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Chronique-Allemagne

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Chronique-Allemagne

DAGRON, Stéphanie, et al.

DAGRON, Stéphanie, et al. Chronique-Allemagne. Annuaire international de justice constitutionnelle, 2013, vol. XXVIII-2012, p. 671-694

DOI : 10.3406/aijc.2013.2147

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:103694

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Allemagne

Stéphanie Dagron

,

Céline Fercot

,

Constance Grewe

,

Xavier Volmerange

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Dagron Stéphanie, Fercot Céline, Grewe Constance, Volmerange Xavier. Allemagne. In: Annuaire international de justice constitutionnelle, 28-2012, 2013. Le juge constitutionnel et l'équilibre des finances publiques - Constitutions et mécanismes d'intégration régionale. pp. 671-694;

doi : https://doi.org/10.3406/aijc.2013.2147

https://www.persee.fr/doc/aijc_0995-3817_2013_num_28_2012_2147

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ALLEMAGNE

par Stéphanie DAGRON, Céline FERCOT, Constance GREWE et Xavier VOLMERANGE *

/.- Statistiques des décisions de la Cour constitutionnelle fédérale;

H.-Organisation et activité des pouvoirs publics; A.-Système électoral : mode de scrutin B.-Sécurité aérienne ; C.-Rapports entre l' ordre juridique européen et l' ordre juridique interne ; 111 — Le contentieux des droits fondamentaux : A. - Le droit fondamental des étrangers à des conditions minimales d'existence ; B.-Protection du mariage et de la famille : 1.-principe d'égalité entre personnes mariées et personnes liées par un contrat de partenariat ; 2.-L'allocation parentale d'éducation ; C.-Droit de la fonction publique : la rémunération des personnes de l'enseignement supérieur; D.- Secret de la correspondance et des télécommunications : la loi relative à l'enregistrement et à l'utilisation des données personnelles.

*

I.-STATISTIQUES DES DÉCISIONS DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE FÉDÉRALE

Dans son commentaire de l'activité de la Cour en 2012, publié en février 201 31, le Président de la Cour constitutionnelle fédérale (CCF) Andreas VoPkuhle a constaté que l'année 2012 avait été marquée par un nombre important d'affaires particulièrement complexes (commentées ci-dessous dans cette chronique2). Pour le Président, l'importance et la complexité de ces affaires a contribué à ce que l'écart croissant depuis 2006 entre le nombre des requêtes et le nombre des décisions

* Stéphanie DAGRON, Professeure boursière du Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique, Faculté de droit de l'Université de Zurich ; Céline FERCOT, Maître de conférences à l'Université Paris ouest-Nanterre La Défense ; Constance GREWE, Professeure agrégée de droit public, Juge à la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine ; Xavier VOLMERANGE, Maître de conférences à l'Université de Rennes I.

1 Voir le site de la CCF et la rubrique Aufgaben, Verfahren und Organisation à l'adresse suivante : www.bundesverfassungsgericht.de.

2 En raison des exigences éditoriales, le nombre des décisions commentées ici est très restreint. Le choix a été fait de ne commenter que les décisions rendues par l'une ou l'autre des deux chambres (Senatentscheidung ). Parmi ces décisions n'ont été retenues que celles traitant une question nouvelle ou apportant un élément nouveau concernant l'interprétation de la Loi fondamentale. Toutes les décisions de la Cour sont disponibles sur le site de la CCF (www.bundesverfassungsgericht.de).

Annuaire international de justice constitutionnelle, XXVIII-2012

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rendues persiste. Le nombre des procédures introduites auprès de la CCF en 2012 reste constant par rapport aux années précédentes voire, en très légère baisse (5947 econtre 6208 requêtes en 2011). Néanmoins, le nombre d'affaires traitées (5605) reste inférieur au nombre d'affaires introduites, la différence venant s'additionner au nombre des affaires restées pendantes depuis l'année précédente, pour aboutir à un total de 3467 affaires non traitées au 31.12.2012.

La loi du 24 novembre 201 1 relative à la protection juridique (Gesetz iïber den Rechtsschutz bei iiberlangen Gerichtsverfahren und strafrechtlichen Ermittlungsverfahren) qui prévoit un dédommagement financier pour les requérants ayant subi un préjudice du fait du non-respect par la Cour d'un délai raisonnable de jugement est un nouvel instrument dont l'efficacité pour éviter un encombrement de la Cour est mise en doute par le Président lui-même. 33 demandes de dédommagement ont été déposées sans succès en 2012. La proposition soutenue par A. VoPkuhle en 2012 d'introduire une procédure permettant d'écarter très rapidement les requêtes qui n'ont aucune perspective d'être déclarées recevables, voire de les juger contre paiement par le requérant de frais de procédure relativement élevés (il s'agit de la

« MutwillensgebUhr », taxe pour procédure malintentionnée, qui diffère de la

« Missbrauchgebuhr », taxe pour procédure abusive, qui existe déjà), n'a pas été retenue par le législateur.

II.-ORGANISATION ET ACTIVITÉ DES POUVOIRS PUBLICS

Cinq décisions très importantes ont été sélectionnées pour donner un aperçu dans ce domaine de l'activité de la Cour constitutionnelle. La première concerne le système électoral et plus précisément la constitutionnalité des éléments d'altération de la proportionnalité. La seconde est relative à la sécurité aérienne et revient partiellement sur une décision rendue en 2006. Les trois autres concernent une nouvelle fois les rapports entre l'ordre juridique interne et l'ordre juridique de l'Union européenne. Sur ce dernier point, il est assez frappant de constater que la Cour ne relève des inconstitutionnalités que dans la mesure où cela n'a aucune conséquence dans l'ordre européen.

A.-Le jugement relatif au mode de scrutin

Le jugement rendu par la Cour constitutionnelle le 25 juillet 20123 s'insère dans une jurisprudence électorale d'ores et déjà fournie. L'activisme judiciaire s'explique et se justifie par les exigences démocratiques du scrutin universel direct, égal et secret. En revanche, la dimension fortement politique de ces questions mais surtout le fait que le mode de scrutin n'est pas inscrit dans la LF plaiderait en faveur d'une certaine retenue du juge. Ce n'est décidément pas la voie choisie par la CCF qui s'engage à nouveau, dans cette affaire, dans un encadrement sourcilleux de l'activité législative. À cette fin, elle n'hésite pas à faire appel à des expertises mathématiques sophistiquées ni à contrôler la loi par rapport à la loi antérieure à défaut de normes constitutionnelles précises.

Le système électoral allemand est un scrutin proportionnel personnalisé. La personnalisation est obtenue par le truchement des premières voix au scrutin uninominal à un tour. Mais la répartition des sièges entre les partis politiques s'effectue sur la base d'un scrutin de liste en fonction des secondes voix, tendant ainsi à faire prévaloir la représentation proportionnelle et renforçant d'autant les exigences du principe d'égalité.

3 CCF, 2e chambre, 2 BvF 3/11, 2 BvR 2670/1 1 et 2 BvE 9/11, 25-7-2012.

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Toutefois, la proportionnalité est sujette à plusieurs altérations. Ainsi la clause de barrage de 5%4 en dessous de laquelle les partis politiques ne peuvent prétendre à participer à la répartition des sièges conduit à ne pas prendre en compte les secondes voix concernées. Ensuite les mandats excédentaires5, dits aussi sièges supplémentaires6 ou mandats de surreprésentation7 ( 0 berhangmandate ) déforment la proportionnalité. En effet, dans cette hypothèse, un parti a remporté plus de mandats au suffrage uninominal que le nombre de sièges qu'il aurait obtenus selon une répartition proportionnelle. En 1997, la Cour s'est prononcée8 - mais avec un partage égal des voix — en faveur de la constitutionnalité de ce phénomène. S'ajoute enfin ce qu'on nomme la « pondération négative des voix » : les répartitions successives des sièges aux niveaux fédéral et fédéré et entre les partis politiques au prorata des secondes voix peuvent conduire à ce qu'un surcroît de voix en faveur d'un parti aboutisse à une diminution de ses sièges ou, à l'inverse, une diminution de voix génère une augmentation de sièges. Ce paradoxe mathématique, dénoncé avec véhémence dans le débat politique allemand depuis plusieurs années9, a incité la Cour à entamer, depuis 2008 10, une révision de son attitude précédente en déclarant inconstitutionnelle la pondération négative des voix.

