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Les faiblesses propres à la CET

Dans le document Les Terminaux à conteneurs portuaires (Page 37-42)

Section 2- La Convention de Vienne pour un régime juridique unifié de responsabilité

B. Les limites à l’innovation

2. Les faiblesses propres à la CET

Le rôle de la CET se trouve d’abord limité, en pratique, par l’obligation de se conformer à une convention type.

De plus, la forme du décret exigé pour la validation de la convention type, a pour conséquence d’alourdir la procédure en cas de dérogation à ce document type. L’article R 115-14 in fine du Code des ports maritimes prévoit dans ce cas l’approbation des ministres chargés des ports maritimes, de l’économie et du budget.

Plusieurs critiques de la CET ont été émises par la Cour des comptes qui dénonce son « caractère hybride, entre la convention d’occupation du domaine public et la concession

globale »105. La critique vient notamment du fait que le partage des risques entre le gestionnaire de l’autorité portuaire et l’exploitant de terminal est insuffisamment formalisé pour permettre une bonne saine, équilibrée et transparente. La CET fait peser un risque commercial important sur l’autorité portuaire qui assume les charges d’amortissement et d’exploitation des infrastructures, alors même que ces charges contribuent à la « performance

des terminaux »106.

Autre point soulevé, l’impact négatif résultant de la limitation du champ d’application des CET aux seules superstructures. Cette restriction technique et économique est contestable, car la qualité, comme l’entretien, et la disponibilité des infrastructures concourent à la performance des terminaux.

La Cour dénonce également l’absence d’une « pleine maîtrise économique et

financière de l’entité que constitue le terminal ». Les conséquences sont l’absence de

« répartition juste et équitable des gains économiques et financiers des hausses de trafics

entre les deux parties concernées » ainsi que le défaut d’ « adaptation du montant des fonds publics à la rentabilité socio-économique des projets ».

Autre interrogation soulevée par la doctrine, celle de savoir si l’autorité portuaire est tenue de recourir à l’un des régimes prévus à l’article R 115-7 et suivants du code des ports

105

Cour des comptes, Rapport public thématique sur « les ports français face aux mutations du transport maritime : urgence de l’action », juillet 2006, p. 74

106 La Cour de comptes illustre le maintien d’un niveau élevé de risque commercial sur l’autorité portuaire en

prenant pour exemple le port autonome du Havre dont la rémunération pour l’exploitation des premiers postes à quai de Port 2000 est constituée à 92% par les droits de port et à 8% des redevances des CET

37 maritimes français, ce qui aurait pour conséquence de réduire la liberté de choix du gestionnaire.

La liste proposée est clairement non exhaustive et ce d’autant qu’elle fait l’impasse sur l’autorisation d’occupation temporaire, contrat pourtant largement répandu. Le Docteur en droit, Robert Rézenthel, pencherait en faveur d’une liberté de choix du régime domanial, estimant qu’il doit être possible de conclure des contrats sui generis ou innomés107. La question n’est pas tranchée et demeure une question doctrinale.

Sur le plan pratique, les différentes expériences menées connaissent un succès mitigé. A Dunkerque, l’exploitation du terminal à conteneurs a seulement permis une réduction significative des pertes sans permettre d’aboutir à une situation bénéficiaire. A Marseille et au Havre, où des CET ont été passées pour l’exploitation de nouveaux terminaux, les établissements portuaires ont été confrontés à la difficulté de respecter les engagements de trafic, et à celle de concilier l’intérêt socio-économique des projets avec les exigences commerciales des opérateurs. Les autorités publiques devront impérativement favoriser les trafics dont les retombées sont les plus positives pour la collectivité en termes d’activité, d’externalités et d’emplois108.

Autre faiblesse de la pratique, l’application généralisée de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques. La procédure de mise en concurrence appliquée à l’ensemble des appels à projet revient à ne plus faire de distinction entre les différents instruments juridiques à la disposition de l’autorité portuaire109.

