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Une musique du monde faite en Allemagne ? Les compétitions Creole et l'idéal d'une société plurielle dans l'Allemagne d'aujourd'hui.

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Academic year: 2021

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Submitted on 13 Jan 2014

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compétitions Creole et l’idéal d’une société plurielle

dans l’Allemagne d’aujourd’hui.

Talia Bachir-Loopuyt

To cite this version:

Talia Bachir-Loopuyt. Une musique du monde faite en Allemagne ? Les compétitions Creole et l’idéal d’une société plurielle dans l’Allemagne d’aujourd’hui.. Anthropologie sociale et ethnologie. Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), 2013. Français. �tel-00927409�

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ÉCOLE DOCTORALE MUSIQUE, HISTOIRE, SOCIÉTÉ

LABORATOIRE CRIA

– UMR 8131

UNIVERSITÉ HUMBOLDT

– BERLIN

INSTITUT

D’ETHNOLOGIE EUROPÉENNE

Thèse préparée en co-tutelle à l’EHESS (Centre de Recherches Interdisciplinaires sur l’Allemagne) et à l’Université Humboldt (Institut d’Ethnologie Européenne)

pour l’obtention du grade de docteur en

Musique, Histoire, Société et Ethnologie Européenne

Talia BACHIR-LOOPUYT

UNE MUSIQUE DU MONDE FAITE EN ALLEMAGNE?

Les compétitions Creole

et l’idéal d’une société

plurielle dans l’Allemagne d’aujourd’hui.

Volume 1 : texte, bibliographie et résumés

Sous la direction de Michaël WERNER et Wolfgang KASCHUBA Membres du jury :

Philip BOHLMAN, Professeur à l’Université de Chicago, rapporteur Nicole COLIN, Professeure à l’Université d’Amsterdam

Daniel FABRE, Directeur d’Etudes à l’EHESS

Etienne FRANCOIS, Professeur à la Freie Universität (Berlin), rapporteur

Wolfgang KASCHUBA, Professeur à l’Université Humboldt (Berlin), Directeur de thèse Denis LABORDE, Directeur de recherches au CNRS

François PICARD, Professeur à l’Université Paris-Sorbonne

Michaël WERNER, Directeur de recherche au CNRS, Directeur d’études à l’EHESS,

Directeur de thèse

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J’ai appris l’allemand ainsi que le font les bons élèves : en apprivoisant d’abord la belle régularité des déclinaisons, de la conjugaison et de la syntaxe puis en découvrant, au lycée et dans les classes préparatoires, des mondes de littérature et de pensée – Siegfried Lenz, Stefan Zweig, Georg Büchner, Ernst Jünger, Elias Canetti et d’autres. L’allemand demeure jusqu’à aujourd’hui pour moi la langue de la culture : une langue que je lis plus aisément que je ne la parle, une langue que j’apprécie parce qu’elle est le support d’œuvres de littérature et de pensée et parce qu’elle nourrit une forme de distance critique, perceptible dans les éditoriaux de certains journaux. C’est aussi la langue d’une arrière-grand-mère et d’un grand-père disparus qui ont fui l’Allemagne dans ses heures sombres et dont les descendants ont adopté le français ou l’anglais comme langues maternelles. C’est l’envers de cette autre langue dont on me dit que je l’aurais jadis parlée mais dont je n’ai jamais réussi à retrouver la trace malgré mes efforts pour l’apprendre : l’arabe algérien, la langue du quotidien, celle de mes oncles, tantes et cinquante-trois cousins dont certains parlent heureusement aussi le français.

Le fait que je quitte le terrain familier de la culture littéraire germanique pour porter mon attention à l’Allemagne d’aujourd’hui avec les outils des sciences sociales (moi qui avais choisi la littérature) n’allait pas de soi. Lorsque, tout juste reçue à l’agrégation d’allemand, je suis partie en Turquie pour « faire autre chose » (de la musique ottomane et un stage de médiation culturelle à l’Institut français d’Istanbul), je ne pensais pas qu’il y aurait matière à en tirer un enseignement sur l’Allemagne. Au retour de ce séjour, Michael Werner a accueilli et encouragé, avec l’ouverture et l’attention bienveillante qui le caractérisent, un projet de recherche sur les musiciens turcs de Berlin. Je lui sais gré de sa confiance, de son accueil et de ses conseils qui m’ont permis de bénéficier de l’environnement unique du département « Musique, Histoire et Société » de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales et de découvrir tout un monde de recherches franco-allemandes. Je le remercie aussi de m’avoir aiguillée vers Denis Laborde qui a co-dirigé cette première enquête et celles qui l’ont suivie en stimulant de manière décisive mon intérêt pour la recherche et pour les sciences sociales. Ses conseils de lecture permanents, ses critiques exigeantes et souriantes m’ont convaincue de la difficulté et de l’importance qu’il y a à bien décrire et à résister au confort des écoles de pensée. A l’Institut d’Ethnologie Européenne de l’Université Humboldt à Berlin, Wolfgang Kaschuba a su accueillir avec une attention éclairée cette enquête, bien que la Weltmusik ne soit pas considérée en Allemagne comme un enjeu sérieux de réflexion. Ses remarques, ses

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remercie. Je remercie également Etienne François, Iris Schröder, Bruno Latour, François Picard, Philip Bohlman, Gérard Lenclud, Jean-Louis Fabiani, Jacques Cheyronnaud, Pascale Laborier, Hélène Miard-Delacroix, Michi Knecht, Alexa Färber, Yves Winkin, Christian Lallier et Olivier Faron pour leurs encouragements et leurs conseils.

Avec les participants du séminaire « Création musicale, world music, diversité culturelle » dirigé par Denis Laborde à l’EHESS, nous avons enquêté depuis six années sur des festivals de France, d’Allemagne, du Mali, du Brésil ou d’Ouzbékistan, parcouru les théâtres des beaux quartiers parisiens, les centres sociaux et salles de concert de la « banlieue 9-3 » aussi bien que des fondations distinguées vouées à l’avant-garde, nous avons travaillé à décrire ces mondes pluriels et à mettre en œuvre un dialogue avec leurs acteurs. Cette dynamique collective, les questionnements de chacun et chacune ont nourri mes réflexions d’une manière telle que je me demande bien souvent si les idées que j’expose dans cette thèse viennent de moi. Je remercie tout particulièrement Marta Amico, Lucia Campos, Emilia Chamone, Laura Jouve-Vilard, Chantal Latour, Lucille Lisack, Florabelle Spielmann, Sandrine Teixido, Damien Verger pour leurs interrogations, leur intelligence et leur détente. Ainsi qu’Elise Lanoë, Mathieu Trachman, Marc Loopuyt, François Feuillet, Theresa Schmitz pour leur relecture attentive.

Cette recherche a bénéficié du soutien de plusieurs institutions franco-allemandes (le CIERA, le Centre Marc Bloch, le DAAD, l’Université Franco-allemande et le collège doctoral franco-allemand EHESS/Université Humboldt) et de l’atmosphère stimulante des ateliers de recherche organisés par ces institutions : grâce auxquels j’ai pu rencontrer Elsa Rieu, Sara Iglésias, Gesa zur Nieden, Anna Langenbruch et mener, avec les jeunes chercheurs rassemblés dans l’aventure de la publication Musik-Kontext, un dialogue fructueux. Le séminaire de l’Institut d’Ethnologie Européenne de l’Université Humboldt m’a permis de mesurer le sérieux et l’exigence intellectuelle des ethnologues et sociologues allemands et aussi de rencontrer Tanja Bogusz et Anne Meyer-Rath avec qui nous n’avons pas fini d’interroger les contradictions qui traversent nos mondes de savoir et de culture. Enfin, l’aventure du laboratoire-junior ENS « Penser l’improvisation » et les conversations quotidiennes du midi avec Pierre Saint-Germier m’ont permis de prendre réellement conscience de l’importance des questions de cognition et du travail qu’il me reste à faire pour clarifier les fondements logiques de ma pensée.