Alors que la CCF avait accordé trois ans au législateur pour corriger ce défaut, ce n'est que le 25 novembre 2011 que la nouvelle loi, imposée par les partis de la coalition gouvernementale sans concertation avec l'opposition, est entrée en vigueur. Ce texte, vivement critiqué de toutes parts, fait l'objet du jugement ici commenté par lequel la Cour déclare inconstitutionnelle une partie de la loi, cette fois à l'unanimité et sans accorder de délai au législateur. Un vide juridique a ainsi existé entre le 25 juillet 2012 et le 3 mai 201311, date d'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Saisie à la fois par des recours constitutionnels, un litige inter-organique et une requête en contrôle abstrait, la Cour conclut à une violation des art. 21 et 38 LF et à l'annulation du §6, al. 1, phrase 1, al. 2a et al. 5 de la loi du 25 novembre 201 1.

Conformément à sa démarche habituelle, la CCF fixe d'abord les standards avant de se prononcer sur leur respect en l'espèce. Si elle concède au législateur une marge d'appréciation, cette marge se trouve aussitôt anéantie par les références au principe démocratique dont découlent les exigences relatives au scrutin direct et égal, en particulier l'égalité des chances des partis politiques et le droit des citoyens de participer librement et de manière égale à l'autodétermination démocratique.

Cela implique notamment que l'effet du vote en faveur d'un parti doit être prévisible et identique pour tous ; en d'autres termes, la Cour ne se contente pas ici d'une égalité des chances mais exige encore une égalité de résultat, de poids ou d'effet.

À l'aune de ces standards, la Cour relève trois éléments principaux d'inconstitutionnalité. Le premier concerne la détermination des contingents de sièges dans les Lander selon le nombre de suffrages exprimés. Le deuxième est relatif

4 Dont la CCF a admis la constitutionnalité par un jugement du 10-4-1997, AIJC 1997, p. 461 ss., mais qu'elle a jugée inconstitutionnelle dans le cas du Parlement européen : CCF, décision du 9-11-2011, AIJC 2011, p. 689.

5 Terme choisi dans la chronique AIJC XXIV-2008, p. 484.

6 Terminologie adoptée dans la chronique AIJC 1997, p. 461 ss.

7 Terminologie proposée par A. FOURMOND, « Le problème de la loi électorale en Allemagne. Réflexions sur la décision de la Cour constitutionnelle fédérale du 25 juillet 2012 »,Jus politicum n° 9(2013).

8 CCF, 10 avril 1997, AIJC 1997, p. 461 ss.

9 Voir http://www.wahlrecht.de/ et A. FOURMONT, préc.

10 CCF, 3 juillet 2008, AIJC 2008, p. 484 ss.

11 BWG, 3 mai 20 13,6GB/. I p. 1082.

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à la distribution de sièges supplémentaires en fonction des restes de voix et le troisième est lié au nombre de mandats excédentaires.

a) Le calcul des contingents de sièges 12

La loi du 25 novembre 2011 interdit les apparentements ou les regroupements de listes qui permettaient auparavant d'additionner au plan fédéral les voix non utilisées pour la répartition des sièges. Désormais cette attribution s'effectue séparément pour chacune des listes fédérées et ceci en fonction du nombre des suffrages exprimés et non pas au prorata de la population ou du nombre d'électeurs. Le nombre de sièges à pourvoir n'est ainsi connu qu'à l'issue de l'élection.

La CCF considère que le mécanisme choisi est contraire aux principes d'égalité, d'égalité des chances des partis et au caractère direct du suffrage. Selon elle, le législateur n'a pas éliminé le risque de pondération négative des voix mais au contraire l'a plutôt aggravé. Comme en 2008, la Cour relève l'absurdité de la relation entre le vote et son décompte. À l'appui de sa démonstration, elle se réfère à des projections du modèle législatif de 2011 sur les élections passées. La pondération négative des voix résultant surtout de la donnée variable des suffrages exprimés, la référence à la population ou au nombre d'électeurs aurait pu endiguer ce phénomène13.

b ) Les sièges supplémentaires issus de la répartition des resteslA

Les restes apparus après la division des voix obtenues dans les Lànder par le quotient électoral sont d'après la loi du 25 novembre 2011 additionnés au plan fédéral et donnent alors lieu à des attributions de sièges supplémentaires, d'abord au profit des listes ayant obtenu des mandats directs excédentaires, ensuite aux listes selon le nombre de voix. Cette réglementation ne répond pas davantage aux exigences de l'égalité.

En effet, les secondes voix sont déjà prises en considération pour l'attribution des sièges dans les Lander. Certaines voix — celles correspondant aux restes - se voient conférer un poids supplémentaire par une seconde prise en compte en vue de l'attribution de sièges supplémentaires. Cette inégalité n'est pas justifiée. Le but du législateur étant de compenser par cette mesure les manques de proportionnalité, le moyen choisi n'est en effet pas adéquat. En ne prenant en compte que les situations dans lesquelles les partis ont obtenu plus de voix que nécessaires pour l'attribution d'un siège (ajustements vers le bas) et en ayant négligé celles où les partis ont bénéficié d'un arrondissement vers le haut, le législateur a omis de compenser l'inégalité.

c) Le nombre de mandats excédentaires 15

La Cour considère que la loi contestée peut déboucher sur un nombre tel de mandats directs excédentaires qu'il remet en cause le caractère proportionnel du scrutin. La CCF revient longuement sur les caractéristiques du système électoral

12 Points 67 à 97.

13 L'art. 6, al. 2 de la loi du 3 mai 2013 se réfère désormais à la population tout en maintenant le principe d'attribution des sièges dans le cadre des Lander.

14 Points 98 — 108.

15 Points 109 — 151.

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allemand et sur la prépondérance de l'élément proportionnel, forgées principalement par la loi et sa jurisprudence mais nullement inscrites dans la Constitution.

Acceptant le principe que les mandats excédentaires ne reçoivent pas de compensation afin de garantir à l'électeur la prise en compte de sa première voix par laquelle il choisit un candidat, elle affirme cependant la nécessité de limiter leur nombre et de fixer des critères à leur constitutionnalité tirés du poids égal des votes.

Celui-ci est rompu dès lors que, par le biais des mandats excédentaires, les premières voix influent sur la répartition des sièges. L'égalité des chances des partis politiques est également compromise puisque les partis bénéficiant de mandats excédentaires

nécessitent moins de secondes voix pour se voir attribuer un siège.

