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Chronique-Allemagne

DAGRON, Stéphanie, GREWE, Constance, VOLMERANGE, Xavier

DAGRON, Stéphanie, GREWE, Constance, VOLMERANGE, Xavier. Chronique-Allemagne.

Annuaire international de justice constitutionnelle, 2004, vol. XIX-2003, p. 527-555

DOI : 10.3406/aijc.2004.1737

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:103692

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Allemagne

Stéphanie Dagron

,

Constance Grewe

,

Xavier Volmerange

Citer ce document / Cite this document :

Dagron Stéphanie, Grewe Constance, Volmerange Xavier. Allemagne. In: Annuaire international de justice constitutionnelle, 19-2003, 2004. Constitution et élections – La loi. pp. 527-555;

doi : https://doi.org/10.3406/aijc.2004.1737

https://www.persee.fr/doc/aijc_0995-3817_2004_num_19_2003_1737

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CHRONIQUES

ALLEMAGNE

par Stéphanie D AG RON,

Constance GREWE & Xavier VOLMERANGE *

I — Statistique des décisions de la Cour fédérale ; II — Organisation et activité des pouvoirs publics : 1) La participation des troupes allemandes à des opérations militaires dans le cadre de l'OTAN ; 2) Suspension de la procédure d'interdiction à l' encontre du NPD ; 3) Droit de refuser de témoigner des députés et privileges dont ils disposent en cas de saisie ; 4) Recettes du Land destinées à financer la formation dans les établissements de soins gériatriques ; 5) litige entre la Fédération et le Land de Mecklembourg-Poméranie occidentale ; III — Droits fondamentaux : 1) Les libertés de religion, d'expression et d' association ; 2) Le contentieux des extraditions ; 3) Le procès équitable ; 4) Le droit de la famille ; 5) La liberté d' information de la presse et de la radiotélévision et la protection du secret des télécommunications ; 6) La liberté professionnelle des avocats.

* * *

I. STATISTIQUE DES DÉCISIONS DE LA COUR FÉDÉRALE

Après cinq ans de stagnation, voire de réduction, l'année 2003 a connu un nouvel accroissement des affaires soumises à la Cour. 5200 affaires sont entrées contre 4692 en 2002 de sorte que l'on atteint à nouveau les chiffres des années 1993- 1996. La montée des saisines (environ 10%) est essentiellement due à une augmentation des recours individuels qui s'élèvent en 2003 à 5055. Parmi ceux-ci, ce sont toujours les procédures dirigées contre des jugements de tribunaux qui dominent largement avec un accroissement substantiel des recours dirigés contre les jugements civils (de 341). Les autres voies de recours, y compris d'ailleurs les recours Respectivement, Docteur en droit, chargée de recherches à \' Institut fiir deutsches und europaisches Verwaltungsrecht, Professeur à l'Université Robert Schuman de Strasbourg, Institut de recherches Carré de Malberg, Maître de Conférences à l'Université de Rennes I.

Annuaire international de justice constitutionnelle, XlX-2003

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individuels dirigés contre des lois ou des actes administratifs, occupent une place fort modeste.

La Cour a jugé 4735 affaires dont 4578 recours constitutionnels. 2709 affaires restent en attente au 31-12-2003. On signalera enfin qu'au cours de cette année, deux procédures fort rares ont eu l'occasion de s'appliquer ; il s'agit d'une part de l'interdiction des partis politiques, procédure en l'occurrence arrêtée, et, d'autre part, des décisions prises en assemblée plénière de la Cour (sur ces deux affaires, voir infra).

II. ORGANISATION ET ACTIVITÉ DES POUVOIRS PUBLICS

Au cours de l'année 2003, la CCF a eu à trancher deux affaires politiquement sensibles, l'engagement des troupes allemandes dans la surveillance de l'espace aérien turc et la poursuite de la procédure d'interdiction à l'encontre du NPD (parti d'extrême droite). Les autres décisions sont relatives au droit Parlementaire, à la répartition des compétences entre Bund et Lander, à la constitution financière et au droit des collectivités locales.

1) La participation des troupes allemandes

à des opérations militaires dans le cadre de l'OTAN

Dans sa décision du 25 mars 2003 S la Cour constitutionnelle fédérale a, une nouvelle fois, été appelée à se prononcer sur les conditions dans lesquelles les troupes allemandes pouvaient être engagées sur le théâtre d'opérations extérieures. Il faut en effet rappeler que dans une décision du 12 juillet 1994, le juge de Karlsruhe avait déjà eu l'occasion de prendre position sur cette question et d'éclaircir certaines dispositions de la Loi fondamentale qui pouvaient sembler contradictoires 2. Dans cette précédente décision, la Cour avait en effet réduit la portée de l'article 87 a alinéa 2 de la Loi fondamentale selon lequel, en dehors de la défense, les forces armées ne doivent être engagées que dans la mesure où la présente Loi fondamentale l'autorise expressément.

Saisie par le groupe politique libéral au Bundestag (FDP), la Cour devait statuer sur la participation des soldats allemands aux opérations de surveillance de l'espace aérien turc qui intervenait en marge des opérations militaires menées en Irak. Ces opérations intervenaient dans le cadre du Traité de l'Atlantique Nord, à la suite d'une demande formulée par les autorités turques.

Le groupe politique FDP soutenait que cette mission de surveillance, réalisée grâce à des avions AWACS (Airborne Warning an Control System ), ne s'inscrivait nullement dans le cadre de simples « mesures de routine » mais qu'elle participait à l'attaque contre les forces irakiennes dont elles ne pouvaient être distinguée. A ce titre, le requérant était d'avis qu'une telle mesure exigeait l'approbation du Bundestag. Le recours portait donc sur un litige entre les compétences respectives du Bundestag et du Gouvernement fédéral, selon la procédure prévue à l'article 93 al. 1 n° 1 de la Loi fondamentale qui n'interdit pas à la Cour de prendre, au besoin, une ordonnance provisoire de référé comme cela lui était demandé.

La Cour estime que la requête qui lui est présentée n'est manifestement ni infondée ou irrecevable. Elle n'est pas irrecevable puisque la Cour constitutionnelle fédérale reconnaît un intérêt à agir à un groupe politique lorsque la requête a pour

1 BVerfG, 2 BvQ 18/03, décision du 25-3-2003, www.bundesverfassungsgericht.de.

2 Cf. AIJC X-1994, p. 736.

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objectif de défendre les droits du Parlement face aux prérogatives du Gouvernement.

Elle n'est pas infondée puisque la Loi fondamentale soumet l'engagement des troupes allemandes à une approbation du Bundestag.

La question que doit résoudre la Cour constitutionnelle est alors celle de savoir à partir de quel point il est possible de considérer qu'il y a « engagement des forces armées » c'est-à-dire à partir de quel degré d'implication les soldats allemands sont engagés dans des opérations impliquant l'usage des armes. S'agissait-il ici de simples opérations consistant à surveiller l'espace aérien d'un pays membre de l'Alliance, limitrophe d'un pays en conflit armé ou l'engagement des troupes allemandes constituait-elle une participation au conflit ?

La Cour se livre alors à un bilan coût-avantage en examinant les avantages et les inconvénients respectifs d'une ordonnance provisoire favorable au Parlement ou au Gouvernement. La Cour rappelle que la Bundeswehr est une armée au service du Parlement qui s'insère dans le cadre de l'ordre constitutionnel d'un Etat de droit démocratique. C'est la raison pour laquelle un engagement des troupes allemandes dans des opérations impliquant l'usage des armes constituerait une grave violation des droits du Parlement. D'un autre côté, la responsabilité de l'Exécutif dans la conduite des affaires étrangères milite pour que le Gouvernement dispose d'une certaine marge de liberté. S'il n'est pas porté atteinte à la réserve Parlementaire, le Gouvernement doit donc décider seul s'il exécute ou non la décision du 19 février 2003 prise par le Conseil de l'OTAN consistant à organiser la surveillance de l'espace aérien turc. Dans le cas contraire, non seulement le Gouvernement serait placé dans une situation difficile sur la scène internationale mais en outre cela constituerait une atteinte excessive à la responsabilité du gouvernement dans la politique extérieure et de sécurité.

