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Quelle sécurité pour l’opérateur de terminal à conteneurs ?

Dans le document Les Terminaux à conteneurs portuaires (Page 41-54)

L’exploitant de terminal a acquis un renforcement de ses droits face au détenteur de l’autorité portuaire dont les prérogatives de puissance publique ont été davantage encadrées (I). Mais s’il se trouve d’avantage « protégé » dans ses relations avec l’autorité portuaire, il reste que sa situation demeure précaire s’agissant en particulier du financement de

115 L’entreprise au sens du droit communautaire est définie comme « toute entité exerçant une activité

économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement », CJCE 23 avril

1991 – Höfner c/ Macreton – affaire n° C-41/90

116 CJCE 17 juillet 1997 – GT-Link – aff. n° C-242/95, Rec. p. I-4449 point 52, DMF 1997 p. 848, Gueguen-

Hallouët et R. Rézenthel

117 CJCE 27 novembre 2003 – Enirisorse – aff. n° C-34/01 à 38/01 point 33 118

41 l’installation portuaire et de sa capacité à contrôler l’ensemble des moyens portuaires concourant à l’exploitation de son activité. Les difficultés viennent pour l’essentiel du fait que, dans les ports français, se mêlent acteurs et intérêts privés et publics (II).

I. La gestion privative des terminaux sécurisée

Le Conseil d’Etat a abondé dans le sens d’une approche plus compétitive des ports maritimes. Dans une décision du 26 mars 1999119, il a considéré que les gestionnaires du domaine public devaient respecter la liberté du commerce, mais aussi l’Ordonnance du 1er décembre 1986 sur la liberté des prix et de la concurrence.

Le Conseil de la concurrence a lui récemment confirmé le principe de l’applicabilité des règles de concurrence aux ports maritimes autonomes et aux entreprises avec lesquelles des contrats d’occupation du domaine public sont conclus120

Dans ce contexte, droit interne et droit communautaire assurent d’avantage de sécurité juridique à l’exploitant de terminal, dès la phase préliminaire de l’octroi des autorisations d’exploitation (A), et jusqu’à la fin de la convention d’exploitation (B).

A. L’octroi des autorisations d’aménagement et d’exploitation de terminal à conteneurs portuaire

La création de terminaux s’inscrit dans le cadre de la gestion domaniale des ports maritimes et de l’exercice de prérogatives de puissance publique121. L’opportunité d’autoriser une telle occupation appartient au pouvoir régalien de l’autorité portuaire.

L’aménagement et l’exploitation d’un terminal portuaire sont des activités ouvertes à toute personne morale de droit privé ou privé. Ainsi, les groupements d’intérêt économique, les associations ou les fondations sont des candidats potentiels.

Aujourd’hui, la tendance est à l’attribution de concessions au profit d’entreprises privées et notamment des chargeurs, groupes financiers, entreprises de manutention ou de consignation et à des compagnies d’armement. L’impression qui se dégage habituellement de

119 CE Sect. 26 mars 1999, société EDA, AJDA 1999 p. 427 concl. J-H Stahl et note M. Bazex 120 Décision du Conseil de la concurrence n° 07-D-28 du 13 septembre 2007

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42 cet investissement du domaine public par des entreprises privées est celle d’une privatisation des ports. Or, il ne faut pas oublier que les conventions passées avec l’autorité portuaire demeurent précaires et limitées dans le temps122.

Pour faciliter l’implantation d’entreprises privées sur ses terrains, le gestionnaire du domaine portuaire doit disposer d’une liberté d’action. Reste, qu’il ne saurait être tenu d’accorder des autorisations d’occupations privatives123.

Si l’autorité portuaire demeure libre de choisir le futur opérateur qui aménagera ou exploitera le terminal, elle le fera dans le respect des règles procédurales relatives à sa désignation et dans le respect du droit de la concurrence. La discrimination dans le choix de l’opérateur et notamment au regard des ressortissants de la Communauté européenne, sera jugée contraire aux principes communautaire124.

