur le front de l’Est. Or, parallèlement à cette violence envers les civils, une partie de la population des pays occupés choisit de collaborer avec l’envahisseur allemand, par conviction idéologique, par opportunisme politique ou par crainte de représailles, et aide même, parfois, celui-ci à mettre en pratique ses politiques d’occupation brutales. Au cours du conflit, les quotidiens des pays alliés, conscients dans une certaine mesure de la violence contre les civils dans les territoires occupés par l’Allemagne, traitent de ce sujet.

L’activité de la presse dans les démocraties libérales lors de la Deuxième Guerre mondiale s’inscrit dans un contexte particulier de censure et de propagande. En effet, par patriotisme, les grands quotidiens américains appuient la participation de leur pays au conflit et contribuent même à populariser celui-ci auprès de la population2. Or, si la presse américaine s’implique activement dans le programme de propagande du gouvernement, les différents quotidiens présentent aussi des perspectives distinctes au sujet de diverses thématiques liées

1 Il faut attendre le 20 mai 1945 avant de voir la capitulation des dernières unités allemandes. Sur le front de l’Est, de nombreux soldats allemands poursuivent le combat pendant quelques jours, malgré la capitulation officielle de l’armée, car ils souhaitent traverser les lignes de l’Armée rouge afin pouvoir se rendre aux Alliés occidentaux et, de ce fait, éviter la captivité aux mains des Soviétiques.

2 Voir : Eugene Secunda. Selling War to America. Washington DC, Westport, 2007, 231 pages. Et Frederick Voss. Reporting the War. Washington DC, Smithsonian Institution, 1994, 218 pages.

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au conflit comme les relations entre les Alliés et les résistants ou les collaborateurs. Afin de s’intéresser à la couverture médiatique du sort des civils dans les territoires occupés par l’Allemagne réalisée par les quotidiens américains, nous comparerons les portraits présentés par le New York Times et le Chicago Tribune. En plus d’être respectivement les deux quotidiens les plus lus à New York et à Chicago, les deux villes les plus peuplées aux États-Unis à cette époque, ces deux journaux se distinguent par leur contexte « national » et leur idéologie politique. En effet, ils sont chacun proches idéologiquement d’un important parti politique américain, sont dirigés par des individus engagés dans l’arène politique et se démarquent par leur tirage et leur influence sur la scène nationale.

À l’aube de la Deuxième Guerre mondiale, le New York Times se distingue par sa diffusion nationale, plus d’un quart de ses lecteurs n’appartenant pas au public local, ses ressources et son influence politique autant à l’étranger que sur la scène nationale3. Propriété de la famille juive-américaine Ochs-Sulzberger, sur le plan politique, il s’inscrit généralement dans une perspective proche du Parti démocrate4. En effet, il appuie souvent les politiques de Franklin D. Roosevelt, particulièrement sur le plan international, et endosse sa candidature lors de trois des quatre élections présidentielles auxquelles il participe. Si, lors de l’élection présidentielle de 1940, le New York Times endosse le candidat républicain Wendell Willkie, il est important de noter que celle-ci représente un cas particulier; Wilkie étant un ancien membre du parti démocrate et prônant des politiques similaires à Roosevelt5. À la suite de la victoire du président sortant, le New York Times continue d’appuyer une part significative de ses politiques, particulièrement après l’entrée en guerre des États-Unis en décembre 1941, et endosse sa candidature lors de l’élection présidentielle de 1944. En effet, il louange particulièrement le bilan de Roosevelt sur la scène internationale et le recommande à ses lecteurs comme le meilleur candidat afin de mener la guerre à bon terme et d’assurer que la victoire des Alliés mène à une paix durable.

3 Laurel Leff, Buried by the Times, Cambridge, Cambridge University Press, 2005, p. 10.

4 Tim Luckhurst, « An Unworkanle Policy which Encourages the Enemy to Fight to the Last Gasp », Journalism Studies, vol. 1, 2014, p. 6.

5 Willkie à l’image de Roosevelt, prône des politiques visant à aider la Grande-Bretagne dans sa lutte contre l’Allemagne et propose une politique intérieure plutôt progressiste; comptant même conserver la majorité des réformes du New Deal. Il se distingue de ce fait de l’influente aile isolationniste et conservatrice du parti républicain. Ainsi, plutôt qu’un rejet de ses positions idéologiques traditionnelles, la décision du New York Times d’endosser Willkie résulte de son insatisfaction envers l’échec de Roosevelt à relancer complètement l’économie du pays et, particulièrement, de sa franche opposition envers la décision sans précédent du président sortant de briguer un troisième mandat.

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De son côté, le Chicago Tribune exprime des opinions proches du Parti républicain6. Son orientation idéologique s’inscrit dans la ligne tracée par le colonel Robert R. McCormick, son propriétaire, un partisan de l’isolationnisme et un adversaire acharné de Roosevelt7. Sous la tutelle de McCormick, propriétaire à compter des années 1920, le Chicago Tribune connaît un essor important; devenant le premier journal de la ville et développant un lectorat national important. Évidemment, ce quotidien endosse le candidat républicain défait lors des quatre élections présidentielles auxquelles Roosevelt participe. En 1940, il dénonce les visées centralisatrices du président sortant et condamne sa décision de se présenter pour un troisième terme sans égard pour la tradition. Le quotidien accuse Roosevelt de conspirer afin de faire intervenir les États-Unis dans la guerre et présente Wilkie comme le candidat pouvant assurer la paix et permettre le retour de la prospérité8. S’étant attaqué quotidiennement au bilan

économique et à la conduite de la guerre du président pendant son troisième mandat, le

Chicago Tribune endosse avec enthousiasme la candidature de Dewey en 1944. Il est

présenté par ce quotidien comme un candidat en mesure de restaurer la prospérité économique du pays et, surtout, un patriote qui favorisera les intérêts des États-Unis au-delà de ceux de ses alliés lors des négociations de paix.

La Deuxième Guerre mondiale voit une métamorphose du rôle des États-Unis sur la scène internationale; l’isolationnisme traditionnel du pays étant abandonné en faveur d’une vision interventionnisme. L’étude comparative de la couverture médiatique réalisée par le New York

Times et le Chicago Tribune lors de cette période de transformation est très intéressante car

leurs visions du rôle des États-Unis sont aux antipodes. Au début du conflit, jusqu’au choc de la défaite de la France, si le New York Times est plus ouvertement favorable aux démocraties libérales, les deux quotidiens traitent de ce conflit comme d’une guerre européenne. Par la suite, le quotidien new-yorkais défend la position du président, à savoir que les États-Unis ne peuvent permettre à l’Allemagne de vaincre la Grande-Bretagne. Si une intervention militaire n’est pas encore considérée, le New York Times est favorable à une

6 Luckhurst, op. cit., p. 5. 7 Voss, op. cit., p. 38.

8 Il est intéressant de noter que, si le Chicago Tribune se range résolument derrière Wilkie, celui-ci, en raison de la parenté de sa pensée politique avec les démocrates, n’est évidemment pas le candidat souhaité par ce journal promouvant une idéologie isolationniste et conservatrice.