Après avoir ainsi soupesé les différents intérêts en présence, la Cour en conclut que les droits du Parlement n'ont pas été atteints d'une manière excessive.

2) La suspension de la procédure d'interdiction à l'encontre du NPD Selon l'article 21 alinéa 2 de la Loi fondamentale, les partis qui, d'après leurs buts ou d'après le comportement de leurs adhérents, tendent à porter atteinte à l'ordre constitutionnel libéral et démocratique, ou à le renverser, ou à mettre en péril l'existence de la République fédérale d'Allemagne, sont inconstitutionnels. La Cour constitutionnelle fédérale statue sur la question de l'inconstitutionnalité.

Sur le fondement de cet article, le gouvernement fédéral, le Bundestag et le Bundesrat avaient demandé à la Cour constitutionnelle début 2001 de constater le caractère inconstitutionnel du NPD (Nationaldemokratischen Partei Deutschlands ) et de prononcer sa dissolution. Les requérants justifiaient cette demande de dissolution par le caractère national-socialiste, antisémite, raciste et antidémocratique de ce parti politique.

La décision rendue le 18 mars 2003 3 permet de s'arrêter sur la façon dont sont rendues les décisions de la Cour constitutionnelle. Le juge de Karlsruhe décide en effet d'interrompre la procédure de suspension à l'encontre du NPD : selon le paragraphe 15 de la loi relative à la Cour constitutionnelle fédérale, lorsque la Cour statue sur l'interdiction d'un parti politique, une décision défavorable doit être prise à chaque fois (c'est-à-dire à chaque étape de la procédure) à une majorité des deux tiers des membres de la chambre. Comme le rappelle la Cour, cette exigence de 3 BVerfG, 2 BvB 2/01, 2 BvB 3/01, décision de la seconde chambre du 18 mars 2003, EuGRZ 2003, p. 291.

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majorité qualifiée se justifie par la gravité de la décision à prendre compte tenu de l'importance des partis politiques dans le jeu démocratique. Cela signifie qu'au moins six des huit juges qui composent la chambre doivent prendre une décision défavorable. La révélation de l'infiltration de ce parti politique par les services secrets allemands a conduit trois juges à considérer qu'il y avait un empêchement à poursuivre la procédure d'interdiction devant la Cour en raison d'une atteinte au déroulement équitable du procès. La Cour constate que la majorité qualifiée n'est pas atteinte pour poursuivre la procédure et met alors fin à celle-ci.

3) Le droit de refuser de témoigner des députés et les privilèges dont ils disposent en cas de saisie

Le jugement rendu par la Cour constitutionnelle le 30 juillet 2003 4 concernait l'étendue des droits des députés garantis à l'article 47 de la Loi fondamentale. Selon cette disposition constitutionnelle, les députés ont en effet le droit de refuser de témoigner sur les personnes qui leur ont confié des faits en leur qualité de député, ou auxquelles ils ont confié des faits en cette qualité, ainsi que sur les faits eux-mêmes. Le même article précise également que la saisie de documents écrits est interdite, dans la mesure où les députés ont le droit de refuser de témoigner.

La Cour devait statuer à la fois sur un recours constitutionnel et un litige entre organes de l'État dirigé contre le Président du Bundestag, celui-ci ayant autorisé une fouille à l'intérieur de l'enceinte Parlementaire.

La Cour admet la recevabilité du recours constitutionnel formé par un député même si en l'espèce le recours n'est pas dirigé contre l'un des droits fondamentaux énoncés aux articles 1 à 20 de la Loi fondamentale. La Cour considère toutefois que la protection dont bénéficient les députés résulte de leur statut constitutionnel prévu à l'article 38 alinéa 1 phrase 2 de la Loi fondamentale 5 (représentants de l'ensemble du peuple, les députés ne sont liés ni par des mandats, ne par des instructions et ne sont soumis qu'à leur conscience). La Cour va alors considérer que le recours est fondé puisque le recours constitutionnel peut également être formé contre une atteinte aux droits garantis à l'article 38. Le droit des députés de refuser de témoigner et le privilège dont ils disposent en cas de saisie permettent, souligne la Cour, l'accomplissement serein de leur travail Parlementaire. Le juge devait alors éclaircir la question de savoir si la protection dont bénéficient les Parlementaires devait être étendue aux collaborateurs de ces derniers. Si dans l'enceinte du Bundestag , les documents en possession d'un député ou de l'un de ses collaborateurs ne doivent pas pouvoir être saisis puisque le député garde la maîtrise de ces documents, il n'en va en revanche pas de même à partir du moment où ceux-ci quittent les locaux du Bundestag puisque ces documents ne sont alors plus placés sous le contrôle et la direction du député et qu'ils sortent, par conséquent, du champ de protection de l'article 47 de la Loi fondamentale. La Cour annule donc la décision du tribunal de Munich puisque la fouille et la saisie des documents avaient eu lieu dans l'enceinte du Bundestag.

S'agissant de la procédure en cas de litige entre les organes de l'Etat dirigée contre le Président du Bundestag qui avait donné son accord pour procéder à la saisie des documents dans l'enceinte du Parlement, la Cour constitutionnelle considère que le recours est recevable mais non fondé. En effet, le juge de Karlsruhe part du 4 BVerfG, 2 BvR 508/01 du 30-7-2003, www.bundesverfassungsgericht.de.

5 Voir le « précédent » de l'affaire Maastricht, A1JC IX-1993, p-639.

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principe que les pouvoirs de police et de gestion que le Président du Bundestag tient de l'article 40 alinéa 2 de la Loi fondamentale ont pour objet de protéger les locaux du Bundestag contre une atteinte du pouvoir exécutif ou judiciaire. Mais la décision du Président doit être prise eu égard à l'incidence que pourrait avoir une fouille et une saisie sur le travail Parlementaire. Ainsi, l'appréciation du Président quant à l'incidence des investigations sur l'activité Parlementaire se limite à un « contrôle d'évidence » : le droit constitutionnel Parlementaire n'a pas pour objet de soustraire les députés à toute poursuite pénale, ce qui vaut en premier lieu pour le comportement répréhensible des collaborateurs des Parlementaires car l'immunité Parlementaire a simplement pour objet de protéger les députés dans le cadre de leurs fonctions.

4) Des recettes du Land destinées à financer la formation dans les établissements de soins gériatriques

Dans sa décision du 17 juillet 2003 6, le juge de Karlsruhe devait déterminer si le prélèvement spécial mis en place dans quatre Lander afin de financer les formations pour les personnels employés dans les établissements gériatriques étaient conformes à la constitution financière organisée dans la Loi fondamentale.

La contestation de ces prélèvements, mis à la charge de ces établissements, conduisit les juges administratifs à porter l'affaire devant la Cour constitutionnelle fédérale.

La compétence des Lander en la matière résulte de la combinaison entre les articles 74 alinéa 1 n° 7 et 72 alinéa 1 de la Loi fondamentale : il s'agit là d'une compétence concurrente de la Fédération. En la matière, les Lander ont le pouvoir de légiférer aussi longtemps et pour autant que la Fédération n'a pas fait usage de sa compétence législative.

La Cour considère que ces prélèvements n'entrent pas en contradiction avec les principes de la constitution financière. En effet, s'agissant de recettes non fiscales, ils ont bien une justification, sont distingués des impôts qui ont une nature différente, ne portent pas atteinte au principe d'égalité entre les personnes qui supportent la contribution et ne portent pas atteinte à l'universalité du budget.

