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Les apports de la convention d’exploitation de terminal

Dans le document Les Terminaux à conteneurs portuaires (Page 31-35)

Section 2- La Convention de Vienne pour un régime juridique unifié de responsabilité

A. Les apports de la convention d’exploitation de terminal

Le régime de la CET marque une nouvelle étape dans la relation entre l’autorité portuaire et l’exploitant de terminal. Elle offre plus de souplesse à l’exploitation des terminaux portuaires.

Première précision apportée par la convention à son article 1, la convention type d’exploitation précise que le terminal mis à disposition de l’exploitant doit être spécialisé. On entend par là, qu’il doit être affecté à un trafic spécialisé et non au trafic général d’un port. Cette précision évite la redoutée « privatisation » des ports.

Dans cette même logique, l’article R 115-7 III du Code des ports maritimes dispose que « le recours à ce mode de gestion, qui ne peut concerner qu’une partie du domaine

portuaire, doit être compatible avec le maintien en nombre suffisant d’outillages publiques ou d’outillages privés avec obligation de service public ». Aucun droit d’exclusivité ne saurait

être reconnu à l’opérateur qui conclut une CET. Cette convention ne saurait créer de monopole. L’autorité portuaire est libre de conclure d’autres conventions avec des entreprises concurrentes. Cette disposition marque son attachement au respect des règles communautaires.

Pour chaque exploitation, sont prévus des objectifs de trafic87. Les objectifs prévus au contrat sont assortis de pénalités ou de bonus selon les résultats obtenus. On peut très bien envisager que leur non-respect entraîne la résiliation de la CET, puisque les juges reconnaissent que le non-respect des objectifs d’activité prévus au contrat puisse entraîner résiliation du contrat88. Dans ce cas, aucune indemnité ne sera versée à l’exploitant. La clause de trafic reste une « clause excessive » car la maitrise parfaite d’un trafic est impossible et ne dépend pas uniquement des conditions d’exploitation du terminal89.

Apport important de la CET, l’exploitation peut porter à la fois sur le domaine public et sur le domaine privé. La convention ne fait aucune distinction entre domaine public et

87 Art. 2 de la convention type d’exploitation

88 CE, sect., 13 juillet 1968, n° 73.161, Sté « Ets Serfati », Rec. CE p. 1 ; CE, 27 novembre 1974, n° 91.137, Sté

Internationale Commerciale et Industrielle, Rec. CE, p. 593

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31 domaine privé. Traditionnellement, la jurisprudence90 considère que lorsqu’un terminal est implanté à la fois sur les deux domaines, seul le régime de la domanialité publique s’applique. Dorénavant, les biens appartenant au domaine privé conservent ce régime malgré la l’exploitation de terminal. C’est donc une situation mixte qui est ici reconnue91. L’intérêt de cette position est notamment de permettre de remédier au flou qui existe concernant l’étendue de la priorité d’embauche des dockers sur le domaine public. Si l’article 511-2 du Code des ports maritimes réserve cette priorité aux postes publics, la pression sociale demeure forte pour revendiquer cet avantage sur l’ensemble du domaine public portuaire92.

Dans la détermination des droits et obligations des parties, la CET confie à l’opérateur de terminal la charge de l’exploitation technique et commerciale du terminal. A ce titre, il bénéficie d’une priorité permanente d’usage des quais et gère les installations et services pour son propre compte93.

L’article 5 de la convention type d’exploitation précise les moyens que le port mettra à disposition de l’opérateur. Il pourra s’agir de terrains, terre-pleins, d’aménagements et d’outillages publics selon des conditions financières différentes de celles de la procédure d’instruction applicables aux redevances d’usage des outillages publics94. La mise à disposition « n’entraîne en aucun cas transfert de propriété ou constitution de droits réels »95. Cependant, on peut très bien imaginer la vente de terrains ou outillages, par acte distinct, à l’opérateur, s’ils appartiennent au domaine privé du port.