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aide économique et matérielle croissante. À l’inverse, jusqu’à l’attaque japonaise sur Pearl Harbor, le Chicago Tribune se méfie de toutes formes d’aide américaine aux Britanniques; craignant que les intérêts économiques des États-Unis en Grande-Bretagne ne deviennent si importants qu’ils n’auront pas d’autre choix que d’intervenir militairement afin d’assurer sa victoire. À la suite de Pearl Harbor, les deux quotidiens appuient la participation américaine au conflit, le Chicago Tribune se ralliant par patriotisme à la position du gouvernement, mais présente des optiques différentes au sujet des objectifs de guerre du pays. Selon le New York

Times, à la suite de la défaite de l’Allemagne, identifiée comme l’ennemi principal des Alliés,

les États-Unis ne doivent pas se replier sur leur isolationnisme traditionnel, à l’inverse des décisions prises au terme de la Première Guerre mondiale, mais, plutôt, jouer un rôle phare au sein d’une organisation internationale qui assurera le maintien de la paix. Si le Chicago

Tribune reconnaît l’importance de vaincre l’Allemagne nazie, il souhaite que cette victoire

soit accomplie de manière à limiter le plus possible les pertes de vies américaines. Partisan d’un retour à l’isolationnisme au terme du conflit, il soutient qu’il revient aux pays européens de résoudre leurs différends politiques internes et externes une fois l’Allemagne vaincue. Dans le cadre de notre mémoire, nous analyserons en quoi les positions politiques très différentes de ces deux quotidiens ont influencé leur couverture respective des questions liées à l’occupation allemande; celles-ci s’inscrivant dans une période charnière du débat au sujet du rôle que les États-Unis doivent jouer dans le monde.

L’historiographie

L’historiographie pertinente peut être divisée en quatre champs de recherche, à savoir l’histoire des médias, l’histoire politique, l’histoire des représentations et l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale. Premièrement, l’histoire des médias représente un vaste champ de recherche et plusieurs historiens se sont intéressés aux développements et à l’évolution de la presse, de la radio, du cinéma, de la télévision et d’Internet. Dans notre recherche historiographique, nous avons privilégié les études générales accordant une importance prépondérante au cas américain car elles sont plus pertinentes pour notre mémoire. La somme de Lyn Gorman et David McLean ainsi que l’ouvrage de Rodger Streitmatter s’intéressent

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au développement des médias de masse entre le milieu du XIXe siècle et la fin du XXe siècle9. Gorman et McLean affirment, entre autres, que la presse, en tant qu’outil de propagande et de moyen de conserver le moral de la population, joue un rôle essentiel en temps de guerre10. En ce qui concerne directement notre sujet de recherche, ils soutiennent que, au fil de la guerre, la presse américaine dénonce de plus en plus les atrocités commises par les Allemands dans les territoires occupés11. De son côté, Streitmatter conclut notamment que, grâce à leur capacité d’influencer l’opinion publique, les médias ont joué un rôle significatif dans le façonnement de l’histoire américaine12. Surtout, ces ouvrages montrent que l’action de la presse aux États-Unis pendant la Deuxième Guerre mondiale s’inscrit dans le cadre plus large de l’ère du développement des médias de masse.

Par ailleurs, plusieurs historiens des médias se sont particulièrement intéressés aux spécificités de la pratique médiatique lors de la Deuxième Guerre mondiale. En effet, en temps de guerre, même dans une démocratie libérale comme les États-Unis, les médias évoluent dans un climat de censure et de propagande qui a un impact significatif sur leurs activités. Or, les historiens s’étant intéressés à cette question, notamment Frederick Voss, Eugene Secunda et Tim Luckhurst, arrivent à des conclusions similaires; par patriotisme, la presse participe volontairement au programme de censure et de propagande imposé par le gouvernement américain à la suite de l’entrée en guerre du pays et joue un rôle significatif afin de populariser le conflit auprès de la population13. Selon Secunda, dans le climat revanchiste créé par l’attaque sur Pearl Harbor, même le Chicago Tribune, traditionnellement isolationniste et opposé à Roosevelt, contribue à l’effort de guerre et modère ses critiques envers le président démocrate; la victoire apparaissant plus importante que les conflits politiques intérieurs14. De même, Clayton Laurie, s’intéressant spécifiquement au fonctionnement de cette propagande médiatique, montre que les quotidiens américains

9 Lyn Gorman et David McLean, Media and Society in the Twentieth Century, Malden, Blackwell Publishing, 2003, 284 pages. Et Rodger Streitmatter. Mightier Than the Sword, Boulder, Westview Press, 2008, 323 pages.

10 Gorman, op. cit., p. 5. 11 Ibid., p. 98.

12 Streitmatter, op. cit., 323 pages.

13 Voir : Secunda, op. cit., 231 pages., Voss. op. cit., 218 pages Et Luckhurst, op. cit., p. 1 à 17.

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instrumentalisent l’outrage provoqué par Pearl Harbor afin de mobiliser la population pour la guerre15.

Ainsi, l’historiographie montre que les grands quotidiens américains adoptent une position favorable à la guerre, contribuant même à « vendre » celle-ci, une fois leur nation entrée dans le conflit. Dans cette optique, il apparaît logique qu’ils insistent sur la répression envers les résistants par les forces allemandes et collaboratrices afin de réaliser leur objectif de populariser la guerre; une hypothèse que nous tâcherons de vérifier. Aussi, si l’historiographie montre que les quotidiens américains adoptent une attitude favorable à la guerre à compter de décembre 1941, il convient d’étudier en quoi l’entrée en guerre des États-Unis marque une transformation significative dans la couverture médiatique de la résistance et de la collaboration réalisée par le New York Times et le Chicago Tribune. Dans cette perspective, nous tâcherons notamment de vérifier si ce dernier, opposé à une intervention militaire américaine jusqu’à Pearl Harbor, a minimisé les informations à propos de la brutalité de la répression nazie envers les résistants afin de conforter ses lecteurs dans leurs positions isolationnistes et s’il a tâché de présenter des portraits positifs des régimes collaborateurs, entre autres de la France de Vichy, afin que ceux-ci soient favorables à une fin des hostilités en Europe. À l’inverse, le New York Times, favorable, dès les premiers mois du conflit, à une aide américaine aux démocraties libérales européennes, insistait-il sur la répression envers les populations des pays occupés et condamnait-il les régimes collaborateurs, tout en héroïsant les mouvements de résistance, afin de préparer la population américaine à une éventuelle intervention militaire des États-Unis?

D’autre part, la production scientifique reliée aux portraits dans la presse du sort des civils dans les territoires occupés par l’Allemagne concerne surtout un débat historiographique précis, à savoir les causes du silence de la plupart des quotidiens occidentaux face à l’Holocauste. Les études publiées avant les années 1990, notamment celle de Michael Balfour, expliquent généralement ce silence par le fait que les Alliés, souhaitant réaliser une stratégie de propagande réaliste, censurent les informations à propos de la « solution finale »

15 Voir : Clayton Laurie, The Propaganda Warriors: America's Crusade Against Nazi Germany, Kansas City, University Press of Kansas, 1996, 352 pages.