Ces atteintes aux principes du droit électoral peuvent-elles se justifier ? La volonté de combiner une élection proportionnelle avec des éléments de personnalisation implique certes une tension. La recherche d'un équilibre entre ces objectifs justifie l'existence de mandats excédentaires à condition que ceux-ci restent dans des limites raisonnables. La certitude et la prévisibilité du droit électoral requièrent la détermination de critères pour circonscrire cet équilibre et pour savoir quelles évolutions de fait ou de droit doivent donner lieu à des corrections. La CCF écarte à ce titre la clause de barrage des 5% à laquelle s'était référée la décision de 1997 pour lui préférer la comparaison avec les groupes parlementaires. Ceux-ci jouent un rôle essentiel dans le Bundestag et y constituent des forces politiques autonomes. L'idée que des députés issus de mandats excédentaires puissent à eux seuls former un tel groupe fait comprendre le poids que de tels mandats peuvent représenter. Dès lors, la Cour se prononce en faveur du dépassement de la moitié d'un groupe parlementaire comme critère de constitutionnalité ; critère certes imparfait, car le système électoral allemand ne repose pas sur un modèle pur.

Les changements intervenus depuis 1997 conduisant à une augmentation constante des mandats excédentaires, il est probable que, lors des prochaines élections, le seuil de 15 mandats correspondant à la moitié d'un groupe parlementaire sera franchi ; il est donc temps de procéder à des corrections. La Cour fait état du nombre de ces mandats en soulignant notamment le chiffre de 24 aux élections de 2009. Parmi d'autres facteurs, la présence de petits partis augmente la probabilité du phénomène. C'est pourquoi une obligation positive d'action et de correction incombe au législateur et conduit à l'annulation du § 6, al. 5 de la loi contestée.

Constance Grewe B.-Sécurité aérienne : décision du 3 juillet 20 1216 rendue en assemblée

plénière de la Cour constitutionnelle relative à l'engagement des forces armées à l'intérieur du territoire

Les décisions rendues en assemblée plénière sont tout à fait exceptionnelles dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle puisque celle du 3 juillet 2012 constitue la cinquième décision de ce type depuis 1951. L'hypothèse d'une compétence juridictionnelle de l'assemblée plénière est réglée à l'article 16 de la loi sur la Cour constitutionnelle fédérale : lorsque, à propos d'une question juridique, l'une des chambres veut s'écarter d'une interprétation du droit adoptée par l'autre chambre, cette décision incombe alors à l'assemblée plénière de la Cour constitutionnelle fédérale.

En l'occurrence, c'est à l'occasion d'une procédure de contrôle abstrait des normes, engagée par les gouvernements de Bavière et de Hesse, que la deuxième

16 Décision de l'assemblée plénière de la CCF du 3.07.2012, PBvU 1/11.

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chambre a décidé de porter l'affaire devant l'assemblée plénière de la Cour. Dans la décision du 15 février 2006, la Cour constitutionnelle avait constaté la nullité du troisième alinéa du § 14 de la loi relative à la sécurité aérienne (LufSiG ) qui autorisait à abattre un avion civil utilisé dans des circonstances analogues à celles des attentats de New York17. La Cour avait notamment souligné que le seul titre de compétence qui pourrait justifier une telle disposition législative était l'article 35 de la Loi fondamentale, qui prévoit une entraide administrative entre les Lander et la Fédération. Or, selon la première chambre de la Cour, l'emploi de la force armée dans de telles circonstances est interdit. La première chambre soulignait par ailleurs la contradiction entre l'impossibilité pour le gouvernement de prendre une mesure collégiale (pourtant prévue à l'art. 35 LF) en cas d'attaque de cette nature et la décision qui reviendrait, pratiquement, au seul ministre de la défense. Enfin le principe de la dignité de la personne humaine contenu à l'article 1 al. 1 LF s'opposait, au regard du principe selon lequel on ne peut faire d'un être humain un

simple objet, à la possibilité de tuer des civils pour protéger d'autres civils.

Souhaitant s'écarter de cette jurisprudence, la deuxième chambre posait donc trois questions à l'assemblée plénière.

Tout d'abord, fallait-il encore considérer que l'article 35 LF est le seul titre de compétence d'engagements des forces armées dans de telles circonstances ? À cette question, l'assemblée plénière répond que la compétence législative en la matière réside dans l'article 73 n° 6 LF ancienne version (devenu l'article 73 al. 1 n 6 LF depuis la réforme du fédéralisme intervenue en 2006). Cette disposition constitutionnelle range les compétences en matière de navigation aérienne dans les compétences exclusives de la Fédération. La Cour souligne que selon un principe traditionnel et non contesté du droit public, lorsque la Fédération dispose d'une compétence exclusive, elle dispose également de la compétence annexe d'adopter les réglementations nécessaires pour maintenir l'ordre et la sécurité dans ce domaine. Or selon la Cour, ce critère de nécessité est bien constitué dans la mesure où une compétence de réglementation décentralisée serait préjudiciable pour la sécurité car le danger que fait peser une menace d'attaque aérienne au moyen d'un aéronef civil ne se limite sans doute pas au territoire d'un seul Land. Les articles 13 et suivants de la loi sur la sécurité aérienne ne prévoient pas seulement des mesures à mettre en œuvre pour venir en aide aux Lander en cas de danger mais incluent en même temps la possibilité d'engager des forces armées.

La deuxième question posée à la Cour constitutionnelle fédérale consistait à déterminer si l'article 35 al. 2 phrase 2 et al. 3 (entraide administrative en cas de catastrophe) excluait la possibilité d'avoir recours à des armes de guerre (ou plus précisément des « armes militaires spécifiques »). Pour répondre à cette question, la Cour rappelle tout d'abord le principe exprimé à l'article 87a al. 2 de la Loi fondamentale et selon lequel, en dehors de la défense, les forces armées ne doivent être engagées que dans la mesure où la Loi fondamentale l'autorise expressément.

Même si ce texte est d'interprétation stricte puisque la Loi fondamentale réserve le recours à la force armée dans l'ordre interne à des cas extrêmes, rien n'indique que l'emploi de tels moyens soit seulement réservé aux conditions d'intervention de la police. C'est pourtant la conclusion à laquelle était parvenue la première chambre de la Cour constitutionnelle en 2006 : elle avait ainsi établi que dans le cadre de l'article 35, seules les armes dont la police régionale peut faire usage pouvaient être utilisées. Selon la Cour, l'objet de la réglementation prévue à l'article 35 est la riposte efficace à un danger, ce qui n'exclut pas, a priori, l'usage d'armes spécifiques.

Lorsque le législateur constituant avait modifié l'article 35 de la Loi fondamentale en 17 Voir commentaires O. JOUANJAN, AIJC XXII-2006, p. 606.

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1968, il avait certes plus à l'esprit les inondations catastrophiques intervenues en 1962 dans la région de Hambourg qu'une attaque terroriste. Pour autant, cela ne révèle pas une volonté univoque de limiter les moyens mobilisables dans le cadre de l'article 35 LF, qui peuvent dès lors être actionné pour faire face à des menaces contemporaines. Dans ce cas, les conditions posées par l'article 87a al. 4 LF doivent être strictement respectées. Dans l'hypothèse où un Land n'est pas en mesure de répondre à une menace le concernant et susceptible de toucher l'ordre constitutionnel libéral et démocratique de la Fédération ou d'un autre Land, le Gouvernement peut décider d'engager des forces armées dans des opérations de protection des biens civils et de lutte contre des insurgés organisés et armés militairement.