Les recettes spéciales créent des charges supplémentaires. Elles sont donc susceptibles de modifier la répartition des compétences entre les Lander et la Fédération et de mettre en péril l'égalité entre les contribuables ainsi que les prérogatives du Parlement en matière budgétaire. C'est la raison pour laquelle elles doivent conserver un caractère exceptionnel et être strictement encadrées. Ce type de recette doit donc servir un but bien défini et ne pas constituer simplement une augmentation de moyens ; les recettes spéciales doivent donc former un groupe homogène ayant un rapport direct avec le but poursuivi par le prélèvement car le législateur doit être en mesure de modifier ou de supprimer le prélèvement dans l'hypothèse où l'objet de ce prélèvement est modifié. Après avoir constaté que toutes ces conditions étaient réunies, le juge constitutionnel conclut à la non violation de la constitution financière prévue par la Loi fondamentale.

6 BVetfG, 2 BvL 1/99, décision du 17-7-2003, www.bundesverfassungsgericht.de

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5) Le litige entre la Fédération

et le Land de Mecklembourg-Poméranie occidentale

La décision du 7 octobre 2003 7 illustre les difficultés qui peuvent survenir entre les Lander et la Fédération à l'occasion de l'application d'une mesure de droit communautaire. Conformément au règlement communautaire n° 1765/92 du Conseil du 30 juin 1992 instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables, la Fédération avait mis à la disposition du Land Mecklembourg-Poméranie occidentale des moyens communautaires pour un montant 675 Million de DM. Lors de contrôles effectués par la Commission européenne, celle-ci constata des défaillances dans le contrôle et l'administration des fonds ainsi alloués et demanda à la Fédération le remboursement de 30 Millions de DM qui s'exécuta en octobre 1999-La Fédération se retourna alors contre le Land pour obtenir la restitution de la contribution qu'elle avait reversé à la Communauté européenne. Le Land de Mecklembourg-Poméranie occidentale accepta de rembourser les montants sous la réserve de trouver à l'avenir une solution globale pour les problèmes d'imputation entre la Fédération et les Lander et dans le cas contraire, sous la réserve d'une confirmation juridictionnelle de son obligation de payer. Le Land saisit la Cour administrative fédérale en mars 2001. Il estimait que le remboursement qu'il avait consenti n'avait aucun fondement juridique puisqu'aucune disposition du droit communautaire ou du droit national ne l'obligeait à se plier au remboursement exigé par la Commission.

En application du § 50 al. 3 de la loi sur la juridiction administrative (VwGO), la Cour administrative fédérale renvoya alors l'affaire devant la Cour de Karslruhe, estimant que le litige relevait du droit constitutionnel et non du droit administratif.

Celle-ci vient alors souligner qu'en cas de conflit entre la Fédération et les Lànder , il y a effectivement deux juges susceptibles d'être saisis. Alors que le juge constitutionnel statue en cas de divergence d'opinion sur les droits et les devoirs respectifs de la Fédération et des Lànder , notamment en ce qui concerne l'exécution du droit fédéral par les Lander et l'exercice du contrôle fédéral, la Cour administrative fédérale est, elle, compétente pour des litiges de droit public qui ne relèvent pas du droit constitutionnel. Le critère de distinction déterminant réside dans la nature de la relation juridique entre le Land et la Fédération, considérée par le juge constitutionnel comme relevant ici du droit constitutionnel et touchant un litige qui s'inscrit dans le cadre de l'article 104a de la Loi fondamentale relatif à la répartition des dépenses entre la Fédération et les Lander.

Après avoir constaté sa compétence, le juge constitutionnel note que le délai de six mois pour pouvoir être saisi est dépassé. Le Land aurait dû directement saisir le juge constitutionnel dans ce délai; la saisine erronée du juge administratif ne permet pas, selon la Cour, de passer outre ce délai de six mois dans un souci de

sécurité juridique et déclare la requête irrecevable. X.V.

III. LES DROITS FONDAMENTAUX

Signe des temps, la jurisprudence la plus importante 8 de l'année 2003 concerne la liberté de religion et d'expression religieuse ainsi que la liberté 7 BVerfG, 2 BvG, décision du 7-10-2003, www.bundesverfassungsgericht.de

8 La sélection des décisions retenues ici a été opérée à partir des publications à la EuGRZ.

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d'expression et d'association. Vient ensuite toute une série d'affaires d'extradition, plus ou moins en rapport avec la lutte anti-terroriste et celle contre la grande criminalité. Au titre des évolutions plus lentes mais sans doute avec une tendance plus lourde, on signalera la montée du contentieux centré sur la Convention européenne des droits de l'homme, essentiellement celui du procès équitable. Les autres décisions apparaissent comme plus conjoncturelles ; elles concernent le droit de la famille, la liberté de la presse et la protection du secret des correspondances et des télécommunications ainsi que la liberté professionnelle.

1) Les libertés de religion, d'expression et d'association

Ces libertés, noyau structurant de la société démocratique, se trouvent au centre de cinq décisions dont deux relatives au foulard islamique, une portant sur la prière au jardin d'enfant, une concernant l'interdiction d'une association religieuse.

Seule la cinquième dont l'objet est une mesure provisoire en vue d'une manifestation du NPD se détache du contexte religieux.

a) Les décisions relatives au foulard islamique

C'est surtout le jugement rendu par la Cour le 24 septembre 20039 qui a eu un grand retentissement. Par son allure de « jugement de Salomon », il a provoqué l'étonnement et la critique. En effet, la CCF ne s'est prononcée, en l'espèce, ni pour ni contre le port du foulard mais a renvoyé cette décision au législateur, autorité politique et démocratique. Cette solution n'est pas sans rappeler la situation française et on verra qu'en Allemagne également, elle a suscité la controverse. Celle-ci s'est glissée jusqu'au sein du collège des juges, puisque trois d'entre eux ont joint à la décision de la majorité une opinion dissidente.

Les faits de l'espèce sont désormais classiques. Il s'agissait d'une femme qui, après avoir suivi la formation de professeur des écoles primaires et des collèges, avait demandé son intégration dans la fonction publique. Cet accès lui fut refusé par les autorités du Land de Bade-Wurtemberg au motif que son intention de porter un foulard, même en service, la rendait inapte à l'exercice de la fonction. L'interdiction a été, par la suite, confirmée par toutes les juridictions fédérées et par la Cour fédérale administrative. La requérante dépose alors un recours constitutionnel fondé sur la violation des art. 1 al.l, 2 al.l, 3 al.l, 4 al.l et 2 et 33 al. 2 et 3 LF. Son argument principal repose sur le fait que l'interdiction l'empêche d'exercer son droit fondamental à la liberté de religion.

Le contraste avec la décision du 30 juillet 10 est saisissant. Il s'agissait en l'occurrence d'une vendeuse d'un grand magasin qui, à partir du moment où elle avait décidé de porter un foulard pendant ses heures de travail, avait fait l'objet d'un licenciement. L'employée ayant contesté ce licenciement, celui-ci a été jugé régulier au cours des deux premières instances mais la Cour fédérale du travail a estimé que le licenciement était anti-social. La société gérant le grand magasin avait alors formé un recours constitutionnel devant la CCF. Celle-ci déclare le recours non admissible, considérant en particulier que le recours ne soulève aucune question nouvelle ou

importante et approuve pleinement l'arrêt de la Cour fédérale du travail.

9 BverfG, 2 BvR 1436/02, jugement de la seconde Chambre du 24 septembre 2003, EuGRZ 2003, p. 621 avec l'opinion dissidente de trois juges : EuGRZ 2003, p. 630 ss.