Pour motif de vétusté, de sécurité ou tout motif d’intérêt général, l’autorité portuaire peut toujours décider de mettre fin à la mise à disposition. Le retrait partiel peut être prononcé après expiration d’un préavis de deux mois à compter de la notification de la décision à l’exploitant. Dans ce cas, l’article 16.3 de la convention type exclut le droit à indemnité pour l’exploitant.

Notons que la convention type prévoit que le port autonome puisse effectuer des prestations de services à la demande de l’exploitant. Une convention particulière est alors conclue. Elle précise les modalités et conditions de fourniture de ces prestations. L’objet de

90 CE 11 décembre 1957, sieurs Buffière et autres – Rec. p.666

91 « Le régime d’exploitation de terminal dans les ports maritimes : un progrès significatif », R. Rézenthel

Journal de la Marine Marchande du vendredi 4 août 2000, p. 1460

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Lamy manutention, Activités de manutention, Régimes spéciaux, Section IV, n° 545-63

93 Art. 3.1 « L’exploitation technique et commerciale du terminal » de la convention type d’exploitation 94 La liste des terrains et terre-pleins indiquant leur superficie et leur nature publique ou privée ainsi que la liste

des aménagements et celle des outillages sont annexées à la convention

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32 cette disposition, prévue à l’article 3.3 de la convention type, est de rassurer le personnel des ports maritimes autonomes qui redoutent la privatisation de l’exploitation et maintenance des outillages publics. Juridiquement non contestable, cette disposition ne doit cependant pas aboutir à créer un abus de position dominante en créant un état de dépendance économique à l’égard d’une entreprise cliente qui ne disposerait pas de solution équivalente.

L’innovation principale de la CET est le rééquilibrage des pouvoirs entre autorité publique et exploitant de terminal et son évolution vers un véritable contrat synallagmatique.

Pour une gestion optimisée, l’opérateur est libre de choisir les membres de son personnel. La seule exception notoire à la règle est l’obligation faite à l’autorité portuaire, ou à l’opérateur qui succède à l’exploitation, de maintenir le personnel du terminal dans ses fonctions à l’expiration de la convention d’exploitation ou dans le cas de son retrait. Cette apparente restriction à la liberté de l’opérateur a pour but d’assurer la protection des droits du personnel et de permettre au nouvel opérateur de se retrouver dans la même situation que son prédécesseur vis-à-vis des charges salariales.

S’agissant de la stratégie commerciale et de la politique tarifaire, l’opérateur de terminal a aussi un large pouvoir de décision.

Les conditions tarifaires de la mise à disposition des outillages publics sont déterminées par la CET96. Les montants, les conditions de versement et les conditions de révision sont fixés selon des modalités propres à chaque convention d’exploitation et ce par dérogation aux articles R. 115-15 à R. 115-8 du Code des ports maritimes, applicables aux outillages publiques concédés ou affermés ainsi qu’aux outillages privés utilisés dans le cadre de l’obligation de service public.

La CET implique un commandement unique du terminal. L’idée est que l’opérateur doit pouvoir disposer du pouvoir de gestion de l’ensemble des activités du terminal et de tous les personnels. Bien que la CET ne règle pas la question du transfert de total des agents de conduite et personnels de maintenance des ports vers les entreprises de manutention, elle représente un « modèle convenable pour engager la modernisation et la compétitivité de nos

ports »97.

Dans cette logique renouvelée des contrats d’exploitation, l’occupation du domaine public a elle aussi été assouplie. Il est désormais possible pour l’exploitant de prendre

96 Art. 11.2 de la convention type 97

33 l’initiative de résilier le contrat, sous réserve de respecter un préavis de trois mois et du versement d’une indemnité à l’autorité portuaire. Dans le même sens, l’article 20 de la convention type prévoit qu’en raison de la nature essentiellement commerciale des relations entre l’opérateur et l’autorité portuaire, un recours à l’arbitrage pourra être décidé. Cette disposition fait entrer la transaction dans les relations entre l’autorité portuaire et l’opérateur de terminal.

La CET est un instrument juridique que l’on pourrait qualifier d’ « équitable », en ce sens qu’il fait entrer une nouvelle logique contractuelle dans les relations entre l’autorité portuaire et l’opérateur, laissant place à une conception renouvelée du partenariat public/privé. Partant, elle permet une plus grande responsabilisation des acteurs98.