L'assemblée plénière de la Cour constitutionnelle contredit donc l'interprétation donnée en 2006 par la première chambre. Le juge Gaier exprime d'ailleurs un point de vue dissident quant à l'interprétation donnée par la Chambre plénière. Selon lui, la Loi fondamentale exclut catégoriquement le recours à des armes militaires spécifiques dans l'ordre interne aussi bien pour faire face à des catastrophes d'ampleur régionale (art. 35 al. 2 LF) que pour un événement d'envergure interrégionale (art. 35 al. 2 LF). Il en déduit que l'interprétation donnée par l'assemblée plénière produit les effets d'une modification constitutionnelle. Selon lui, l'article 35 LF devrait garantir que les forces armées à l'intérieur du pays ne puissent jamais être utilisées en tant qu'instrument de pouvoir. Par conséquent si l'armée fédérale peut intervenir pour maintenir la sécurité intérieure, c'est uniquement dans le respect des mêmes conditions que celles de l'intervention de la police, c'est-à-dire sans utiliser d'armes militaires spécifiques. Ce n'est en tout cas pas à la Cour constitutionnelle d'admettre une telle évolution mais uniquement au pouvoir constituant en réunissant les majorités requises pour une modification de la Loi fondamentale. Cette dernière opère une séparation stricte entre l'intervention de l'armée en cas de catastrophe (article 35 LF) et en cas d'urgence (art. 87a LF) et il faut en déduire que les moyens mobilisables ne sont pas identiques dans les deux cas.

La troisième question à laquelle l'assemblée plénière devait répondre était celle de savoir si la compétence autorisant le ministre de la défense à intervenir, en cas d'urgence dans le cas d'une catastrophe d'ampleur interrégionale, n'était pas en contradiction avec l'article 35 de le Loi fondamentale qui prévoit une décision collégiale du gouvernement. L'assemblée plénière adopte ici la même position que celle défendue en 2006 par la première chambre : l'article 35 de la Loi fondamentale n'autorise pas une délégation de pouvoir du gouvernement au profit de l'un de ses membres, y compris en cas d'urgence, et le législateur ne peut pas prévoir une telle dérogation. Une interprétation téléologique destinée à combler les lacunes de la Loi fondamentale et assurer une protection plus efficace est donc interdite.

Xavier Volmerange C-Rapports entre l'ordre juridique européen et l'ordre interne

1 ) Décision du 28 février 201218 relative au plan de sauvetage de l'euro La Cour constitutionnelle fédérale avait été saisie dans le cadre d'un litige entre organes de l'Etat par deux députés qui contestaient la nouvelle législation adoptée pour l'extension du plan de sauvetage de l'euro. La Cour confirme ici l'ordonnance provisoire qu'elle avait rendue le 27 octobre 201 119. Les mécanismes

18 Décision de la 2e chambre de la CCF du 28.02.2012, 2 BvE 8/11.

19 Voir AIJC XXVII-201 1, p. 686.

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adoptés par les États membres avaient été transposés en droit interne par la loi portant modification de la loi relative au Mécanisme européen de stabilité financière (MESF) entrée en vigueur le 14 octobre 2011. Si la loi prévoyait que les décisions prises par le représentant de l'Allemagne au MESF devaient en principe être soumises à l'accord du Bundestag, elle admettait dans le même temps que certaines décisions pouvaient être prises par une commission spéciale du Bundestag, composée des membres de la Commission du budget, en cas d'urgence ou d'une nécessaire confidentialité. La loi prévoyait ainsi que les mesures ayant pour objet d'éviter tout risque de contagion étaient réputées urgentes et confidentielles. En d'autres termes, les pouvoirs du Bundestag étaient, dans certaines circonstances, transférés à cette commission spéciale.

La décision rendue par voie d'ordonnance provisoire avait exclu que des pouvoirs puissent être confiés à la commission spéciale avant que la décision de la Cour ne soit rendue au fond.

La Cour reconnaît que le recours formé contre la loi est bien fondé car les décisions prises par la commission spéciale sont susceptibles de porter atteinte aux droits liés au statut de député et garantis à l'article 38 al. 1 LF.

Si le Bundestag peut certes créer un organe spécial en son sein au nom de la liberté d'organiser comme il l'entend la vie parlementaire afin de rendre son travail plus efficace, ce n'est qu'à la condition de respecter le principe de proportionnalité.

Entre efficacité du travail parlementaire et protection des droits des députés, un équilibre doit donc être trouvé, ce qui n'est pas le cas de la loi en question. Rien ne justifie ainsi une telle dépossession des droits du Bundestag au profit d'une commission spéciale « composée du plus petit nombre possible de membres », que ce soit du point de vue de l'urgence ou celui d'une nécessaire confidentialité. La Cour relève ainsi une contradiction contenue dans la loi : si la commission doit vraiment statuer sur des cas urgents, alors pourquoi ne pas avoir prévu la possibilité de désigner des suppléants ? L'impossibilité de réunir à brefs délais la commission spéciale, faute d'atteindre le quorum requis, ne plaide pas pour la reconnaissance du critère de l'urgence.

Le fait que des pouvoirs puissent être transférés à une commission ne constitue pas en soi une inconstitutionnalité en raison de l'impérieuse nécessité de garder le secret sur certaines opérations afin de ne pas compromettre leur efficacité.

Mais ces décisions sont tout à fait exceptionnelles : lorsque le législateur qualifie les mesures destinées à éviter le risque de contagion comme urgentes « en règle générale », il porte atteinte aux droits des députés en ne respectant pas l'équilibre entre l'intérêt que présentent des informations secrètes et les droits dont disposent les députés. Cette atteinte aux droits des parlementaires est encore renforcée par le fait que l'assemblée plénière du Bundestag ne dispose de la faculté de déterminer préalablement si l'hypothèse d'une « règle générale » est bel et bien constituée et, dans le cas contraire, de corriger le tir en reprenant la main.

De la même façon, il n'y a pas d'inconstitutionnalité à transférer les droits d'être informé du Bundestag à une commission spéciale. Mais un tel transfert ne peut être admis que dans le respect de conditions draconiennes. Il faut véritablement que cette confidentialité soit absolument indispensable au travail parlementaire et que la mesure soit levée dès qu'elle n'est plus justifiée. Dès que le secret n'est plus nécessaire, le gouvernement doit de sa propre initiative informer immédiatement le Bundestag du rôle joué par la commission spéciale et des raisons qui ont justifié son intervention.

Xavier Volmerange

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2) Décision du 19 juin 2012 20 relative au pacte pour la compétitivité et au Mécanisme Européen de Stabilité

C'est à l'occasion d'un litige entre organes de l'État que la Cour constitutionnelle a constaté que le gouvernement fédéral avait violé son obligation d'informer le Bundestag résultant de l'article 23 al. 2 de la Loi fondamentale. Cet article prévoit que le Bundestag [. . .] concoure aux affaires de l'Union européenne. Le Gouvernement fédéral doit informer le Bundestag [...] de manière complète et aussi tôt que possible.

Le groupe parlementaire Alliance 90/ LES VERTS avait introduit deux recours contre le gouvernement fédéral. L'un concernait le Mécanisme Européen de Stabilité (MES), l'autre le Pacte pour l'euro plus.

La Cour considère que la création et les modalités du MES relèvent, d'une manière générale des affaires de l'Union européenne au sens de l'article 23 al. 2 phrase 1 de la Loi fondamentale dans la mesure où le MES est étroitement lié au programme d'intégration des traités de l'Union européenne. En effet, sa création entraîne une modification du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et confère notamment à la Commission européenne et à la Cour de Justice de l'Union européenne de nouvelles prérogatives. Ce mécanisme a en outre pour objet de renforcer la politique économique et monétaire, qui relève de la compétence exclusive de l'Union européenne. Ainsi, même si le MES doit être créé en marge des structures existantes du droit communautaire grâce à un traité international distinct, il n'en reste pas moins qu'il relève du programme d'intégration prévu par le traité sur l'Union européenne et celui sur le fonctionnement de l'Union européenne. Tout en ayant une nature hybride, il relève bien des affaires de l'Union européenne : celles-ci, au sens de l'article 23 al. 2 de la Loi fondamentale ne comprennent donc pas seulement les modifications des traités mais également les actes normatifs ainsi que les traités qui complètent ou qui sont étroitement liés au droit de l'Union européenne. En l'occurrence, les informations dont disposait le Gouvernement ont été communiquées trop tardivement au Bundestag car ce droit d'information vise à permettre au Bundestag d'exercer son droit de participation. Le Gouvernement n'est donc pas uniquement tenu de fournir au Bundestag le texte d'un traité après la fin des négociations ou après l'adoption du traité. Il doit également l'informer de l'état d'avancement des négociations.