10 BverfG, 1 BvR 792/03, décision de la seconde Chambre du 30-7-2003, EuGRZ 2003, p. 515.

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En revanche, dans le jugement du 24 septembre, la Cour admet l'atteinte aux droits fondamentaux visés et déclare, sans discussion, le recours admissible et recevable. Elle détermine ensuite sa propre compétence, en particulier au regard de celle des juridictions ordinaires. Si ces dernières ont la plénitude de compétence pour se prononcer sur les faits et le droit infra-constitutionnel, la Cour s'arroge le droit à évoquer et à réexaminer l'interprétation et l'application des droits fondamentaux constitutionnels. Car c'est à elle de conserver, développer et déterminer les différentes fonctions des normes relatives aux droits fondamentaux. De tels considérants font complètement défaut dans la décision du 30 juillet où il est dit au contraire qu'il n'incombe pas à la CCF de vérifier comment les juridictions ordinaires concilient dans le cas particulier les droits en conflit. Il est vrai que, dans le premier cas, il s'agissait d'un litige de droit public et, dans le second, de relations de droit privé.

La détermination plus précise du contour des normes en cause occupe alors une place importante dans le jugement du 24 septembre. Dans un premier temps, la Cour constate la liberté de concrétisation du législateur, s'agissant des limites de la liberté religieuse. Toutefois, elle fait remarquer aussitôt qu'en l'espèce, il ne s'agit pas de restrictions édictées à l'encontre de l'exercice de la liberté mais d'une condition d'accès à la fonction publique. Ce constat aurait pu inciter la Cour à enchaîner sur le pouvoir discrétionnaire de l'administration dans ce domaine et sur les particularités de la fonction publique résidant notamment dans le fait que le fonctionnaire apparaît comme un représentant de l'Etat et est tenu de ce fait à l'obligation de neutralité. C'est précisément le raisonnement suivi par les juges minoritaires qui reprochent à la majorité d'avoir déplacé le débat et d'avoir indûment privilégié les droits fondamentaux. Or le jugement et donc la majorité des juges soulignent tout d'abord que ces conditions d'accès s'analysent en garantie de respect des obligations professionnelles. Pour justifier une ingérence grave dans la liberté individuelle de religion et pour satisfaire au principe d'égal accès à la fonction publique, celles-ci doivent dès lors être « claires et prévisibles » pour reprendre le vocabulaire de la Cour européenne des droits de l'homme. En effet, cette dernière a récemment eu à se prononcer également sur une affaire de foulard islamique d'une institutrice u. Si la Cour de Strasbourg met à cette occasion l'accent sur la représentation de l'État et sur l'obligation de neutralité, elle exige cependant que la limitation de la liberté de la requérante découle d'une « loi » claire et prévisible, ce qu'elle affirme en l'espèce. De la même manière, la Cour constitutionnelle allemande exige que les obligations professionnelles à la source des conditions d'accès à la fonction publique figurent dans une base légale explicite. Or, - et la minorité des juges insiste sur ce point - le Landtag (Parlement fédéré) du Bade-Wurtemberg avait expressément refusé de légiférer sur cette question, pensant que le recours au juge permettait de mieux régler les cas individuels. Pour pouvoir conclure au manque de base légale, la Cour constitutionnelle doit s'expliquer davantage et préciser en particulier la portée de la liberté religieuse de l'art. 4 LF.

Le juge constitutionnel souligne que cette liberté ne garantit pas seulement celle de la foi mais encore son extériorisation, son expression. Il insiste ensuite sur le fait que cette liberté fait partie de celles que la Loi fondamentale garantit sans réserve, c'est-à-dire sans restriction spécifique. Des limitations ne peuvent donc résulter que de la Constitution elle-même («limitations inhérentes ») et requièrent une base législative suffisamment précise.

il Cour européenne des droits de l'homme, 15-2-2001, Dahlab c! Suisse, n° 42393/98.

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La requérante est également atteinte dans ses droits tirés de l'art. 33 al. 3 LF qui lui garantissent l'égalité d'accès à la fonction publique sans considération notamment de sa religion. Certes, le juge ne refuse pas toute restriction de l'accès à la fonction publique par référence à la liberté religieuse mais ces limitations sont alors subordonnées à des obligations de justification et de conciliation particulières.

A ce stade du raisonnement, la Cour s'interroge sur les conflits de normes que le port du foulard peut engendrer. C'est d'abord l'obligation de neutralité de l'État laquelle ne saurait être comprise au sens de la laïcité comme une obligation d'abstention rigoureuse mais plutôt comme une obligation d'ouverture et d'accueil généralisée.

Les parents disposent également d'un droit, celui de voir leurs enfants éduqués selon leur propres convictions. Cependant ce droit n'est pas exclusif ; il est partagé avec celui de l'Etat. Enfin, les élèves bénéficient d'une liberté négative, celle de ne pas devoir supporter une foi qu'on leur impose. Toutefois, d'après la Cour, il convient de distinguer selon que la contrainte émane directement de l'Etat ou du choix individuel de l'un de ses agents. Elle suggère ainsi que le comportement des fonctionnaires n'est pas automatiquement imputable à l'État, atténuant de ce fait sensiblement l'idée de représentation de l'État et renforçant d'autant la position du fonctionnaire-citoyen, titulaire, comme les autres, de droits fondamentaux. Sur ce point encore, la minorité est très critique et dénonce l'affaiblissement corrélatif des droits des tiers.

Cette délimitation des champs de conflit potentiels permet alors à la CCF d'en conclure à la liberté d'aménagement et de conciliation du législateur en tant que lieu de la formation démocratique de la volonté politique. Le législateur visé ici est fédéré, puisque la Loi fondamentale attribue en ce domaine les compétences essentielles aux Lander. C'est pourquoi aussi la volonté politique exprimée à ce sujet peut aboutir à des solutions différentes selon les Lander et leurs particularités. En effet, le port du foulard n'est pas suffisamment univoque pour susciter une réaction en quelque sorte automatique. Il peut apparaître comme une atteinte à l'obligation de neutralité et à la liberté négative des élèves, ce que la Cour de Strasbourg avait retenu dans l'affaire Dahlab. Toutefois, la Cour allemande estime qu'il s'agit là avant tout d'un danger purement abstrait, nullement étayé par la recherche en sciences sociales. Cette affirmation est vivement contestée dans l'opinion dissidente qui reproche à la majorité de se référer à une notion du droit de la police (danger abstrait/ concret) étrangère au droit de la fonction publique. On notera cependant que la décision du 30 juillet comporte déjà les prémisses de ce raisonnement, car la Cour fédérale du travail fait valoir que l'employeur de la vendeuse n'apporte pas suffisamment d'éléments concrets à l'allégation d'inaptitude de la vendeuse. La Cour constitutionnelle approuve ce raisonnement en considérant que l'employeur doit démontrer un danger concret susceptible de troubler le fonctionnement de l'entreprise ou de compromettre son résultat économique.

Si la décision de porter le foulard peut ainsi produire des effets variables, elle peut également s'inspirer d'une multitude de motivations pas forcément incompatibles avec l'idée que se fait la Loi fondamentale de l'homme et de la femme moderne ; en particulier, cette décision peut être prise librement et individuellement et doit donc, dans ses effets, être différenciée du cas où l'État impose un signe ou une tenue. Cette allusion transparente à l'arrêt sur le crucifix donne lieu à une nouvelle série de critiques de l'opinion dissidente selon laquelle la pose du crucifix apparaît en définitive comme une contrainte moindre que le port du foulard. Cependant, la majorité des juges considère qu'une décision individuelle de porter le foulard ne saurait engendrer une incapacité générale à l'exercice de la fonction publique, dès lors que le droit positif actuel du Bade-Wurtemberg ne comporte aucune précision à

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cet égard. La décision du 30 juillet insiste au contraire sur la conciliation à opérer par le juge. Evidemment, s'agissant dans cette affaire de rapports de droit privé, les droits fondamentaux n'étaient qu'indirectement applicables, c'est-à-dire à travers les textes du droit privé qui, en l'espèce, ne faisaient pas défaut.

