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Les Terminaux à conteneurs portuaires

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Université Paul Cézanne – Aix Marseille III

Faculté de Droit et de Science Politique

Les Terminaux à conteneurs portuaires

Mémoire de Master II de Droit Maritime et des Transports Présenté par Axelle JOUVE

Sous la Direction de Me SCAPEL

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Abstract

While terminal operators have become an essential link to the international transport chain, international legislations have yet to recognize and define the importance of this activity. In most cases, operators are limited to incompatible and restrictive national legislations.

In France, the terminal exploitation in harbour areas is constrained by the application and notion of public services. European Union legislations have permitted great improvements for terminal operators, nevertheless, the activity remains characterized by a lack of flexibility as well as a lack of judicial security.

Although operators around the world offer identical services, the notion of a common liability is non-existent. The Vienna Convention on the responsibility of transport exploiters, attempted to harmonize this responsibility on an international level which was then rejected by the international community. So far the existing texts only offer fragmented answers, borrowed from the judicial regimes of different transport actors.

Clarification of terminal operator’s legal status is wished.

L’opérateur de terminal est devenu un maillon essentiel de la chaîne de transport international. Pourtant, aucun texte international ne reconnaît clairement son activité. Ne bénéficiant ni de définition légale, ni d’un statut propre, les opérateurs sont soumis à des législations nationales souvent mal adaptées et contraignantes.

En France, l’exploitation de terminal, implantée sur en zone portuaire, est soumise à un ensemble de contraintes dont la plupart sont liées à l’application du régime de la domanialité publique, encore trop largement rattaché à la notion de service public. La législation communautaire a notamment permis d’améliorer la situation de l’exploitant de terminal mais l’activité reste caractérisée par un manque de souplesse et de sécurité juridique.

Alors que les opérateurs réalisent des prestations identiques dans le monde entier, il n’existe aucun régime impératif de responsabilité qui soit commun à tous. Les textes actuels n’apportent que des réponses fragmentaires, empruntant aux régimes juridiques des différents auxiliaires de transport. Le régime de responsabilité harmonisée initié par la Convention de Vienne sur la responsabilité des exploitants de terminaux de transport dans le commerce international a été rejeté par la communauté internationale.

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Remerciements

Je tiens d’abord à adresser mes plus sincères remerciements à mes

professeurs, Christian Scapel et Pierre Bonassies, pour leur soutien et la qualité

de leur enseignement.

Je remercie tout particulièrement Mr Robert Rézenthel, pour son aide et sa

disponibilité tout au long de la rédaction de ce mémoire.

Je remercie également l’équipe du service juridique de la Compagnie

Maersk France à Marseille, pour m’avoir permis, lors de mon stage, d’aborder

sous un angle pratique et juridique les problématiques de transport et pour

m’avoir donné l’opportunité de visiter le Terminal à conteneurs de Fos-sur-Mer.

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Sommaire

Abstract ... 1

Remerciements ... 2

Sommaire ... 3

Introduction - L’exploitation de terminaux à conteneurs portuaires, une activité économique prisée ... 4

Titre 1 - Le régime d’exploitation du terminal à conteneurs portuaire ... 10

Chapitre 1- L’exploitation du terminal à conteneurs dans le respect des règles de la domanialité portuaire ... 11

Section 1- L’exploitation du terminal à conteneurs dans son contexte portuaire ... 11

Section 2- les régimes d’occupation privative du domaine public portuaire ... 24

Chapitre 2- L’exploitation du terminal à conteneurs dans le respect d’un environnement portuaire compétitif et plus sûr ... 39

Section préliminaire- L’occupation du domaine public portuaire et l’application du droit communautaire ... 39

Section 1- Quelle sécurité pour l’opérateur de terminal à conteneurs ? ... 40

Section 2- Accroissement de la sécurité et de la sûreté sur le terminal à conteneurs ... 53

TITRE 2 Le régime de responsabilité de l’opérateur de terminal à conteneurs pour les dommages causés aux marchandises ... 60

Chapitre 1- L’étendue de la responsabilité de l’opérateur de terminal à conteneurs portuaire ... 60

Section 1- La phase de responsabilité ... 61

Section 2- Les prestations réalisées par l’opérateur sur le terminal ... 70

Chapitre 2- L’étendue de la responsabilité de l’opérateur de terminal ... 77

Section 1 – Les régimes actuels de responsabilité ... 77

Section 2- La Convention de Vienne pour un régime juridique unifié de responsabilité des opérateurs de terminaux ... 91

Conclusion ... 100

Bibliographie ... 101

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Introduction -

L’exploitation de terminaux à conteneurs portuaires, une activité

économique prisée

La croissance du commerce mondial nourrit les promesses d’un développement toujours plus soutenu de la conteneurisation, suscitant ainsi un fort mouvement de construction de nouveaux terminaux. Tous les grands ports maritimes ont leur projet de terminal à conteneurs portuaire. Ces nouveaux aménagements devront répondre à la croissance du trafic conteneurisé et disposer d’infrastructures adaptées aux navires porte-conteneurs de plus en plus gros.

Le maître mot est à la réalisation d’économies d’échelle et à la maitrise du temps, incitant les industries à se doter de navires et de terminaux de plus en plus gros1. Dans ce nouveau contexte maritime, l’objectif est d’optimiser et maîtriser les mouvements et flux de conteneurs. L’avènement de la logistique a permis d’y parvenir en adoptant une vue globale de la chaîne de transport. De L’organisation de véritables réseaux logistiques a résulté la concentration des investissements et des innovations dans les plus grands ports maritimes, qui bénéficient seuls du développement des trafics.

Depuis la fin de la période de construction des zones industrialo-portuaires dans les années 1990 en Europe, les constructions des terminaux à conteneurs représentent les projets d’aménagement les plus importants. Ils marquent une nouvelle étape dans le développement des zones portuaires répondant à une nouvelle problématique des flux mer/territoire. Les ports doivent aujourd’hui répondre aux exigences des armateurs et des méga manutentionnaires, alors que le budget public qui lui est consacré diminue et que les critères environnementaux et sociaux s’alourdissent.

Autrefois, les chargeurs ou leurs représentants choisissaient leur port et leur armateur. Aujourd’hui, ils veulent un transport complet de leur entrepôt à celui de leur client, peu important les modes de transport et le « routing ». C’est ce que la pratique qualifie de service « porte-à-porte » (ou « door to door »), l’armement prenant en charge l’organisation du pré et post-transport terrestre, dit « carrier haulage ». Les taux de fret étant aujourd’hui assez bas et les prestations de transport maritime équivalentes d’une compagnie maritime à une autre, c’est sur les maillons terrestres que peuvent se réaliser les plus importants gains financiers et

1

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5 de productivité. La « bataille » entre les armateurs se joue donc à terre. Les ports sont à leur tour mis en concurrence.

La fiabilité et la qualité des services à terre sont des facteurs décisifs du choix des armateurs pour tel port. Les armateurs exigent une manutention sécurisée, capable de mettre en œuvre le plus grand nombre possible de portiques compte tenu de la taille du navire et de son plan de chargement ainsi que des temps d’attente à quai minimums. Le but est de rationaliser les transbordements et de garantir au mieux la performance du transport. Autre facteur important, le coût de la manutention dans un port. Quelques dizaines de dollars d’écart par conteneur feront basculer le choix entre deux ports, par exemple entre Marseille et Malte.

Dans ce contexte de développement soutenu du trafic conteneurisé, l’exploitation de terminaux à conteneurs est devenue une activité de premier plan2.