La Cour rappelle toutefois que ce devoir d'information est variable en fonction de la complexité de la question, de sa nature législative et de l'état d'avancement des négociations. Il en résulte donc certaines exigences quant à la qualité, à la quantité et au délai de présentation des informations.

En ce qui concerne le recours dirigé contre le Pacte pour l'euro plus, la Cour considère également que celui-ci entre dans le cadre de l'article 23 LF même si le Pacte est essentiellement basé sur les engagements pris par les États membres qui y participent. Ce Pacte est en effet de nature à limiter la marge de manœuvre du Bundestag. Le Gouvernement est donc tenu d'informer le législateur de manière complète et le plus tôt possible. Certes, le gouvernement doit disposer de la marge de manœuvre nécessaire pour mener à bien les négociations avec ses partenaires européens : celle-ci comprend un droit d'initiative, de délibération et d'action et aussi longtemps que le gouvernement n'a pas arrêté sa position, le Parlement ne se voit reconnaître aucun droit d'information.

Or, en l'occurrence, le Bundestag n'a pas été informé de l'initiative prise par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy de proposer une coordination renforcée des 20 Décision de la 2e Chambre de la CCF du 19 juin 2012, 2 BvE 4/11.

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politiques économiques au sein de la zone euro afin d'améliorer la compétitivité.

Cette idée avait été annoncée par une conférence de presse pendant le Conseil européen du 4 février 201 1 et décidée deux jours plus tôt.

De la même façon, un document informel du 25 février préparé par les présidents de la Commission européenne et du Conseil européen décrivant les principales caractéristiques du Pacte pour l'euro plus, n'a pas été communiqué au Bundestag. Le Bundestag a dû attendre le 11 mars pour avoir communication du projet officiel. Or à cette date, il n'était plus en mesure de débattre de son contenu et

d'exercer la moindre influence sur le gouvernement fédéral, puisque les chefs d'Etat et de gouvernement avaient décidé d'adopter le Pacte le jour même.

Xavier Volmerange 3) Ordonnance provisoire du 12 septembre 201221 visant à empêcher

la ratification du traité instituant un mécanisme de stabilité européen ainsi que le pacte fiscal

Dans l'entretien qu'il accordait au Monde du 2 octobre, le président de la Cour constitutionnelle, Andreas VoBkuhle est revenu sur la décision rendue le 12 septembre 2012 en soulignant que « s'il n'est pas rare pour la Cour de prendre des décisions importantes, celle-ci avait une portée particulière »22.

Six recours avaient été portés devant la Cour constitutionnelle. Cinq dans le cadre d'un recours constitutionnel individuel et un dans le cadre d'un recours entre organes de l'État formé par le groupe parlementaire DIE LlNKE.

S'agissant du recours constitutionnel individuel, les requérants contestaient quatre lois.

- La loi approuvant la décision du Conseil européen du 25 mars 2011 complétant l'article 136 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne comme suit : « Les États membres dont la monnaie est l'euro peuvent instituer un mécanisme de stabilité qui sera activé si cela est indispensable pour préserver la stabilité de la zone euro dans son ensemble.»

- La loi d'approbation du Traité du 2 février 2012 prévoyant l'établissement d'un Mécanisme Européen de Stabilité

- La loi de participation financière de l'Allemagne au Mécanisme Européen de Stabilité.

- La loi portant approbation du Traité du 2 mars 2012 relatif à la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance. C'est cette dernière loi, en date du 29 juin 2012, qui faisait en outre l'objet d'un recours entre organes de l'État.

Saisie dans le cadre d'une procédure d'urgence, la Cour a cependant pris la précaution d'analyser les lois d'approbation des traités internationaux et la législation d'accompagnement pour relever d'éventuelles inconstitutionnalités. Une fois les traités ratifiés, il aurait en effet été difficile pour l'Allemagne de se délier de ses obligations a posteriori.

Conformément à sa jurisprudence relative à l'Union européenne, la Cour constitutionnelle a jugé recevables les recours fondés sur une violation de l'article 38 de la Loi fondamentale : le pouvoir de décision en matière de recettes et de dépenses publiques doit rester sous le contrôle du Bundestag en tant qu'élément fondamental de la capacité d'autodétermination démocratique d'un État constitutionnel. Le Bundestag ne peut donc pas instituer des mécanismes qui échapperaient à son 21 Décision de la 2e Chambre de la CC du 12 septembre 2012, 2 BvR 1390/12, 2 BvR 1421/12, 2 BvR 1438/12, 2 BvR 1439/12, 2 BvR 1440/12, 2 BvE 6/12.

22 « L'Europe à l'épreuve des tribunaux », Le Monde du 2 octobre 2012, p. 7.

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contrôle en raison des sommes considérables en jeu, ni prévoir des mécanismes dont les ressorts pourraient dépendre du libre arbitre d'autres Etats, surtout si ces décisions devaient comporter des conséquences difficilement calculables.

Le Bundestag doit donc approuver au cas par cas toute mesure impliquant une dépense, ce qui lui permet de conserver une influence suffisante sur l'utilisation des fonds en jeu.

En outre, la responsabilité budgétaire globale du Bundestag est préservée en raison de l'objectif visé par les traités, à savoir la stabilité de l'Union monétaire. Il y aurait donc une sorte de congruence entre d'une part le dispositif déjà inséré dans la Loi fondamentale à l'occasion de la réforme constitutionnelle du 29 juillet 2009 introduisant un frein à l'endettement et d'autre part le Traité. La Cour souligne ainsi que « les stipulations du Traité coïncident dans une large mesure avec des exigences constitutionnelles existantes ainsi qu'avec les obligations primaires découlant du TFUE ».

Ce n'est que parce qu'elle assortit sa décision d'une série de réserves d'interprétation que la Cour constitutionnelle peut considérer les requêtes comme étant non fondées.

En effet selon la Cour, l'article 136 TFUE ne crée pas en lui-même un mécanisme de stabilité ; il se borne uniquement à ouvrir la possibilité aux États membres de le faire sur le fondement du droit international. Il n'y a donc aucune compétence transférée aux organes de l'Union européenne et l'institution du mécanisme de stabilité reste soumise à la ratification des organes législatifs qui peuvent ainsi être associés à la décision.

Se posait par ailleurs la question de la hauteur de la participation de l'Allemagne au mécanisme de stabilité. La constitutionnalité de la loi de ratification du traité instituant un mécanisme européen de stabilité est conditionnée par le plafonnement de l'engagement de l'Allemagne à 190.024.800.000 euros. Sur le montant en lui-même, la Cour se rallie aux avis défendus lors de l'audience par le Bundestag et le gouvernement : les risques pour l'Allemagne dans le cadre de la mise à disposition d'une telle somme pour le mécanisme européen sont calculables alors que l'absence d'un tel mécanisme ferait craindre des conséquences imprévisibles pour l'ensemble du système social et économique. La Cour estime que même si cet avis est extrêmement contesté par certains économistes, il n'est toutefois pas manifestement erroné et c'est pourquoi elle ne peut substituer sa propre appréciation à celle du législateur. Sur la question d'un éventuel dépassement du plafond, la Cour souligne que le Traité ne peut être considéré constitutionnel que si l'Allemagne ne peut pas se voir imposer des obligations de paiement supérieures à ce plafond décidées sans l'accord préalable du Bundestag.