Cette recherche n’aurait pas non plus pu aboutir sans l’aide apportée par les acteurs des festivals Creole. Je suis tout particulièrement redevable à Birgit Ellinghaus pour le temps

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m’impliquant dans des débats et des jurys. Elle m’aura convaincue, avec d’autres acteurs des festivals Creole, que les médiateurs culturels peuvent faire preuve d’une créativité et d’un esprit critique qui n’ont rien à envier à ceux des artistes et des chercheurs. Je remercie également tous les membres du collectif d’organisation de Creole, les musiciens, les jurés des compétitions, les chercheurs et les spectateurs des festivals qui m’ont accordé des entretiens, en particulier ceux avec qui j’ai dialogué de manière plus régulière : Andreas Freudenberg, Martin Greve, Raimund Vogels, Michael Rappe, Franziska Weyrich, Ulrich Doberenz. Enfin, il y a Thomas : qui est lui aussi un acteur du monde des musiques du monde, certes plus critique que je ne le suis, et qui m’a en tout cas appris par son insatisfaction permanente et son exigence en matière de son, de lutherie, d’articulation et d’écoute, à défaire l’évidence des formats qui ont cours dans nos mondes de musique. Sa présence et sa patience, sa disponibilité à l’égard de Magda m’ont permis de mener à bien la rédaction de cette thèse en usant (et en abusant) de ce temps précieux qu’il a libéré afin que je puisse écrire, réécrire, lire et relire ce travail. Je le remercie du fond du cœur et lui dédie cette thèse.

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Volume 1 : texte, bibliographie et résumés

INTRODUCTION ... 9

WELTMUSIK, WORLD MUSIC, MUSIQUES DU MONDE : UNE MEME CATEGORIE ?... 10

TOUT UN MONDE DE MUSIQUES : LES COMPETITIONS CREOLE ... 15

LA FIN DES CULTURES ? L’ALLEMAGNE ET L’IDEAL D’UNE SOCIETE PLURIELLE ... 20

CHAPITRE 1UN FESTIVAL POUR OBJET ... 27

UN LIEU DE MUSIQUES ET DE CULTURES ... 29

QUAND COMMENCE CREOLE ? ... 35

D’UNE QUESTION D’INFORMATION AU PROBLEME DU CONCERNEMENT ... 40

AVANT LES CONCERTS : LA FABRIQUE COLLECTIVE D’UN SON DE WELTMUSIK ... 47

LE FESTIVAL, UN MARATHON ... 53

DELIBERATIONS ... 58

LES CLOTURES OU COMMENT SURMONTER L’EFFET DES VERDICTS ... 62

QU’EN ONT-ILS PENSE ? L’ESPRIT DU FESTIVAL EN QUESTION ... 66

OU EST « LE FESTIVAL » ? ... 75

CHAPITRE 2L’ÉVÉNEMENT ET LA STRUCTURE : UN CYCLE DE COMPÉTITIONS CREOLE ... 79

CREOLE EN RHENANIE-WESTPHALIE : LE RESEAU LOCAL ET LA CONCURRENCE DES CAPITALES ... 85

CREOLE BASSE-SAXE & BREME 2006 : SOCIO-CULTURE, FONDATIONS ET ETHNOMUSICOLOGIE APPLIQUEE ... 95

LA WELTMUSIK A L’EST : INCERTITUDES BUDGETAIRES ET ESPRIT DE SOLIDARITE ... 114

BAVIERE, BADE-WURTEMBERG, HESSE… COMPARER LES FESTIVALS CREOLE ? ... 128

JEUX D’ECHELLES : LE LOCAL ET LE GLOBAL, LE REGIONAL ET LE FEDERAL ... 138

CHAPITRE 3DANS L’INTIMITÉ DE L’ORGANISATION ... 147

LES CONDITIONS DE L’OBSERVATION ... 151

UN BILAN MOUVEMENTE (BAD WILDUNGEN, SEPTEMBRE 2007) ... 156

LA FORMATION DU TRÄGERKREIS ... 169

PORTRAITS DES ORGANISATEURS ... 172

UN TRIANGLE SOZIOKULTUR,INTERKULTUR,WELTMUSIK ... 181

LE NOM ET L’ORTHOGRAPHE : CREOLE. PREIS FÜR WELTMUSIK AUS DEUTSCHLAND. ... 186

LA METAPHORE DE LA « MARQUE » ... 196

LA GESTION DES TRACES : ANALYSE DES DVD DU FESTIVAL ... 200

CREOLE DANS LE TEMPS : QUELQUES TRANSFORMATIONS (2006-2011)... 203

CHAPITRE 4LA QUESTION DE LA WELTMUSIK ... 217

PEUT-ON ECRIRE UNE HISTOIRE DE LA WELTMUSIK ? ... 220

DATE DE NAISSANCE PRESUMEE : 1987 ... 227

LE MARCHE DE LA WORLD MUSIC, UNE CULTURE MARQUEE PAR L’EMPREINTE ALLEMANDE ... 232

WOMEX 2007, SEVILLE ... 239

L’« ESOTERISME » EN QUESTION : LE CAS BERENDT ... 245

SAUVEGARDE VS CREATION ? LES ETHNOMUSICOLOGUES FACE A LA WORLD MUSIC ... 250

MUSIQUES D’ICI ET D’AILLEURS : VOLKSMUSIK, FOLK ET WELTMUSIK ... 263

UN PRIX DE MUSIQUES DU MONDE ? ... 266

CHAPITRE 5COMME ON ENTRE EN COMPETITION ... 273

L’AVIS DE CONCOURS ... 275

LA PROSPECTION DE LA « SCENE » ... 283

LES DOSSIERS ... 295

PORTRAITS DE CANDIDATS ... 304

MOTIVATIONS ECONOMIQUES ET VALEURS PARTAGEES ... 312

LES PRISES DANS L’APPEL : WELTMUSIK, CREOLE ET UNE IDEE DE « LA MUSIQUE » ... 314

FALLAIT-IL PARTICIPER ? LE DILEMME DES MUSICIENS DE PHUNK MOB. ... 318

UN DOSSIER : ALPCOLOGNE ... 324

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CREOLE EN RHENANIE-WESTPHALIE : DES CONDITIONS PRIVILEGIEES ... 343

UN ART DE LA PROGRAMMATION ... 350

LA DISPUTE (BAD WILDUNGEN 2007) ... 356

LES EVENEMENTS PARALLELES (DORTMUND, 3-7 SEPTEMBRE 2008)... 361

CULTURE VS INTERCULTURE ? LE DILEMME DE CLAUS LEGGEWIE ... 368

CHAPITRE 7COMPARER L’INCOMPARABLE ... 379

LES PRESELECTIONS OU L’ART DE COMPOSER UN PROGRAMME DE FESTIVAL ... 383

LE « PROBLEME DES JURYS » : OBSERVATION DES DELIBERATIONS LORS DU PREMIER CYCLE CREOLE (2006-2007) ... 394

RETOUR SUR LE JURY DE BERLIN : DES LANGAGES INCONCILIABLES ? ... 401

LA FINALE OU LA REDUCTION DES INCERTITUDES ... 407

UN JURY DE L’INTERIEUR : UNE BATAILLE (CREOLE RHENANIE-WESTPHALIE 2008)... 413

CHAPITRE 8LE MOMENT DU FESTIVAL ... 429

UN TEMPS ET UN LIEU : CREOLE 2007, 17-20 MAI, DOMICIL DORTMUND ... 433

UN VOYAGE EN MUSIQUES ... 440

« MARAMME ! » OU LA MISE EN SCENE DU TEMPERAMENT ITALIEN ... 445

UN ART DE LA RE-COMPOSITION : LE QUATUOR VOCAL NINIWE ... 452

« IKI DÜNYA » ET LA QUESTION DE LA MUSIQUE TURQUE EN ALLEMAGNE... 460

HUMOUR SONORE : LA BLAGUE BAVARO-MONGOLE D’EGSCHIGLEN ET LA QUESTION DES IDENTITES CULTURELLES ... 471

DE LA BEAUTE D’UN CONCERT, D’UN FESTIVAL, D’UN MORCEAU DE MUSIQUE : LES CADRES DE L’EXPERIENCE ... 479

LES CLOTURES OU LES PARADOXES DE LA RECONNAISSANCE ... 490

CLÔTURE ... 503

BIBLIOGRAPHIE ... 510

I. SUR LES MUSIQUES DU MONDE ... 510

II. BIBLIOGRAPHIE GENERALE ... 516

RÉSUMÉS ... 531

I. RÉSUMÉ EN ALLEMAND (CO-TUTELLE) ... 531 II. RÉSUMÉS COURTS EN FRANÇAIS, ANGLAIS, ALLEMAND ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI.

