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Teisseire: la concertation au cœur de l’action

Chapitre III : La résidentialisation : référent actuel des opérations de renouvellement urbain renouvellement urbain

3.5. La résidentialisation en actions :

3.5.1. Teisseire: la concertation au cœur de l’action

La requalification de la cité Teisseire à Grenoble est une référence pour qui évoque le sujet de la résidentialisation. Référence par son ampleur, référence également par son statut expérimental. Il serait réducteur cependant de s’arrêter à ce seul aspect car, si les unités résidentielles sont une composante essentielle du projet Teisseire et si leur impact sur les modes d’habitat est direct, elles ne prennent leur valeur qu’en tant que composantes d’un programme global qui agit tant sur les processus au long terme de constitution de la ville que sur une amélioration rapide du cadre de vie.

Les chantiers qui se suivent depuis 1998 et qui se poursuivront jusqu’en 2010 répondent aux enjeux immédiats. « Le projet révélera cependant toute sa dimension dans quinze ou trente ans,

lorsque sera consommé l’objectif de rompre avec le statut d’exception du grand ensemble et que le quartier entrera dans le rang de la ville banale, celle qui évolue et se construit dans la durée »138

3.5.1.1. Le lancement du projet de renouvellement urbain

137

Id. p.101.

138

COPPE.G. « Autour de Teisseire : un projet qui s’inscrit dans la durée », in GEOFFROY.G, ODDOS.E, op.cit., p.77.

C’est en s’appuyant sur ses atouts qu’en 1995, la municipalité décide de transformer Teisseire, les réhabilitations successives avaient montré leurs limites, les institutions se sont donc obligés à inventer. L’OPHLM139 est rapidement partie prenante du projet municipal.

La démarche de conception se décompose en trois étapes :

 En 1996, la ville s’assure les services du cabinet Arpenteurs, spécialisé dans la conduite de dynamiques participatives, pour établir un schéma directeur ainsi que des recommandations urbaines et sociales ;

 En 1997, à partir de ce schéma directeur, trois équipes d’urbanistes élaborent des programmes de renouvellement urbain via trois marchés de définition. La proposition de l’atelier Panerai est retenue ;

 A partir de 1997et à la suite de marchés de définition, la ville de Grenoble confie une mission d’études et d’assistance à maitrise d’ouvrage à Philippe Panerai. Il a pour tache de concevoir le projet de restructuration et de piloter sur le long terme la réalisation. Le projet est complet : logements, équipements, commerces, espaces publics, toutes les composantes son traitées. P. Panerai assure la charge d’urbaniste en chef, garant dans le temps de la cohérence d’ensemble.

3.5.1.2. Caractéristiques du projet :

Lancer une nouvelle opération de réhabilitation ne paraissait pas suffisant au regard des enjeux. Le mode de travail adopté permet de remodeler le quartier en une dizaine d’années mais également de manière durable. A cette fin, Ph. Panerai a reconstitué, immeuble par immeuble, un parcellaire, qui dans l’immédiat comme à l’échelle des décennies, favorise l’évolution urbaine par substitution. La création d’unités résidentielles représente l’aboutissement du processus de réflexion autour du projet et non son préalable. Le moyen est ainsi donné à Teisseire de sortir du statut d’exception que lui conférait sa morphologie foncière pour se transformer par strates, à l’instar de la ville ‘’banale ‘’. En effet, l’objectif premier n’était pas de résidentialiser mais « que

le grand ensemble entre dans le droit commun et se fonde dans la masse de la ville »140, le projet

s’est structuré autour de quelques grandes idées directrices.

139

Office Public de l’Habitat à Loyer Modéré

140

PANERAI.P, De la cité au quartier, Rapport final de l’étude de définition, Mars 1998, in GEOFFROY.G, et al. ,

Figure 16 : Le fil Vert. Source : Plan local d’urbanisme /Ville de Grenoble.

Figure 17 : Principes de la résidentialisation de l’ilot des Buttes à Teisseire, Grenoble.

Source :Panerai.P

Réorganiser la trame viable en ouvrant de nouvelles rues permet de retrouver les principales directions qui orientent la ville du nord au sud et de créer des liaisons vers les quartiers limitrophes. Les matériaux et le mobilier urbain sont les mêmes que ceux du centre ville : bordures en calcaire, trottoirs en enrobé ou en chape de béton, bancs, fontaines….inscrivent Teisseire dans la norme Grenobloise. Teisseire est de plus traversé par le Fil Vert. Ce cheminement pour les piétons et les cycles, protégé de la circulation automobile. L’implantation des nouveaux équipements est définie de manière à conforter cet esprit d’ouverture.