S’agissant des mesures de publications, le recours à l’appel d’offres assure l’égalité des candidats. Les critères de choix doivent être préalablement fixés et publiés. Jusqu’à récemment, la Cour de cassation 125et le Conseil d’Etat 126ne soumettaient pas l’occupation du domaine public ne portant pas sur l’exploitation d’un service public au droit de la concurrence tel que prévu par l’Ordonnance du 1er décembre 1986, relative à la liberté des prix et de la concurrence127. Depuis, le Conseil d’Etat a modifié sa position128, estimant que les dépendances du domaine public, qui sont le siège d’activités de production, de distribution et de services, sont notamment soumises au principe de liberté du commerce et de l’industrie. La mise en concurrence des offres par les ports autonomes, conformément à l’article 38 et suivants de la loi du 29 janvier 1993 modifiée, ajoute de la transparence et assure le respect de la théorie des « facilités essentielles ».

Le refus d’une demande d’occupation ne se justifiera que pour motif d’intérêt général129, motif sérieux d’ordre technique ou écologique130. Parallèlement, la décision de

122

M. Mdendé, « Les mécanismes juridiques d’exploitation des terminaux portuaires (Essai de synthèse et approches comparées) », Annuaire de droit maritime et océanique, Université de Nantes, tome XXIII, 2005, p. 207

123 Tribunal des conflits, 12 décembre 2005, EURL Croisières lorraines « La bergamote » c/ Voies navigeables

de France – Rec. n°3455, Rec. p. 671

124 Art. 12 du Traité CE ; CJCE 29 juin 1999 Commission c/ Belgique – aff. n° C-172/98, DMF 1999, note R.

Rézenthel ; CJCE 3 juin 1992, Commission c/ Italie – aff. n° C-360/89 – Rec. p. I-3401

125 Cass. Com. 29 mars 1994, société Paris, Gennevilliers c/ GIE Paris Terminal et ministre de l’économie et des

finances – B.O. de la concurrence et de la consommation et de la répression des fraudes du 4 mai 1994 p. 165

126 CE 13 juin 1997, société des transports pétroliers par pipe-line – AJDA 1997 p. 794 concl. C. Bergeal 127 Ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence 128 CE, Sect. 26 mars 1999, société EDA, AJDA 1999 p. 427, concl. J-H Stahl, note M. Bazex 129

43 refus du renouvellement d’une autorisation domaniale par l’autorité portuaire devra être dûment motivée131 .

Au final, le choix de l’exploitant demeure intuitu personae et sera fonction de l’intérêt suscité par le candidat eu égard notamment à ses compétences, capitaux et projets de développement. En cas de changement du profil du candidat, et si cela est susceptible de compromettre l’effectivité et l’efficacité du service, l’autorité portuaire concédante peut toujours résilier la convention passée avec lui.

L’intuitu personae explique que la cession de la convention à un autre exploitant, sans l’accord préalable de l’autorité portuaire, est susceptible d’entrainer la résiliation du contrat. La possibilité de cession peut toujours être prévue au cahier des charges et dans cette hypothèse, le nouvel exploitant s’engage à se conformer aux conditions prévues au cahier des charges.

De manière symétrique, l’autorité portuaire qui prend la décision de retirer une autorisation d’occupation exerce une prérogative de puissance publique et devra avancer des motifs d’intérêt général justifiant l’abandon de l’activité d’exploitation ou sa redéfinition en des termes nouveaux132. Le CE a déjà pu sanctionner un retrait d’autorisation motivé par des intérêts purement privés ou visant à trancher un litige entre personnes de droit privé.

Au niveau communautaire, la théorie des « facilités essentielles » vient également restreindre le droit du gestionnaire du domaine portuaire de rejeter les demandes d’occupation. Elle est une construction de la Commission européenne qui a été appliquée à l’origine au port anglais de Holyhead et au port danois de Rodby133.

Cette théorie constitue est une exception au principe de la liberté contractuelle du détenteur d’un monopole et s’impose aux ouvrages publics comme privés. L’opérateur en situation de monopole qui prive les tiers d’accéder aux facilités essentielles qu’il détient commet un abus de position dominante, sauf à démontrer un motif sérieux d’ordre technique, sécuritaire ou environnemental. On entend par « facilité » les installations ou équipements

130 CJCE 11 juin 1985, Commission c/ Irlande – aff. 288/83 – Rec. p. 1261 point 28 ; CJCE 9 décembre 1997 –

Commission c/ France – aff. C 265/95, Rec. p. I-6990, point 62

131 CE 12 décembre 1997, ville de Cannes c/ Milhau, Req. n° 160141 132

CE 31 juillet 1996, société des téléphériques du massif du Mont-Blanc – Rec. p. 334

133 Décision n°94/119/CE du 21 décembre 1993 relative au refus d’accès aux installations du port de Rödby,

JOCE n° L 55 du 26 février 1994, p. 52. Décision de la Commission n°94/19/CE du 21 décembre 1993 relative à une procédure d’application de l’article 86 du Traité CE : décision IV/34.689 – Sea Containers c/ Stena Sealink, JOCE n° L 15/8 du 18 janvier 1994, p. 8

44 sans l’utilisation desquels les concurrents ne peuvent servir leur clientèle. Le qualificatif d’ « essentiel » résulte de l’absence d’alternative pour les autres opérateurs134.