Volume 2 : documents annexes

ANNEXES LIEES A L’INTRODUCTION ... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI. 0.1 « LA FIN DE LA WELTMUSIK » : ARTICLE PARU DANS LA TAZ, 7 MAI 2011). ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI. 0.2 PLANS DE THESE ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI. ANNEXES AU CHAPITRE 1 ... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.

1.1. PROGRAMME DU FESTIVAL CREOLE BERLIN & BRANDEBOURG 2006 (EXTRAITS) ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI. 1.2 ENTRETIEN D’ELISABETH GADONI AVEC ANETTE HEIT (14 OCTOBRE 2006, MERIDIAN 13, RADIO MULTIKULTI). ... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.

1.3 LES VERDICTS : COMMUNIQUE DE PRESSE DU 23 OCTOBRE 2006 ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI.

1.5 AU RETOUR DE BERLIN – CRITIQUES ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI. ANNEXES AU CHAPITRE 2 ... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.

2.1 CREOLE EN RHENANIE WESTPHALIE ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI.

2.1.1 Article de Birgit Ellinghaus dans les Kulturpolitische Mitteilungen (114, III/2006) ... Erreur ! Signet non

défini.

2.1.2 Article de Jil Türck, Westphälische Rundschau, 10 août 2006 ... Erreur ! Signet non défini. 2.1.4 Autres émissions diffusées sur WDR 3 (annonces) ... Erreur ! Signet non défini.

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2.2. CREOLE EN BASSE-SAXE ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI.

2.2.1 Présentation de Creole dans le journal de la Hochschule für Musik und Theater de Hanovre ... Erreur !

Signet non défini.

2.2.2 Le verdict de la session Creole Basse-Saxe et Brême 2006 ... Erreur ! Signet non défini. 2.3 CREOLE MITTELDEUTSCHLAND ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI.

2.3.1 Annonce du festival (source : www.creole-weltmusik.de, 15 décembre 2006) ... Erreur ! Signet non

défini.

2.3.2 Presse sur le Creole Mitteldeutschland : portraits parus dans la Leipziger Zeitung. Erreur ! Signet non

défini.

2.3.3 Le verdict de la session Creole Centre-Allemagne 2007... Erreur ! Signet non défini. 2.3.4 Le cas « Das Blaue Einhorn » ... Erreur ! Signet non défini. 2.4 CREOLE EN BAVIERE ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI.

2.4.1 Presse sur le festival Creole en Bavière ... Erreur ! Signet non défini. 2.4.2. Emission de Bayern2Radio sur Creole (descriptif) ... Erreur ! Signet non défini. 2.4.3 Le verdict de la session Creole Bavière 2007 ... Erreur ! Signet non défini. 2.5 CREOLE BADE-WURTEMBERG ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI.

2.5.1 Un reportage amateur ... Erreur ! Signet non défini. 2.5.2 Le verdict de la session Creole Bade-Wurtemberg 2006... Erreur ! Signet non défini. 2.5.3 Le cas Kent Masali ... Erreur ! Signet non défini. 2.6 CREOLE EN HESSE ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI.

2.6.1 Un reportage-photo de Martin Krok et Julia Gottwald (source: www.creole-weltmusik.de) ... Erreur !

Signet non défini.

2.6.2 Le verdict de la session Creole Hesse 2007 ... Erreur ! Signet non défini. 2.7 LA COMPETITION FEDERALE CREOLE 2007 ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI.

2.7.1 Programme du séminaire de Michael Rappe et Martin Greve à la Musikhochschule de Cologne se estre d’été 7 ... Erreur ! Signet non défini. 2.7. Creole da s les édias e trait du rapport d’e pertise de la Musikho hs hule Köl re is au organisateurs en septembre 2007) ... Erreur ! Signet non défini. 2.7.3 Articles de presse sur la finale fédérale 2007 ... Erreur ! Signet non défini.

ANNEXES AU CHAPITRE 3 ... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI. 3.1 L’HEURE DES BILANS : BAD WILDUNGEN, SEPTEMBRE 2007 ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI.

3.1.1 Programme de la réunion ... Erreur ! Signet non défini. 3.1.2 Compte-re du d’o servatio des jur s du pre ier le Creole ... Erreur ! Signet non défini. 3.1.3 Recommandations aux organisateurs ... Erreur ! Signet non défini.

. . Bila d’A ette S häfer hargée des relatio s avec la presse nationale et internationale pour la compétition Creole 2007) ... Erreur ! Signet non défini. 3.2 GENESE DE CREOLE ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI.

3.2.1 Entretien avec Andreas Freudenberg ... Erreur ! Signet non défini. 3.2.2 Portrait de Peter Schneckmann (paru dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung) ... Erreur ! Signet non

défini.

3.3 LES STRUCTURES DE L’ACTION CULTURELLE EN ALLEMAGNE ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI.

3.3.1 Sur la Soziokultur ... Erreur ! Signet non défini. 3.3.2 Statistiques sur la musique ... Erreur ! Signet non défini. 3.4 CREOLE DANS LE TEMPS 2006-2011 ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI.

3.4.1 Contrats ... Erreur ! Signet non défini. 3.4.2 Creole sur internet ... Erreur ! Signet non défini. 3.4.3 Creole Branchentreff (mai 2011), Berlin ... Erreur ! Signet non défini. 3.4.4 Le fil des actualités : rubrique « news » du site i ter et Creole pour l’a ée ... Erreur ! Signet

non défini.

ANNEXES AU CHAPITRE 4 ... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI. 4.1 LA REUNION DE 1987 : UNE MISE AU POINT PAR IAN ANDERSON (FROOTS 201, MARS 2000) . ERREUR !SIGNET NON DEFINI.

4.2 SCIENCE VS ESOTERISME ? L’ECHANGE ENTRE JAN REICHOW ET JOACHIM-ERNST BERENDT: ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI. 4.3 « QUE VA-T-IL RESTER DE LA DIVERSITE ? » EXTRAITS D’UNE CONFERENCE DE JAN REICHOW. .... ERREUR !SIGNET NON DEFINI.

4.4 FOLK ET WELTMUSIK – QUELQUES STATISTIQUES ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI.

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5.1 A QUAND LA WELTMUSIK DANS LES CONSERVATOIRES ET DANS LES ECOLES ? ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI.

5.2 EXTRAITS DES DOSSIERS DE CANDIDATURE ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI.

5.3 L’ECONOMIE DE LA MUSIQUE EN ALLEMAGNE ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI. ANNEXES AU CHAPITRE 6 ... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.

6.1 POLITIQUE EN MATIERE D’INTEGRATION EN RHENANIE-WESTPHALIE DEPUIS 2001 : UNE CHRONOLOGIE.ERREUR !SIGNET NON DEFINI.

ANNEXES AU CHAPITRE 7 ... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI. 7.1 LES JURES DE LA FINALE CREOLE 2007 : BIOGRAPHIES ET ENTRETIENS ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI.

7.1.1 Présentation des jurés de la compétition fédérale dans le dossier de presse (Creole Pressemappe 2007). ... Erreur ! Signet non défini. 7.1.2 Entretien avec Leo Vervelde (Rotterdam), président du jury ... Erreur ! Signet non défini. 7.1.3 Entretien avec François Bensignor (Paris) ... Erreur ! Signet non défini. 7.1.4 Entretien avec Ben Mandelson (Londres) ... Erreur ! Signet non défini. 7.1.5 Entretien avec Chiwoniso Maraire (Harare/Zimbabwe) ... Erreur ! Signet non défini. 7.1.6 Entretien avec Alexander Cherapukhin (Moscou) ... Erreur ! Signet non défini. 7.2 APRES LE JURY : ECHANGE DE MAIL AVEC BIRGIT ELLINGHAUS ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI.

7.3 UN COMMENTAIRE SUR LE VERDICT (CREOLE NRW 2008) ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI.

7.4 « EST-IL POSSIBLE D’ECOUTER DE LA WELTMUSIK SANS AVOIR LU UN LIVRE ? » ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI. 7.5. REPORTAGE SUR LE FESTIVAL CREOLE NRW 2008 ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI. ANNEXES AU CHAPITRE 8 ... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.

8. 1 LES CONCERTS : REACTIONS DU PUBLIC, AVIS DES MUSICIENS (BACHIR/GREVE/RAPPE ET AL. 2007) ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI.