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jusqu’en 1944, année de la découverte des camps de concentration, car elles apparaissent trop irréalistes16. Or, plusieurs études récentes rejettent cet argument. Un courant historiographique très influent aux États-Unis, entres autres défendu par David S. Wyman, soutient plutôt que la presse a camouflé les informations liées à l’Holocauste en raison de l’antisémitisme très présent aux États-Unis à cette époque et affirme que les Juifs américains portent une grande partie du blâme lié à l’Holocauste17. De leur côté, Deborah Lipstadt et, surtout, Laurel Leff insistent sur ce premier aspect; le silence de la presse américaine ne s’expliquant pas par un manque de renseignement18. En fait, les propriétaires du New York

Times, conscients du climat d’antisémitisme régnant aux États-Unis, ont sciemment limité

les informations sur ce sujet afin d’éviter que leur position favorable à une intervention contre l’Allemagne soit perçue comme de la solidarité juive19. De plus, s’intéressant à la manière

dont ce quotidien a camouflé l’Holocauste, Leff propose une approche méthodologique intéressante en accordant une attention particulière au positionnement des articles au sein d’un quotidien. En effet, si le New York Times publie plusieurs dizaines d’articles sur ce sujet pendant la guerre, ceux-ci sont généralement enfouis près de la rubrique nécrologique. Toutefois, au-delà de ces pistes méthodologiques essentielles, il nous a rapidement apparu que l’historiographie au sujet du portrait de l’Holocauste dans la presse américaine était déjà très étayée. De ce fait, il semblait judicieux de renoncer à l’analyse de ce sujet afin de nous intéresser plus en profondeur à des thèmes moins développés, à savoir la couverture médiatique de la résistance et de la collaboration en Europe occupée.

Ayant retenu les thèmes de la couverture médiatique de la résistance et de la collaboration réalisée par le Chicago Tribune et le New York Times, il convient d’illustrer les différents débats historiographiques entourant ces sujets complexes. En effet, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, une vaste littérature scientifique au sujet des résistants et des collaborateurs en Europe occupée, particulièrement en France, s’est développée. Or, dans le cadre de notre mémoire, nous nous sommes surtout intéressés à des études plutôt récentes, notamment celles de Tony Judt, de Mark Mazower et de Julian Jackson, illustrant la

16 Voir : Michael Balfour, Propaganda in War 1939-1945: Organisation, Policies and Publics in Britain and Germany, Londres, Routledge and Kegan Paul, 1979, 520 pages.

17 Voir : David Wyman (ed.), The World Reacts to the Holocaust, Baltimore, John Hopkins University Press, 1996, 981 pages. 18 Voir : Deborah Lipstadt, Beyond Belief: The American Press and the Coming of The Holocaust, New York, Touchstone, 1993, 384 pages. et Leff, op. cit., 428 pages.

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complexité des questions au sujet de ces thèmes et la difficulté de définir résistants et collaborateurs; plutôt qu’une simple opposition entre résistants de la première heure et collaborateurs résolus, la réalité sur le terrain étant composée de zones grises où la majorité de la population des pays occupés évoluait tandis que de nombreux collaborateurs ont éventuellement rallié la résistance20. Ainsi, avant 1944, la population des pays occupés étant majoritairement attentiste tandis que les résistants et les collaborateurs représentaient des minorités, il apparaît qu’un mythe de la résistance se serait développé à travers l’Europe après la libération. De plus, ces auteurs montrent que les résistants et les collaborateurs ne doivent pas être vus comme des mouvements monolithiques. Or, Mazower, notamment, se positionne dans le débat historiographique au sujet de la contribution de la résistance à la victoire alliée. S’il affirme que, à l’exception des importantes activités de guérilla sur le front de l’Est, elle n’a pas eu un impact stratégique majeur, il reconnaît son importance symbolique. Par ailleurs, son étude souligne qu’une véritable collaboration selon les modèles en Europe de l’Ouest était impossible en Europe de l’Est et en Pologne car les Allemands étaient déterminés à faire disparaître ces pays.

Ces études nous donnent plusieurs pistes afin de mieux percevoir la complexité et les ambiguïtés des phénomènes de la résistance et de la collaboration. Il sera intéressant d’étudier dans quelle mesure la couverture médiatique réalisée par le New York Times et le Chicago

Tribune reflète ces nuances. De plus, les questions du mythe de la résistance et de la

contribution réelle de la résistance à l’effort de guerre nous amènent à nous interroger pour savoir si les quotidiens étudiés, particulièrement le New York Times, ont exagéré son apport, surtout avant 1944, dans un objectif de « vendre » la guerre à la population américaine. Par ailleurs, la question de la perception du conflit contre l’Allemagne par la population américaine intéresse depuis plusieurs années les historiens des représentations. L’historiographie traditionnelle présente la Deuxième Guerre mondiale comme une « bonne guerre » à laquelle la population américaine participe de façon enthousiasme en raison de motifs idéologiques; le gouvernement, avec l’appui des médias, ayant réussi à créer le mythe

20 Voir : Tony Judt, « The Past is Another Country » dans Istvan Deak et al. The Politics of Retribution in Europe, Princeton, Princeton University Press, 2000, p. 293-323., Mark Mazower, Hitler’s Empire, New York, Penguin Press, 2008, 725 pages. Et Julian Jackson, France: The Dark Years, Oxford, Oxford University Press, 2003, 660 pages.

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d’une guerre entre le monde libre et la tyrannie21. Or, ce courant historiographique traditionnel est de plus en plus remis en question. Les études récentes rappellent le caractère isolationniste d’une grande partie de la population américaine à l’aube de l’entrée en guerre des États-Unis et le fait que, même après l’intervention américaine dans le conflit, plusieurs politiques de Roosevelt, particulièrement sa position de reddition sans condition dans le débat au sujet du sort à réserver à l’Allemagne, sont ouvertement remises en question par certains quotidiens, notamment le Chicago Tribune, et une frange significative de la population. Par exemple, Steven Casey affirme que si, à la suite de l’entrée en guerre des États-Unis, la population est favorable à la guerre contre le Japon, plusieurs Américains remettent en doute la nécessité de combattre l’Allemagne22. C’est seulement en 1943, les médias ayant éveillé

la population à la réalité de la brutalité du régime nazi, que la population devient de plus en plus acquise à cette idée23.

Dans le cadre de ce mémoire, nous tâcherons de montrer en quoi l’opposition du Chicago

Tribune aux politiques internationalistes de Roosevelt a influencé le portrait des résistants et

des collaborateurs réalisé par ce quotidien. Est-ce que, en raison de motifs politiques, le New

York Times aurait été plus porté que le Chicago Tribune à instrumentaliser la répression

contre les résistants et à dénoncer la réalisation d’accord avec les collaborateurs? À l’inverse, il convient de vérifier si ce dernier a limité quelque peu les informations au sujet de la répression envers les résistants afin que ses lecteurs soient plus enclins à envisager des négociations avec l’Allemagne et la réalisation d’ententes avec les gouvernements Quislings dans le but d’accélérer la victoire alliée et de limiter les pertes de vies américaines.