Il convient d’évoquer à nouveau l’Ordonnance du Tribunal de Marseille du 11 juin 2008110 , qui requalifie en concession d’outillage public, la mise à la disposition d’une forme de radoub et de terre-pleins adjacents au bénéfice d’une entreprise de réparation navale. La mise à disposition d’outillage public serait donc suffisante à entrainer la requalification de l’ensemble d’un contrat en délégation de service public, avec les conséquences importantes que cela entrainerait en termes de liberté de gestion. Le fait que l’activité concernée ne saurait être qualifiée d’activité de service public semble indifférent. Il existe ici une réelle confusion

107 « La liberté de gestion du domaine des ports maritimes autonomes », R. Rézenthel, DMF 2000, p. 595 108 Cour des comptes, Rapport public thématique sur « les ports français face aux mutations du transport

maritime : urgence de l’action », Chapitre 2, juillet 2006, p. 69 à 73

109

Intervention de Mme Claire Merlin-Merrien, Directrice des Affaires Juridiques du Port Autonome de Marseille lors du colloque INFO DROIT organisé par l’IMTM, le lundi 23 juin 2008

110 « Contentieux pré-contractuel pour l’exploitation d’une forme de radoub », Ordonnance du Tribunal

administratif de Marseille n° 0803537, du 11 juin 2008, Observations de Claire Merlin-Merrien et Robert Rézenthel, DMF 694, juillet – août 2008, p. 674 à 683

38 de la notion d’outillage public. En principe, il doit être un ouvrage bien individualisé et ne pas porter sur un ensemble portuaire composé de divers ouvrages.

La CET qui, selon l’article R 115-7 du Code des ports maritimes, peut prévoir la mise à disposition d’outillages publics au bénéfice de l’exploitant de terminal, encourt le risque d’une requalification en délégation de service public.

Analyser la CET comme une concession d’outillage portuaire serait un véritable retour en arrière, relayant la CET au rang des conventions classiques inefficientes. Ce serait également nier les efforts qui ont été mis en œuvre pour créer un contrat davantage en conformité avec le droit de la concurrence. L’équipement public demeure au service d’une activité et devrait suivre le régime juridique de l’activité à laquelle il est rattaché.

Le port autonome a fait appel de cette décision. La confirmation de l’ordonnance du Tribunal de Marseille par la Cour de cassation aurait pour conséquence de multiplier les délégations de service public dans les grands ports maritimes, où les terminaux se partagent la zone.

La CET est un outil juridique qui reste expérimental demande à être consolidé. A l’instar de M. Robert Rézenthel, on doit envisager ce contrat comme « une étape dans la

libéralisation de la gestion portuaire » et en aucun cas un « aboutissement ». Il évoque même

l’hypothèse d’une « suppression à terme de la convention type afin de laisser aux parties une

réelle liberté contractuelle » 111.

On retrouve aujourd’hui la CET au cœur du plan de relance des ports français. Le projet de loi envisage de laisser, à chaque « grand port maritime », la liberté de fixer les conditions d’utilisation du terminal. Chaque port aura donc un projet stratégique propre dont il déterminera les modalités de mise en œuvre et d’exploitation sous réserve, le cas échéant, du respect des objectifs de trafic.

Le texte consacre également une nouvelle terminologie pour la CET qui deviendra « convention de terminal »112, dénotant clairement l’intention du législateur de consacrer cet instrument juridique comme le contrat de droit commun des « grands ports maritimes » de demain.

111 Rézenthel R. « Le régime d’exploitation de terminal dans les ports autonomes maritimes : un progrès

significatif », Journal de la Marine Marchande, du vendredi 4 août 2000, n°1460

112

39 Avec la cession à venir des outillages publics par les « grands ports maritimes », il est fort probable qu’il n’existe plus à terme de service public d’exploitation de ces outillages. Dans ces conditions, l’occupation du terminal devient une simple autorisation domaniale113.