La Cour souligne enfin, dans le jugement du 24 septembre, qu'il est loisible au législateur de créer cette base légale. Et à ce titre, le pluralisme croissant des opinions et des convictions peut aussi bien conduire à une application plus rigoureuse de l'obligation de neutralité qu'à mettre l'accent sur l'obligation de tolérance. La minorité se montre indignée par cette indécision de la Cour, déplore que ni la Cour fédérale administrative à laquelle l'affaire est renvoyée, ni le législateur ne se voient préciser davantage la solution à adopter et que le jugement n'indique aucune mesure transitoire.

Ce jugement va-t-il faire jurisprudence ou demeurera-t-il une espèce dans laquelle le juge s'est montré particulièrement favorable à la protection des droits fondamentaux ? Il est trop tôt pour répondre à la question ; d'ailleurs, même si la majorité des juges inclinait en ce sens, la présence d'une opinion dissidente aussi vigoureuse commandera peut-être une certaine prudence dans l'avenir.

b) La prière au jardin d'enfants

Cette décision du 2 octobre 2003 12 intervient à la suite d'un référé administratif tendant à interdire la prière dans un jardin d'enfants. Le père et son enfant n'ayant pas obtenu gain de cause devant les juridictions administratives, forment un recours constitutionnel contre les décisions rendues en référé et demandent à la Cour d'ordonner des mesures provisoires. L'arrêt de section refuse de suivre les requérants pour déclarer le recours inadmissible parce que contraire au principe de subsidiarité du recours constitutionnel.

Par une argumentation subtile, la CCF soutient qu'une décision rendue en référé ne peut valablement faire l'objet d'un recours constitutionnel que si l'atteinte alléguée est directement liée au référé mais si le grief peut ou doit être examiné également au fond, le principe de subsidiarité s'oppose au dépôt d'un recours constitutionnel à ce stade. Le juge constitutionnel conforte son raisonnement par le fait qu'en l'occurrence, plusieurs éléments de fait et de droit ne sont pas encore complètement établis et requièrent donc une instruction plus approfondie.

c) L'interdiction d'une association religieuse

L'intérêt principal de la décision du 2 octobre 2003 13 réside dans l'examen indirect de constitutionnalité d'une des mesures anti-terroristes. Il s'agit de la loi du 8 décembre 2001 ayant supprimé le « privilège des religions », c'est-à-dire l'impossibilité de dissoudre des associations religieuses l4. Depuis cette date, les associations religieuses sont donc soumises au droit commun des associations. C'est dans ce cadre que le ministre de l'Intérieur a interdit l'association « État du califat » de Metin Kaplan. Ce dernier ayant contesté cette dissolution devant les juridictions

12 BVerfG, 1 BvR 1522/03, décision de section de la première Chambre du 2-10-2003, EuGRZ 2003, p. 756.

13 BVerfG, 1 BvR 536/03, décision de section de la première Chambre du 2 octobre, EuGRZ 2003, p. 746.

14 Voir Table ronde, « Lutte contre le terrorisme et protection des droits fondamentaux », rapport allemand, XVIII-A//C 2002, p. 71 ss. (79)-

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administratives, la Cour fédérale administrative a confirmé l'interdiction. Le requérant a formé un recours constitutionnel contre cet arrêt.

Si la CCF admet que le requérant soit atteint dans sa liberté de religion, elle refuse cependant d'accueillir le recours qui ne soulève pas, à son avis, de question nouvelle relative aux principes constitutionnels. En effet, il est de jurisprudence constante que l'art. 4 LF ne comporte pas de réserves mais que la liberté de religion n'est pas pour autant illimitée. Des restrictions résultent notamment de la collision avec d'autres droits fondamentaux ou avec des principes à valeur constitutionnelle.

Ce conflit ne peut être résolu qu'au moyen d'une conciliation (concordance pratique).

En outre, le recours n'a aucune chance de succès. La Cour fédérale administrative a estimé que la loi abolissant le privilège des religions était conforme à la Constitution dès lors que l'interdiction, en application du principe de proportionnalité, ne vise que les activités contraires à la Constitution au sens de l'art.

79 al. 3 LF. La Cour constitutionnelle n'a aucune objection contre cette analyse. Elle ne considère pas davantage que la Cour administrative aurait ignoré l'obligation constitutionnelle de l'autorité administrative d'entendre le requérant, puisque celui- ci, quand l'occasion lui en a été fourni devant la juridiction, n'a fait état d'aucun argument contre l'interdiction.

La Cour partage également le point de vue de la Cour administrative selon lequel le requérant aurait poursuivi des activités contraires à l'ordre constitutionnel de la République fédérale en prônant la violence pour atteindre son objectif d'imposer l'État du califat et de combattre ses adversaires religieux. Enfin, l'interdiction paraît proportionnelle dans la mesure où ni des poursuites pénales contre Metin Kaplan ni l'interdiction adressée à certains membres de l'association d'exercer des activités politiques n'ont réussi à endiguer les activités de l'association.

Dès lors, l'interdiction constitue le seul moyen adéquat pour faire cesser ces activités inconstitutionnelles .

d) Les mesures provisoires en vue d'une manifestation du NPD

Cette affaire15 constitue une mise en oeuvre exemplaire du contrôle de proportionnalité et montre que la Cour constitutionnelle réussit à parer aux cas d'extrême urgence.

Le NPD, parti politique d'extrême droite dont l'interdiction avait été envisagée (cf. supra), avait l'intention d'organiser un défilé le 6 septembre, jour anniversaire du congrès « Grande Allemagne » du NSDAP de 1938 à Nuremberg.

Le jour et l'itinéraire choisis apparaissaient donc comme très symboliques. Le projet du défilé a été déclaré le 2 juin ; le 26 août, le service compétent pour les réunions interdit celui-ci et ordonne l'exécution immédiate de l'interdiction sans possibilité d'organiser une autre réunion le 6 septembre. Le requérant conteste aussitôt la décision d'interdiction et introduit, devant le tribunal administratif, une demande de restitution de l'effet suspensif attaché à sa contestation. Cette demande est rejetée le 2 septembre. Saisie de cette affaire, la Cour administrative bavaroise rejette le recours à son tour le 4 septembre. Le requérant saisit alors la Cour constitutionnelle d'une demande en référé en vue de rétablir l'effet suspensif de l'interdiction et d'ordonner des mesures provisoires.

15 BVerfG, 1 BvQ 32/03, décision de section de la première Chambre du 5-9-2003, EuGRZ 2003, p. 760.

(14)

L'arrêt de section du 5 septembre (un jour avant le défilé prévu) accueille cette demande en estimant qu'en l'occurrence les raisons plaidant en faveur d'une mesure provisoire paraissent prédominantes. Il constate que l'urgence du règlement n'est pas imputable au requérant qui a déposé sa déclaration dans un délai raisonnable. Cette urgence conduit également la Cour à ne pas examiner à nouveau les faits de l'espèce ni à provoquer une nouvelle négociation entre l'organisateur et le service des réunions mais à déterminer immédiatement les grandes lignes de la décision à prendre.

En particulier, le juge constitutionnel considère que la liberté d'expression et de réunion doivent être conçues très généreusement, permettant aux citoyens d'exprimer toutes les opinions, y compris celles qui seraient hostiles à la RFA et à la Loi fondamentale. Il souligne qu'il existe des sanctions spéciales contre de tels agissements, notamment les art. 9 al. 2 (dissolution des associations), 18 (déchéance des droits fondamentaux), 21 al. 2 (interdiction des partis politiques) et 26 al.l (interdiction de préparer une guerre d'agression) LF. La norme de référence demeure donc l'art. 8 (liberté de réunion). Cette disposition confère en principe aux organisateurs dé réunions le droit de déterminer eux-mêmes le déroulement de la manifestation étant entendu que cette liberté trouve ses limites dans les atteintes à la sécurité publique ou à l'ordre public. Si de telles atteintes apparaissaient en effet probables en l'espèce, elles ne justifiaient pas aux yeux de la Cour une mesure d'interdiction. D'autres restrictions plus douces devaient être envisagées, telles une modification de l'itinéraire et notamment le cantonnement de la manifestation sur un lieu fixe et une durée plus courte ou encore le recours à un encadrement policier significatif.