L’étude de l’action politique des gouvernements en exil pendant la Deuxième Guerre mondiale représente aussi un champ de recherche intéressant pour notre mémoire; les médias des Alliés occidentaux apparaissant comme des partenaires indispensables afin que les gouvernements en exil puissent sensibiliser l’opinion publique à leur cause. La production scientifique sur ce sujet est dominée par les études s’intéressant au mouvement France libre.

21 Voir : John Morton Blum, V Was for Victory: Politics and American Culture during World War II, New York, Harcourt Brace Jovanovich, 1976, 372 pages. Et Richard Polenberg, War and Society: The United States, 1941-1945, New York, Praeger, 1980, 298 pages.

22 Voir : Steven Casey, Cautious Crusade, Oxford, Oxford University Press, 2001, 302 pages. 23 Ibid, p. XXI.

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Emmanuelle Loyer et Raoul Aglion montrent que la presse américaine représente une alliée indispensable afin de permettre la diffusion des idées de France libre et a joué un rôle significatif dans le rejet de Vichy ainsi que dans la reconnaissance de France libre par Washington en 19422425. Si cette campagne est menée par des quotidiens traditionnellement critiques envers le gouvernement Roosevelt, même le New York Times participe à celle-ci26. La France étant au centre de la couverture de la résistance et de la collaboration réalisée par les quotidiens étudiés, nous analyserons leur présentation de l’évolution des relations complexes entre le gouvernement Roosevelt, le régime de Vichy et les mouvements de résistance français. Or, consulté à titre comparatif, l’ouvrage de George Kacewicz présente une perspective complètement différente27. En effet, l’auteur montre que la presse

britannique a contribué au discrédit du gouvernement polonais en exil dans l’opinion populaire28. Cette campagne médiatique négative apparaît nécessaire car la Pologne doit être

sacrifiée pour le bien de l’alliance avec l’Union soviétique. Cet ouvrage nous amène à nous questionner afin de déterminer si les quotidiens américains étudiés ont adopté une ligne éditoriale similaire afin de limiter l’opposition populaire aux sacrifices de mouvements de résistance démocratiques en Europe de l’Est et en Europe centrale au profit de l’alliance avec les Soviétiques. Ainsi, la mise en relief de ces études suggère que, en raison de facteurs géopolitiques, la couverture de la résistance réalisée par les quotidiens américains diffère considérablement selon la nationalité des résistants en question. Nous tâcherons donc d’analyser l’ampleur et les causes de cette apparente dissonance.

Questionnement

Dans le cadre de ce mémoire, nous tâcherons de vérifier l’hypothèse selon laquelle la couverture médiatique des résistants et des collaborateurs réalisée par les deux grands journaux américains étudiés se distingue en raison de leurs positions politiques, notamment leur conception du rôle que les États-Unis doivent jouer sur la scène internationale. Dans ce

24 Voir Emmanuelle Loyer, Paris à New York, Paris, Hachette, 2005, 497 pages. Et Raoul Aglion, De Gaulle et Roosevelt, Paris, Plon, 1984, 294 pages.

25 L’ouvrage d’Aglion se révèle une source d’information particulièrement riche, l’auteur, un avocat ayant contribué à la reconnaissance de France libre par les États-Unis, appuyant son expérience personnelle par une vaste recherche historique.

26 Aglion, op. cit., p. 140.

27 George Kacewicz, Great Britain, the Soviet Union and the Polish Government in Exile, Londres, Martinus Nirhoff Publishers, 1979, 255 pages.

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but, nous réaliserons une analyse comparant la façon dont le New York Times et le Chicago

Tribune ont traité de la résistance et la collaboration lors de la Deuxième Guerre mondiale.

La décision de s’intéresser aux portraits des résistants et des collaborateurs s’explique par l’abondance d’articles dans les sources à propos de ces sujets, le niveau d’avancement moindre de la recherche historique concernant cet aspect de l’étude des activités de la presse pendant la guerre et, surtout, l’opposition comparative logique entre ces deux thèmes. Or, à ce stade de l’étude, il convient de poser ce que le Chicago Tribune et le New York Times, ainsi que nous, par extension, entendaient par « résistants » et « collaborateurs ». Il apparaît que les quotidiens étudiés ont identifié comme « résistants », à travers des termes tels que « resistants », « patriots », « rebels », « partisans », « maquis », les différents individus, organisations et mouvements des pays occupés ayant résisté, militairement ou passivement, à l’envahisseur allemand autant sur le terrain qu’en s’exilant afin de poursuivre le combat au côté des Alliés. Plus précisément, nous traiterons, entre autres, de la couverture médiatique des activités des cellules de résistance locales, des forces de guérilla ainsi que des armées et des gouvernements en exil. Parallèlement, le Chicago Tribune et le New York Times ont notamment présenté les milices fascistes, les forces de police et les membres de l’administration des États quislings, la presse pro-fasciste et les collaborateurs industriels en tant que « collaborateurs »; les qualifiant, entre autres, de « collaborators », « Quislings », « traitors » ou « renegades ». Ainsi, au sens large, ils définissaient comme « collaborateurs » les franges de la population des pays occupés ayant activement contribué à l’effort de guerre allemand, s’étant impliquées dans la mise en place et le maintien de régimes pro-nazis ou ayant manifesté leur appui envers ces gouvernements.

En s’intéressant à divers paramètres, tels que les positions idéologiques et politiques d’un quotidien, sa position face à l’Allemagne au début de la guerre et le contexte changeant du conflit, nous comparerons l’évolution de la couverture de la résistance et de la collaboration réalisée par le New York Times et le Chicago Tribune lors de la Deuxième Guerre mondiale. Nous chercherons à vérifier si le premier, supportant généralement les politiques de Roosevelt et sa vision internationaliste du rôle des États-Unis, est plus enclin à rapporter la répression envers les résistants dans le but de « vendre » la guerre que le Chicago Tribune, lequel a milité jusqu’à l’attaque de Pearl Harbor afin que les États-Unis restent à l’écart du

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conflit et, lorsque la participation américaine est devenue inévitable, prêché pour un retour à l’isolationnisme traditionnel une fois la victoire acquise. Aussi, nous étudierons en quoi ces visions opposées influencent leur couverture des mouvements de résistance. En effet, pour le

New York Times, ceux-ci sont des partenaires potentiels afin de bâtir une nouvelle

organisation internationale qui assurera la paix. Dans cette optique, il apparaît primordial que les mouvements de résistance favorables aux démocraties occidentales prennent le contrôle politique des pays libérés. En revanche, nous anticipons que le Chicago Tribune prône de soutenir les mouvements de résistance qui peuvent causer le plus de dommage à l’Allemagne, peu importe leur idéologie; l’avenir politique des pays libérés représentant un enjeu secondaire. De même, nous comparerons les portraits des collaborateurs réalisés par les quotidiens étudiés. Le Chicago Tribune présentera sans doute les collaborateurs selon une perspective très différente de son homologue; les ententes avec d’anciens collaborateurs représentant une façon d’écourter la guerre et de sauver des vies américaines. Parallèlement, nous analyserons en quoi l’entrée en guerre des États-Unis marque une rupture dans la couverture médiatique des résistants et des collaborateurs réalisée par les quotidiens étudiés, notamment dans le cas d’un journal isolationniste comme le Chicago Tribune.

