• Aucun résultat trouvé

Voyage identitaire : proposition d’une définition

PARTIE I : APPROCHE CONCEPTUELLE DES NOTIONS D’IDENTITE, DE VOYAGE ET DE LIEU

CHAPITRE 3 : PERSPECTIVES POUR L’AN PROCHAIN

III. Voyage identitaire : proposition d’une définition

Par confrontation avec soi, nous entendons tout ce qui peut amener l’individu à s’apporter des réponses concernant sa quête et de lui permettre d’avancer dans son voyage de manière active. Se confronter avec soi c’est se rapprocher davantage de ses envies conscientes et inconscientes et comprendre mieux le sens du monde qui nous entoure. Il s’agit là de comprendre le sens de sa propre vie. Dans le cas où un individu en quête identitaire fait un voyage on peut parler de quête identitaire à travers le voyage. Nous avons donc, lors d’entretiens qualitatifs demandé aux experts ce qu’ils en pensent de la notion de voyage identitaire et est-ce que cela fait sens pour eux ?

1. Le regard des experts sur la notion

Les avis concernant l’existence de voyage identitaire son extrêmement différents les uns des autres, nous n’avons pas deux fois recueillis les mêmes témoignages. Notre sociologue nous a confié que pour elle tous les voyages sont forcément identitaires mais finalement nous a donné une définition, selon elle il s’agirait « Un voyage identitaire ce serait un voyage qui aurait pour fonction je dirais la quête de soi. ». Quant au psychologue, il ne trouvait pas la notion très précise et préfère parler de quête identitaire à travers le voyage. Pour notre expert en voyage, la quête identitaire est avant tout et surtout retourner sur les traces de son passé. Pour notre voyageuse Karine, le voyage identitaire peut-être employé mais tous les voyages ne le sont pas. Au vu des différences de réponses que cette question a suscité, si nous voulions nous référer à la notion de voyage identitaire, il convenait de faire une définition dans un premier temps.

2. Proposition d’une définition.

Au vue de tout ce que nous avons étudié jusqu’à présent, il nous semble clair que la notion de voyage identitaire tient la route. On parle d’une quête de sens dont le voyage est le support. La raison pour laquelle on parle de voyage identitaire et non pas de quête identitaire à travers le voyage est que comme nous l’avons vu il s’agit d’une expérience qui fait de l’individu l’acteur principal d’une recherche de sens.

78

Le voyage identitaire serait alors : Un voyage permettant de s’extraire du reste du monde, de la société, du regard qu’elle nous porte et du temps qu’elle nous impose. L’objectif est d’apporter des éléments de réponse quant à son identité individuelle, le mouvement géographique permet l’accès à des lieux ayant valeur symbolique pour l’individu et permettant une confrontation avec soi. Ce voyage est une quête active et suppose une valeur didactique.

Le voyage identitaire est donc très similaire au voyage initiatique mais en diffère tout de même par l’absence de la dimension sacrée du voyage et l’ajout de la valeur didactique qui, pour SIMONE VERNE, était aux antipodes de l’initiation. Nous allons expliquer les mots en gras de la définition :

S’extraire du monde, il s’agit de chercher une solitude de retrait quelque part entre

l’initiation et la défensive. Nous parlons d’un individu qui souhaiterait se soustraire au monde à la fois pour se retrouver seul mais aussi pour ne pas être avec les autres. Nous pourrions penser qu’il s’agit là de la même chose, mais l’une est une démarche dont le point de départ est Soi et l’autre le point de départ est l’Autre. Ici l’individu est confronté à un double élément déclencheur de voyage identitaire : le premier est le manque d’information sur soi, qui il est, ce qu’il veut, quelle est sa place. Le deuxième est un sentiment d’incohérence provenant d’un déséquilibre entre une identité individuelle floue et une société omniprésente qui impose des normes, des valeurs et des règles.

Des éléments de réponse, on parle bien ici de la question « qui suis-je ? » et toutes les sous-

questions qui en découlent. En effet, que ce soit avec la théorie d’ERIKSON ou encore la philosophe cartésienne, l’identité suppose une capacité à s’apporter des éléments de réponse aux questions visant à s’auto-définir. Les ruptures identitaires surviennent au moment où l’individu perd ses repères identitaires, soit parce qu’ils sont obsolètes d’une manière ou d’un autre (évènement traumatisant, entrée à la retraite etc..), soit parce qu’ils sont jusque-là inexistants (exemple de l’adolescent qui ne s’est jamais encore posé la question), ou encore parce qu’ils sont impossibles à concilier aux autres (ne correspondent pas aux attentes de l’Autre).

79

Des lieux à forte valeur symbolique, on entend par là des lieux qui ont du sens pour le

voyageur et susceptibles de leurs procurer des émotions et une confrontation avec soi. On parle dans cette recherche d’endroits naturels car ils permettent cette confrontation avec soi et ont des vertus particulières, mais ils ne sont pas forcément les seuls sites concernés : les lieux de mémoire le sont aussi, les lieux d’enfance, les traces de nos ancêtres etc. La seule condition concernant le lieu est qu’il permet une confrontation avec soi, c’est pour cela qu’il se n’agit probablement pas d’un lieu fortement peuplé puisque sinon on ne serait pas en train de s’extraire au monde.