Le traité prévoit par ailleurs des clauses de confidentialité : celles-ci ne peuvent pas toutefois s'appliquer aux membres du Bundestag et du Bundesrat, qui doivent, pour conserver leur pouvoir décisionnel, recevoir toutes les informations nécessaires à la formulation d'un avis éclairé.

Enfin, s'agissant de la ratification du pacte budgétaire, la Cour n'y voit pas un engagement irréversible de mettre en œuvre une politique budgétaire donnée.

Même si le traité ne prévoit pas de possibilité de dénonciation ou de retrait pour les États membres, la Cour rappelle que ces possibilités existent toujours selon les règles du droit coutumier international (qui ont d'ailleurs une valeur supra-législative en Allemagne selon l'article 25 LF). Cette dernière précision résume à elle seule la position ambivalente de la Cour constitutionnelle. Elle ne remet pas en cause les mécanismes soumis à son contrôle mais émet des réserves d'interprétation voire des menaces lui permettant de rappeler que c'est elle qui défend les droits du Bundestag

et, finalement, la démocratie. Xavier Volmerange

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III.-LE CONTENTIEUX DES DROITS FONDAMENTAUX

A.-Le droit fondamental des étrangers résidant en Allemagne à des conditions minimales d'existence

Le droit fondamental à des conditions minimales d'existence a été reconnu par la CCF dans sa décision du 9 février 20 1023. Ce droit découle des principes de la dignité humaine et de l'État social garantis par la LF (art. 1 et 20 al. 1 LF). Sa garantie implique l'intervention concrète de l'État dans l'hypothèse où un individu ne peut assurer, par son travail ou par ses revenus provenant d'une source différente (biens personnels ou aide familiale), les conditions minimales de son existence24.

Interrogée sur la constitutionnalité de certaines dispositions du code social applicables aux personnes démunies, la Cour avait précisé en 2010 que cette obligation de l'État était limitée : il s'agissait pour l'État d'apporter une aide publique suffisante permettant à un individu de satisfaire les besoins essentiels liés à son existence physique dans un environnement social, économique et culturel donné.

En 2012, interrogée sur la constitutionnalité de la loi sur les prestations pour les demandeurs d'asile et plus précisément sur le sens à donner à l'obligation de l'État de garantir les conditions minimales d'existence lorsqu'il s'agit d'étrangers se trouvant sur le territoire de la République fédérale, la Cour a précisé sa jurisprudence (a) et constaté le caractère inconstitutionnel des dispositions applicables (b)25.

a) Le droit à des conditions minimales d'existence en tant que droit de l'homme reconnu à toute personne sans distinction de titre de séjour

La Cour constitutionnelle, saisie de deux renvois préjudiciels relatifs à la constitutionnalité du § 3 de la loi sur les prestations pour les demandeurs d'asile (Asylbewerberleistungsgesetz , AsylbLG) adoptée en 1993 par le législateur fédéral, pose dès le départ le principe suivant : le droit à des conditions minimales d'existence est un droit garanti à chaque individu se trouvant sur le territoire de la République, indépendamment de son titre de séjour. Pour la Cour, ce droit doit être garanti de la même manière à un individu de nationalité allemande qu'à un individu de nationalité irakienne dont la demande d'asile a été rejetée et dont la présence illégale sur le territoire est tolérée (requérant n°l), ou bien encore qu'à une personne mineure étrangère bénéficiant d'une autorisation de séjour (requérante n° 2).

En conséquence, certaines prestations élémentaires doivent être fournies par l'État à ces personnes dans le respect des conditions suivantes définies en 2010 : ces prestations doivent être décidées par le législateur et leur définition doit être réalisée conformément à une méthode de calcul transparente et appropriée. Bien qu'une telle méthode ne soit pas définie précisément par la Loi fondamentale, la CCF considère qu'elle doit permettre la définition de prestations répondant aux besoins réels des individus concernés sur une longue période. Ainsi, les choix opérés doivent pouvoir être modifiés en fonction notamment de l'évolution des conditions économiques et ils ne doivent surtout pas être appréciés au regard des conditions d'existence des personnes dans leur pays d'origine.

23 Voir notre commentaire de cette décision, AIJC XXVI-2010, p. 497s.

24 Conformément au libre II Sozialgesetzbucb, SGB, Les personnes dans le besoin ou personnes démunies sont les personnes résidant en Allemagne, âgées de plus de 1 5 ans, susceptibles d'exercer une activité rémunérée et dans l'incapacité de subvenir par leur travail ou leurs possessions à leurs besoins élémentaires, ainsi que les personnes dont ils ont la charge.

25 Décision de la lèrc Chambre de la CCF du 18.07.2012, lBvL 10/10, 1 BvL 2/11.

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A priori, la marge d'appréciation laissée au législateur pour définir ces prestations est relativement large. Le législateur peut décider librement de la nature des prestations (biens, services, sommes d'argent) et le contrôle du juge sur ces choix est un contrôle restreint qui porte sur les résultats et sur la transparence de la méthode de calcul des prestations. Ainsi, seront considérées comme contraires à la Loi fondamentale les prestations dont le montant ou l'ampleur seront manifestement inappropriés, ou bien encore les prestations dont l'évaluation ne reposera pas sur des analyses solides et complètes de la réalité permettant de chiffrer les besoins et de fonder les différences éventuelles de traitement.

Comme en 2010, la Cour rappelle que cette marge d'appréciation est plus étroite lorsqu'il s'agit de prestations absolument nécessaires à la satisfaction des besoins physiques (nourriture, vêtements, logement etc.) que lorsqu'il s'agit des prestations destinées à permettre aux individus de participer à la vie sociale, culturelle et politique du pays. En l'espèce, deux précisions supplémentaires sont apportées touchant plus précisément au statut des étrangers. La première précision intervient à travers le rappel par la Cour des obligations qui pèsent sur l'État allemand en raison de ses engagements internationaux et européens. La Cour n'insiste pas ici sur la réalisation de tous les droits sociaux et culturels inscrits dans ces textes, évitant notamment d'aborder la question de la réalisation du droit à la santé des demandeurs d'asile et autres étrangers. Elle se limite principalement à rappeler que le législateur doit adopter des prestations appropriées pour prendre aussi pleinement en compte le droit des enfants à l'éducation et à l'ouverture à la vie sociale et culturelle. La seconde précision apportée par le juge concerne la possibilité pour le législateur d'établir une distinction entre les prestations réservées aux étrangers visés par la loi sur les prestations, et les prestations prévues par le Code social réservées aux nationaux et autres étrangers relevant de la même catégorie. Le législateur ne peut selon la Cour établir de différences de traitement entre des groupes de personnes qui ne reposeraient que sur la différence entre leurs titres de séjour. Ceci d'autant plus que la catégorie des personnes concernées par la loi sur les prestations a été élargie au fil des révisions pour toucher un groupe très large et hétérogène de personnes. Ainsi, conformément au § 1, les prestations de base prévues par la loi doivent être fournies à un nombre important de personnes. Il s'agit non seulement de tous les étrangers se trouvant sur le territoire de la République fédérale dont la demande d'asile n'a pas encore été traitée, mais encore des réfugiés de guerre, des étrangers sans titre de séjour et tolérés sur le territoire, des demandeurs d'asile dont la demande a été rejetée et qui se trouvent soumis à une procédure d'expulsion, ainsi que de leurs conjoints, partenaires et enfants mineurs. Selon la Cour, seule la durée du séjour des individus concernés peut être prise en compte pour fonder des différences entre prestations, mais le législateur doit s'assurer dans ce cas du respect de trois conditions : le groupe de personnes concernées par ces prestations particulières est bien délimité ; pour ces individus comme pour les autres, les besoins de base doivent être correctement appréciés au regard des réalités économiques et sociales ; la prolongation du séjour doit entraîner une adaptation des prestations.