La concurrence s’effectue aujourd’hui autant entre les opérateurs de terminaux qu’entre les ports3. Cette concurrence qui ne concernait que certaines régions asiatiques s’est généralise à l’échelle du globe4.

Dans les années 1990, on assista à l’émergence de groupes de manutention internationaux spécialisés dans le trafic de conteneurs assurant leur manutention et leur garde. Leur développement initial et leur originalité en termes de techniques de gestion ont été rendus possible par leur réglementation portuaire nationale souple et ouverte aux investissements privés. Ils ont, par la suite, exporté progressivement ce modèle. Les groupes asiatiques tirent ici leur épingle du jeu aux côtés d’entreprises européennes et américaines.

Les stratégies de croissance des manutentionnaires mondiaux sont diverses. Elles restent principalement axées sur l’implantation dans des zones à fort potentiel de développement, notamment en Asie du Sud-est, zones appelées à devenir des plaques tournantes des trafics mondiaux ou régionaux. Mais les grands groupes maintiennent aussi leurs investissements dans les ports déjà plaques tournantes des trafics, situés sur les grandes routes maritimes, car ils représentent une « valeur sûre ». Leur stratégie peut également passer par l’acquisition de la gestion de nouveaux terminaux à conteneur par le rachat de groupes

2 Journal de la Marine Marchande du 29 juin 2007, N°4567/4568, « Les équipementiers profitent de la

mondialisation », Loïc Salmon, p.23

3

Wang and Slack, “The evolution of a regional container port system: the Pearl River Delta”, Journal of Transport Geography n°8, 2000, p. 263 - 276

4 Par exemple, en Chine méridionale, Hutchinon Port Holdings (HPH) et Modern Terminals Limited (MTL) ont

des intérêts concurrentiels dans plusieurs ports du delta de la Rivière des Perles et à l’intérieur du port de Hong Kong.

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6 concurrents qui jouissent déjà de l’exploitation de terminaux ou encore par un partenariat avec un autre opérateur pour la gestion en commun d’un terminal.

La tendance actuelle est à la concentration des grands opérateurs mondiaux, par le jeu d’acquisitions, de partenariats et d’expansions. Le secteur est structuré autour des grands opérateurs de terminaux, aux premiers rangs desquels on trouve Hutchinon Port Holdings (HPH), Port of Singapore Authority (PSA), APM Terminals (groupe AP Moller), Peninsular & Oriental Ports (P&O Ports) et Eurogates5.

On notera que les entreprises de manutention sont entrées depuis peu dans une nouvelle phase d’expansion de type organisationnelle. A l’heure de la logistique et du management de la « supply chain », les opérateurs souhaitent, eux aussi, se diversifier en offrant de plus en plus des services logistiques et deviennent organisateurs de transport6.

Face à ce schéma de couverture mondiale des principaux sites portuaires par les opérateurs de terminaux les plus importants, on peut s’interroger sur la réelle indépendance des entreprises de taille plus réduite, manutentionnant des volumes moins importants et de chiffres d’affaires moins colossaux7,8.

La venue de ces groupes leaders dans un port constitue un réel avantage pour ce dernier. Les grands groupes n’investiront sur un site que lorsqu’ils seront sûrs de pouvoir dégager des profits en s’appuyant sur la massification des trafics. Ceci explique qu’ils recherchent toujours une position dominante dans un port. Au-delà de la position stratégique d’un port, leur implantation sur un site dépendra largement de leur certitude de pouvoir contrôler le plus de paramètres de gestion possibles dans l’exploitation du terminal, à partir notamment d’une concession sur le long terme. Les opérateurs veulent pouvoir maitriser à la fois leurs prix et les technologies de manutention, pour augmenter les cadences et avoir un service de qualité. De cette manière, ils réalisent des économies d’échelle et augmentent la rentabilité de leur activité en intégrant des logiques industrielles.

De nombreux Etats en ont bien pris conscience de cet enjeu et ont engagé des réformes portuaires pour permettre le transfert vers le secteur privé d’une partie des investissements et

5 Cornier J-C « Opérateurs : les trois premiers pèsent plus de 60 millions d’EVP », Journal Le Marin, hors-série

novembre 2002, p.12

6 Lacoste Romuald et Terrassier Nicolas « La manutention portuaire conteneurs : les opérateurs internationaux –

perspectives européennes », Synthèse ISEMAR n°39, novembre 2001, p.2

7 Cornier J-C « Terminaux : à côté des très grands groupes… », Journal de la Marine Marchande, N°4586 du 16

novembre 2007, p.30

8 Citons l’exemple du groupe PSA qui a acquis la majorité du capital de HNN, premier manutentionnaire de

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7 des compétences du secteur portuaire. Certains Etats, comme le Royaume-Unis dans les années 1980, sont allés jusqu’à engager des procédures de privatisations des ports. La France semble bien aujourd’hui décidée à s’engager dans ce mouvement de réforme portuaire pour « attirer » les opérateurs en leur permettant de contrôler tous les paramètres de leur activité et de développer leur industrie dans les mêmes conditions qu’une entreprise privée. Les autorités publiques semblent maintenant prêtes à investir massivement dans les installations portuaires9.

Parallèlement au développement de ces grands groupes spécialisés sur les sites portuaires, les armateurs de lignes régulières s’intéressent eux aussi, et de plus en plus, aux terminaux à conteneurs10. L’avènement du conteneur a changé la compréhension du transport maritime de lignes régulières. En peu de temps, les armateurs ont dû adapter leurs méthodes de travail et investir différemment, dans des navires coûteux, des flottes de conteneurs et dans des installations adéquates au trafic conteneurisé.

Paradoxe des évolutions de la pratique maritime, les armateurs, autrefois actionnaires de nombreux terminaux, avaient décidé de recentrer leur activité sur le transport maritime pur. Les terminaux regagnent aujourd’hui leur faveur.

Pressentant la tendance prochaine, le transporteur maritime Sea-Land investit, dès 1972, dans un terminal à Hong Kong, ce qu’a récemment fait la CMA-CGM sur le site de Marseille Fos en devant l’opérateur de terminal pour la gestion de Fos 2XL11, et encore plus récemment en concluant un accord portant sur la construction et l’exploitation pour une durée de 50 ans d’un futur terminal à conteneurs dans le port de Tanjin12.

Les raisons qui poussent les armateurs à réinvestir dans le maillon portuaire et en particulier dans les terminaux à conteneurs sont multiples.

Plusieurs raisons poussent les armateurs à réinvestir dans le maillon portuaire et, en particulier, dans les terminaux à conteneurs.

Investir dans ces structures, c’est d’abord garantir à leurs clients chargeurs une meilleure prestation globale de transport. Les armateurs s’assurent une gestion plus efficace du passage portuaire, un gain de temps et partant, une fidélisation des chargeurs de plus en

9 Dossier de presse, Plan de relance des ports, 8 avril 2008, publié par le Ministère de l’Ecologie, de l’Energie,

du Développement durable et de l’Aménagement du territoire

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Journal Le Marin, hors série novembre 2002, « Compagnies : intégrer ou non le terminal portuaire », p.2

11 Journal Le Marin, hors série novembre 2002, « Jean-François Mahé de la CMA-CGM : « Nous avons tout

intérêt à influer sur la manutention » », Pierre Graves, p.9

12 Accord du 21 août 2008, Communiqué de Presse de la CMA CGM « CMA CGM investit dans le port de

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8 plus exigeants. Investir dans les terminaux, c’est aussi marquer un site portuaire de sa présence et s’assurer une indépendance vis-à-vis des grands groupes de manutention qui investissement massivement dans ces zones stratégiques. A l’heure où les prestations maritimes des transporteurs se valent, la maîtrise du maillon portuaire peut clairement faire la différence et constitue une marge potentielle de bénéfices. Les armateurs qui s’assurent de la productivité de la chaine portuaire, viabilise et stabilise par la même, leurs investissements nautiques.