Parallèlement, nous tâcherons d’analyser si la couverture médiatique de la résistance et de collaboration réalisée par les quotidiens étudiés varie entre les différents pays d’Europe occupée. Nous vérifierons en quoi des facteurs déterminants comme l’emplacement géographique d’un pays et ses liens culturels avec les États-Unis, l’ampleur de la présence militaire américaine dans celui-ci, le niveau d’information disponible, la censure et son importance stratégique pour l’effort de guerre allié ont influencé la couverture médiatique de ses résistants et de ses collaborateurs réalisée par le Chicago Tribune et le New York Times. Les sources

Dans le cadre de notre mémoire, nous avons étudié un vaste corpus de sources comprenant l’ensemble des parutions du New York Times et du Chicago Tribune entre le 1er septembre 1939 et le 31 mai 1945. En effet, afin de réaliser une analyse comparative précise et représentative, il est nécessaire d’étudier la couverture médiatique de la résistance et de la

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collaboration présentée par les quotidiens sélectionnés pendant l’ensemble de la Deuxième Guerre mondiale. Or, étant donné l’ampleur de ce corpus de sources, il s’est avéré indispensable de procéder à un échantillonnage. Selon les ouvrages méthodologiques consultés, si l’échantillon peut être constitué de façon aléatoire ou définie, l’essentiel est de conserver la même logique à travers l’ensemble de la recherche29. Au cours du processus de constitution de notre échantillon, nous avons envisagé plusieurs méthodes différentes. Finalement, nous avons établi un échantillon composé d’un numéro sur quatre publié par les quotidiens étudiés pendant les mois où se sont déroulés des moments charnières de l’activité des résistants et des collaborateurs en Europe occupée. Ainsi, à titre d’exemple, pour le mois de septembre 1939, nous avons étudié les éditions du 1er, 5, 9, 13, 17, 21, 25 et 29 septembre

publiées par quotidiens étudiés. Nous avons identifié ces moments charnières par un processus de croisement entre l’historiographie et une recherche préliminaire par mots clés dans les archives des quotidiens étudiés. Au final, nous avons délimité notre échantillon à une parution sur quatre du New York Times et du Chicago Tribune pour les 31 mois sélectionnés, soit un total de 496 numéros30.

En guise d’exemples, nous avons, entre autres, identifié comme moments importants les mois de juin et juillet 1940, lesquels voient la défaite de la France, l’organisation du régime de Vichy et la naissance du mouvement de France Libre, d’octobre 1941, théâtre de la première grande vague de résistance à travers l’Europe occupée, de décembre 1941, lieu de l’entrée en guerre des États-Unis, de novembre et de décembre 1942, marqués par la campagne américaine en Afrique du Nord et des évènements comme l’accord des Alliés occidentaux avec l’ex-vichyste Darlan et le sabordage de la flotte de Toulon, de septembre 1943, théâtre de l’armistice italien, de juillet, d’août et de septembre 1944, marqués par les activités importantes des maquis français lors de la libération de leur pays et le soulèvement de Varsovie en Pologne, de décembre 1944 et janvier 1945, lieu de la guerre civile grecque opposant les résistants monarchistes et communistes, ainsi que d’avril et de mai 1945, lesquels voient la fin de la guerre en Europe.

29 Barrie Gunter, Media Research Methods, Londres, SAGE Publications, 2000, p. 56. 30 La Deuxième Guerre mondiale s’est étendue sur 69 mois entre septembre 1939 et mai 1945.

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Par ailleurs, notre corpus de sources est facilement accessible en ligne. En effet, l’ensemble des parutions du Chicago Tribune entre 1857 et 1991 ainsi que tous les numéros du New York

Times entre 1851 et 1950 ont été numérisés et sont disponibles dans les archives digitales de

ces quotidiens, à savoir Chicago Tribune Archives et Times Machine.

D’autre part, lors de l’analyse de notre corpus de sources, nous avons considéré plusieurs facteurs spécifiques liés à l’étude de la presse. En effet, lors du processus de rédaction d’un article, l’auteur et le quotidien pour lequel il travaille sont influencés par des variables comme le contexte de production et le public cible31. Si, pendant la Deuxième Guerre mondiale, les journaux américains sont soumis à la censure, lors de l’analyse des numéros publiés par les quotidiens étudiés avant l’intervention militaire des États-Unis dans le conflit, il convient de considérer qu’ils sont rédigés dans un contexte différent; la dissidence avec la position officielle du gouvernement étant bien plus courante en temps de paix. Par ailleurs, les quotidiens cherchent à publier des articles répondant aux attentes de leur public cible et, même dans le contexte particulier de l’activité de la presse en temps de guerre, ils proposent des perspectives distinctes à propos de divers aspects du conflit s’inscrivant dans l’optique idéologique de leur lectorat. Ainsi, le Chicago Tribune continue, dans la mesure permise par la censure et le patriotisme, de critiquer les politiques de Roosevelt sur la scène américaine et à l’échelle internationale tout en militant pour un retour à l’isolationnisme traditionnel à la suite de la victoire. De son côté, le New York Times tâche de présenter une analyse approfondie des évènements à l’échelle internationale et, bien que généralement en faveur de la vision internationaliste du président, n’abandonne pas sa liberté d’opinion. Il critique parfois les décisions prises par le gouvernement, notamment au sujet de ses relations avec de Gaulle et de sa position ambivalente à la suite de l’armistice italien.

Méthode de traitement des sources

Dans le cadre de ce mémoire, nous avons étudié notre corpus de sources selon une double méthode quantitative et qualitative. Nous avons procédé à une analyse quantitative des différents numéros du New York Times et du Chicago Tribune composant notre échantillon

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afin d’établir l’évolution au fil du conflit du poids médiatique accordé par chacun de ces quotidiens à la couverture de la résistance et de la collaboration. Cette analyse quantitative a aussi permis d’identifier les pays qui étaient au centre de cette couverture et de comparer leur poids médiatique respectif. Si certains pays, notamment la France, occupent constamment une place prépondérante dans cette couverture, ce poids médiatique fluctue grandement au fil des moments charnières pour la majorité des pays occupés. Par ailleurs, à travers une analyse qualitative, reposant principalement sur l’étude du langage et du contenu des articles répertoriés, nous avons tâché de comparer les perspectives des quotidiens étudiés à propos des deux aspects de notre problématique et d’analyser l’impact de leur positionnement idéologique respectif sur ces différentes prises de position.