Chapitre 2- L’exploitation du terminal à conteneurs dans le respect d’un

environnement portuaire compétitif et plus sûr

Le port est aujourd’hui l’objet de nombreuses politiques nationales, communautaires et internationales. Réel enjeu en termes de compétitivité mais aussi en termes de sûreté, les législations ont introduit d’avantage de sécurité dans la zone portuaire. Sécurité juridique dans ses relations avec l’autorité portuaire (Section 1) et sécurité matérielle (Section 2), sont-elles suffisantes pour faire des terminaux à conteneurs français une activité attractive aux yeux des investisseurs ?

Section préliminaire- L’occupation du domaine public portuaire et

l’application du droit communautaire

Au niveau communautaire, il n’existe pas de politique portuaire commune. Le droit communautaire n’impose pas l’harmonisation des régimes portuaires et il revient à chaque Etat d’en définir ses propres modalités.

Cependant, la Cour de Justice des communautés européennes (CJCE), soumet l’ensemble des activités économiques, même exercées par une personne publique, aux règles du droit de la concurrence, au rang desquels, la liberté des prestations des services, la libre circulation des marchandises, et l’interdiction d’abus de position dominante ou d’entente.

Elle a jugé que les libertés et les principes fondamentaux consacrés par le Traité des communautés européennes, étaient applicables aux activités portuaires annexes au transport114.

La jurisprudence communautaire reconnaît également que les ports maritimes de commerce sont des « entreprises » au sens du droit communautaire115 et ce, sans égard à leur

113 Tiré d’une correspondance mail du 29/07/2008 avec Mr. R. Rézenthel 114

40 statut. Méconnaissant dans une large mesure la notion de service public116 et ignorant le régime de la domanialité117, elle retient simplement que les activités de manutention, de stockage et de mise à disposition de terrains ou outillages aux usagers portuaires, qui constituent les activités essentielles du port, ont un caractère économique indiscutable.

Le jeu de la libre concurrence entre entreprises s’appréciera à l’échelle d’un marché déterminé dans une zone géographique portuaire, d’avantage que dans un seul port. Le marché doit être ouvert aux choix des mêmes opérateurs, impliquant un même usage des produits et services d’un même marché. Toute restriction à la liberté du marché devra se justifier au regard du fonctionnement de l’institution concernée. L’existence d’un service public est insuffisante à lui seul à justifier une exception au droit de la concurrence.

La prise en considération du droit communautaire est croissante en droit interne dans la jurisprudence118 comme dans les textes. La convention d’exploitation de terminal en est un exemple.

On regrettera cependant la frilosité de l’Union Européenne dans la mise en place de la libéralisation des services portuaires. Le projet de directive relative à l’accès au marché de service portuaire, élaboré par la Commission des communautés, a été une seconde fois par le Parlement européen, le 18 janvier 2008, sous la pression de plusieurs organisations professionnelles opposantes.

La politique communautaire et son intégration dans les législations et jurisprudences nationales ont contribué fortement à limiter le pouvoir discrétionnaire de l’autorité portuaire dans sa gestion portuaire.

Section 1- Quelle sécurité pour l’opérateur de terminal à conteneurs ?

L’exploitant de terminal a acquis un renforcement de ses droits face au détenteur de l’autorité portuaire dont les prérogatives de puissance publique ont été davantage encadrées (I). Mais s’il se trouve d’avantage « protégé » dans ses relations avec l’autorité portuaire, il reste que sa situation demeure précaire s’agissant en particulier du financement de

115 L’entreprise au sens du droit communautaire est définie comme « toute entité exerçant une activité

économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement », CJCE 23 avril

1991 – Höfner c/ Macreton – affaire n° C-41/90

116 CJCE 17 juillet 1997 – GT-Link – aff. n° C-242/95, Rec. p. I-4449 point 52, DMF 1997 p. 848, Gueguen-

Hallouët et R. Rézenthel

117 CJCE 27 novembre 2003 – Enirisorse – aff. n° C-34/01 à 38/01 point 33 118

41 l’installation portuaire et de sa capacité à contrôler l’ensemble des moyens portuaires concourant à l’exploitation de son activité. Les difficultés viennent pour l’essentiel du fait que, dans les ports français, se mêlent acteurs et intérêts privés et publics (II).

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