Ce phénomène d’intégration portuaire répond d’avantage à une logique maritime qu’à une volonté de diversification de leurs activités, le secteur étant déjà fortement structuré par les grands groupes de manutention.

Pour disposer de terminaux dédiés, les grands armements constituent des filiales avec les grands manutentionnaires ou développent des contrats d’exclusivité1314. Certains

armements pourront aussi s’appuyer sur des filiales de leur groupe comme c’est le cas d’APM Terminal, filiale de AP Möller auquel appartient Maersk Line.

Reste que les terminaux dédiés, bien qu’étant en augmentation, ne sont réalisables que par les grands armateurs, car la chose est coûteuse. Ainsi, les partenariats sont fréquents15. Dans certains pays comme la France, les acteurs locaux auront leur « mot à dire » dans la constitution des exploitations de terminaux dédiés16.

C’est ainsi qu’une tendance à la privatisation s’accentue vivement.

Cet aperçu de l’environnement économique de l’activité d’exploitant de terminaux à conteneurs portuaires, démontre bien l’enjeu que constitue le maillon terrestre pour les acteurs du transport maritime en termes de développement et de productivité de la chaîne de transport mais aussi plus largement pour les ports et leurs Etats.

Comment la législation envisage-t-elle cette activité ?

Nous le verrons, l’activité de terminaux à conteneurs portuaires reste encore largement

tributaire des législations nationales. Ainsi, nous nous attacherons principalement à l’étude de la législation française.

13 CornierJ-C « Présence accrue des armateurs dans la manutention », Journal Le Marin, hors série, novembre

2002, p. 6 et 7

14 On citera en exemple le cas de Maersk-Sealand qui dispose de ses terminaux à Algesiras et à Tanjung Pelapas 15

Par exemple, APM Terminal et l’opérateur de manutention Terminaux de Normandie (TN) du groupe Perrigault ont signé avec Maersk une convention pour la création, la gestion et l’exploitation du deuxième terminal à conteneurs (Terminal de la Porte Océane) de Port 2000

16 Ainsi, CMA-CGM a signé une convention avec un opérateur local la Générale de Manutention Portuaire pour

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9 Notre mémoire s’attachera à envisager deux aspects juridiques de l’activité.

Sera d’abord abordée la problématique du terminal à conteneurs dans son contexte portuaire. Dès lors qu’une activité s’implante en zone portuaire, un certain nombre de contraintes seront à observer, et en particulier, les règles domaniales, les règles de concurrence, de sécurité et de sûreté (Titre 1). Quelle sécurité juridique et quelle liberté, l’opérateur de terminal à conteneurs peut-il escompter en s’implantant dans un port français ?

Si l’exploitation d’un terminal à conteneurs crée en premier lieu des relations de nature publique entre l’exploitant et le gestionnaire de l’autorité portuaire, le propre même du terminal est de créer des relations commerciales entre l’exploitant et ses clients. C’est sous cet angle ci que le terminal sera ensuite envisagé (Titre 2). Dans le cadre de ses relations contractuelles avec ses clients, l’exploitant s’engage à réaliser un certains nombres de prestations. Si des dommages sont causés à la marchandise alors qu’il en avait la garde, la question du régime de responsabilité qui lui sera applicable se pose.

La réponse à ces questions nous permettra d’apprécier l’opportunité de ces règles au regard du contexte actuel d’économie de marché et de voir en quoi elles sont adaptées ou non aux logiques du commerce international, de la conteneurisation et de la libéralisation des échanges. Il est clair aujourd’hui que le terminal doit être envisagé comme un maillon intégré de la chaîne de transport et qu’il devra s’adapter aux logiques du transport mondialisé. Il ne doit plus caractériser un lieu de rupture dans la chaîne de transport.

Nous le verrons, cette activité souffre d’un grand nombre d’incertitudes, tant en ce qui concerne ses modes d’exploitation qu’en ce qui concerne son régime de responsabilité.

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Titre 1 - Le régime d’exploitation du terminal à conteneurs

portuaire

« L’exploitation d’un terminal portuaire constitue un labyrinthe juridique dans lequel on y entre avec prudence, muni du « fil d’Ariane » tiré de la robe de Thémis17»

La pratique maritime exige aujourd’hui des ports qu’ils soient munis d’installations spécifiques, d’un outillage et d’un personnel adapté pour recevoir et traiter les marchandises qui leurs arrivent quotidiennement.

La conteneurisation quant à elle, exige que les ports recevant des conteneurs disposent au moins de terre-pleins aux abords des quais, sur lesquels pourront être entreposés les conteneurs, avant qu’ils ne soient chargés à bord du navire ou après qu’ils aient été déchargés. Les ports de plus grande envergure possèdent des terminaux portuaires. Ils nécessitent des installations techniques à la fois pour la manutention et pour la prise en charge de conteneurs avec, en fonction de la nature des marchandises transportées, des installations électriques auxquelles les conteneurs frigorifiques pourront être branchés.

En France, l’aménagement et l’extension des infrastructures portuaires se trouvent cependant limités par des contraintes domaniales et un nombre restreint de modes d’exploitation auxquels les opérateurs pourront recourir (Chapitre 1). Le manque de souplesse de ces règles aura pour conséquence directe le ralentissement de la croissance du trafic conteneurisé en France. Une réforme apparaît donc nécessaire.Si l’opérateur de terminal manque de sécurité dans sa relation avec l’autorité portuaire, le droit de la concurrence, les législations en matière de sécurité et de sûreté rendent l’exploitation des terminaux plus sûre (Chapitre 2).

17 Rézenthel R. « Le régime d’exploitation des terminaux portuaires », Etudes de droit maritime à l’aube du 21ème

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Chapitre 1- L’exploitation du terminal à conteneurs dans le respect des règles

de la domanialité portuaire

Si l’on peut affirmer que l’exploitation d’un terminal est une activité de type industrielle et commerciale, son implantation en zone portuaire, la contraint à composer avec les règles de la domanialité publiques qui s’attachent à protéger l’intégrité du domaine public (Section 1). En France, la législation permet aux opérateurs de conclure avec l’autorité portuaire un certain nombre de conventions, qui demeurent, somme toute, encore assez mal adaptées eu égard à l’obligation de service public qui est souvent corrélative (Section 2).

Section 1- L’exploitation du terminal à conteneurs dans son contexte

portuaire

Il convient en premier lieu d’envisager les notions de « terminal » et d’ « opérateur de terminal » (I) qui, à l’instar de la notion de « port », sont des concepts imprécis de notre droit positif et pour lequel une unité de conception fait clairement défaut. Autre incertitude, celle de la consistance de la domanialité publique dans la réalité portuaire d’aujourd’hui (II).

I. Le terminal à conteneurs et l’opérateur en charge de son exploitation

Notions pourtant omniprésentes dans le jargon maritime, le « terminal » (A) et l’ « opérateur de terminal » (B), restent des réalités difficiles à définir juridiquement. Ce manque de précisions est un obstacle évident à l’établissement d’un régime juridique clair d’exploitation de terminal portuaire.