En premier lieu, nous avons dépouillé tous les numéros du New York Times et du Chicago

Tribune composant notre échantillon afin de dresser un inventaire des articles traitant de la

résistance ou de la collaboration. Puis, nous avons répertorié plusieurs paramètres indispensables pour chacun de ces articles, notamment le sujet, le type d’article, sa taille et son emplacement au sein du numéro ainsi que des notes à propos du langage et du contenu. Pour chacun des 31 mois sélectionnés dans le cadre de notre échantillonnage, nous avons ensuite procédé à une analyse comparative de la couverture réalisée par les deux quotidiens étudiés. Ainsi, pour un mois donné, nous avons comparé le nombre d’articles par pays au sujet de la résistance et de la collaboration répertoriés dans le New York Times et le Chicago

Tribune et, surtout, l’emplacement et la taille de ces articles afin de mettre en relief le poids

médiatique accordé par les quotidiens étudiés aux deux aspects de notre problématique. En effet, il convient de rappeler que notre stratégie de recherche quantitative a été inspirée par la méthode employée par Leff. Si elle répertorie un nombre relativement important d’articles au sujet de l’Holocauste dans le New York Times, son ouvrage montre que la plupart de ces articles ne sont que de petites rubriques, souvent enfouies près de la section nécrologique32. De ce fait, il apparaît que la taille et, surtout, l’emplacement des articles à propos d’un sujet donné sont souvent plus représentatifs de son poids médiatique que la simple récurrence33.

32 Leff, op. cit., p. 3. 33 Ibid., p. 5.

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Ainsi, la mention régulière d’un sujet dans les premières pages d’un quotidien ou dans les éditoriaux est synonyme d’un poids médiatique considérable.

Aussi, nous avons employé une méthode qualitative fondée sur l’analyse du langage et du contenu des articles répertoriés afin de déterminer les perspectives des quotidiens étudiés face à nos thèmes. Le langage employé par un auteur et le contenu de son article, à travers le choix des faits retenus et la manière de les présenter, étant le reflet de son idéologie, cette portion de notre analyse comparative nous a permis d’étudier les motivations sous-jacentes aux fluctuations des portraits des résistants et des collaborateurs réalisés par le New York

Times et le Chicago Tribune34. Ce type d’analyse permet de déceler la propagande camouflée

à travers des articles à prime abord à caractère informatif35. À titre d’exemple, l’usage

récurrent de termes comme « shameful », « traitors » ou « Quisling» pour référer aux membres du gouvernement de Vichy dans le New York Times reflète le mépris qu’il cherche à inspirer envers les collaborateurs. Nous avons accordé une grande importance aux termes utilisés afin d’héroïser ou de démontrer l’inefficacité des résistants et à ceux employés afin de condamner ou d’excuser les collaborateurs. De plus, grâce à l’analyse du contenu, à travers l’observation de la sélection des faits et de la manière de présenter l’information, nous établirons une adéquation entre le message présenté dans un article et les motivations de l’auteur; le message reflétant ses opinions et ses valeurs. De même, le fait que les éléments absents dans un texte soient particulièrement révélateurs de l’idéologie d’un auteur ou d’un quotidien représente un autre élément essentiel de l’analyse du contenu36. Nous avons donc tâché d’identifier quels éléments du sort des résistants et des collaborateurs sont souvent occultés par les quotidiens étudiés et d’interpréter les motivations qui expliquent cet état de fait. Or, contrairement à l’analyse quantitative, les méthodes qualitatives laissant une place significative à l’interprétation et ne donnant pas de réponses absolues, l’étude de l’historiographie fut essentielle afin d’interpréter judicieusement notre corpus de sources37.

34 Anders Hansen et David Machin, Media and Communication Research Methods, Londres, Palgrave Macmillan, 2013, p. 112. 35 John Street, Mass Media, Politics and Democracy, Londres, Palgrave Macmillan, 2001, p. 21.

36 Bonnie Brennen, Qualitative Research Methods for Media Studies, New York, Routledge, 2013, p. 207. 37 Ibid., p. 203.

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Plan du mémoire

Afin de réaliser une analyse comparative globale de l’évolution de la couverture des résistants et des collaborateurs présentée par ces deux quotidiens lors de la Deuxième Guerre mondiale, nous nous intéresserons à l’ensemble de la durée du conflit en Europe, à savoir entre septembre 1939 et mai 194538. Sur le plan géographique, nous traiterons de la couverture médiatique de l’occupation allemande en Europe et, dans une moindre mesure, en Afrique du Nord. De ce fait, nous nous intéresserons à la couverture de la résistance et de la collaboration dans l’ensemble des pays occupés ou annexés par l’armée allemande au fil du conflit, notamment l’Autriche, les Sudètes et la partie tchèque de la Tchécoslovaquie, la Pologne, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Belgique et la zone nord de la France, certaines parties de la Yougoslavie, les Pays baltes et certaines régions de l’Union Soviétique, et dans ceux dirigés par des régimes complices ou fantoches, tels que la Slovaquie, la Norvège, la France de Vichy, la Serbie, la Croatie, la Grèce et l’Albanie. Nous nous intéresserons aussi au cas particulier du Danemark39. En revanche, la couverture médiatique de la résistance et de la collaboration dans les pays alliés avec l’Allemagne, comme l’Italie, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie et la Finlande, ou sympathisants, tels que l’Espagne, ne sera pas analysée. Cependant, nous nous intéresserons au sort des résistants et des collaborateurs de certains de ces pays à la suite de leur occupation partielle par l’armée allemande. Nous référons, entre autres, à la République de Salo en Italie du Nord, dès septembre 1943, à la Hongrie de Ferenc Szalasi, à compter d’octobre 1944, ainsi qu’aux tentatives éphémères de l’Allemagne de conserver une partie des territoires roumains, finlandais et bulgares, entre août et novembre 1944.

Dans un premier chapitre, nous effectuerons une comparaison quantitative globale des portraits des résistants et des collaborateurs réalisés par le New York Times et le Chicago

Tribune afin de présenter certaines conclusions générales préalables à notre analyse par

période. Puis, la suite de notre développement se divise en sept chapitres s’intéressant à

38 Notre champ d’étude s’étendra jusqu’à la fin mai 1945 car, malgré la capitulation sans condition de l’Allemagne aux Alliés le 8 mai, particulièrement en Tchécoslovaquie et en Yougoslavie, des unités allemandes poursuivent le combat pendant quelques jours.

39 Le Danemark se distingue des autres pays occupés car, pendant toute la durée de l’occupation, les envahisseurs allemands ont laissé le roi et le gouvernement démocratiquement élu en place.