b) Le caractère inconstitutionnel de certaines dispositions de la loi sur les prestations pour demandeurs d'asile

Conformément au § 3 de la loi sur les prestations pour les demandeurs d'asile, les prestations sociales de base sont en principe des prestations en nature — nourriture, logement, chauffage, vêtements, produits d'hygiène et ustensiles domestiques — destinées à assurer les conditions minimales d'existence des individus concernés. Seule une somme (exprimée dans le texte en Deutsche Mark , DM) forfaitaire et mensuelle de 40 DM jusqu'à l'âge de 15 ans et de 80 DM à partir de 15

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ans, destinées à couvrir les besoins personnels, est prévue par la loi. La volonté du législateur de n'accorder qu'une aide en nature est confirmée par le caractère exceptionnel du remplacement de ces prestations par une somme d'argent. Ainsi, d'après la loi, c'est exceptionnellement que les Lander sont autorisés à substituer une somme d'argent aux prestations matérielles dont le montant est fixé par la loi (dans la pratique les prestations en nature ne sont pas privilégiées).

L'analyse de ces dispositions au regard de l'interprétation du droit à des conditions minimales d'existence conduit la Cour à considérer que le § 3 est contraire aux exigences constitutionnelles : non seulement les prestations sont manifestement insuffisantes, mais encore la méthode suivie n'est pas transparente et ne repose pas sur des études solides fondées sur la réalité économique. Plusieurs arguments sont présentés. L'insuffisance des prestations tout d'abord, est révélée par le fait que ni le législateur, ni le pouvoir exécutif qui aurait dû faire usage du mécanisme de réévaluation prévu par la loi, n'ont procédé à une réévaluation du montant des prestations depuis 1993. Or le coût de la vie et notamment le coût des denrées alimentaires, des vêtements et des soins de santé en Allemagne a augmenté de plus de 30% au cours de cette période. Pour la Cour, il est évident que le but poursuivi par le législateur n'était pas celui de déterminer les prestations minimales nécessaires, mais plutôt celui de réduire le montant des prestations accordées jusqu'alors aux demandeurs d'asile et autres catégories d'étrangers se trouvant légalement ou illégalement sur le territoire de la République. Ce constat est en outre confirmé par le fait que les prestations de base prévues pour les demandeurs d'asile et autres individus faisant partie de la même catégorie, sont nettement inférieures aux prestations de base prévues par le Code social pour les personnes démunies. La Cour constate ainsi une différence de 35% entre les prestations en espèces accordées pour les besoins de logement selon les catégories. Cette différence est encore plus importante lorsque l'on compare les prestations destinées à favoriser la vie en société et le développement social et culturel des enfants et adolescents.

Concernant la méthode de calcul des prestations, elle ne répond pas selon la Cour aux exigences constitutionnelles. L'analyse des travaux préparatoires révèle que l'évaluation chiffrée des besoins ne repose pas sur des informations suffisamment précises et détaillées permettant par exemple d'apprécier les besoins de base propres aux enfants ou bien encore les besoins des individus selon leur âge et leur situation particulière. En outre, ces travaux n'apportent aucun élément permettant de justifier l'attribution d'une prestation en argent moins importante aux individus se trouvant pour une courte période sur le territoire qu'aux individus s'y trouvant pour une période prolongée. Non seulement il n'est pas démontré dans quelle mesure la courte durée d'un séjour exerce une influence sur les besoins des individus concernés, mais encore, il n'est pas certain que les personnes susceptibles au regard du § 1 de la loi de bénéficier des prestations de base, ne résident que pour une courte durée sur le territoire allemand. Au contraire, la Cour relève que la plupart des bénéficiaires de ces aides séjournent pendant une période minimale de six années. En outre, les besoins particuliers des enfants et adolescents dans les domaines particuliers de l'éducation et de la culture, ne sont pas pris en compte dans ces calculs.

La Cour en déduit que les dispositions contestées sont contraires à la Constitution et impose un calcul temporaire des prestations applicable jusqu'à ce que le législateur fédéral intervienne.

Stéphanie Dagron

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B.-Principe d'égalité

1) La protection du mariage et de la famille : le principe d'égalité entre personnes mariées et personnes liées par un contrat de partenariat Plus de dix années après l'entrée en vigueur de la loi autorisant les personnes de même sexe à officialiser leur union et imposant au législateur l'obligation d'harmoniser les règles juridiques applicables aux personnes mariées et aux personnes liées par un contrat de partenariat26, la réalisation du principe d'égalité entre ces deux groupes de personnes continue d'occuper la CCF. En 2009, la Cour avait traité la question du principe d'égalité dans le cadre de l'analyse des conditions d'attributions de certaines prestations sociales dans la fonction publique27. En 2010, c'est la conformité du droit des successions et du droit de mutation à titre gratuit qui posait problème au regard de ce principe28. Une décision à venir en 2013 doit répondre à la question de la constitutionnalité au regard du principe d'égalité, des dispositions régissant les conditions d'adoption de l'enfant du conjoint dans le cadre du mariage d'une part, et de celles applicables à l'adoption de l'enfant du partenaire dans le cadre d'un contrat de partenariat d'autre part. Les deux décisions rendues en 2012 touchent pour leur part la réglementation de l'impôt sur les mutations de propriété immobilière29 et celle de l'application de la majoration familiale dans la fonction publique30.

L'intérêt de ces deux décisions ne réside pas uniquement dans la confirmation de l'interprétation de l'art. 3 al. 1 de la LF qui garantit l'égalité de tous devant la loi.

Il réside aussi et surtout dans l'affirmation par la Cour que la protection particulière du mariage et de la famille garantie par l'art. 6 al. 1 LF ne justifie pas à elle seule les discriminations entre personnes mariées et personnes unies par un partenariat (a). La Cour en déduit dans les deux cas l'incompatibilité des dispositions contestées avec la LF (b).

a) Les principes d'égalité et de protection du mariage

Conformément au principe d'égalité, un groupe de personnes peut bénéficier d'un avantage accordé par le législateur lorsque cet avantage est justifié au regard d'une difference objective entre le groupe bénéficiaire et un autre groupe de personnes non bénéficiaire. Un avantage ne peut en aucun cas être justifié par référence à une différence fondée sur l'orientation politique, religieuse ou sexuelle d'un individu. Le contrôle de la Cour est ainsi plus strict lorsque la discrimination semble trouver sa source dans l'un des éléments propres de la personnalité d'un individu. Dans le cadre de son contrôle de la mise en œuvre de la loi de 2001 autorisant l'union officielle de personnes du même sexe, la Cour exerce un contrôle strict, la décision d'un individu de s'engager dans un partenariat plutôt que de conclure un mariage, étant étroitement liée à son orientation sexuelle. En d'autres termes, elle exige du législateur qu'il apporte des arguments solides reposant sur des différences objectives importantes susceptibles de fonder une discrimination. Ces arguments ne peuvent pas se réduire à une simple référence à la protection particulière du mariage et de la famille garantie par la Loi fondamentale. Ce principe

26 Loi du 16 fév. 2001 complétée en 2004 par la loi sur l'harmonisation des règles juridiques applicables aux personnes mariées et aux personnes vivant en partenariat.