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12 A. Définition du terminal

1. L’absence d’unité de conception de la notion

La notion de « terminal », bien que traditionnellement invoquée en droit maritime et droit portuaire, souffre d’une relative imprécision en droit positif. En effet, elle ne bénéficie pas d’une définition légale générique. Ni les conventions internationales, ni le droit communautaire, ni le droit national, ne s’entendent sur la signification et les limites de ce concept18.

Ce terme générique, importé des Etats-Unis, est né de la pratique. Il est avant tout le fruit de la logistique et de l’économie portuaire. S’il ne fait l’objet d’aucune définition précise, ce terme usuel du vocabulaire propre au monde des transports, est partie intégrante du paysage portuaire, et des chaînes de transport et de logistique19.

Au détour des textes et des décisions judiciaires, se dessinent des définitions mais qui ne sont, malheureusement, qu’éparses et relatives.

2. Des références textuelles éparses

L’article R 115-7-III du Code des ports maritimes, évoquant la convention d’exploitation de terminal, définit le terminal comme « (…) comprenant les terre-pleins, les

outillages et les aménagements nécessaires aux opérations de débarquement, d'embarquement, de manutention et de stockage liées aux navires ». On retrouve dans cette

analyse pragmatique du terminal, les éléments constitutifs essentiels de son exploitation. Quand il est envisagé sous un angle structurel, l’absence d’unité de la notion est particulièrement évidente. Si le terminal est considéré comme une installation extérieure aux ports20, ou encore comme un équipement distinct des équipements portuaires 21par certains

18 Pour une étude complète de la définition de « terminal », voir la thèse de Laurent Fedi « Le cadre juridique de

l’exploitation des terminaux pétroliers », thèse de droit maritime, Faculté de droit Université Paul Cézanne,

chap. I, p. 30 à 37 ; L. Fedi « La notion de « terminal » : entre incertitudes de jure et certitudes de facto », DMF n°692, mai 2008, p. 455

19 Journal Le Marin du vendredi 16 mars 2007, « Dossier Logistique », p.17, 18 et 19 20

Convention de Bruxelles du 29 novembre 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par hydrocarbures (publiée par le décret n°75-553 du 26 juin 19751 – J.O. du 3 juillet 1975 p.6716)

21 Accord multilatéral relatif à l’Annexe V des règles relatives à la prévention de la pollution par les ordures des

navires telles que modifiée par le protocole de 1978, signé le 17 février 1978 publié par le décret n°89-115 du 21 février 1989

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13 textes internationaux, il est pourtant implicitement reconnu élément d’un port par la Commission des Communautés dans une décision en date du 9 juin 1989 22ainsi que par plusieurs arrêts23 de la Cour de Justice des communautés qui visent le « terminal portuaire ».

Parfois, le terminal est simplement décrit d’un point de vue fonctionnel. Ainsi, la Convention de Genève du 25 juin 197924, dans une approche soucieuse de la sécurité des hommes et des biens, l’envisage comme un aménagement où s’effectue la manutention des marchandises dans le respect des prescriptions réglementaires. Le Parlement européen a également pu caractériser le terminal de « station de déchargement 25».

Aucune des définitions ne pourra prétendre avoir valeur universelle ; chacune d’elles ne vaut que pour l’application du texte qu’elles édictent. Dans cette logique, chaque réglementation adopte une définition en fonction du type de trafic concerné.

Ainsi, la Convention de Bruxelles du 18 décembre 1971, portant création d’un fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par hydrocarbures, vise sous le terme « installation terminale », « tout emplacement de stockage d’hydrocarbures en

vrac permettant la réception d’hydrocarbures transportés par voie d’eau, y compris toute installation située au large et reliée à cet emplacement »26.

Certains textes communautaires adoptent aussi cette même approche. La Directive communautaire sur l’établissement des exigences et des procédures harmonisées pour le chargement et déchargement des vraquiers qualifie de « terminal », « toute installation fixe,

flottante ou mobile équipée et utilisée pour le chargement et déchargement de cargaisons sèches, en vrac dans les vraquiers » 27.

22

Décision de la Commission des Communautés européennes n°89/408/CEE du 9 juin 1989 relative à la procédure d’application de l’article 85 du Traité CEE - J.O.C.E. n° L 190 du 5 juillet 1989 p.22

23 CJCE 18 mars 1997, Diego Cali & Figli Srl – affaire n° C-343/95 – Rec. p. I-1580 ; CJCE 12 février 1998 –

Silvano Raso e.a. – affaire n° C-163/96 – Rec. p. I-570

24

Art 31-1 de la Convention de Genève du 25 juin 1979 qui concerne la sécurité et l’hygiène du travail dans les manutentions portuaires (publiée par le décret n°86-1274 du 10 décembre 1986 – J.O. du 3 juillet 1975 p.6716)

25 Résolution du Parlement européen du 21 avril 1993 sur les industries maritimes – J.O.C.E. n° C 150 du 31 mai

1993 p. 76

26

Convention de Bruxelles du 18 décembre 1971 portant création d’un fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par hydrocarbures publiée par le décret n°96-774 du 30 août 1996 – J.O. du 7 septembre 1996 p. 13307

27 Directive 2001/96/CE du Parlement Européen et du Conseil du 4 décembre 2001, établissant des exigences et

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14 Le Livre vert de la Commission européenne relatif aux ports et aux infrastructures maritimes fait de même et traite des terminaux comme des postes de manutention spécialisés28.

Pour aller au-delà de ces controverses sur la notion de terminal, il parait judicieux de se reporter à la définition établie par la doctrine qui se veut unificatrice. Le terminal y est envisagé comme « un espace portuaire aménagé, (…) mais également un concept technique

désignant un ensemble d’ouvrages (quais, terre-pleins, silos, hangars…) et d’outillages (portiques, grues, passerelles de manutention horizontale…) dans un périmètre portuaire déterminé et affecté au transit de trafics spécialisés »29.

Cette approche a le mérite de présenter le terminal comme étant affecté spécialement à un trafic spécifique, comme ayant un opérateur exclusif et comme ayant pour fonctions essentielles, le transit, la manutention et le stockage.

Le terminal trouve ici sa place au sein des concepts du droit maritime. Il recouvre des réalités différentes, lui permettant de la sorte de s’adapter aux logiques logistiques et économiques. Le législateur a bien compris les enjeux qui se profilent derrière ce terme qu’il ne vaut mieux ne pas figer dans le marbre.

Si la définition du terminal n’est pas aisée trouver, il en est de même pour celle de l’ « opérateur de terminal ».

B. Compréhension de la notion d’ « opérateur de terminal»

1. Une notion incertaine

Il n’existe pas, présentement, de statut d’opérateur de terminal à conteneurs portuaire. Terminologie née de l’avènement des terminaux, l’ « opérateur de terminal » correspond d’avantage à une fonction plutôt qu’à une profession clairement établie et réglementée.

La notion s’appliquera aux organismes portuaires, parfois privés, souvent encore publics, tenus de prendre en charge la marchandise avant ou après le transport maritime.

28 Livre vert, du 10 décembre 1997, relatif aux ports et aux infrastructures maritimes [COM (97) 678 final - Non

publié au Journal officiel]

29 R. Rézenthel « Le régime d’exploitation des terminaux portuaires », Etudes de droit maritime à l’aube du 21ème

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15 Si son intervention a lieu à l’issue du transport maritime, l’opérateur de terminal est celui qui reçoit d’un entrepreneur de manutention, agissant pour le compte du transporteur maritime, un ou plusieurs conteneurs, en vue de leur livraison ultérieure au destinataire ou à son représentant.

