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Les ZHUN : chronique d’un échec annoncé

Chapitre II : Les ZHUN, genèse insouciante de grands ensembles problématiques problématiques

2.1. Les ZHUN : chronique d’un échec annoncé

Un rappel historique est indispensable pour comprendre la conjoncture de crise dans le domaine de l’habitat qui a conduit à la construction massive des grands ensembles et le recours à l’industrialisation du bâtiment.

La contradiction entre le type d’habitat traditionnel et le logement de type « appartement » apparaît comme une rupture définitive introduite à Alger dés 1830.

Plus tard les systèmes de construction élaborés en France suite à l’expérience acquise après la reconstruction de la deuxième guerre mondiale furent définitivement choisis pour la réalisation des grands ensembles en Algérie.

Ces années de développement à grande échelle, dominés par l’esprit de défi, ne sont pas étrangères à l’histoire récente du pays ; l’ultime expérience accomplie par l’Algérie remonte à la veille de l’indépendance, au fameux programme de reconquête du plan de Constantine.

Ce plan d’urgence témoigne de la disponibilité d’un modèle de production du logement pour le plus grand nombre qui sera repris après l’indépendance pour faire face à une pénurie de logements sans précédent dans l’histoire du pays.

2.1.1. L’habitat dans l’Algérie coloniale

A cette période, des ruptures et des transformations s’opèrent tant sur la société et son espace que sur son économie. Aux villes à structures traditionnelles se greffent de nouvelles expressions du cadre bâti, c’est le début de l’implantation de centres urbains importants et de centaines de villages coloniaux.

Ce contexte urbain croit rapidement et les structures urbaines existantes ainsi que le patrimoine traditionnel s’avèrent insuffisants pour contenir le flux migratoire vers les villes auquel s’ajoute la progression démographique.

« ….suite au développement anarchique de certaines villes et notamment Alger, la municipalité crée en 1933 un service chargé d’établir un plan de coordination couvrant les territoires d’Alger et de treize communes périphériques, des études sont entreprises en 1937. Entre 1945 et 1949 une politique des grands ensembles est mise en place pour faire face à cette croissance urbaine très rapide, la municipalité d’Alger a fondé en 1954 l’agence d’urbanisme (A.U) afin qu’une meilleure organisation soit définie »58

2.1.2. Avènement de l’architecture standardisée

Dans le cadre urbain complexe de la période 1948-1954, le groupe CIAM Alger dirigé par Le Corbusier en collaboration avec d’autres architectes natifs du pays, développe des projets urbanistiques basés sur les principes du mouvement moderne , « (…….)ces projets se

distinguent par une approche résolument fonctionnaliste basée sur les ratios et les grilles

58

d’équipement en accordant une place de premier choix à la planification des réseaux, notamment de transport. »59

Désormais, l’on privilégiera la quantité, et les projets se concentreront sur la normalisation, la standardisation de l’habitat social et de ses équipements d’accompagnement. La nécessité de produire de grands ensembles et des logements pour le plus grand nombre sur la base de plans types dans des délais très courts et à des prix très bas mettra fin à toute velléité de recherche architecturale.60

Cependant, cette politique a suscité de grandes controverses et quelques mouvements de résistance, par la réalisation à contrecourant du groupe CIAM, d’une architecture méditerranéenne s’inspirant de traditions locales considérée comme une alternative au rigorisme du mouvement moderne.

Figure 9 : La cité Diar El Mahçoul. Source :Venis.B Figure 10 : La cité Diar Essaada. Source :Venis.B

En effet, dans la cité Climat de France réalisée en 1954, l’architecte Fernand Pouillon conçoit la ville comme un réseau d’espaces publics aux ambiances différentes auxquels il doit donner une forme, les immeubles doivent être disposés de façon à définir ou à contribuer à définir un espace public, de fait la perception de l’immeuble et celle de l’espace public se confondent et s’harmonisent.

59

SAIDOUNI.M, op.cit. , p.203.