8.2 QU’EST CE QUE LA WELTMUSIK SELON VOUS ? REPONSES DES JURES, MUSICIENS ET SPECTATEURS (CREOLE BUNDESWETTBERB 2007, DORTMUND) ... ERREUR !SIGNET NON DEFINI.

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Le 7 mai 2011 paraissait dans le quotidien berlinois Die TAZ un article intitulé « La fin de la musique du monde (telle que nous la connaissons) »1. L’auteur Daniel Bax, spécialiste des questions d’intégration et d’immigration, y évoquait des styles musicaux actuels venus des « ghettos urbains » de Paris et d’Abidjan qu’il interprétait comme le symptôme d’un « changement de paradigme » :

« La saine et douce musique du monde d’hier est aujourd’hui battue en brèche par des sons nouveaux et dérangeants », selon le musicologue suisse Thomas Burkhalter qui a pour cela inventé le terme de « Weltmusik 2.0 ». Mais ce concept est-il encore valable ? L’origine (der

Migrationshintergrund2) de la musique n’est souvent même plus perceptible, elle est devenue depuis longtemps le produit hybride d’une industrie culturelle transnationale. La station de radio

Funkhaus Europa (WDR) qui donne le ton en matière de sonorités globales en Allemagne a

pour cela décidé de renoncé tout à fait au terme de Weltmusik et de rassembler la nouvelle diversité sous le concept consensuel de global pop.

Quelques mois auparavant, les organisateurs de la compétition Creole, un cycle de festivals organisé depuis 2006 en différents lieux d’Allemagne, avaient annoncé un changement d’intitulé similaire. Cette manifestation dont j’ai suivi les scansions et les transformations depuis sa création ne récompense plus des ensembles de « musique du monde d’Allemagne » (Weltmusik aus Deutschland) mais des ensembles de « musique globale d’Allemagne » (globale Musik aus Deutschland). L’objet de ma thèse a changé de nom, soit. Mais qu’est ce qui a changé exactement ? De quoi cette « fin de la Weltmusik » proclamée de différents côtés est-elle la fin et pour qui ?

Weltmusik, world music, musiques du monde : une même catégorie ?

« Das Ende der Weltmusik (wie wir sie kennen) » : dans cette parenthèse se loge un implicite dont je voudrais faire un enjeu de questionnement. Et tout d’abord un problème de traduction : en Allemagne comme en France, en Angleterre comme au Brésil ou au Mali, il existe aujourd’hui un genre musical qu’il est convenu d’appeler « musique(s) du monde » et

1

« Das Ende der Weltmusik (wie wir sie kennen) », Tageszeitung, 7 mai 2011 (voir document annexe 0a). Sauf

mention contraire, je suis l’auteure de toutes les traductions qui suivent.

2 Le terme de Migrationshintergrund (littéralement : arrière-plan migratoire) vient des études statistiques visant à

identifier l’origine des personnes immigrées en Allemagne après 1949 ainsi que celle de leurs descendants, qu’ils

aient ou non la nationalité allemande. Aujourd’hui entré dans le langage courant, ce terme n’est plus seulement utilisé pour des personnes mais parfois aussi (comme ici) pour des phénomènes culturels issus des migrations internationales.

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dont on considère qu’il peut être défini de la même manière quel que soit l’endroit où l’on se trouve. La world music (dans les pays anglo-saxons), les musiques du monde (en France), la

Weltmusik (en Allemagne ou en Autriche), ce sont grosso modo les musiques qui viennent

d’ailleurs : soit une catégorie dont le contenu variera nécessairement selon le lieu et l’histoire de chaque pays (« Ah, il y a si peu de musiciens africains chez nous [en Allemagne]. Ce n’est pas comme en France ! », remarquaient parfois mes interlocuteurs) mais que l’on considère cependant comme relativement traduisible.

Quelle est maintenant cette « musique du monde telle que nous la connaissons » à laquelle fait référence Daniel Bax ? Elle est évoquée en quelques mots comme une toile de fond dont se distinguent les « sonorités globales » actuelles :

Quiconque est soucieux de sa réputation en tant qu’amateur de musique (Musik-Hipster) doit aujourd’hui se tourner vers les métropoles de Caracas, Lisbonne, Kinshasa. Les labels de Franc-fort comme Souljazz, Soundways, Analog Africa de FrancFranc-fort créent aujourd’hui la tendance en exhumant des grooves dorés des coins les plus reculés du monde tandis que leurs collègues de Sublime Frequencies, Man Recordings à Berlin ou Outhere à Munich se tournent vers les ghet-tos urbains du présent.

Ces musiques sont à mille lieux de la pure Weltmusik popularisée en leur temps par Ry

Cooder, Paul Simon, Peter Gabriel : elles sont bien trop vulgaires, trop commerciales, trop cheap (trashig3). Les genres urbains comme le « coupé-décalé » détruisent l’illusion romantique

d’une musique africaine conçue comme l’envers de la pop anglophone [Je souligne]. […] Nous

assistons à un changement de paradigme.

La « pure musique du monde » dont il est ici question n’est pas tout à fait inconnue en France. Ry Cooder, Paul Simon, Peter Gabriel – on pourrait poursuivre la liste en citant Brian Eno, David Byrne, Don Cherry, le groupe Deep Forest – sont des artistes anglo-saxons qui ont acquis une renommée internationale dans les années 1980 et 1990 et que l’on associe aujourd’hui à une conception de la musique teintée de résonances new age4 : un « éden musical »5 transcendant les appartenances culturelles et les frontières politiques, pétri de bonnes intentions et de croyances qui n’auraient plus lieu d’être. L’idée qu’il existerait quelque chose comme des cultures musicales « pures », les projets de fusion et le grand rêve de réhabilitation de l’Occident par la musique de l’autre – tout cela, c’est du passé. Pour peu que l’on se soucie de sa « réputation en tant qu’amateur de musique » à la page

(Musik-Hipster), il importe de montrer que l’on ne croit plus en cette idée « saine et douce » de la

3 Adjectif dérivé du terme anglais trash (« ordure »), entré dans le langage familier en allemand. Il s’agit, selon

la définition qu’en propose Wikipédia, d’un « concept central de la post-modernité qui désigne un produit culturel peu exigeant sur le plan intellectuel mais dont on apprécie justement l’aspect non intellectuel ».

(Source : http://de.wikipedia.org/wiki/Trash)

4 Le terme new age fait référence à un ensemble hétéroclite d’auteurs et de mouvements dont la vocation est de

transformer les individus par l’éveil spirituel. Cf. chap. 4 sur le cas de J. Berendt.

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musique dont le voile d’illusion a entretemps été dissipé par de nombreuses controverses. Le « nous » dans lequel s’inclut Daniel Bax fait appel à une connivence de la part de lecteurs qui savent bien aujourd’hui que ces croyances ont fait leur temps : le monde a changé, il est devenu « global », « hybride », « créole » au point de miner cette distinction entre « nous » et « les autres » qui fondait la catégorie de musique(s) du monde. Cette rhétorique n’est pas spécifique à l’Allemagne. Elle peut évoquer des échos dans d’autres pays et notamment dans certains milieux à la pointe du progrès où il est de bon ton, depuis quelques années, de proclamer la fin de la world music, des musiques du monde ou de la Weltmusik6.

Mais là s’arrête l’entente : parce qu’en Allemagne comme ailleurs, les implicites sur lesquels se fondent ces critiques ne vont pas de soi. Tous ne se soucient pas de leur réputation en tant que Musik-Hipster (c’est-à-dire : en tant qu’amateur qui se tient au courant des tendances musicales et des théories de la culture en vogue) – pour certains amateurs de musique, le souci de réputation va au contraire de pair avec une distanciation à l’égard des modes. Tous ne limitent pas non plus la world music aux projets de fusion qui ont émergé des studios londoniens et parisiens dans les années 1980. Les connaisseurs de la Weltmusik pourront aussi objecter que le doute sur le label n’est pas nouveau mais qu’il est à peu près aussi ancien que le mot lui-même7 : depuis que le terme est apparu dans la langue allemande (sous la plume d’un musicologue appelé Georg Capellen, en 1906) et de manière accrue, depuis qu’a émergé un réseau international d’acteurs fédérés autour de cette catégorie (dans les années 1980), de multiples voix se sont élevées pour mettre en cause cette appellation et en proposer d’autres. En ce sens, le tournant dont parlent les critiques actuels n’est pas vraiment un tournant : la catégorie de Weltmusik coexiste depuis déjà longtemps avec de multiples autres appellations, anglaises (world music, global pop, world beat, world fusion,

roots, outernational) et allemandes (traditionnelle Musik, Volksmusik, Folk, Ethnofolk et plus

récemment Weltmusik 2.0, creole Musik », globale Musik etc).