La transformation des espaces extérieurs est l’occasion de clarifier les limites et les échelles. Le continuum indifférencié est remplacé par une succession d’espaces qui peuvent être nommés : place, jardin, square ou cœur d’ilot sont clairement délimités et dotés d’une forme identifiable. Leur statut devient pleinement public grâce également à la création, en regard, de parcelles privées : les unités résidentielles. Elles associent à un immeuble autonome des places de parking, un jardin collectif à destination de l’ensemble des locataires et des jardins individuels à destination des appartements du rez-de-chaussée. Elles sont délimitées par un muret surmonté d’une grille de ferronnerie ; mais l’entrée est libre, sans portail. Elles permettent « d’arriver chez

soi avant le logement » pour reprendre les termes de Ph. Panerai. La clôture est symbolique et

l’appropriation et en clarifiant les usages, grâce à la définition systématique des limites entre ce qui appartient à tous et ce qui relève du domaine des résidents.

Au delà d’une relation à la rue remodelée grâce aux unités résidentielles, les logements sont l’instrument d’une politique de fond pour accroitre la diversité morphologique et sociale du quartier. Afin d’éviter les actions brutales, parti est pris de démolir le moins possible. Les démolitions ne dépassent pas donc 20% du parc et sont réservées aux impératifs de maillage urbain. Par ailleurs, la réhabilitation des logements est systématique : extensions de cuisine, création de terrasses, changement de menuiseries, réfection des enduits sont autant d’améliorations du confort et de l’image du chez soi. Les constructions neuves permettent d’introduire de nouveaux types bâtis à Teisseire comme des petits collectifs de quatre ou dix logements, ou des maisons familiales en bande. Certaines opérations sont mises sur le marché de l’accession aidée ou de l’accession libre de manière à attirer une population nouvelle.

La diversification de la population est encore renforcée grâce à une opération connexe, la ZAC Teisseire/Jeux Olympiques qui, outre un parc d’un hectare, accueille 320 logements en accession à la propriété et 80 logements sociaux. .

3.5.1.3. La participation des habitants :

La dialogue public avec les habitants en direct ou avec des structures représentatives comme les unions de quartier est bien ancrée dans les pratiques communales à Grenoble. Aussi, la concertation est-elle restée une préoccupation constante tout au long de la mise en œuvre du projet Teisseire, selon des modalités qui ont évolué au fil des années.

La genèse du projet en 1996-98, s’appuie sur un état des lieux établi à partir des paroles des habitants.

Les années 1998-2001 constituent une première phase d’information autour du projet retenu. Cette période est accompagnée d’initiatives habitantes et associatives foisonnantes, notamment la création d’un théâtre forum et la réalisation d’un film. Un cabinet spécialisé a été recruté pour conseiller et aider la ville à bâtir un dispositif d’information –concertation. Plusieurs outils sont mis au service de cet objectif :un journal présentant l’avancée du projet urbain, des panneaux de 4m de large diffusant sur l’espace public les images des futures réalisations ,un logo identifiant tous les documents relatifs au projet urbain, et un local spécifique offrant aux habitants un lieu de dialogue avec les techniciens qui assurent des permanences. Les lieux de rencontre et de discussion autour du projet prennent des formes variées : du pied d’immeuble au site du chantier ou à la salle de réunion, habitants, associations et professionnels du quartier rencontrent plusieurs fois les élus et les techniciens pour un même projet.

C’est au cours de ces deux premières années que se dessine, à partir des enseignements de ces initiatives, un dispositif d’information et de concertation pérenne.

Depuis 2001, le dialogue est plus structuré et se recentre sur des modalités précises, modulées en fonction de l’échelle du projet en cours. Une année environ avant le démarrage des travaux de chaque immeuble, une enquête sociale est menée porte à porte en vue de recueillir les attentes des habitants sur la réhabilitation de leur logement. De trois à cinq rencontres sont ensuite organisées à l’échelle de chaque immeuble pour présenter le programme de réhabilitation et de création de la future unité résidentielle. Les réunions à l’échelle de l’ilot (regroupant de quatre à sept immeubles) traitent de la mise au point de l’aménagement des espaces publics de proximité. Enfin une grande réunion fait le point deux fois par an sur l’avancement des travaux de l’ensemble de Teisseire. La ville et les bailleurs organisent ces réunions en étroite collaboration. A partir de 2005, les enjeux de gestion de la résidentialisation impliquent une montée en charge du rôle des bailleurs dans la participation. Au-delà de la question du remodelage des espaces, la requalification de Teisseire est en effet un projet de gestion. Crée des unités résidentielles d’un coté et des espaces publics identifiables comme tels de l’autre, permet de clarifier les responsabilités respectives des bailleurs et de la ville.

Une douzaine d’années aura été nécessaire pour renouveler physiquement Teisseire. Au fil du temps la cité est entrée dans le fonctionnement banal de la ville. La sécurité et l’agrément retrouvés des espaces publics et le témoignage des habitants, constituent les premiers indices d’une réussite.