Pour ces raisons, la Cour rétablit l'effet suspensif et ordonne aux organisateurs d'obéir aux conditions et modalités qui seraient fixées par le service des réunions. C.G.

2) Le contentieux des extraditions

Au cours de l'année 2003, la Cour constitutionnelle fédérale s'est prononcée à de nombreuses reprises en matière d'extradition. Trois décisions illustrent plus particulièrement la complexité des questions soulevées.

a) Dans la première décision, rendue le 24 juin 2003 par sa 2e chambre l6, la Cour constitutionnelle fédérale s'est prononcée sur la légalité de la décision adoptée par le Tribunal régional supérieur de Munich déclarant légale l'extradition vers l'Inde d'un ressortissant de la République du Vanuatu (à l'origine ressortissant

indien) et ordonnant sa mise en détention jusqu'à exécution.

Le requérant a été arrêté le 15 décembre 2002 à l'aéroport de Munich conformément à un mandat d'arrêt émis le 3 mai 2002 par le premier tribunal spécial d'Alipore/Calcutta : il était recherché par les autorités indiennes pour une escroquerie portant sur une somme d'environ 2 143 000 $. Pour le Tribunal régional supérieur, l'extradition doit être considérée comme admissible au regard des deux arguments suivants : d'une part, l'entraide judiciaire demandée ne peut être considérée comme remettant en cause les principes fondamentaux de l'ordre juridique allemand (§ 73 de la Loi concernant l'entraide judiciaire internationale en

16 BverfG, 2 BvR 685/03 du 24 juin 2003. EuGRZ 2003, p. 518.

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matière pénale, Gesetz fiber die internationale Rechtshilfe in Strafsachen, IRG 17), les faits reprochés au requérant étant d'une réelle gravité et la peine lourde prévue par le droit pénal indien n'apparaissant pas comme disproportionnée ; d'autre part, et conformément aux différents documents fournis par le gouvernement fédéral, le requérant n'est pas sérieusement menacé, une fois retourné en Inde, d'être soumis à la torture ou à des traitements inhumains. Selon le tribunal, en effet, bien que les documents consultés fassent état de violations des droits de l'homme par les organes étatiques, ces violations doivent être considérées comme ayant un caractère exceptionnel. Cette conclusion s'impose, non seulement, au regard du fait que ces violations sont interdites par la loi et combattues par l'État indien qui a notamment adhéré à la Convention des Nations unies contre la torture, mais encore, au regard de la conclusion, en 2001, entre la République fédérale d'Allemagne et l'Inde d'un traité d'extradition toujours en cours de ratification.

Le 5 mai 2003, le requérant introduit un recours devant la Cour constitutionnelle fédérale, prétendant être lésé dans ses droits fondamentaux contenus aux art. 1 al 1, art. 2 al 2, 2e phrase et art. 3 al. 1 LF. Selon le requérant, la menace de torture pesant sur les personnes faisant l'objet de poursuites pénales doit être considérée comme réelle et non exceptionnelle et les conditions de détention dans les prisons indiennes doivent être perçues comme constituant un traitement inhumain et dégradant. En outre, la peine maximale retenue par le droit pénal indien pour les faits qui lui sont reprochés ne respecte pas le principe de proportionnalité et son application conduira par conséquent à une violation de sa dignité d'être humain (art. 1 al. 1 LF) et de son droit à la liberté (art. 2 al. 2 LF).

Par sa décision en date du 24 juin 2003, la seconde chambre de la Cour constitutionnelle fédérale, confirmant la décision adoptée par le Tribunal, a refusé de faire droit au recours constitutionnel.

En premier lieu, la Cour précise à nouveau les principes déjà dégagés en la matière 18. Conformément à sa jurisprudence constante, les tribunaux sont dans l'obligation, dans le cadre de leur contrôle de la légalité des procédures d'extradition, de s'assurer du respect par l'État demandeur des principes ou standards minimaux du droit public international qui font partie du droit fédéral (art. 25 LF) et du respect des principes fondamentaux de l'ordre juridique allemand 19. Parmi ceux-ci se trouve le principe de proportionnalité dont l'application interdit aux autorités d'autoriser une extradition lorsque la peine envisagée est beaucoup trop sévère ou bien encore, lorsqu'elle est inhumaine et humiliante 20. Pour le reste, la Cour rappelle que, la République fédérale faisant partie de la communauté internationale et la Loi fondamentale imposant le respect des ordres juridiques des autres États, les principes à prendre en compte sont par conséquent uniquement les principes inaliénables de l'ordre constitutionnel allemand.

En deuxième lieu, la Cour détaille les raisons pour lesquelles, à l'égard de ces critères, il ne peut être fait droit au recours. Le contrôle qu'elle exerce dans ce cadre est limité. La Cour respecte la compétence reconnue aux juridictions ordinaires concernant l'interprétation de la loi et son application au cas d'espèce 21 et s'assure par conséquent uniquement que la décision du Tribunal régional supérieur ne peut être considérée comme reposant sur des considérations arbitraires. Tout d'abord et 17 Cette loi trouve application en l'absence de traités d'extradition entre la République fédérale d'Allemagne et le pays demandeur ou bien en complément de ce type de traités (§ 1 al. 3 IRG).

18 Pt. Ill 1 de la décision.

19 § 73 IRG.

20 Pt. Ill 1 de la décision.

21 Pt. III 2 a de la décision.

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concernant la menace de l'usage de la torture et de traitements inhumains dans le cadre de la procédure pénale, la Cour précise qu'une telle menace ne peut constituer un obstacle à la procédure d'extradition que dans deux hypothèses : soit, lorsque le requérant peut apporter des éléments concrets de preuve démontrant la réalité du danger qu'il encourt — cette solution, reprise dans les deux décisions ci-dessous commentées et retenue en matière d'asile, n'est pas favorable aux individus pour lesquels il reste très difficile d'apporter la preuve de menaces concrètes pesant directement sur eux — soit, lorsqu'il est reconnu que la violation des droits de l'homme est une pratique constante et systématique dans l'Etat demandeur 22 . En l'espèce, la Cour considère que l'interprétation retenue par le Tribunal est justifiée : non seulement, le requérant n'a pas été en mesure de démontrer l'existence de menaces le concernant directement, mais encore, le Tribunal s'est appuyé sur des indices convaincants pour rejeter l'existence d'une pratique systématique de violation des droits de l'homme en Inde. Ainsi, la Cour relève que le Tribunal a, d'une part, analysé les rapports faisant état à la fois de violations des droits de l'homme et des efforts de l'Etat indien pour lutter contre la torture et les mauvais traitements et, d'autre part, pris en compte l'existence du traité d'extradition entre la République fédérale et l'Inde signé le 27 juin 2001. Concernant ce traité, et bien qu'il n'ait pas encore été ratifié, la Cour considère que la prise en compte de son existence est justifiée, la conclusion de ce type de traité devant effectivement être considérée comme constituant un indice favorable à la reconnaissance du caractère exceptionnel des violations des droits de l'homme en Inde.

Ensuite, concernant plus spécialement les conditions de détention en Inde, la Cour considère que l'argumentation du Tribunal, bien que très rapide, est suffisamment fondée. Le Tribunal fait ici référence aux arguments évoqués pour les points précédents.

Enfin, concernant la longueur de la peine d'emprisonnement prévue par la loi pénale indienne, la Cour constitutionnelle considère qu'au regard de l'infraction commise, de la nature démocratique de la loi pénale considérée et de l'existence dans le monde de différentes doctrines dans le domaine des infractions contre les biens, la décision du tribunal rejetant le caractère disproportionné de la peine n'est pas arbitraire.