A ce stade, une foule de problèmes surgissent pour les chercheurs qui décident de prendre pour objet les catégories de musiques du monde, de Weltmusik ou de world music. Un problème de délimitation tout d’abord, que Denis Laborde formule ici à propos du cas de la France :

6En France, c’est la revue Mouvement qui s’est fait le relais de cette mise en doute en publiant deux articles de

Frédéric Deval (responsable du domaine des musiques orales et improvisées à l’Abbaye de Royaumont) : « Les musiques du monde sont mortes, vive le monde des musiques ! » (2008/48) et « Musiques, la fin des caté-gories ? » (2009/52).

7 Voir par ex. la réponse de Bernhard Hanneken (directeur du festival TFF) à cet article dans une conférence

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Faut-il, par exemple, inclure dans la world music la production ethnomusicologique ou les musiques traditionnelles occidentales ? Faut-il, au contraire, tracer des barrières fiables et ériger, par exemple, la technologie acoustique en critère définitoire : ne relèveraient alors de la world

music que ces produits de haute technologie que sont les « musiques du monde » revisitées par

le synthétiseur et enregistrées dans les studios parisiens ou londoniens, seuls pourvoyeurs de labels ?

La démarche taxinomique est malaisée, incertaine, mais chacun s’en accommode. En l’absence d’un cadre définitoire consensuel, la notion fonctionne en régime d’implicite, et elle fonctionne bien. Le syntagme et la série des synonymes semblent en effet dotés d’un incontournable caractère opératoire. Chacun voit ce dont il s’agit dès lors qu’il est question de world

music. (Laborde 2008, p. 47-48)

Suivant ces réflexions, je ne chercherai pas pour lors à spécifier davantage le champ des musiques couvert par le terme allemand de Weltmusik mais je partirai plutôt de l’hypothèse suivante : si cette catégorie s’est imposée en Allemagne, c’est notamment en vertu de ce flou définitoire qui lui permettait d’accueillir un vaste spectre de musiques, de cette capacité à « catalyser un ensemble d’idées reçues sur le monde, la culture, la musique, la tolérance » (ibid.) et par là à constituer un support pour le débat d’idées. En France, ce débat a notamment pris pour cible l’appellation anglaise de world music dénigrée comme une « opération de marketing du business anglo-saxon », une entreprise « d’uniformisation des pratiques culturelles »8 contre laquelle certains critiques ont brandi l’étendard des « musiques du monde », au pluriel et en français.

En Allemagne, la situation est assez différente. Même si l’appellation anglaise world

music coexiste ici aussi avec une appellation vernaculaire (Weltmusik), elles ne s’articulent

pas de la même manière. L’opposition n’est pas aussi marquée dans les usages notamment parce que l’opposition singulier / pluriel ne fonctionne pas : le terme Musik tout comme celui de « music » ne se mettent généralement pas au pluriel. Lorsque les locuteurs allemands distinguent la world music et la Weltmusik9, ce n’est pas nécessairement sur la base de ce partage familier aux Français entre ce que l’on imagine être « le marché » (un empire

8 Selon Philippe Constantin (directeur de l’agence Mango) et Chérif Khaznadar (à l’époque directeur de la

Maison des cultures du monde de Paris), cités d’après Laborde 2008, p. 49. La catégorie de world music a dans les mêmes temps fait l’objet d’apologies qui font parler à Denis Constant-Martin (Constant-Martin 1996) d’une

« oscillation entre anxiété et célébration ».

9 Dans les dictionnaires et encyclopédies spécialisés (cf. bibliographie I) les auteurs distinguent ces deux

catégories en se fondant sur l’histoire des labels. Ils expliqueront que la notion de Weltmusik est d’abord née en Allemagne au début du XXème siècle où elle a fait l’objet de différents usages avant d’être concurrencée dans

les années 1980 par la notion anglaise de world music entendue au sens restreint d’un style de fusion. Dans les usages courants, on tend à considérer que la notion de Weltmusik englobe un spectre plus large de phénomènes : comprenant les styles de « fusion », les « expérimentations multiculturelles », les « éditions d’archives et

d’enregistrements de terrain », « les musiques traditionnelles et les musiques populaires locales » (article

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saxon régi par l’appât du gain) et les cultures du monde10. Enfin, la Weltmusik n’a pas la même légitimité que les « musiques du monde » en France ainsi que n’ont cessé de me le rappeler mes interlocuteurs au cours de mon enquête : « En France, la situation des musiques

du monde11 est tellement plus facile ! Elles sont mieux reconnues. Il y a des subventions, il y a le Bureau Export de la Musique. La presse s’y intéresse, etc. » – ces remarques récurrentes, en dépit des multiples objections que j’ai pu y trouver sur le moment, soulignent une différence dont j’ai finalement appris à tenir compte. En Allemagne, les acteurs du monde de la

Weltmusik ont coutume de se percevoir comme un petit monde à l’écart du reste de la société

et du monde de la musique : ce qu’ils appellent une « Nische », soit un secteur minoritaire dont il importe notamment de savoir comment il peut continuer à subsister. De là vient que surgissent certaines questions que l’on ne se pose pas en ces termes en France, telles que : la

Weltmusik doit-elle se fondre dans le monde de « la pop » ou doit-elle faire partie du secteur

de la musique légitime : la « E-Musik »12 ? De là vient aussi cette idée répandue aujourd’hui jusque parmi les musiciens réputés pionniers du genre que la Weltmusik constituerait une appellation « risible »13. En France, en dépit des soupçons de chercheurs, médiateurs culturels et musiciens à l’égard de la world music14, en dépit aussi de quelques tentatives récentes de proclamation de « fin des musiques du monde », le label n’est pas considéré comme dépassé et encore moins comme prêtant à rire : les « musiques du monde », au pluriel et en français, sont bien trop liées à l’idée que l’on se fait du modèle multiculturel français, de la lutte contre le racisme, du combat pour les indépendances et la liberté d’expression – toutes valeurs qui continuent donc d’alimenter l’optimisme militant des rédacteurs de médias spécialisés (comme le journal Mondomix), de la presse nationale et des milieux intellectuels de gauche. Une chercheuse venue de France avec cette idée des musiques du monde en tête doit donc apprendre à composer avec une réalité différente en Allemagne : outre le problème de délimitation (qui se pose dans toutes les langues) se posent un problème de traduction (les catégories de Weltmusik et de musiques du monde ne sont pas vraiment équivalentes) et de description (elles ne recouvrent pas la même réalité).

10Ceci parce qu’ils n’ont pas le même rapport à « l’économie » que leurs voisins français (cf. Grosser 2002, et

infra chap. 4).

11Mes interlocuteurs usaient en général du syntagme français même s’ils ne maîtrisaient pas cette langue. C’est

que ce label fait l’objet d’une promotion par les instances de la politique culturelle française à l’étranger (le Bureau Export de la Musique, l’association Cultures France) et qu’il est aussi lié à la réputation de la France en

tant que nation multiculturelle.

12 E-Musik, abréviation de Ernste Musik que l’on oppose communément au domaine de la U-Musik

(Unterhaltungsmusik, littéralement : « musique de divertissement »).

13Cité d’après B. Hanneken, « La Weltmusik : un genre ‘risible’ ? » (cf. annexe 3.4.3)

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Si je traduis, comme je l’ai fait plus haut, le titre de l’article de Daniel Bax en substituant au terme de « Weltmusik » celui de « musique(s) du monde », je n’aurai donc (bien sûr) pas traduit toute la réalité. Et en particulier, je n’aurai pas rendu compte de ce différentiel de légitimité qui fait que l’idée d’une « fin de la Weltmusik », même si elle peut évoquer des échos en France, y apparaît tout de même comme plus plausible en Allemagne au point de resurgir régulièrement dans la presse et dans les débats publics15. Ainsi que le remarquait non sans malice Bernhard Hanneken, directeur du plus grand festival de Folk et Weltmusik d’Allemagne (le Tanz und Folkfest TFF de Rudolstadt) lors d’une rencontre professionnelle organisée en mai 2011 à Berlin16 : « Nous autres Allemands, nous nous créons bien des difficultés avec ce concept de Weltmusik » (Wir Deutschen tun uns schwer mit dem Begriff

Weltmusik). Ce par quoi il entendait que l’on se pose, en Allemagne comme ailleurs, de

nombreuses questions sur ce label mais que l’on s’en pose peut-être un peu trop, au point de ne plus voir la réalité qu’il y a derrière. Or justement, je n’ai considéré pour lors que la réputation du label. Qu’en est-il du fonctionnement effectif de ce monde de musique ?