60

FOURA.Y. Typification, standardisation et homogénéisation des logements et ensembles d’habitation : l’impact

sur les permanences, les modèles culturels et l’habiter. Doctorat en Architecture et Urbanisme. Constantine :

L’on propose une succession d’espaces urbains hiérarchisés au moyen de parcours et de longs axes piétonniers, ainsi qu’une grande place (la place des deux cents colonnes) où convergent diverses activités.

Figure 11 : La cité Climat de France, Bab El Oued, Pouillon. Source : Venis.B

Cette cité possède une diversité d’espaces urbains et une cohérence entre l’espace bâti et l’espace public absolument remarquables.

Dans le même esprit, dans la cité La Concorde réalisée en 1956 à Alger, les architectes Daure et Beri créent une ambiance urbaine qui s’exprime par une extrême hiérarchisation des espaces extérieurs ainsi que la séparation des circulations mécanique et piétonne.

Figure 12 : La cité La Concorde, Birmandrais. Source : Venis.B

Le bâti est implanté de manière à former un espace public délimité permettant ainsi une diversité dans le traitement et l’utilisation de l’espace.61

2.1.3. Le plan de Constantine : un dessein politique

61

« Toute opération d’une certaine envergure d’habitat, d’équipement industriel ou social, réalisée entre 1958 et 1962 découle du plan de Constantine »62

En 1958, dans une ultime tentative d’étouffer dans l’œuf les velléités d’indépendance de l’Algérie, un plan de développement économique et social d’envergure a été mis en place : le plan de Constantine, « …l’état Français décide la réalisation de 220.000 logements en milieu

urbain et 110.000 en milieu rural, cette opération devait s’échelonner sur une période de cinq ans, elle était inscrite dans le cadre du plan de Constantine de 1959 et 1963 ».63

Des décrets ont été promulgués pour mettre en place des plans directeurs reposant sur des normes coercitives et des modèles urbains ségrégatifs concrétisés par l’application de plans types standardisés dans tout le territoire, une normalisation à grande échelle ainsi que la pratique du zoning.

La démarche traditionnaliste visant à préserver le caractère urbain reposant sur l’ilot au détriment d’unités d’habitations entourées d’espaces verts a été remise en cause par les architectes modernes algérois, les services d’état ainsi que les bureaux d’études responsables de l’application de ces plans.

La démarche poursuivie par les bureaux d’études d’état dans leur application du plan de Constantine consistait à privilégier la conception du plan masse et une architecture basée sur des éléments répétitifs en optant pour l’architecture « en blocs d’habitat constitués de barres

(horizontales) ou de tours (verticales) trouvant en Algérie écho dans les courants esthétiques modernes sensibles aux formes pures, simples et abstraites. »64

Dans ce programme, la concentration est la règle, la réalisation des grands ensembles domine, mais leur production fait désormais appel à des procédés de construction de plus en plus normalisés : il faut construire dans des délais courts et à moindre cout. Les options quantitatives sont déterminantes, au détriment de la qualité.

« L’immeuble dit être long et mince, en faveur des chemins de grues (……..)L’immeuble a 6

niveaux, un escalier dessert 48 logements (……..)Le logement est de trois pièces et de 40m²…….. »65.

62

DELUZ.J-J. L’urbanisme et l’architecture d’Alger, aperçu critique, Wavre : Mardaga, 1995, p.161.

63

BENATTA.F, op. cit., p.96.

64

OUAGNI.Y. Algérie, les signes de la permanence. Rome : Centro analisi progetti, 1993, in Les cahiers de

l’EPAU, n°7-8, Octobre 1998, p.95. 65

La cité La Montagne représente une parfaite illustration de l’habitat dit adapté aux populations musulmanes avec ces 2000 logements ‘’formule économique’ divisés en 500 unités «collectif » et comprenant bains publics, mosquées ….. .etc.

Le cas de la cité La Concorde à Birmandrais –citée plus haut-comprenant 1064 logements est également un type d’habitations

Figure 13 : Une des barres de la cité les Dunes, El Harrach. Source Righi. K.

s’adressant aux populations algériennes. D’autres cités semblables ont été érigées telles que les Dunes construite en 1959 avec ces 840 logements à El Harrach, cette cité est composée de deux barres s’élevant sur douze étages et s’allongeant sur 350m.66