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différentes périodes chronologiques dans lesquels nous comparerons les couvertures de nos deux sujets d’étude présentées par les quotidiens étudiés. Cette division chronologique est balisée par des moments charnières marquant une certaine transition dans l’évolution de la couverture médiatique de la résistance et de la collaboration. Le deuxième chapitre traite de la période entre le début du conflit, en septembre 1939, et l’entrée en guerre des États-Unis en décembre 1941. Or, la majorité de l’Europe n’étant pas encore sous occupation allemande avant les conquêtes du printemps 1940, notre analyse lors de cette période s’étendra surtout entre juillet 1940 et décembre 1941 alors qu’une éventuelle intervention militaire apparaît de plus en plus inévitable pour nombre d’Américains. Le troisième chapitre porte sur les premiers temps de la participation américaine à la Deuxième Guerre mondiale, moment où les troupes américaines ne sont pas encore engagées dans des opérations terrestres contre la Wehrmacht. Le quatrième chapitre traite de la période, s’étendant de novembre 1942 à août 1943, pendant laquelle la campagne d’Afrique du Nord est au centre de l’effort militaire américain contre l’Allemagne. Par la suite, avec l’armistice italien de septembre 1943 et le début de la guerre civile dans ce pays, le focus médiatique se déplace vers la campagne d’Italie, principal théâtre d’opération en Europe entre septembre 1943 et mai 1944. Le cinquième chapitre s’intéresse à cette étape du conflit. Notre sixième chapitre couvre la période s’étendant entre D-Day, en juin 1944, et septembre 1944, théâtre de la libération de la France et d’une vague de révolte sans précédent à l’échelle européenne. Dans le septième chapitre, nous nous intéressons à une étape du conflit, entre octobre 1944 et mars 1945, où l’offensive des Alliés occidentaux stagne aux frontières de l’Allemagne tandis que les questions du rôle politique que les mouvements de résistance doivent jouer dans les pays libérés et du sort à réserver aux collaborateurs prennent une place prépondérante dans l’actualité à travers des évènements comme la guerre civile grecque et les procès de collaboration en France. Le huitième chapitre porte sur les derniers mois du conflit alors que les troupes américaines envahissent l’Allemagne et que les derniers vestiges de l’Empire nazi tombent les uns après les autres.

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Chapitre 1 : Comparaison générale quantitative

de la couverture médiatique de la résistance et de la

collaboration réalisée par le New York Times et

le Chicago Tribune

En premier lieu, nous établirons une comparaison générale quantitative de la couverture médiatique de la résistance et de la collaboration en Europe occupée réalisée par le New York

Times et le Chicago Tribune au cours de la Deuxième Guerre mondiale.

Sans équivoque, le New York Time consacre une attention médiatique beaucoup plus importante que le Chicago Tribune à la résistance et à la collaboration en Europe occupée. En effet, dans le cadre de notre échantillonnage, nous avons répertorié 3 651 articles pour le premier, soit 76 % des articles retenus, contre seulement 1 178 dans le deuxième; un état de fait indispensable à considérer lors de notre analyse. Logiquement, nous avons aussi répertorié beaucoup plus d’articles en première page, 583 (75 % des articles retenus) comparativement à 191, et d’éditoriaux, 194 (80 % des éditoriaux relevés) contre 48, traitant de nos sujets d’étude dans le New York Times. Surtout, le Chicago Tribune présente proportionnellement moins d’éditoriaux au sujet de la résistance et de la collaboration que son homologue, c’est-à-dire 4 % au lieu de 5 % des articles retenus. Un constat logique compte tenu des visions opposées du rôle des États-Unis dans le monde défendues par ces deux quotidiens. La grande majorité des éditoriaux dans le Chicago Tribune est consacrée à l’analyse de la politique intérieure américaine. À l’inverse, le New York Times énonce quotidiennement son opinion au sujet d’évènements se déroulant sur le plan international. D’autre part, les chapitres suivants montreront que l’ampleur de la couverture médiatique consacrée par le Chicago Tribune à la résistance et à la collaboration fluctue grandement au fil des périodes étudiées tandis qu’elle est beaucoup plus constante dans le New York Times. L’échelle de variation de la proportion d’articles en première page et d’éditoriaux parmi les articles répertoriés est particulièrement révélatrice. Pour les sept périodes étudiées, cette proportion varie de 10 % à 28 % d’articles en première page et de 2 % à 8 % d’éditoriaux dans le quotidien du colonel McCormick comparativement à une fluctuation beaucoup plus

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stable de 14 % à 20 % d’articles en première page et de 4 % à 7 % d’éditoriaux dans son homologue.

Tel qu’illustré dans le tableau 1 (voir annexes, p. 136), pour le Chicago Tribune, les périodes lors desquelles la résistance et la collaboration reçoivent l’attention médiatique la plus importante par mois sont celles des combats aux frontières allemandes, de l’invasion de l’Allemagne et de D-Day et ses suites. Il apparaît donc que l’invasion de l’Europe de l’Ouest par les Alliés occidentaux a entraîné une hausse significative du poids médiatique consacré aux activités des résistants et des collaborateurs par ce quotidien. À l’inverse, la période précédant l’intervention militaire américaine dans le conflit voit une couverture beaucoup moins importante de ces thèmes (1,18 % des articles répertoriés par mois étudié comparativement à 2,3 % pour la période suivante). De même, pour le New York Times, les trois périodes suivant D-Day sont celles pour lesquelles nos sujets d’étude obtiennent l’attention médiatique la plus importante par mois. L’invasion de l’Europe de l’Ouest par les Alliés occidentaux a donc aussi entraîné une augmentation significative du poids médiatique consacré aux résistants et aux collaborateurs par le quotidien new-yorkais; les périodes précédentes représentant une proportion bien moindre des articles retenus comme l’illustre le tableau 1. Or, il est important de noter que, à la différence du Chicago Tribune, l’entrée en guerre des États-Unis ne semble pas marquer une rupture significative dans l’ampleur de la couverture de la résistance et de la collaboration réalisée par le New York Times (1,36 % des articles répertoriés par mois étudié pour la période avant cette intervention militaire comparativement à 1,9 % pour la période suivante). Dans les chapitres trois et quatre, nous tâcherons de développer sur cette différence importante dans la couverture médiatique de nos sujets d’étude réalisée par ces quotidiens. Néanmoins, pour les deux quotidiens étudiés, il apparaît que l’ampleur de la couverture médiatique consacrée à la résistance et à la collaboration augmente constamment au cours du conflit.

Dans un autre ordre d’idées, au terme de l’analyse quantitative de notre corpus de sources, il apparaît que le Chicago Tribune (74 % des articles répertoriés contre 26 %) et le New York

Times (72 % contre 28 %) ont consacré une part beaucoup plus importante de leur couverture

médiatique à la résistance qu’à la collaboration. Fait intéressant, la période de l’Europe occupée avant l’entrée en guerre des États-Unis représente l’apogée de l’importance

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médiatique proportionnelle accordée à la collaboration par les quotidiens étudiés; ce sujet étant quasiment aussi couvert que la résistance dans le New York Times (48 % contre 52 %) et le Chicago Tribune (44 % contre 56 %), seul exemple de cet état de fait pendant l’ensemble des sept périodes étudiées. En effet, les politiques du régime de Vichy sont un sujet particulièrement traité par les quotidiens étudiés pendant cette période. À l’inverse, le poids proportionnel de la couverture médiatique au sujet de la collaboration semble décliner, bien que non linéairement, à la suite de l’invasion de l’Italie par les Alliés; les mouvements de résistance accentuant leurs activités tandis que les États collaborateurs chutent les uns après les autres ou voient l’illusion de leur indépendance s’estomper.