Tout un monde de musiques : les compétitions Creole

Entre 2006 et 2009, j’ai mené une enquête sur des événements prenant pour objet les musiques du monde fabriquées en Allemagne : la compétition creole. Preis für Weltmusik aus

Deutschland17, initiée en 2006 par un collectif d’institutions et d’associations militant pour la reconnaissance des pratiques artistiques et des cultures issues de l’immigration. De cette enquête, j’ai tiré plusieurs enseignements : le premier, développé dans la section précédente, est que le soupçon sur la catégorie de Weltmusik n’est pas le privilège de critiques externes à ce champ mais qu’il est également répandu parmi ceux qui s’en considèrent comme des acteurs – pour peu que l’on puisse tracer une frontière stable entre les deux puisque les mêmes personnes alternent parfois entre des postures d’engagement et de distanciation – et qu’il est, en outre, un peu plus répandu en Allemagne qu’en France. Un autre enseignement est celui-ci : en dépit de ce soupçon communément partagé vis-à-vis du label, il existe bien un monde

15 Voir par ex. deux autres articles publiés dans la TAZ : « Tout le contraire de la Weltmusik » (« Das Gegenteil

von Weltmusik ») de Klaus Walter paru le 8 mars 2012 qui défend l’appellation « outernational » contre celle de

« Weltmusik » et un article intitulé « Les superhybrides du cinquième monde » de Uh-Young Kim (9 juin 2011) qui proclame à nouveau la fin de la Weltmusik au sens d’une entreprise de « sauvegarde des espèces menacées du Tiers Monde » en invoquant l’argument des nouvelles technologies. Un article intitulé « Globalista ! » paru dans

Die Zeit le 31 octobre 2008 défendait une thèse similaire.

16 Le creole-Branchentreff (C/bra), cf. annexes 3.4.3.

17 Sur les programmes et le site internet www.creole-weltmusik.de, le titre est orthographié sans majuscule

comme l’adjectif anglais creole. Dans la suite de cette thèse, j’ai opté pour l’orthographe avec majuscule selon les conventions régissant l’écriture d’un intitulé. Sur les problèmes que posent l’orthographe et la prononciation de l’intitulé, voir le chap. 3.

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peuplé d’une multitude d’acteurs qui contribuent à faire exister la Weltmusik par des occasions de rassemblement (des festivals, des prix, des cycles de débats, des rencontres professionnelles, des congrès etc.), des médias spécialisés et des rubriques dédiées – par exemple la Weltmusikbeilage qui paraît dans les éditions du week-end de la TAZ et qui a continué à exister en dépit des multiples fins annoncées par les rédacteurs de ce journal (cf. biblio) – mais aussi par le biais de dispositifs structurés sur la base d’autres catégories : des genres voisins ou associés (« Folk », « musique populaire », « musique traditionnelle », « global pop » etc.), des répertoires ou des styles musicaux spécifiques (« musique turque », « balkan beat », etc.), des secteurs de l’action publique (« Interkultur », « Soziokultur ») ou de la recherche (« Musikethnologie », « interkulturelle Musikpädagogik »). En somme, un monde peut-être moins centralisé que celui des « musiques du monde » en France mais dont la densité et le dynamisme sont probablement équivalents18 et dont les frontières sont en tout cas aussi mouvantes. C’est qu’en dépit de la moindre légitimité du label « Weltmusik » par rapport à celui de « musiques du monde », le rêve de rencontre des cultures par la musique n’a pas disparu de la société allemande. Il connaît tout au contraire une actualité croissante avec la multiplication de projets célébrant la « diversité » des pratiques musiciennes en Allemagne19.

Plutôt que de postuler l’existence d’un champ ou d’une scène aux frontières stabilisées, j’ai donc choisi de partir de l’observation d’événements singuliers afin de comprendre comment ceux-ci dessinent tout un monde de musiques au sein d’un espace civilisationnel germanique. Or cette démarche requiert quelques explications.

La manifestation que j’ai choisi de placer au centre de mon enquête, Creole, consiste en une série de festivals ayant lieu à divers endroits de l’Allemagne au cours desquels sont

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Là n’est cependant pas la question puisque l’objectif de mon enquête n’est pas de produire une étude

comparative de l’impact du genre en France et en Allemagne, notamment pour la raison évoquée plus haut : il est

déjà délicat de mesurer, dans un pays donné, l’impact réel du genre (du fait de l’existence de plusieurs appellations concurrentes). En outre, la comparaison supposerait de pouvoir délimiter des ensembles comparables en dépit des multiples différences qui existent entre les structures institutionnelles de ces deux pays.

Si je m’arrête parfois comme ici sur le cas français, ce n’est donc pas à des fins de comparaison mais pour

inclure un questionnement sur mon positionnement en tant que chercheuse venue de France avec une certaine idée des musiques du monde et de l’Allemagne, qu’il m’a fallu réviser au cours de mon enquête.

19J’aurais pu commencer mon introduction par là (ainsi que je l’ai fait dans mes premiers projets de thèse) : en

listant les preuves de l’actualité de l’enjeu de diversité en Allemagne – le grand congrès organisé par le

Deutscher Musikrat en 2005 intitulé Musikland Deutschland. Wieviel kulturelle Vielfalt wollen wir, les

innombrables publications éditées par des institutions fédérales et régionales autour de l’enjeu de diversité (cf.

infra. le chap. 6) – ou en évoquant le succès croissant de concerts et festivals ainsi que la création récente de

plusieurs institutions dédiées à la transmission des musiques du monde (World Music Academy de Hildesheim,

Global Music Academy de Berlin, académie Global Flux à Cologne). C’est bien que les notions d’actualité et

d’inactualité sont fort flexibles selon les faits sur lesquels on choisit de s’arrêter : le label de Weltmusik fait l’objet d’une mise en question dans la presse et la recherche mais sur le plan des politiques publiques en matière de culture et d’éducation, il constitue toujours un enjeu de mobilisation et les répertoires musicaux couverts par

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sélectionnés des ensembles musicaux qui se produisent ensuite lors d’une compétition fédérale bi-annuelle : le Bundeswettbewerb Creole, au terme duquel sont décernés trois « prix pour les musiques du monde d’Allemagne » (depuis 2010 : « prix pour la musique globale d’Allemagne »). J’ai suivi de manière régulière ces compétitions pendant le premier cycle (2006/2007), de manière plus épisodique pendant les deux cycles suivants (2008/ 2009, 2010/2011) et j’ai parfois été amenée à y jouer un certain rôle outre celui de spectatrice et chercheuse : en tant qu’experte chargée de produire une « évaluation externe » (sur le premier cycle puis sur la compétition fédérale de 2009), en tant que membre du jury (lors du festival Creole Rhénanie-Westphalie à Dortmund en 2008) et en tant que chercheuse invitée pour des conférences et des débats organisés en parallèle des festivals Creole (à Dortmund en 2008, à Berlin en mai 2011). J’ai également été amenée à participer à d’autres manifestations reliées au projet Creole par divers aspects : un grand congrès sur la diversité culturelle organisé à Essen en mai 2007 dans lequel se produisaient certains ensembles candidats au Creole Rhénanie-Westphalie en 2006 et où j’ai été invitée à parler de « Weltmusik » (« musique mondiale » dans le programme français !), le World Music Expo qui se tenait en octobre 2007 à Séville au cours duquel j’ai retrouvé les organisateurs de Creole et observé le fonctionnement de ce que l’on appelle « le marché » de la musique, les rencontres de Babelmed à Marseille en 2008 où j’ai découvert un aspect du monde des « musiques du monde » à la française, le congrès Global Flux à Cologne en décembre 2010 dans lequel j’ai modéré des débats autour de l’enseignement des « musiques globales » en Allemagne et en Europe, la rencontre professionnelle c/Bra (creole-Branchentreff) organisée en parallèle de la troisième finale de Creole dans laquelle j’étais invitée à parler des « nouvelles tendances de la

Weltmusik »20 – et d’autres manifestations qui seront parfois évoquées dans les chapitres qui

suivent même si l’essentiel de la description sera centrée autour du cas de la compétition Creole.