Si son intervention a lieu avant le transport maritime, l’opérateur de terminal reçoit du chargeur ou de son représentant, un ou plusieurs conteneurs en vue de leur livraison ultérieure à une entreprise de manutention agissant pour le compte du transporteur maritime qui l’a choisi.

Le seul texte faisant référence à la notion d’ « exploitant de terminal » est la Convention de Vienne du 19 avril 1991, dont l’objet est précisément de déterminer le régime de responsabilité à appliquer aux exploitants de terminaux de transport30. Elle le définit dans son article 1er a) comme « toute personne qui, dans l’exercice de sa profession, prend en

garde des marchandises faisant l’objet d’un transport international en vue d’exécuter ou de faire exécuter des services relatifs au transport en ce qui concerne ces marchandises dans une zone placée sous son contrôle ou sur laquelle elle a un droit d’accès ou d’utilisation. Toutefois, cette personne n’est pas considérée comme un exploitant dès lors qu’elle est un transporteur en vertu des règles juridiques applicables au transporteur ».

Cette définition, si elle reste à ce jour dénuée de toute application - le texte n’étant à ce jour pas encore entré en vigueur - a le mérite d’opter pour une approche claire et globale de l’opérateur de terminal, qui rompt avec une approche « compartimentée » des différents auxiliaires de transport en fonction des prestations fournies par eux31. On note ici l’exclusion formelle de la définition du transporteur, donc a priori, même les consignataires sont concernés par cette législation.

2. La compréhension de la notion dans le système français de la manutention

Le droit français ne connait pas le terme d’ « opérateur de terminal » mais uniquement le terme d’ « entreprise de manutention », qui est amené à réaliser les mêmes prestations que celles réalisées par l’opérateur de terminal.

30

Convention des Nations Unies sur la responsabilité des exploitants de terminaux de transport dans le commerce international du 19 avril 1991, non entrée en vigueur à ce jour.

31 Martin Ndendé, « Regards sur une Convention internationale méconnue – la Convention de Vienne du 17 avril

1991 sur la responsabilité des exploitants des terminaux de transport », Revue de droit des transports n°4, Mai 2007, Etude 6

(17)

16 L’entreprise de manutention est définit comme « l'entreprise (…) qui effectue un

certain nombre d'opérations matérielles de manipulation des marchandises, et son rôle consiste principalement à effectuer les opérations de chargement et de déchargement, d'arrimage et de mise à quai ou en entrepôt »32.

D’une nécessité impérieuse, elle intervient en phase de transit, à chaque rupture de charge, quand il faut décharger puis recharger. Sa position stratégique dans les ports ainsi que la difficulté et complexité des opérations qu’elle réalise font la particularité de la manutention maritime.

Les activités et le régime juridique des entreprises de manutention sont réglementés par la loi de 1966 33relative aux contrats d’affrètement et de transport maritimes.

Traditionnellement, on distingue deux types de manutentionnaires dans les ports français. Dans les ports de la façade Nord-Manche-Atlantique, les « stevedores » assurent le chargement et le déchargement des navires. Dans les ports de la façade Méditerranée, ce sont les acconiers qui assurent ces phases de chargement et déchargement, ainsi que la garde des marchandises à quai avant le chargement et après le déchargement. Dans la plupart des cas, ils agissent pour le compte du transporteur maritime.

Comment l’opérateur de terminal intègre-t-il cette logique ?

La notion d’ « entreprise de manutention » a le mérite d’une grande souplesse. Elle s’appliquera quelque soit la qualification professionnelle de l’entreprise, dès lors que cette entreprise effectue les opérations de chargement, déchargement et de garde à quai de la marchandise prévues aux articles 50 et 51 de la loi française de 1966. Cette précision a été apportée par le législateur français, dans la loi du 3 janvier 1969, tant pour le consignataire du navire (art 13), que pour le consignataire de la cargaison (art 15). « Le régime de la manutention pourrait s’appliquer à toute autre entreprise, par exemple à un

transitaire »34.

La loi du 18 juin 1966 distingue les opérations réalisées à titre principal des opérations dites accessoires, uniquement réalisées par les acconiers.

32Lamy Transport Tome 2, Commission de transport, Mer, fer, air, Commerce extérieur, Editions Lamy, 2008, n°

972

33 Loi N° 66-420 du 18 juin 1966 sur les contrats d’affrètement et de transport maritimes, Titre IV « Entreprises

de manutention », articles 50 et suivants et Décret N° 66-1078 du 31 décembre 1966 sur les contrats d’affrètement et de transport maritimes, Titre IV « Entreprises de manutention », articles 80 et suivants

34

(18)

17 L’entreprise de manutention réalise à titre principal « toutes les opérations qui

réalisent la mise à bord et le débarquement des marchandises, y compris les opérations de mise et de reprise sous hangar et sur terre-plein, qui en sont le préalable ou la suite nécessaire »35. Si elle se limite à ces opérations, elle interviendra comme « stevedore ».

Les opérations accessoires que pourra en outre réaliser l’entreprise de manutention36, consistent d’une part, en la reconnaissance des marchandises et d’autre part, en leur garde sur des emplacements à quai appropriés37. Dans ce cas, l’entreprise de manutention intervient en qualité d’ « acconier ».

L’avènement des terminaux et la naissance du terme d’opérateur de terminal, perturbe le schéma classique de la manutention portuaire française. La distinction entre « stevedores » et acconiers tend à s’estomper et les aspects logistiques et économiques prennent le devant. La flexibilité du terme d’« entreprise de manutention », bien qu’imparfaitement adapté, permet néanmoins aux opérateurs de terminaux de bénéficier d’une certaine existence légale.

Les difficultés de définitions et de concepts ne s’arrêtent pas là, puisque le terminal se trouve lui-même englobé dans une autre entité mal définie et au régime peu clair, le « port ».

II. Le port et le régime de domanialité portuaire

Lieu d’interface entre les modes de transport maritime et terrestre et lieu de massification des trafics, le port est au premier plan concerné par les enjeux que représentent les infrastructures portuaires, notamment les terminaux, en termes de développement, de complémentarité des modes de transports et de contribution aux objectifs de croissance. Il reste une réalité complexe, juridiquement mal délimitée(A).

Réel enjeu économique de la croissance contemporaine, l’occupation du domaine portuaire par les industries créatrices de richesse demeure soumise au régime bien particulier et relativement « archaïque » de la domanialité publique, en décalage apparent avec le développement économique des ports et la libéralisation du commerce38 (B).

35

Article 50, Loi n° 66-420, 18 juin 1966

36 Article 51, loi n° 66-420 18 juin 1966 37 Art. 80, décret 31 déc. 1966

38 Intervention du Professeur C. Lavialle, cité par R. Rézenthel, Colloque de droit comparé, « L’implantation des

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18 A. La complexité de la réalité portuaire

Le monde portuaire est un monde complexe qui mêle public et privé, rendant ainsi difficile sa pleine insertion dans un contexte pleinement concurrentiel.

Si le régime de la domanialité publique s’applique « logiquement », il doit trouver à concilier la logique de marché et la gestion et l’exploitation des installations portuaires. Les ports maritimes ne doivent plus être considérés uniquement comme un lieu d’exercice d’un service public portuaire mais plutôt comme un pôle de développement économique.

Etablissements publics de l’Etat, les ports assurent, concurremment, une mission de service public à caractère administratif, avec notamment l’aménagement, l’entretien, la police des aménagements et l’accès au port, et également une activité de nature industrielle et commerciale, avec en particulier l’exploitation des outillages portuaires39. D’où la référence qui a été faite au « double visage »40 du domaine public portuaire.