La question majeure qui se pose à présent est celle de savoir si la CET constitue une délégation de service public.

D’un point de vue formel, on notera que l’article R 115-7-III du Code des ports maritimes évoque uniquement le terme de « domaine portuaire », ne distinguant pas entre le domaine public et le domaine privé et ne maintenant les obligations de service public que pour les outillages privés. La domanialité ne semble plus se justifier.

Autre élément, l’absence de visa de la loi du 29 janvier 1993, dite « Loi Sapin », dans le décret de 2000 approuvant la convention type d’exploitation de terminal99. L’octroi d’une autorisation d’exploitation de terminal paraît dispenser d’un appel d’offre, comme c’est d’ailleurs le cas des autorisations d’occupation temporaire qui n’impliquent pas l’exploitation d’un service public.

La référence au service public semble avoir été volontairement omise dans la CET. Il faut donc considérer que l’exploitation de terminal sous CET est une activité purement commerciale.

La CET démontre qu’elle est un nouvel instrument juridique d’avantage conforme aux réalités du commerce. En cohérence avec la jurisprudence du Conseil d’Etat qui met en avant la liberté du commerce et de l’industrie et le droit de la concurrence que le gestionnaire de l’autorité portuaire doit s’engager à respecter100, elle semble aussi fortement s’inspirer du

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Intervention de Mme Claire Merlin-Merrien, Directrice des Affaires Juridiques du Port Autonome de Marseille, colloque INFO DROIT organisé par l’IMTM du lundi 23 juin 2008

99 La CET reste soumise à la procédure d’instruction du Code des ports maritimes et devront être appliquées les

procédures relatives aux travaux portuaires, article L 155-1 et sv du Code des ports maritimes

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34 droit communautaire, selon lequel, la manutention n’est pas considérée comme un service d’intérêt économique et général101.

B. Les limites à l’innovation

La naissance de ce nouveau contrat ne fait pas pour autant table rase du passé. Plusieurs des limites classiques à l’occupation du domaine portuaire imposées à l’exploitant se retrouvent dans la CET. Il faut ajouter à cela, un ensemble de réserves émises par la doctrine quant à la viabilité de ce contrat sur le long terme.

1. Les limites classiques des conventions d’occupation du domaine public

Comme toute occupation du domaine public, la CET a un caractère personnel. L’article 3.2 dispose « L’entreprise est tenue d’exploiter directement en son nom le terminal

objet de la présente convention. Elle est tenue d’occuper elle-même et sans discontinuité les biens immobiliers dans l’emprise du terminal ». L’opérateur qui confie à un tiers une partie de

l’exploitation du terminal, demeure tenu par les obligations imposées par la convention envers le port et les tiers. La cession totale ou partielle de l’exploitation exercée par l’opérateur de terminal n’est possible qu’avec l’accord du port, sous peine de résiliation du contrat. L’exploitant de terminal informera le port de tout changement dans sa situation susceptible de modifier le contrôle de l’entreprise102.

De la même manière que pour les concessions d’outillage public, l’article 7 de la convention type impose, pour la réalisation de travaux de rénovation, modification ou renouvellement des terre-pleins, aménagements et outillages mis à disposition, l’accord préalable de l’autorité portuaire. Les modalités de financement sont prévues par la convention. L’exécution des travaux est également soumise à l’accord du port103.

Concernant les dépenses d’entretien des terre-pleins, aménagements et outillages, la convention type détermine lequel de l’opérateur ou de l’autorité portuaire en supportera le coût et dans quelle mesure. Les responsabilités de chacun des cocontractants en dépendront.

101

R. Rézenthel « Le régime d’exploitation de terminal dans les ports maritimes : un progrès significatif », Journal de la Marine Marchande du vendredi 4 août 2000, p. 146 ; CJCE 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova Spa, aff. C-179/90, Rec. CJCE, I, page 5889

102 Au sens de l’art. L. 233-3 du Code de commerce 103

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