Le monde que dessinent ces événements n’est pas un monde unifié et le terme de

Weltmusik n’y constitue que l’une des entrées possibles21. Si j’avais défini dès le départ mon sujet de thèse comme « le monde de la Weltmusik », je serais probablement partie d’autres événements mieux établis, réputés plus représentatifs ou plus importants en terme d’impact :

20 Demande que j’ai reformulée en une question : « Pop-Musik werden oder Nische bleiben ? Zu einem

langwierigen Debatte in der Weltmusik-Szene. », conférence non publiée.

21 Cette ouverture sur le plan de l’objet et des questionnements, décrite dans mes premiers compte-rendus

d’enquête par l’expression de « terrain glissant » (Bachir 2007), n’est pas spécifique aux événements que j’ai observés mais elle découle d’un mode d’ethnographie combinatoire tel que l’ont défini Nicolas Dodier et Isabelle Baszanger dans la lignée des travaux de l’interactionnisme symbolique et de la sociologie de l’action :

« il s’agit d’être ouvert par principe, au-delà du souci méthodique de planification des observations, à la

découverte des repères et des outils que les personnes mobilisent d’elles-mêmes dans leurs activités, pour agir avec d’autres individus et plus généralement avec le monde » (Baszanger / Dodier 1997, p.39)

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comme le WOMEX (parce qu’il constitue le rassemblement incontournable des acteurs du marché européen de la world music) ou le TFF Rudolstadt (parce qu’il s’agit du plus grand festival de Weltmusik d’Allemagne) – deux événements qui bâtissent au demeurant des versions bien différentes de la Weltmusik. Mais j’ai choisi pour des raisons que j’expose au chapitre 1 de partir d’une manifestation moins établie, à la résonance plus confinée et à l’identité encore incertaine sans préjuger de sa représentativité au regard de telle ou telle catégorie : ce qui devait être au départ un outil pour interroger le fonctionnement des politiques de la diversité en Allemagne22 est devenu, au fil de mon enquête, un outil pour questionner les relations entre différents secteurs d’activité (la Weltmusik, l’Interkultur, la

Soziokultur etc.) et, au-delà de ces secteurs que les acteurs perçoivent parfois comme des

« petits mondes » ou des « créneaux » spécifiques (« die Nische Weltmusik », « die Nische

Interkultur »), d’accueillir des questionnements plus généraux quant à divers aspects de la

société allemande d’aujourd’hui : la tendance à la festivalisation23, le rapport à la notion de culture et plus singulièrement au domaine de la culture populaire locale (la Volkskultur)24, l’implication des savoirs scientifiques dans les politiques publiques à l’ère de la « société du savoir (Wissensgesellschaft)25, la place de la musique dans un pays réputé terreau d’un patrimoine exceptionnel (« Musikland Deutschland »26), la question de la représentation de l’Allemagne à l’étranger, la difficile maîtrise du passé (Vergangenheitsbewältigung27), l’actualité de l’enjeu de diversité et le malaise qui entoure aujourd’hui la notion de multiculturalisme, la question des critères d’appréciation des objets d’art et de culture – toutes questions qui ont surgi dans le cadre des compétitions Creole et que je développerai en temps venu à partir de l’analyse des situations. On y perd peut-être la vision rassurante d’un objet ou d’un problème prédéfinis mais c’est la condition pour accueillir la richesse des situations que

22 Dans mes premiers projets de thèse, la problématique que j’avais définie consistait à interroger les liens entre

le champ des musiques du monde et les politiques de la diversité – jusqu’à ce que je me rende compte que cette formulation reposait sur un raisonnement circulaire consistant à distinguer deux mondes (celui de la musique, celui de la politique) pour ensuite étudier leurs relations. Le seul moyen pour sortir de cette circularité est de

poser que politique et musique ne sont pas des mondes séparés qu’il s’agirait de définir avant d’engager l’observation mais de faire de ces notions des instruments d’analyse du réel et pour cela de les prendre dans les acceptions courantes (et diversifiées) que leur donnent ceux qui s’estiment en charge de ces secteurs.

23 Thème qui a fait l’objet de nombreux travaux dont Häussermann/Siebel 1993.

24 Cf. notamment les travaux de Hermann Bausinger (Bausinger 1961, 1971) qui ont contribué à initier un

tournant majeur dans l’histoire de l’ethnologie allemande : celle-ci ne se convevant désormais plus comme une

« science du peuple » (Volkskunde) mais comme une « science de la culture empirique » (Empirische

Kulturwissenschaft, à Tübingen) ou une ethnologie de l’Europe (à Berlin, cf. Kaschuba 1999, Köstlin /

Niedermüller/ Niktisch 2002).

25 Le terme de « Wissensgesellschaft », mis en avant par le gouvernenement d’Angela Merkel, a fait l’objet de

travaux dont : Kübler 2005, Gemperle / Steckeisen 2006.

26 « L’Allemagne, pays de musique » : appellation mise en avant par le Ministère des Affaires Etrangères et les

institutions représentant l’Allemagne à l’étranger (Goethe-Institut, Magazin Deutschland, Initiative Musik, etc.).

Cette exception est également revendiquée par certaines villes et Länder réputées lieux d’origine des grands noms de la musique savante (« Musikland Niedersachsen », Musikstadt Leipzig, Berlin, Dresde etc.).

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j’ai observées et pour en proposer une description d’ordre anthropologique : soit, dans le sens où je l’entends, un compte-rendu ethnographique visant à restituer à partir de l’analyse des situations l’arrière-plan complexe des institutions qui contribuent à organiser une société et à la transformer28. Dans cette perspective, le terme de « monde » peut, de par la flexibilité qui marque ses usages29, fournir un appui adéquat. Les ambiguïtés que nous rencontrerons au cours de cette enquête à propos des notions de « monde de l’art »30 (Becker 1988), de « Lebenswelt »31 (Alfred Schütz) ou encore des « manières de faire des mondes »32 (Nelson Goodman 1992) participent – pour autant qu’on en fasse un usage productif – de la portée heuristique du concept de « monde » comme outil de réflexion sur le fonctionnement d’une expérience collective.

Cette ouverture sur le plan de la définition du terrain et des appuis théoriques n’est pas seulement le fruit d’un goût subjectif pour l’incertitude ou « l’interdisciplinarité » mais elle constitue une condition pour rendre compte des situations que j’ai observées dans leurs composantes objectives et plurielles. Les compétitions Creole constituent une forme d’enquête collective (au sens de Dewey 1993 [1927]) pour laquelle les acteurs se dotent de catégories partagées plus ou moins consensuelles (« Creole », « Weltmusik », « globale

Musik ») et d’un dispositif complexe permettant d’organiser la rencontre avec des musiciens

puis la sélection, la programmation et la mise en public de certains ensembles de « musiques du monde d’Allemagne ». Le résultat de ce processus discontinu n’est pas établi d’avance –

28 Cette perspective ne conçoit donc pas, ainsi que le suppose une vision commune de la discipline,

l’ethnographie, l’ethnologie et l’anthropologie comme trois niveaux distincts de l’analyse permettant de s’élever

progressivement des faits concrets vers l’étude de l’homme mais elle pose au contraire que l’analyse anthropologique est ancrée dans celle des situations. Sur le plan méthodologique, cette perspective rejoint

l’approche que Nicolas Dodier et Isabelle Baszanger ont appelé « ethnographie combinatoire » (Baszanger/Dodier 1997). Sur le plan épistémologique, elle suppose de se défaire d’une conception cumulative du savoir anthropologique (cf. Lenclud 2010) et de porter son attention à l’articulation entre les structures et les

événements (voir Sahlins 1989).