Cette décision a fait l'objet de nombreuses critiques de la part de la presse 23, de la part de la doctrine 24 , mais aussi et en premier lieu, de la part des juges Sommer et Liibbe-Wolff, membres de la Cour. Leur conclusion, formulée sous la forme d'une opinion dissidente 25, est que la décision du Tribunal régional supérieur est contraire aux droits fondamentaux du requérant garantis par les articles 2 al. 1 en liaison avec les art. 1 al. 1 et 19 al. 4 LF. Selon ces deux juges, les critères du contrôle de la régularité des extraditions retenus par les autres membres de la Cour n'ont pas été appliqués correctement. Ainsi, ils reprochent au tribunal une analyse trop rapide et insuffisamment fondée des obstacles éventuels à cette extradition. D'une part, ils considèrent que le Tribunal aurait dû s'assurer, au regard de l'imprécision des rapports du gouvernement allemand concernant les conditions de détention, que le requérant n'était pas menacé d'être soumis aux mauvais traitements pourtant relevés dans ces rapports. D'autre part, ils contestent l'importance accordée par le Tribunal 22 Pt. III 2 a aa) 1 de la décision.

23 Voir par exemple l'article paru dans le Siiddeutsche Zeitung en date du 23 juil. 2003, p. 4.

24 Voir les articles suivants: J. VOGEL, Anmerkung,/Z 2004, pp. 144-146 ; R. OTTERBEIN, Zur BVer/ij-Entscheidung « Auslieferung nach Indien », DRiZ 2004, pp. 74-75.

25 d une décision déclarant inadmissible le recours constitutionnel. II est à noter le caractère exceptionnel de la formulation d'une opinion dissidente dans le cadre

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au traité d'extradition non encore ratifié entre la République fédérale et l'Inde. Pour ces deux juges enfin, il est possible que le Tribunal se soit laissé influencer par des considérations d'ordre politique. Ils notent en effet que dans le cadre de son analyse des obstacles éventuels à une extradition, le Tribunal doit agir librement, sans prendre en compte des éléments d'ordre diplomatique. Référence est faite ici à la position délicate dans laquelle s'est trouvée le Tribunal contraint de s'exprimer sur la condition des droits de l'homme en Inde alors que le gouvernement allemand s'était déjà engagé politiquement envers l'Inde, à travers la conclusion du traité d'extradition.

Cette opinion dissidente met en évidence les difficultés propres aux affaires d'extradition : d'un côté, le respect par la République fédérale des principes du droit international et des droits fondamentaux inscrits dans la Loi fondamentale conduit les autorités à être très exigeantes quant aux conditions de l'extradition ; de l'autre, la nécessité grandissante de coopérer avec les autres Etats membres de la communauté internationale en matière de criminalité impose, à la fois, une plus grande tolérance vis-à-vis des conceptions juridiques et procédures judiciaires retenues par les autres pays et une plus grande confiance vis-à-vis des assurances fournies par les autorités politiques de ces pays en matière de respect des droits de l'homme et des principes de l'Etat de droit.

Les deux autres décisions adoptées le 5 novembre 26 et le 1er décembre 2003 27 par, respectivement, la seconde chambre et la première section de la seconde chambre de la Cour constitutionnelle, montrent que la Cour a tendance à privilégier le second groupe d'intérêts aux dépens du premier.

b) La première décision concerne l'extradition vers les Etats-Unis de deux ressortissants du Yémen arrêtés à Francfort sur le Main le 10 janvier 2003. Les autorités judiciaires américaines avaient demandé aux autorités allemandes l'extradition de ces individus auxquels elles reprochaient d'avoir notamment fourni de l'argent et des armes à des groupes terroristes comme Al Qaida et Hamas. Ces deux personnes s'étaient rendues librement en Allemagne afin de rencontrer une personne susceptible de leur faire des dons importants d'argent. Ce voyage était le résultat de discussions avec un troisième ressortissant yéménite, agent secret des autorités américaines, qui avait réussi à les convaincre de l'utilité de ce déplacement 28 .

Le Tribunal régional supérieur de Francfort sur le Main a déclaré légale l'extradition 29 après avoir demandé des informations complémentaires 30 aux autorités américaines concernant les faits reprochés (appartenance à une organisation terroriste) 31 et obtenu l'assurance de la part de l'ambassade des Etats-Unis que ces individus ne seraient pas traduits devant un tribunal militaire ou un autre tribunal d'exception 32. Le Tribunal a ainsi rejeté les arguments avancés à la fois par le gouvernement du Yémen et par l'un des deux individus arrêtés.

26 BverfG, 2 BvR 1506/03 du 5 novembre 2003. EuGRZ 2003, p. 749- 27 BverfG, 2 BvR 879/03 du 1er décembre 2003. EuGRZ 2004, p. 108.

28 Pt. A I 1 de la décision.

29 Pt. A I. 6 b de la décision.

30 Conformément au § 30 al 1 IRG, le Tribunal régional supérieur peut demander à l'État auteur de la demande d'extradition les informations complémentaires nécessaires au contrôle de la légalité de l'extradition.

31 Pt. A I 3 de la décision.

32 Pt. A I 5 de la décision.

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Ces arguments étaient de plusieurs sortes. Le premier argument, présenté à la fois par le gouvernement yéménite et le requérant, reposait sur le caractère illicite, au regard du droit international public, de l'arrestation survenue sur le territoire de la République fédérale d'Allemagne : selon leur interprétation, les deux ressortissants yéménites avaient fait l'objet d'un « enlèvement » destiné à contourner l'interdiction stricte d'extradition des nationaux posée par le droit du Yémen. Cet enlèvement devait par conséquent être considéré comme illicite et comme interdisant une extradition vers les Etats-Unis 33. Selon un second argument, les méthodes retenues aux Etats-Unis pour les interrogatoires en matière de terrorisme étant contraires aux standards minimaux du droit international, elles interdiraient de même une extradition vers les Etats-Unis. Enfin, le Tribunal régional supérieur n'aurait pas procédé à un examen juridique suffisant des faits reprochés 34.

Pour le Tribunal, ces arguments ne sont pas convaincants. Tout d'abord, il n'existe aucune règle de droit international interdisant à un État A sur le territoire duquel se trouve le ressortissant d'un Etat C faisant l'objet d'une demande d'extradition, de faire obstacle à cette extradition vers l'Etat B, pour la raison que l'Etat B aurait violé la souveraineté de l'Etat C en procédant à l'enlèvement de son ressortissant 35. Ensuite, l'assurance donnée par les autorités américaines concernant le respect des standards du droit international doit être considérée comme suffisante pour exclure une menace de torture et de traitements inhumains 36. Enfin, il n'appartient pas au Tribunal d'apprécier la réalité des faits reprochés au requérant. Il lui suffit de constater que ces faits sont aussi des faits condamnés par la loi pénale allemande 37 .

Le 23 juillet 2003, le requérant introduit un recours devant la Cour constitutionnelle fédérale prétendant être lésé dans ses droits garantis par les art. 101 al. 1 en liaison avec l'art. 100 al. 2, 2 al. 2 en liaison avec les art. 25 et 2 al. 1, 2 al. 1 en liaison avec les art. 1 al. 1 et 19 al. 4, 103 al 1 et 2 LF, ainsi que dans son droit à une procédure équitable. Par sa décision en date du 5 novembre 2003, la seconde chambre de la Cour constitutionnelle fédérale refuse de faire droit à ce recours.