Historiquement, l’intervention de l’Etat dans le domaine portuaire a toujours été importante en France. Nombre de ports sont nés de l’initiative de la puissance publique. Le rôle de l’Etat demeure aujourd’hui encore prépondérant. Les politiques portuaires décident des investissements à faire et des réformes à adopter. L’Etat exerce également la tutelle des ports autonomes maritimes et gère les ports d’intérêt national. Il y consacre chaque année entre 100 et 150 M€ de crédits budgétaires depuis 199941.

Aujourd’hui, l’Etat n’est plus le seul acteur de ce secteur qui est désormais ouvert à la concurrence. Depuis les lois de décentralisation, les collectivités territoriales contribuent aussi de plus en plus au financement des investissements des ports et de leurs dessertes. Depuis plusieurs années, les grands armements et les opérateurs de la manutention s’engagent également dans les stratégies de développement des ports maritimes. Ils ont investi, depuis 1980, plus de 4 Md€ dans des opérations de modernisation et de développement financées à hauteur des deux tiers par des fonds publics.

39

L’article L111-2 du Code des ports maritimes définit les missions des ports autonomes en ces termes : « Le

port autonome est chargé, à l'intérieur des limites de sa circonscription, et dans les conditions définies ci-après, des travaux d'extension, d'amélioration, de renouvellement et de reconstruction, ainsi que de l'exploitation, de l'entretien et de la police, au sens des dispositions du livre III du présent code, du port et de ses dépendances et de la gestion du domaine immobilier qui lui est affecté. ».

40 J. Rosgovas, « L’utilisation du domaine public portuaire », mémoire sous la direction de Me C. Scapel, Aix

Marseille III, 2005, p. 4 à 9, « Le double visage du domaine public portuaire »

41 Chiffre donné par la Cour des comptes dans son rapport public thématique sur « Les ports français face aux

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19 A la complexité née de l’intervention d’acteurs multiples, s’ajoute la complexité née de l’absence de définition claire des notions clés de « port », de « domanialité publique portuaire ».

A l’instar de la notion de « terminal », la notion de « port » est absente de la loi française42, exception faite des délimitations administratives de la zone portuaire mentionnées à l’article R 151-1 du Code des ports maritimes43. La référence n’est malheureusement pas d’une grande aide et se révèle n’être qu’une « présomption simple »44. En effet, la jurisprudence ajoute aux hésitations en adoptant une position fluctuante dans la définition du « port » dont les critères ne sont pas clairement fiables.

Par exemple, le Conseil d’Etat a pu juger que l’aménagement de quais de déchargement sur l’une des berges d’un canal existant pouvant recevoir jusqu’à cinq péniches constitue un port45, alors que dans une autre affaire, il a qualifié un ouvrage ne pouvant recevoir que quelques embarcations de plaisance, de « petite installation portuaire »46.

La Haute Assemblée a également pu qualifier d’équipement portuaire des installations établies dans le cadre d’une concession de plage artificielle et destinées à être utilisées par des moyens nautiques légers à voile47.

On notera que la Convention de Genève des Nations Unies du 9 décembre 1923 portant statut international des ports maritimes les définit comme des zones d’accueil des navires affectées à titre principal au trafic maritime.

La Commission européenne, par l’intermédiaire de son groupe de travail portuaire, a défini le port comme « une superficie de terrain et d’eau comprenant des aménagements et

des installations permettant principalement la réception des navires de mer, leur chargement et leur déchargement, le stockage des marchandises par des moyens de transport terrestre et

42 R. Rézenthel « Le port maritime à la recherche d’une identité », Revue Espaces et ressources maritimes 1998,

n°12, p. 167 (éd. Pédone)

43

Article R 151-1 du Code des ports maritimes, modifié par Décret n°83-1244 du 30 décembre 1983 - art. 1 JORF 3 janvier 1984, modifié par Décret n°83-1244 du 30 décembre 1983 - art. 9 JORF 3 janvier 1984 : « Il est

procédé à la délimitation des ports maritimes relevant de la compétence de l'Etat, du côté de la mer ou du côté des terres, par le préfet sous réserve des droits des tiers. »

44 R. Rézenthel, « La gestion privatisée des terminaux dans les ports maritimes », JMM, 3 décembre 1993, n°

3859, p. 2969

45

CE, 13 juillet 1965, Min. int. et préfet Meurthe-et-Moselle, et Synd. de défense des copropriétaires exploitants

et non-exploitants, fermiers, horticulteurs de Fleuville-devant-Nancy, Ludres, Houdemont, Laneuville et Richardmesnil et a. : Rec. CE 1965, p.438

46 CE, 14 mars 1986, n°40105, Sté du « domaine des Barbaresques » c/ Ferrari 47

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20

pouvant comporter également des activités d’entreprises liées aux transports maritimes »48. Ce texte a une approche plus pragmatique et fonctionnelle qu’organique. Tout comme la jurisprudence française, il ne retient pas le critère administratif.

Comment donc ne pas appréhender cette notion sans une certaine circonspection. Seul trait commun à l’ensemble de ces approches, le port est considéré comme un espace plutôt que comme une institution.

En droit français, l’exploitation de terminal, comme celle des autres activités portuaires, est largement dépendante des régimes juridiques de la domanialité publique et du service public, ce qui n’est pas pour encourager la venue de capitaux privés.

B. La domanialité publique

Le domaine portuaire s’est jusqu’à récemment caractérisé par l’appartenance majoritaire de ses terrains portuaires au domaine public et par une conception extensive du service public virtuel. Les terrains privés sur lesquels on peut de rencontrer des terminaux purement privés restent peu nombreux.

Dans la tradition française, les terminaux portuaires relevaient logiquement du droit public, le port appartenant par définition, au domaine public et était spécialement aménagé pour satisfaire l’intérêt commun.

L’ancien article 538 du Code civil, abrogé par l’Ordonnance du 21 avril 2006 instituant le Code général de la propriété des personnes publiques, incorporait les ports dans le domaine public49. L’ensemble des ouvrages portuaires était considéré comme étant soumis au régime de la domanialité publique.

Les règles de la domanialité publique ont longtemps constitué un réel obstacle pour les opérateurs portuaires. Très contraignantes, elles engendrent une grande précarité pour l’occupant du domaine. Parmi ces règles, on trouve le principe d’inaliénabilité, d’imprescriptibilité et de précarité.

48 Commission européenne – ESPO, Report of an enquiry into the current situation in the major community

sea-ports, Rapport, publication ESPO, Bruxelles, 1996, p. 7

49 Art. 538 du Code civil abrogé : « Les chemins, routes et rues à la charge de l’Etat, les fleuves, rivières

navigables ou flottables, les rivages, lais et relais de la mer, les ports, les havres, les rades, et généralement toutes les portions du territoire français qui ne sont pas susceptibles d’une propriété privée, sont considérés comme des dépendances du domaine public »

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21 L’autorisation d’occupation du domaine public est précaire en ce qu’elle est toujours révocable par l’autorité portuaire et non créatrice de droits au profit de son bénéficiaire50, qui ne peut revendiquer un droit au renouvellement de son autorisation d’exploitation51. L’occupant doit également supporter les frais de modification ou de déplacement de ses installations et doit fondamentalement respecter la destination52 et la spécialité53 du domaine public qu’il occupe. Ces restrictions à l’usage constituent des restrictions à l’exercice des activités des occupants du domaine public.