La Commission des Communautés a déjà pu intervenir pour exiger le respect de la théorie des facilités essentielles, exerçant son pouvoir d’injonction dans le cas de demandes d’implantation restées infructueuses.

Cette théorie sera applicable lorsque le monopole porte sur un ouvrage ou un service dont les concurrents sont dépendants pour l’exercice de leur activité et que les contraindre à réaliser un tel ouvrage ou à assumer un tel service ait un caractère déraisonnable. Il convient ici de rechercher s’il existe des solutions alternatives pour les opérateurs tiers sur un marché déterminé, c’est-à-dire s’il existe des infrastructures équivalentes à proximité auxquelles ils pourraient accéder et ce, même si elles sont moins avantageuses. Dans le cas contraire, il convient de savoir si des considérations techniques, réglementaires ou économiques empêchent ou rendent déraisonnable la création par les opérateurs tiers d’un ouvrage offrant une solution équivalente. La Cour de cassation exige la preuve par le concurrent de son impossibilité de mettre en œuvre des solutions alternatives économiquement raisonnables135. Il faut également que celui qui détient l’ouvrage ou exploite le service en refuse l’accès à son concurrent, sauf si en autoriser l’accès aux tiers risquait d’être préjudiciable pour l’activité de monopole en faisant courir un risque d’interruption de l’activité.

Le Conseil de la concurrence a récemment fait application de la théorie des facilités essentielles136, faisant preuve de la même sévérité que la CJCE face aux pratiques anti- concurrentielles d’opérateurs portuaires exploitant une facilité essentielle. Il en fait même une application extensive en n’exigeant pas, en l’espèce, la démonstration qu’il eut été déraisonnable pour le concurrent de créer sa propre facilité, sans qu’ait été démontrée l’absence d’autres possibilités d’implantation sur le domaine portuaire.

134 Gaëlle Gueguen-Hallouet « Les activités portuaires à l’épreuve de la concurrence (à propos de la décision du

Conseil de la concurrence n° 07-D-28 du 13 décembre 2007) », DMF 680, mars 2008

135 Cass. Com. 12 juillet 2005, société NMPP, pourvoi n° 04-12388, Bull. Civ. IV n° 163 p. 174 136

45 B. Une exploitation de terminal régulée

La maîtrise de la gestion du domaine public portuaire par l’autorité portuaire, qui constitue une prérogative de puissance publique, lui confère de fait une position dominante. C’est un droit dont l’établissement portuaire a seul compétence mais dont il pourra toujours décider d’en concéder ou amodier une partie.

Le seul fait que l’autorité portuaire soit en position dominante n’est pas en lui-même contraire aux principes communautaires, c’est l’exercice abusif de sa compétence qui sera prohibé.

Les relations que l’autorité portuaire entretient avec l’opérateur de terminal sont régies par les règles du droit public, parmi lesquelles figurent le Code des ports maritimes, les lois et règlements relatifs à l’activité et la jurisprudence administrative. Pour encadrer l’exercice de ses prérogatives, seront notamment appliqués, le droit d’accès aux documents administratifs137, l’obligation de motivation des actes administratifs138, le principe de précaution139, le principe de l’application du droit de la concurrence aux personnes publiques

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et le référé administratif.

Mais parce qu’une part importance du commerce intra-communautaire transite par les structures portuaires, toute mesure prise dans le cadre de leur exploitation est susceptible d’avoir un impact sur le commerce et la concurrence entre Etats membres et intéresse donc le droit communautaire.

L’autorité portuaire qui utilise ses prérogatives de puissance publique dans le but exclusif d’entraver l’exploitation d’un opérateur de terminal privé, ou de protéger la gestion de terminaux qu’elle exploite elle-même ou exploités par d’autres opérateurs, commet un abus de position dominante, prohibé par l’article 82 du Traité Communautés européennes141. De la même manière, toute contrainte de l’autorité portuaire à utiliser son personnel serait un abus de position dominante.