En premier lieu, la Cour rejette l'argument du requérant selon lequel son droit à être jugé par le juge légal (art. 101 al. 1 LF) aurait été lésé par le fait que le Tribunal, en violation des dispositions de l'art. 100 al. 2, n'a pas soumis à la Cour constitutionnelle la question de l'existence d'une règle de droit international public en matière d'«enlèvement » et d'extradition. La Cour constate que le Tribunal a effectivement manqué à son obligation de demande préjudicielle inscrite à l'art. 100 al. 2 LF. En l'espèce, il existait en effet de réels doutes quant à l'existence en droit international d'une règle interdisant l'extradition d'un individu dont la présence dans le pays d'arrestation est la conséquence d'une tromperie. Néanmoins, la Cour considère qu'étant donné qu'elle aurait abouti à la même conclusion que le Tribunal sur cette question, il n'y a pas eu de violation de l'art. 101 al. 2 LF 38. Cette conclusion repose sur une analyse très détaillée de la pratique internationale en la matière. La Cour, conformément à son approche traditionnelle, analyse très précisément les décisions des cours de justice nationales et internationales 39. C'est

33 Pts. A I. 4 et 6 a de la décision.

34 Pt. A I 6 a de la décision.

35 Pt. A I 6 b de la décision.

36 Pt. A I 8 b de la décision.

37 Pt. A I 6 b de la décision.

38 Pts. B I 1 a et b, B I 3 de la décision.

39 La Cour précise que l'importance des organisations et juridictions internationales ayant très largement évolué dans les dernières décennies, il est tout à fait justifié de procéder à l'analyse de

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cette analyse détaillée qui lui permet de conclure à l'absence de règle de droit international interdisant l'extradition d'un individu dans l'hypothèse où ce dernier a fait l'objet d'une tromperie n'impliquant pas le recours à la force 40. Il est à noter que la Cour laisse ainsi ouverte la question de la légalité d'une extradition d'un Etat A vers un État B dans l'hypothèse où un individu ressortissant d'un État C se trouverait sur le territoire de l'État A suite à un « enlèvement » organisé par l'État B et impliquant le recours à la force.

En deuxième lieu, la Cour, confirmant sa jurisprudence, rappelle que le contrôle qu'elle exerce sur l'application de la loi ordinaire par le Tribunal régional supérieur est un contrôle limité et qu'en l'espèce, la décision du Tribunal ne repose pas sur des considérations arbitraires 41 .

En troisième lieu, la Cour refuse d'interpréter l'intervention d'un agent secret des États-Unis au Yémen dans le cadre de la procédure d'investigation comme constituant une violation du droit à un procès équitable. Elle reconnaît en outre que même le droit allemand peut autoriser l'intervention de tels agents 42.

En dernier lieu, la Cour rejette l'argument selon lequel, en raison de son extradition, le requérant pourrait être menacé de subir la torture ou des traitements inhumains. Cette position est fondée sur l'absence d'éléments pouvant conduire à une remise en cause de la confiance qu'il s'agit d'accorder aux États étrangers, conformément à la jurisprudence récente de la Cour, en matière d'extradition 43.

Cette confiance est particulièrement solide en l'espèce. D'une part, les États-Unis se sont explicitement engagés par écrit, à la demande de la République fédérale, à respecter les principes de l'État de droit et les droits de l'homme. D'autre part, le traité de coopération judiciaire en matière pénale en date du 14 octobre 2003 est en vigueur entre les deux États et assure le respect par les deux États des standards minimaux des droits de l'homme.

c) La décision de la Cour constitutionnelle adoptée le 1er décembre 2003 reprend très clairement les raisonnements appliqués dans la jurisprudence ci-dessus présentée. Dans cette affaire, le recours constitutionnel était dirigé contre la décision en date du 8 mai 2003 par laquelle le Tribunal régional supérieur de Munich avait déclaré légale l'extradition vers le Pérou du requérant de nationalité péruvienne. Il lui était reproché d'avoir participé entre les années 1995 et 2000 à une association criminelle du nom de « W-veintiuno intertechnique », association dont les activités de corruption visaient à l'enrichissement de ses membres aux dépens de l'État.

La Cour constitutionnelle refuse de remettre en cause la décision contestée.

D'une part, elle rejette comme irrecevable l'argument selon lequel le requérant étant marié à une femme qui a obtenu la nationalité allemande, son extradition serait contraire à ses droits au mariage et à la famille garantis par l'art. 6 LF 44 . Pour la Cour, non seulement, cet argument n'ayant pas été présenté devant le Tribunal, le requérant n'a pas rempli la condition de l'épuisement de la voie judiciaire exigée par le § 90 al. 2 de la loi sur la Cour constitutionnelle fédérale, mais encore un tel leur pratique et ce, bien que le statut de la Cour de justice internationale ne considère les décisions judiciaires que comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit (art. 38 1 d du statut de la CIJ).

40 Pts. B I 1 c bb), B I 3 b bb) 3) de la décision.

41 Pt. B. III de la décision.

42 Pt. B IV de la décision.

43 Pt. B V de la décision. A l'appui de ce principe est citée la décision du 24 juin 2003 présentée ci- dessus.

44 Pt. II 2 de la décision.

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argument doit être mis en balance avec l'importance des intérêts de l'État à un fonctionnement correct de la coopération avec les autres États en matière de criminalité. Or de tels intérêts justifient en l'espèce une moindre protection de la famille et du mariage 45 .

D'autre part, la Cour rejette comme infondé l'argument selon lequel l'extradition serait contraire aux principes fondamentaux sur lesquels repose l'ordre juridique allemand. La démonstration de la Cour s'appuie sur un raisonnement en trois temps et reprend les principes évoqués précédemment. Tout d'abord, la Cour rappelle les critères applicables par le Tribunal dans le cadre de son appréciation de la légalité de l'extradition 46. Ensuite, elle constate que l'appréciation par le Tribunal du risque de torture ou de mauvais traitements en conséquence de l'extradition est correcte. Non seulement le requérant n'a pas été en mesure d'apporter des éléments de preuve démontrant une menace concrète pesant sur lui, mais encore, il n'y a pas au Pérou de violation systématique des droits de l'homme. Concernant ce dernier point, la Cour précise que cette conclusion repose sur les renseignements fournis par les services du ministère allemand des affaires étrangères ainsi que sur l'assurance des autorités péruviennes obtenue par le Tribunal que le requérant ne serait pas traité plus durement en raison de la nature politique des faits reprochés.

Enfin, la Cour précise à nouveau que son contrôle de l'appréciation du Tribunal est limité à la vérification du caractère non arbitraire des arguments sur lesquels le Tribunal fait reposer sa décision. En l'espèce, aucun élément ne permet de conclure en ce sens.

S.D.

3) Le procès équitable

Le procès équitable ne fait l'objet, en tant que tel, d'aucune disposition particulière de la Loi fondamentale. Cependant, certains de ses éléments sont, ou bien garantis isolément, ou bien protégés à travers le principe de l'État de droit.

C'est ce qui explique que les recours visant l'Allemagne devant la Cour européenne des droits de l'homme concernent surtout ce contentieux. Or, comme la Convention européenne des droits de l'homme n'occupe en droit allemand qu'un rang législatif, ce texte ne lie pas la Cour constitutionnelle. Celle-ci a cependant déclaré qu'elle s'en inspirerait lors de l'interprétation des droits fondamentaux. Cette inspiration tend à devenir plus nette ces dernières années.

En 2003, trois affaires sont intéressantes à cet égard. Il s'agit d'abord d'une décision en Chambre plénière du 30 avril 2003 relative au droit au juge, ensuite d'un arrêt de section concernant la durée raisonnable d'une procédure pénale et enfin d'un arrêt de section du 7 octobre 2003 sur les frais de traduction dans le cadre d'un contrôle de la correspondance d'un détenu.

a) Le droit au juge

Le 30 avril 2003, l'assemblée plénière (Plenum ) de la Cour constitutionnelle 47 s'est réunie pour adopter une décision concernant la question suivante : les juridictions inférieures sont-elles compétentes pour se prononcer sur la violation par le juge du droit à être entendu, garanti par la Loi fondamentale ? Jusqu'alors, la

45 Pt. IV 1 a de la décision.

46 Pt. IV 2 a de la décision. Voir les critères présentés dans le cadre des deux décisions précédentes.

47 BVerfG, 1 PBvU 1/02 du 30 avril 2003. EuGRZ 2003, p. 273-

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