27 Voir notre commentaire dans A1JC XXV-2009, p. 530.

28 Voir notre commentaire dans A1JC XXVI-2010, p. 502.

29 Décision de la lère Chambre de la CCF du 18 juil. 2012, 1 BvL 16/11.

30 Décision de la 2' Chambre de la CCF du 19 juin 2012, 2 BvR 1397/09.

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de protection impose l'obligation à l'État non seulement de ne rien faire qui porterait atteinte à l'institution du mariage, mais encore d'agir de façon à la soutenir, voire à la renforcer. Par conséquent, ce principe autorise en principe le législateur à décider que certaines prestations et avantages seront accordés aux personnes mariées uniquement (dans le domaine fiscal par exemple). Néanmoins, une discrimination entre des personnes mariées d'une part et des personnes qui, comme dans le cas d'un partenariat, se trouvent dans une situation juridique identique en raison des engagements sur le long terme pris les unes envers les autres, d'autre part, ne peut reposer uniquement sur ce principe. Les choix de vie et les buts recherchés par les personnes mariées et par les personnes en partenariat sont très proches voire identiques, et une discrimination entre ces deux groupes de personnes doit être fondée autrement que sur l'art. 6 al. 1 LF.

b) Des discriminations non justifiées

Les arguments justifiant une discrimination ne sont pas apportés ni dans la première affaire jugée en 2012, ni dans la seconde.

Dans la première affaire jugée par la CCF le 19 juin 2012, le requérant contestait la constitutionnalité du § 40 al. 1 nr. 1 de la loi fédérale sur les rémunérations dans la fonction publique. Conformément à cette disposition, ne pouvaient profiter de la majoration familiale que les fonctionnaires mariés, cette prime étant destinée à assurer un rééquilibrage économique entre les fonctionnaires supportant une charge familiale et leurs collègues non mariés ne supportant en théorie aucune charge de ce type. Or les fonctionnaires vivant en partenariat déclaré depuis 2001 peuvent aussi avoir des besoins économiques plus importants en raison de leur contexte familial et des responsabilités qu'ils ont accepté de porter en concluant un contrat de partenariat. Ainsi par exemple les coûts de logement sont les mêmes et les besoins liés à l'éducation des enfants doivent être considérés aujourd'hui comme une réalité indépendante de l'institution cadre réglant les situations juridiques des membres de la famille. La discrimination qui découle § 40 entre les personnes mariées et les personnes vivant en partenariat ne repose en conséquence sur aucun élément objectif. Puisque le choix de s'engager dans le cadre de l'institution du mariage ou dans celui du partenariat est étroitement lié aux orientations sexuelles des individus, le mariage n'étant possible qu'entre un homme et une femme selon la loi allemande, le privilège accordé par la loi, constitue une discrimination non justifiée contraire à la LF. La Cour en déduit l'obligation pour le législateur de rétablir l'égalité entre ces groupes de personnes en prévoyant un dédommagement financier rétroactif.

Dans la seconde affaire jugée le 18 juillet 2012, la Cour était interrogée sur la constitutionnalité du § 3 n° 4 de la loi sur l'imposition des mutations de propriété immobilière tel qu'applicable jusqu'en 2010. Conformément à cette disposition, seuls les conjoints et non les personnes liées par un partenariat sont exemptés du paiement de l'impôt de mutation. Cette discrimination a été supprimée en 2010 par le législateur dans sa nouvelle loi fiscale : désormais, les personnes liées par un partenariat bénéficient des mêmes exemptions que celles touchant les conjoints telles que fixées par le §3 et notamment le § 3 n° 4. Le législateur s'est néanmoins refusé à faire profiter rétroactivement ce groupe des exemptions prévues par la loi, cette discrimination s'expliquant d'après les travaux préparatoires par référence à la liberté de choix laissée aux individus d'acheter ou non un bien immobilier. La Cour rejette cette justification comme étant insuffisante. Non seulement, les arguments de nature économique justifiant l'exemption de l'impôt pour les conjoints dans le but de lutter contre les effets de la division d'un bien après le décès du conjoint sont tout aussi

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applicables aux personnes liées par un partenariat, mais encore, l'obligation à la charge de l'Etat en application de l'art. 6 al. LF de garantir la protection de la famille et du mariage, ne peut justifier à elle seule une discrimination au profit des personnes mariées.

Stéphanie Dagron 2) L'introduction en droit bavarois d'une discrimination fondée

sur la nationalité dans le cadre de l'attribution de l'allocation parentale d'éducation est contraire au principe d'égalité

Institué au niveau fédéral en 1986 en Allemagne de l'Ouest, puis en 1991 dans les nouveaux Bundeslànder, le congé parental (Elternzeit) a depuis lors fait l'objet de multiples réformes. Condition de l'effectivité du droit à un congé parental, une

« allocation d'éducation » (Erziehungsgeld ) a été instituée dans la foulée. Devenue

« allocation parentale » en 2007 (Elterngeld) , elle consiste en une somme versée à l'un des deux parents, ou aux deux parents conjointement, à la condition qu'il(s) limite(nt) ou interrompe(nt) son (leur) activité professionnelle en vue de se consacrer à l'éducation de leur enfant. Le montant de cette prestation, qui a vocation à remplacer le revenu d'activité disparaissant précisément en raison de la garde de l'enfant, et qui dépend désormais de celui-ci, ne peut être inférieur à 300 €32.

Dans un domaine qui continue de constituer la « chasse gardée » des Lander , le principe est le suivant : au-delà du minimum décidé au niveau fédéral, le montant de l'allocation parentale dépend de chaque Land , les entités fédérées étant compétentes pour prolonger son financement par des aides supplémentaires pour une durée allant de 6 mois à 1 an ( Landeserziehungsgeld ). La politique menée par les Lànder en la matière dépend donc non seulement de leurs moyens financiers, mais également de leurs orientations politiques : les Lànder à majorité chrétienne- démocrate auront tendance à favoriser les aides individuelles par le biais d'allocations, quand ceux à majorité sociale-démocrate souhaiteront davantage mettre l'accent sur les aides encourageant la création d'infrastructures et de services collectifs.

C'est dans ce contexte que le Land de Bavière a mis en place en 1989 une allocation spécifique destinée aux jeunes parents, qui a vocation à prendre le relais de l'aide versée par les autorités fédérales. Cette prestation, qui s'élève à 500 € mensuels, peut être allouée pour 12 mois supplémentaires, et ce au plus tard avant le troisième anniversaire de l'enfant. Selon la loi bavaroise, l'objectif est d'apporter une aide financière aux parents souhaitant élever eux-mêmes leurs enfants au cours des premières années de leur vie.

Le législateur de Bavière a toutefois entendu délimiter strictement le cercle des bénéficiaires de cette allocation. L'article 1er al. 1 ph. 1 de la loi («Gesetz zur Gewàhrung eines Landeserziehungsgeldes und zur Ausfiihrung des Bundeserziehungsgeldgesetzes, « Bayerisches Landeserziehungsgeldgesetz », BayLErzGGi 3) exige en effet que le demandeur de cette aide financière soit de nationalité 31 CCF, décision du 7 février 2012, lere Chambre, 130, p. 240, 1 BvL 14/07, « Bayerisches Landeserziehungsgeldgesetz » . 32 Le parent qui cesse de travailler pour élever son enfant reçoit une substitution de salaire net de 67 %, calculée sur la base du revenu mensuel moyen des 12 mois précédant le congé de maternité (Mutterschutz). Aujourd'hui, cette aide peut être perçue de la naissance de l'enfant jusqu'à son 12e mois. Pour inciter les pères à participer au congé, la durée est allongée à 14 mois au total si le deuxième parent prend au moins deux mois de congé.

33 Contrairement au changement de vocable perceptible au niveau fédéral, cette allocation est toujours dénommée « allocation d'éducation » en droit bavarois.

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