137 Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'Administration

et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal ; décret n° 79-834 du 22 septembre 1979

138 Loi n° 79-587 du 11 juillet 1979,relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des

relations entre l'administration et le public

139 Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement ; CE 25 sept

1998, Association Greenpeace France – Rec. n° 194348, D.A. 1998 n° 310, JCP 1998-II, ed. G-10216, note J. Malafosse

140 Art. 53 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence 141 R. Rézenthel, « La gestion du domaine public portuaire dans une économie de marché et le droit de la

46 Il est d’usage dans les ports d’intérêt national que l’exploitation de l’outillage public soit confiée à un seul concessionnaire et, dans ce cas, c’est l’exploitant qui exerce de fait une position dominante142. Des droits spéciaux lui sont attribués par l’autorité portuaire concédante aux fins de satisfaire un but d’intérêt général. Ces droits exclusifs ne dérogent pas aux principes communautaires s’ils n’affectent pas le développement des échanges « dans une

mesure contraire à l’intérêt de la communauté »143. Cependant, ils constitueront un abus de position dominante contraire, si des tarifs disproportionnés aux services rendus étaient appliqués144. Cette hypothèse ne serait néanmoins pas répréhensible si l’augmentation des tarifs par le concessionnaire avait pour but de compenser le poids des sujétions résultant des obligations de service public145.

Le droit communautaire prohibe également les aides d’Etat, incompatibles avec le marché commun146. De fait, une aide logistique147, une garantie d’emprunt, une caution148 ou la conversion d’une dette en capital149, ou encore un taux de redevance anormalement bas150, peut constituer une distorsion de concurrence. De la même manière, les rabais et ristournes sont interdites si elles ne reposent sur aucune prestation économique.

La Cour de justice des communautés européennes a cependant admis qu’une aide puisse ne pas constituer une restriction à la concurrence dans la mesure où elle permet à l’entreprise d’accomplir une mission d’intérêt général151.

On peut s’interroger sur la compatibilité au droit communautaire de la pratique qui veut, qu’au terme d’une première autorisation d’occupation domaniale, l’autorité portuaire devienne propriétaire des ouvrages qui ont été réalisés par l’opérateur. Bien que consacrée par les textes, il apparaît que les conditions de mise à dispositions de ces ouvrages au profit du successeur de l’exploitation de terminal soient susceptibles de constituer une aide d’Etat, dans

142 CJCE 17 juillet 1997, GT Link A/S, aff. n° C-242/95; CJCE 29 mars 2001, Portugal c/ Commission, aff. n°

C-163/99, point 45

143 CJCE 23 mai 2000, Entreprenorforeningens Affalds/Miljosektion (FFAD), aff. n° C-209/98 point 74 144

CJCE 10 décembre 1991, Merci convenzionali Porto di Genova, aff. n° C-179/90 – Rec. p. I-5889 points 16, 17 et 19 ; Conseil de la concurrence, 13 décembre 2007, aff. n° 07-D-28

145 CJCE 18 juin 1998, société Corsica Ferries France, aff. n° C-266/96, Rec. p. I-3949 points 47, 50 et 54 146 Art. 87 du Traité des Communautés européennes

147

CJCE 11 juillet 1996 – SFEI – aff. n° C-39/94, Rec. p. I-3547 points 58, 61-62 ; TPI 14 décembre 2000 – Ufex c/ Commission – aff. n° T-613/97, Rec. p. II-4055 points 68-70, 74-75

148 CJCE 24 octobre 1996 – Allemagne c/ Commission – aff. n° C-329/93, C-62/95 et C-63/95 – Rec. p. I-5151

points 30-36

149

TPI 11 juillet 2002 – Cityflyer Express c/ Commission – aff. T-16/96, Rec. p. II-757 points 51, 53-56

150 Décision de la Commission n° 85/515/CEE du 11 février 1987 – JOCE n° L 295 du 20 octobre 1987 p. 25 151 CJCE 27 avril 1994, Almelo e.a. – affaire n° C-393/92 – Rec. p. I-1477 point 46 ; CJCE Ord. (4e ch) 25 mars

1998 – Fédération française des sociétés d’assurances et autres c/ Commission – affaire n° C-174/97 P – Rec. p. I-1305

47 le cas où le prix d’amodiation, ou redevance, est inférieur au prix des loyers pratiqués dans la région pour un même ouvrage152.