Cette grande précarité est accrue par une définition incertaine de la notion de « domanialité publique » qui reste largement tributaire de la jurisprudence. La jurisprudence en matière portuaire a largement contribué à la compréhension de la notion de « domaine public »54, comme elle a d’ailleurs consacré celle de « domanialité publique portuaire »55. Si ce dernier terme marque la spécificité du contexte portuaire, il n‘en demeure pas moins en principe entièrement soumis au régime classique de la domanialité publique.

La jurisprudence retient traditionnellement trois critères pour définir le régime domanial de l’espace portuaire : l’appropriation par une personne publique, l’aménagement spécial et l’affectation au service public ou à l’usage du public.

Le concept de domanialité publique a connu une très forte extension au gré des jurisprudences jusqu’à la consécration d’une « domanialité publique globale » dont l’arrêt « Société Le Béton » est fondateur56. La jurisprudence a appliqué généreusement, pendant plusieurs années, la théorie du « service public virtuel »57, appliquant le régime de la domanialité publique à un aménagement futur, ou encore qualifiant la manutention portuaire d’élément du service public58.

50 CE 24 novembre 1993 – société anonyme Atlantique bâtiments, construction – req. n°124933

51 CE 22 octobre 1971 – société des ateliers et chantiers de Bordeaux – req. n° 77608, 77611 et 77613 ; CE 23

avril 2001 – syndicat intercommunal pour l’assainissement de la vallée de la Bièvre – req. n° 187007

52

CE 3 juin 1988 – EDF GDF – req. n° 41918 ; Cons. Const. Décis. n° 94-346 DC du 21 juillet 1994 – JO 23 juillet 1994 p. 10635, RFDA 1994 p. 1119

53 CE 9 juin 1972 – Ministre du développement industriel et scientifique c/ port autonome du Havre – req. n°

82828

54

CE 19 octobre 1956, Société Le Béton, Rec. p. 375, D. 1956, J, p. 681

55 CE 22 juin 1984, secrétaire d’Etat auprès du ministre des transports, chargé de la mer, Req. n°53630 ; CE 15

juin 1987, société navale des chargeurs Delmas-Vieljeux, Req. n° 39250,39291 et 39308.

56 CE 19 octobre 1956, Société Le Béton, Rec. p. 375, D. 1956, J, p. 681 : Dans cette espèce, l’aménagement

spécial résultait de la situation géographique de la parcelle, tandis que l’affectation au service public portuaire découlait naturellement de l’ensemble formé par le port

57 CE 23 juin 1939, Ch. Synd. des entrepreneurs arrimeurs de chargements et déchargements des navires, Rec.

CE 1939, p. 429

58

(23)

22 Cette extension souvent injustifiée, en particulier lorsqu’elle s’applique aux parcelles portuaires accueillant des entreprises privées, a eu pour conséquence pratique d’aggraver les sujétions à l’égard des opérateurs économiques et des gestionnaires de terminaux. La jurisprudence a alors entrepris de restreindre la consistance du domaine public.

Il a été jugé par le Conseil d’Etat des terrains qui appartiennent à un port maritime autonome mais qui ne sont pas aménagés en vue de l’affectation au service public ne relèvent pas du domaine public59.

Le droit de déclassement du domaine public a ensuite été reconnu par le Conseil réuni en Assemblée60. L’aménagement ultérieur qui ne serait pas directement lié au fonctionnement du service public ne peut entraîner de réintégration dans le domaine public. Il semble bien que la Haute Assemblée écarte l’application de la théorie du domaine public virtuel pour les ports maritimes et limite ainsi la portée de la jurisprudence « Société Le Béton »61.

Envisageant le déclassement du domaine public aéroportuaire, le Conseil Constitutionnel a précisé que le déclassement d’un bien ne saurait avoir pour effet de priver de garanties légales les exigences résultant de l’existence et de la continuité de services publics auxquels il est affecté62. Désormais, le service public peut, dans certains cas particuliers, être exercé sur des biens ne faisant pas partie du domaine public.

Les notions de domaine public et de service public se trouvent donc « déconnectées » l’une de l’autre et bénéficient de régimes autonomes. La Cour de Justice des communautés a considéré que le critère de la domanialité publique est insuffisant à déterminer le régime juridique de l’activité qui y est exercé63. Abondant dans le même sens, le Conseil d’Etat a reconnu à l’occupant du domaine public propriétaire des ouvrages qu’il exploite pendant le temps de l’occupation, sauf à servir directement le service public64.

Les exigences légales d’existence et de continuité de service public pourront être assurées par la participation majoritaire de l’Etat dans la société65, ou encore par l’insertion d’obligations de service public à un cahier des charges.

59 CE 30 mai 1951, Sieur Sempé, Rec. p. 297 ; CE 11 avril 1986, ministre des transports c. Daney, Mme Giret,

syndicat des pilotes de la Gironde et M. Nebou, Rec. p. 88, RFDA, 1987, p. 44, note Ph. Terneyre

60 Avis CE Ass. 16 octobre 1980, Revue de droit immobilier 1981 p. 309 61

R. Rezenthel, « La liberté de gestion du domaine des ports autonomes », DMF, juin 2000, n°605, p. 588

62 Cons. Const. Décision n° 2005-513 DC du 14 avril 2005 – JO 21 avril 2005 p. 6974 63 CJCE 14 décembre 2000, Fazanda publica, aff. n° C-466/98

64 CE 23 juin 1993, Sté industrielle de construction et réparations, req. n° 111.569 65

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23 Le Professeur C. Lavialle appelle même de ses vœux que les espaces affectés aux services publics à caractère industriel et commercial soient placés sous le régime de la domanialité privée. Citant l’exemple du port autonome de Strasbourg, il démontre que le recours à la domanialité publique n’est pas nécessaire à une bonne gestion de l’espace portuaire66.

Mesurant les répercutions que la domanialité publique a nécessairement sur le mode de gestion des terminaux et partant sur la compétitivité des ports, le législateur a engagé une réflexion sur la domanialité publique qui aboutit à l’émergence du Code général de la propriété des personnes publiques67 en 2006. La volonté de repenser et de réduire la consistance du domaine public, pour se soucier d’avantage des intérêts des opérateurs portuaires, a clairement été affichée dès l’exposé des motifs de l’Ordonnance du 21 avril 200668. Le domaine public portuaire possède désormais la terminologie nouvelle de « domaine public maritime artificiel », ainsi qu’une définition nouvelle donnée à l’article L 2111-1 de ce code69. La domanialité publique s’appuie toujours sur le service public, mais le « aménagement indispensable » est désormais requis.

Un mouvement de fond semble bien s’être engagé en faveur d’une conception renouvelée de la domanialité publique et du service public.

Cependant, et contre toute attente, le Tribunal de Marseille a rendu, le 11 juin 200870, une ordonnance qui s’inscrit clairement à contre courant de cette tendance. Les juges y adoptent une conception extensive de la notion d’outillage public à l’occasion d’un référé pré-contractuel portant sur la mise à disposition d’une forme radoub et de terre-pleins adjacents. Alors que cette activité ne saurait être considérée en tant que telle comme activité de service public, la juridiction administrative a retenu qu’il s’agissait ici d’une concession d’outillage

66 Intervention de C. Lavialle, cité par R. Rézenthel, « Colloque de droit comparé, « L’implantation des

entreprises privés sur le domaine public affecté aux transports », DMF n° 595, juillet-août 1999

67

Code général de la propriété des personnes publiques institué par l’Ordonnance n°2006-460 du 21 avril 2006

68 Rapport au Président de la République relatif à l’Ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relatif à la partie

législative du Code général de la propriété des personnes publiques, J.O. du 22 avril 2006, p. 6016 : « Il s’agit de

proposer une définition qui réduit le périmètre de la domanialité publique. C’est désormais la réalisation certaine et effective d’un aménagement indispensable pour concrétiser l’affectation d’un immeuble au service public, qui déterminera de façon objective l’application à ce bien de la domanialité publique. De la sorte, cette définition prive d’effet la théorie de la domanialité publique virtuelle ».