29 Dans les usages courants (en français et en allemand), le terme de « monde » peut faire référence à un

ensemble ouvert voire infini (le vaste monde) ou un ensemble clos (« petits univers formant des mondes à part », selon le sens I.3 du Petit Robert 2011), à un espace naturel (sens II : « la Terre ») aussi bien qu’à un groupe

social ou une collectivité humaine (sens IV). D’où l’ambiguïté qui marque aussi la notion de musique(s) du monde, comprise tour à tour comme l’ensemble des faits qui existent dans le monde et peuvent être identifiés

comme de la musique (« world music is that music that we encounter, well, everywhere in the world », Bohlman 2002) et comme un style musical spécifique (Arom 2006).

30 Selon la définition qu’en propose Howard Becker (Becker, 1988 [1982], p. 22), un monde de l'art est constitué

du « réseau de tous ceux dont les activités, coordonnées grâce à une connaissance commune des moyens

conventionnels de travail, concourent à la production des œuvres qui font précisément la notoriété du monde de l’art ». Cette approche offre l’avantage de ne pas faire porter l’attention sur les seuls artistes mais de prendre en compte la variété des acteurs qui contribuent à faire exister l’art dans nos sociétés. Un des problèmes qui se pose alors pour le chercheur est d’expliciter les rapports entre les conventions qui ont cours dans un monde et l’action

(cf. Dodier 1993) puisque pour la plupart des acteurs sociaux, l’appartenance à un monde n’est pas exclusive et

qu’elle ne détermine pas entièrement leur pensée ni leur action.

31 La notion de Lebenswelt, traduite parfois par « monde vécu », a été forgée par Alfred Schütz dans la lignée de

la phénoménologie de Husserl puis reprise par Thomas Luckmann et Peter Berger pour désigner le savoir quotidien dont use un sujet social pour se repérer dans le monde et agir (Cf. Schütz/Luckmann 1995).

32 Les ambiguïtés concernent notamment la notion de « version du monde ». Cf. sur ce point Scheffler 1980 et

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ce qui implique, sur le plan de la théorie de l’action, de reconnaître une créativité de l’agir33– et cette incertitude constitue aussi une des conditions de succès de l’entreprise. L’inattendu fait partie des attentes. Pour cela, l’entrée de l’événement34 est particulièrement appropriée afin de réfléchir aux relations entre les expériences passées et présentes, entre les structures organisant la manifestation et ce qui advient effectivement en situation, entre des savoirs implicites fonctionnant sur le mode de l’évidence (« la Weltmusik telle que nous la connaissons ») et la dynamique de débat générée par chaque session festivalière. C’est sur la base de cette attention portée à l’articulation entre les structures et les événements que je m’essaierai progressivement à une montée en généralité visant à questionner, à partir du cas Creole, le mode d’existence d’un festival de musiques du monde et à poser le problème de l’identité d’un tel objet dans le temps : de quoi est-il question lorsque les participants s’interrogent sur « l’esprit » d’un festival ?

Il sera temps de préciser tout au long de ce travail les contours de la compétition Creole et les transformations qui l’ont affectée entre 2006 et 2011. Il me reste pour lors à introduire une vaste question qui forme à la fois l’arrière-plan de cette manifestation, le cœur des controverses autour des musiques du monde et le nœud des débats qui agitent aujourd’hui les sciences sociales et plus singulièrement l’anthropologie : peut on encore user du terme de « culture » ?

La fin des cultures ? L

’Allemagne et l’idéal d’une société plurielle

La thèse d’une « fin de la Weltmusik » ne constitue pas un fait isolé mais elle se comprend plus largement en vertu d’une forme de raisonnement qui a cours aujourd’hui dans nos sociétés et dans nos mondes de recherche et que certains critiques ont choisi de regrouper sous l’appellation des afterologies35: soit de courants de pensées (modernisme, post-colonialisme, post-culturalisme, post-structuralisme etc.) qui, en dépit de leurs différences réelles et de leur complexité interne, ont en commun de soulever un problème épistémologique quant à la portée des changements observés (par exemple : de quoi la fin de

33 Cf. Joas 1992. Les fondements anthropologiques de cette vision de l’action ont été précédemment développés

dans Honneth/Joas 1980.

34Non plus au sens d’un objet mais d’un outil méthodologique permettant d’interroger le fonctionnement d’une

expérience collective. Voir notamment le numéro 38 de la revue Terrain (Qu'est-ce qu'un événement, 2002) et sur l’articulation entre événement et structure : Koselleck 1979, Sahlins 1989.

35 Terme employé par Marshall Sahlins dans un article qui a fait date : « Two or three things that I know about

culture » (Sahlins 1999). Dans l’édition française (Sahlins 2007), le terme est traduit par « postériologies ». Voir également le numéro de la revue Anthropologie et Sociétés intitulé La (dé)politisation de la culture ? (2004/28).

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la « Weltmusik » est-elle réellement la fin ?) Dans le sillage de ces courants de pensée, la notion de culture a fait l’objet de multiples mises en cause théoriques, notamment au sein de la discipline anthropologique36, tout en bénéficiant d’une actualité accrue dans le sillage des nouvelles sciences de la culture37. Elle s’est également imposée comme un terme central dans les débats publics (voir Kaschuba 1996, Yudice 2003) et a suscité depuis quelques années une multiplication de déclarations, de congrès, de publications et de projets-pilotes autour de ce qu’il est désormais convenu d’appeler l’enjeu de diversité culturelle : ce tout particulièrement en Allemagne, où un vaste chantier de réflexion autour de cette notion a été initié sous l’égide d’organismes internationaux prestigieux comme l’Unesco (avec la Déclaration universelle sur la Diversité de 2001 puis le Convention de 200538), le Conseil de l’Europe et d’institutions réputées bastions de la culture légitime comme le Deutscher Musikrat – toutes institutions qui brandissent aujourd’hui l’étendard de la diversité culturelle39 alors même que le modèle politique « multiculturel » allemand se voit mis en question40. Ce double phénomène de mise en cause et d’inflation de la notion de culture, qui n’est peut-être paradoxal qu’en apparence41, témoigne plus largement de l’enchâssement constant entre les faits et les valeurs qui marquent les usages du terme de culture – tout comme ceux de musique ou de Weltmusik – et qui alimente des malentendus et des débats sans fin quant à la juste définition de ces notions.

Ce spectre complexe de problèmes a contribué à nourrir six années de lecture que je ne chercherai pas ici à résumer. C’est que ces débats ne constituent pas seulement une forme d’arrière-plan théorique cantonné à l’avant-propos42 : ils font pleinement partie de mon terrain d’enquête. Une des raisons qui explique que les festivals Creole fassent surgir, de manière permanente, des contradictions et des « malentendus productifs » (Sahlins 1996) est précisément le flou qui marque aujourd’hui les usages du terme de culture. En ce sens, cette

36 Par ex. de la part de James Clifford, qui déclarait en 1988 dans un ouvrage remarqué (Clifford 1996 [1988], p.

271) que le concept de culture pourrait « avoir fait son temps » et qu’il faudrait « le remplacer, après Foucault, par une vision de formations discursives puissantes, déployées de façon globale et stratégique ». Cf. aussi Brightman 1995. Cette mise au ban de la notion de culture se traduit par l’inflation des concepts évoquant le

mélange (hybridation, créolisation, métissage…). Pour une approche critique des relations entre cultures et

globalisation, voir Sahlins 1999, Friedmann 1994, Abélès 2008.

37 Voir le numéro intitulé « Pour une critique des sciences de la culture » de la revue L’Homme et la Société

(Raulet/Chalard-Fillaudeau 2003/149).

38 Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, adoptée à Paris en

octobre 2005.

39

Cet usage politique de la notion de diversité a suscité une attention généralement circonspecte de la part de chercheurs en ethnologie et sociologie : voir notamment Welz 1996, Knecht 2005.

40 Cf. entre autres l’ouvrage édité par Susanne Stemmler (Stemmler 2011) tiré d’un congrès intitulé Beyond

Multiculturalism ? qui a eu lieu en juin 2009 à la Maison des Cultures du Monde de Berlin. Suite à la

controverse suscitée par les déclarations d’Angela Merkel sur la « fin du multiculturalisme », les éditeurs ont

préféré opté pour une optique de refondation (« Multikultur 2.0 ») plutôt que l’idée de dépassement suggérée par le premier intitulé.

41 Jonathan Friedman propose une explication de la relation entre le discours scientifique et les débats publics

dans son article« Culture et politique de la culture : une dynamique durkheimienne » (Friedman 2004).

Figure

Tableau 1. Composition du Trägerkreis Creole Mitteldeutschland

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