Dans le contexte actuel de partenariat entre le public et le privé qui caractérise l’exploitation de nombreux services portuaires, il est tout à fait possible d’envisager que l’autorité portuaire participe au capital de la société exploitante et en soit un actionnaire. A l’évidence, la participation de l’autorité portuaire au capital d’une entreprise est susceptible d’influer sur le comportement commercial de cette entreprise. Dans ce cas, n’y aurait-il pas un risque d’entente illicite ? L’article 81 §1du Traité CE prohibe les ententes susceptibles d’avoir un impact sur le commerce intra-communautaire. Si les ententes ne sont pas applicables aux mesures prises par l’autorité portuaire dans le cadre de ses prérogatives de puissance publique, ne pourraient-elles pas très bien être lui être reprochées lorsque l’autorité portuaire est actionnaire d’une entreprise portuaire153? Dans cette hypothèse, l’autorité portuaire devra impérativement se comporter comme un investisseur privé154.

L’exploitation de terminaux portuaires a gagné en sécurité. Cependant, le contexte de partenariat public-privé qui entoure l’activité portuaire constitue encore un frein au développement de l’activité.

II. Les limites du partenariat public/privé dans les ports français

La situation de l’exploitant de terminal demeure précaire du point de vue de la maîtrise du personnel intervenant sur terminal (A), comme du point de vue du financement de son activité (B). Des réformes sont nécessaires.

A. Un manque certain de concurrence entre manutentionnaires sur un terminal

1. Le double commandement dans la manutention française

152

R. Rézenthel, « La gestion du domaine public portuaire dans une économie de marché et le droit de la concurrence », DMF 675, novembre 2006, p. 913

153 R. Rézenthel « La gestion du domaine public portuaire dans une économie de marché et le droit de la

concurrence », DMF 675, novembre 2006, p. 915

154

48 Le modèle français est un modèle dans lequel les ports exercent à la fois les fonctions d’autorité portuaire et d’opérateurs d’outillages. Ce modèle, très fréquent autrefois dans les pays latins155, a progressivement disparu au profit du modèle du port « propriétaire foncier » ou port « landlord »156. Dans ce dernier schéma, le port assure uniquement ses fonctions régaliennes d’aménagement et de valorisation du domaine portuaire. L’exploitation des installations et outillages sur le domaine public est confiée à des opérateurs.

Témoins d’un contexte portuaire français semi-public semi-privé, les terminaux portuaires à conteneurs se caractérisent par « une organisation sociale complexe héritée du

passé qui ne favorise ni la recherche de la performance commerciale, ni celle de la qualité de service »157.

En effet, le personnel de manutention qui intervient sur terminal ne constitue pas un corps homogène. Cohabitent deux catégories de personnel placés sous commandements distincts. On trouve d’une part, les ouvriers dockers, pour majorité salariés des entreprises de manutention et qui ont en charge la manutention des marchandises et la mise en œuvre des outillages des entreprises de manutention. On trouve d’autre part, les grutiers et portiqueurs, salariés des établissements portuaires, qui ont en charge la conduite des outillages à quai.

Les premiers sont essentiellement sous le commandement d’entreprises privées, les seconds sous le commandement du port autonome. De statut différent, leur régime juridique est différent.

Tous concourent pourtant à une même activité commerciale, qui demeure sous la responsabilité unique de l’exploitant. Ouvriers dockers et portiqueurs doivent travailler en étroite coordination pour charger et décharger les navires à quai. Toute opération nécessite simultanément la présente des portiqueurs manœuvrant les engins et celle des dockers assurant la manutention à bord et sur les quais.

Les entreprises de manutention dépendent aujourd’hui des moyens de l’autorité portuaire pour réaliser le cœur de leur mission. Les outillages à quai sont le facteur déterminant de la qualité, fiabilité et coût du service et pourtant les entreprises n’ont pas de pouvoir de commandement sur eux.

155

L’Espagne et l’Italie ont notamment abandonné ce modèle portuaire respectivement en 1992 et 1994

156 Modèle d’organisation des ports de tradition hanséatique de la mer du Nord qui s’exporte de plus en plus en

Europe et dans le monde

157 Cour des comptes, Rapport public thématique sur « les ports français face aux mutations du transport

49 Cette dichotomie de commandement, tout en se révélant anti concurrentielle, impacte aussi grandement sur la compétitivité des ports français.

2. La nécessité d’une réforme de l’organisation de la manutention portuaire

La Cour des comptes avait déjà dénoncé, dans son rapport public particulier de

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