Par ailleurs, autre constat apparent à la suite de l’analyse quantitative de notre échantillonnage, autant pour le Chicago Tribune que le New York Times, le poids médiatique des différents pays de l’Europe occupée dans la couverture des résistants et des collaborateurs est très variable et plutôt déséquilibré (voir graphique 1 en annexes, p. 137). Plus spécifiquement, tel qu’illustré par les graphiques 1 et 2 (voir annexes, p. 137 et p. 138), la France est de loin le pays pour lequel la résistance et la collaboration sont le plus couvertes par le Chicago Tribune. L’Italie, à la suite de l’armistice, obtient aussi une part importante d’attention médiatique à propos de ces sujets. En effet, nous avons relevé en moyenne au moins 1 article par jour étudié au sujet des résistants et des collaborateurs dans ce pays. La résistance et la collaboration en Pologne, en Yougoslavie et en Hongrie, à la suite de l’occupation allemande de mars 1944, bénéficient d’une couverture médiatique significative dans ce quotidien; en moyenne au moins un article sur nos sujets d’étude ayant été répertorié à chaque deux jours étudiés pour ces pays. La Tchécoslovaquie, la Norvège, les Pays-Bas, la Belgique, la Grèce, la Bulgarie et la Roumanie sont les sujets d’une couverture mineure dans le Chicago Tribune; c’est-à-dire que nous avons relevé au moins une moyenne de plus d’un article traitant de la résistance ou de la collaboration par mois étudié. Le déséquilibre entre les pays pour lesquels les actions des résistants et des collaborateurs sont les plus couvertes par ce quotidien et ceux où elles le sont moins est d’autant plus apparent si on s’intéresse aux articles en première page et aux éditoriaux. En effet, la France (49,5 % du nombre total; 3,28 articles en première page par mois étudié) est au premier rang, suivie de l’Italie (17 %; 2,46). La Pologne (8 %; 0,48), la Yougoslavie (6,5 %; 0,48), la Hongrie (4 %; 0,8) et la Roumanie

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(2 %, 0,5) sont les seuls autres pays dont les membres de ces groupes sont mentionnés dans un nombre considérable d’articles en première page répertoriés. De même, près de la moitié des éditoriaux relevés dans le Chicago Tribune concerne la France (46 % du total, 0,76 éditorial par mois étudié). La Pologne (19 %, 0,29) et l’Italie (8,5 %, 0,31) sont les seuls autres pays pour lesquels nos sujets d’étude obtiennent une moyenne d’au moins un éditorial relevé à chaque quatre mois étudiés.

De son côté, tel qu’illustré dans les graphiques 1 et 3 (voir annexes, p. 137 et p. 138), le New

York Times accorde aussi une position centrale à la France dans sa couverture médiatique de

la résistance et de la collaboration. La Pologne, la Yougoslavie et l’Italie reçoivent également une part importante d’attention médiatique. Les actions des résistants et des collaborateurs en Tchécoslovaquie, en Norvège, aux Pays-Bas, en Belgique, en Grèce et en Hongrie obtiennent une couverture significative dans ce quotidien tandis qu’il accorde un poids médiatique mineur au sort des membres de ces groupes en Slovaquie, en Autriche, au Danemark, en Croatie, en Albanie, en Union soviétique, en Bulgarie, en Roumanie et en Finlande. À l’image du constat posé pour le Chicago Tribune, bien que dans une moindre mesure, le déséquilibre entre les pays pour lesquels la résistance et la collaboration sont les plus couvertes par le New York Times et ceux où elles le sont moins est plus marqué au sein de notre échantillonnage d’articles en première page et d’éditoriaux. Sans surprise, une proportion très importante des articles en première page relevés concerne la France (38,5 % du nombre total; 7,76 articles en première page par mois étudié) tandis que nos sujets d’étude obtiennent au moins 2 articles en première page par mois étudié pour les cas de l’Italie (7,5 %; 3,38), de la Hongrie (5 %; 2,9) et de la Pologne (11 %; 2,1). La Yougoslavie (8 %; 1,88), la Grèce (4,5 %; 1,08), la Roumanie (2 %; 1,5) et la Bulgarie (2 %; 1,38) sont les seuls autres pays pour lesquels les résistants et les collaborateurs sont mentionnés en moyenne dans au moins un article en première page par mois étudié. De même, le quotidien new-yorkais présente en moyenne plus de deux éditoriaux par mois étudié au sujet de la résistance ou de la collaboration française (43 % du nombre total, 2,86 articles par mois étudié) et italienne (13,5 %, 2). La Pologne (9,5 %, 0,58), la Yougoslavie (7,5 %, 0,6), la Grèce (6,5 %, 0,52), la Hongrie (2 %, 0,4) et la Roumanie (1 %, 0,25) sont les seuls autres pays

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avec une moyenne d’au moins un éditorial sur ces thèmes relevé à chaque quatre mois étudiés.

Ainsi, il apparaît que l’Autriche, la Slovaquie, le Danemark, le Luxembourg, Monaco, la Croatie, l’Albanie, les Pays baltes, l’Union soviétique, San Marino et la Finlande représentent des éléments marginaux dans la couverture des deux angles de notre mémoire réalisée par le

Chicago Tribune et le New York Times; en moyenne moins d’un article sur ces pays par mois

étudié ayant été relevé dans au moins l’un des deux quotidiens étudiés. Conséquemment, nous avons généralement accordé une attention très limitée à la couverture de la résistance et de la collaboration dans ces derniers pays lors de notre étude.

D’ailleurs, il apparaît que la proportion d’articles consacrés à la résistance et à la collaboration est très variable à l’échelle des différents pays étudiés comme l’illustrent les graphiques 4 et 5 ainsi que le tableau 2 (voir annexes, p. 139 et p. 140). Plus précisément, en nombre absolu, la France est de loin au 1er rang autant pour la couverture de la résistance que celle de la collaboration dans les quotidiens étudiés. En ce qui concerne la résistance, la Pologne obtient le 2e poids médiatique le plus important, suivie de la Yougoslavie au 3e rang, de l’Italie au 4e rang et de la Grèce au 5e rang. Ensuite, la Tchécoslovaquie et les Pays-Bas sont à égalité au 6e rang dans le Chicago Tribune et le New York Times tandis que la Norvège et la Belgique sont respectivement au 8e et 9e rang. Parallèlement, soulignons notamment que l’Italie est au 2e rang au sujet de l’importance de la couverture médiatique de la collaboration réalisée par les quotidiens étudiés. La Hongrie est à égalité au 2e rang dans le quotidien du colonel McCormick et au 4e rang dans le quotidien new-yorkais tandis que la Norvège est au 4e rang dans le premier et au 3e rang dans le deuxième. L’analyse des articles en première page et des éditoriaux répertoriés dans le Chicago Tribune et le New York Times montre une échelle semblable par rapport à l’importance proportionnelle des pays étudiés dans leur couverture de la résistance et de la collaboration en Europe occupée. Logiquement, dans le cadre de notre analyse qualitative, nous nous intéresserons donc principalement à leur couverture des résistants français, polonais, yougoslaves, italiens et, dans une moindre mesure, grecs, tchécoslovaques, néerlandais, norvégiens et belges ainsi que des collaborateurs français, italiens, hongrois et norvégiens.

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