69 L’article dispose : « Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d’une personne

publique mentionnée à l’article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement

indispensable à l’exécution des missions de ce service ».

70 Ordonnance du Tribunal Administratif de Marseille du 11 juin 2008, Observations Claire Merlin-Merrien et

(25)

24 public, en raison des équipements et outillages publics qui avaient été mis à sa disposition. L’affaire fait l’objet d’un pourvoi en Cassation.

Quels sont à présent les principaux types de contrats d’occupation du domaine public que l’opérateur de terminal peut conclure avec l’autorité portuaire ?

Section 2- les régimes d’occupation privative du domaine public portuaire

Maillon essentiel du paysage portuaire, le terminal est également un maillon essentiel de la chaîne de transport et du « business plan » des grands groupes de manutentionnaires. A partir de cette réalité, l’enjeu majeur qui se pose aux opérateurs de terminaux et aux autorités portuaires est celui de trouver l’instrument juridique qui répondra le mieux à leurs attentes respectives. Il devra à la fois concourir au développement du port et être compatible avec les mécanismes d’une gestion commerciale.

La difficulté de mettre en place l’instrument juridique idéal résulte de l’antagonisme premier qui existe entre l’exploitation de terminal, envisagée comme prérogative de puissance publique et l’exploitation de terminal, envisagée comme une activité lucrative. La viabilité d’un contrat et partant celle de l’infrastructure elle-même, dépendra de sa capacité à concilier logique de service public et logique économique.

Initialement, on avait recours aux conventions traditionnelles d’occupation domaniale (I). Si leur application perdure, elle se révèle plutôt inadaptée. A alors émergé une nouvelle convention mieux adaptée aux réalités de l’activité, la « convention d’exploitation de terminal portuaire » (II). Consacrée par les textes, elle se trouve aujourd’hui au centre de la réforme portuaire à venir.

I. Dès régimes classiques d’occupation domaniale inadaptés à la création d’un régime d’occupation propre à l’exploitation des terminaux

Les régimes des « concessions d’outillage public » et des « autorisations d’outillage privée avec obligation de service public » ont largement été utilisés (A), avant d’être écartés par les praticiens au profit de la « convention d’exploitation de terminal portuaire » (B).

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25 L’article R 115-7 du Code des ports maritimes consacrent ces trois modes d’exploitation.

A. La concession d’outillage public et l’autorisation d’outillage privé avec obligation de service public

1. Le régime de la concession d’outillage public

La jurisprudence a reconnu l’application de ce régime à un ensemble d’exploitations d’outillages divers, sans égard à l’importance de l’occupation domaniale. La notion d’ « outillage public » ne possède pas de définition légale. Le Code des ports maritimes n’en définit que sa procédure d’instruction préalable et ses conditions d’usage.

En pratique, seront notamment considérés comme des outillages publics, les grues, portiques, hangars, silos et chemins de roulement. La jurisprudence a étendu la notion à un grand nombre de biens mobiliers, par application de la théorie de l’accessoire. Le Conseil d’Etat a même reconnu que la construction d’un ouvrage permanent pouvait se faire en application d’une concession d’outillage publique, ce qui se révèle très intéressant pour la réalisation de terminaux de transport71.

On notera que l’avènement de la notion de « terminal » n’est pas sans causer de difficultés dans la compréhension de la notion d’outillage public. Alors que les juges ont refusé au port de commerce la qualification d’outillage public, elle a été reconnue au terminal qui, pourtant selon l’article R 115-7 du code des ports maritimes dispose lui aussi de terre-pleins, d’outillages et d’aménagements nécessaires aux opérations de débarquement, d’embarquement et de stockage liées au navire, à l’instar d’un port.

Selon une jurisprudence constante, la gestion et l’exploitation de l’outillage public constitue une délégation de service public72 à caractère industriel et commercial73 en raison du contrôle de l’activité par une personne de droit public et de son utilité pour l’intérêt général. Tout contrat passé par une autorité publique qui aurait pour objet de confier à un tiers la

71 Exemple de la construction du Centre multivrac au Port autonome du Havre sous le régime d’une concession

accordée à la Compagnie industrielle des pondéreux havrais, cité par M. Mdendé, « Les mécanismes juridiques d’exploitation des terminaux portuaires (Essai de synthèse et approches comparées) », Annuaire de droit maritime et océanique, Université de Nantes, tome XXIII, 2005, p. 205

72 Conseil d'État – 20 décembre 2000 CCI du Var Requête n° 217639

73 CE 15 décembre 1967, Level, AJDA 1968, II, p. 230 concl. G. Braibant ; CE 5 avril 1978, société X…, Rec.

p.176 ; Trib. Confl. 12 janvier 1987, société navale des chargeurs Delmas-Vieljeux c/ port autonome de Dunkerque, req. n° 2449, D. 1987, J, p. 707 note Rézenthel ; CE 24 juillet 1987, société Carfos, Rec. p. 274

(27)

26 gestion du service public doit être considéré comme une convention de délégation de service public et ce, quelque soit sa dénomination. Cette approche a été consacrée par l’article L. 1411-1 du Code général des collectivités territoriales, qui ajoute le critère d’une rémunération du cocontractant « substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service »74.

Ce mode de gestion indirect de service public par l’autorité publique apporte l’assurance que les outillages publics exploités seront en priorité affectés aux besoins des usagers du service public.

Un cahier des charges fixe les droits et obligations de l’autorité portuaire et de l’opérateur concessionnaire. Support de l’exploitation d’un service public, il comporte un ensemble de clauses réglementaires portant essentiellement sur la mise en œuvre du service public concédé. Ces clauses pourront faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. La jurisprudence reconnaît cependant sa nature contractuelle75. De nature hybride, il demeure un bon outil de régulation et de contrôle des concessions passées avec l’autorité portuaire.

2. L’autorisation d’outillage privé avec obligation de service public

L’exploitation est ici de type privatif, assortie d’une obligation de service public. Elle s’entend comme la mise à disposition de ses équipements aux usagers du service public qui le demandent, une fois ses besoins propres satisfaits76. Ainsi, l’exploitation d’équipements privés se concilie avec la possibilité de mise à disposition du public.

L’obligation de service public n’est donc pas permanente mais seulement occasionnelle. L’autorisation d’outillage privé avec obligation de service public demeure néanmoins une véritable délégation de service public, avec les exigences qui en découlent.

On peut s’interroger sur la possibilité pour l’autorité portuaire d’autoriser l’exploitant à s’exempter de l’obligation de service public. La réponse sera variable selon les cas d’espèce. Un exploitant qui ne parvient pas à satisfaire ses besoins privés propres, sera de droit exempté

74 Article L 1411-1 du Code des collectivités territoriales tel qu’issu de la loi n° 2001-1168 du 11 déc. 2001 75 CE 13 juin 1997, société des transports pétroliers par pipe-line, AJDA 1997, p. 794 concl. Bergeal ; CE 20

décembre 1933, Chambfrault, Rec. 1202

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