Confrontation avec soi, permettre cette confrontation c’est aborder d’une manière inédite

ou différente les parties de soi jusqu’à la mise à l’écart. Selon la conception freudienne de l’inconscient nous pourrions même parler d’envies et de désirs refoulés auxquels nous ferions désormais face. Se confronter avec soi, c’est se regarder sous un autre angle, découvrir qui on est. Malgré l’idée de s’extraire au monde, la rencontre avec l’Autre sera inévitable, puisque se construire signifie en d’autres termes se différencier ou s’assimiler.

Quête active, nous ne reviendrons pas sur la définition de quête. En revanche l’adjectif

qualificatif active souligne le fait que l’individu ne fait pas que se laisser porter au gré du destin dans des aventures imprévues. C’est ce qui fait que tout voyage, n’est pas forcément identitaire, ici le voyageur s’interroge et se défini à chaque étape de son parcours. La voyageuse que nous avons interrogée a souligné être dans une quête active d’identité.

Valeur didactique, cela ne faisait pas sens de ne pas l’intégrer à la définition. On parle de voyage qui forme la jeunesse mais pas seulement. L’individu n’étant pas passif il va s’essayer

à de nouvelles choses et apprendre à chaque moment. Nous ne pouvons pas nier la valeur didactique du voyage car l’inconnu est nouveau et chaque élément que nous ne connaissions pas, chaque chose que nous ne savions pas faire et chaque moment que nous n’avions pas encore vécu, sont témoins du chemin parcouru inévitablement au cours du périple.

Comme nous avons pu le voir, le voyageur est en quête d’identité individuelle mais comme tout humain sa place parmi les autres est importante, et l’hypothèse selon laquelle l’individu est en quête de société idéale ne s’oppose pas à la quête d’identité individuelle et la volonté

80

de s’extraire aux autres. Il s’agit en fait de se soustraire à l’Autre pour mieux l’intégrer et en ce sens aussi le voyage identitaire est similaire au voyage initiatique.

3. Proposition d’un parcours type

Ce voyage identitaire ne peut évidemment pas se traduire par un seul et unique parcours puisqu’il s’agit d’une démarche personnelle propre à chacun. Toutefois, maintenant que nous lui avons attribué une définition nous pouvons, sous forme de schémas recenser ses grandes étapes.

Figure 4 Monzo, 2020, Les étapes du voyage identitaire

Etape 1 : Cette étape est relativement floue car elle peut survenir dans la vie d’un individu à la suite d’un long mal-être inconscient. Il ne s’agit pas du moment où l’individu perd le sens de ses actions et ses repères identitaires, mais du moment où il s’en rend compte. Parfois, l’individu commence à travailler sur soi, sur ses questions identitaires.

Etape 2 : C’est le moment ou l’individu décide d’avoir recours au voyage identitaire pour y répondre. Souvent cela apparait comme une nécessité, un choix évidant presque instinctif pour le voyageur. Il va commencer à imaginer, préparer, préméditer son voyage.

Etape 3 : C’est le départ, le déplacement caractéristique du voyage. Le désormais voyageur se soustrait à son environnement de base. Cette étape relève de la recherche de solitude

81

initiatique et comme notre définition de voyage identitaire ne sous-entend pas de durée ni même de retour, il n’est parfois pas clair dans l’esprit du voyageur le moment où il va revenir, ou même parfois, il ne sait pas s’il va revenir.

Etape 4 : C’est l’épreuve du lieu dont nous parle Régis AIRAULT dans son livre, le voyageur prend contact avec son nouvel environnement. Le lieu en question est souvent un lieu naturel pour les raisons évoquées précédemment. Dans l’esprit actif de cette démarche identitaire le lieu doit permettre une confrontation avec soi. Il peut y avoir plusieurs lieux, le voyageur ne reste pas forcément au même endroit.

Etape 5 : Le cercle symbolise le voyage intérieur et l’étape 5 correspond au moment où le voyageur éprouve, expérimente tout ce que son voyage lui permet de vivre tout en recherchant activement des réponses à ses questions.

Etape 6 : L’étape de la fin. C’est le moment où le voyageur s’estime satisfait de ce qu’il a vécu et témoigne d’y voir suffisamment clair pour retourner dans un endroit qu’il définira comme sa maison. Le voyage identitaire n’a pas de durée particulière car si c’était le cas il serait normé et ça serait du tourisme, toutefois il doit absolument y avoir une fin, car sinon, il s’agirait d’une sorte d’errance que nous expliciterons en chapitre 3.

Voici la manière dont nous concevons le voyage identitaire et la définition que nous proposons ici.

Nous avons également vu comment et en en quoi les lieux de nature peuvent être privilégiés pour les individus en quête identitaire, que ce soit par l’intermédiaire de l’expérience de solitude. Ce chapitre ce conclue sur cette notion de voyage identitaire qui va être utile pour la suite du raisonnement en chapitre 3.

82

Chapitre 3 : Hypothèse 3 : Le Voyage identitaire présente des

risques non négligeables

Après tout ce que nous avons vu dans les deux chapitres précédents il aurait été sous- entendu de préconiser le voyage en cas de confusion identitaire. Sauf que ce n’est pas aussi simple que cela. Nous allons à travers ce chapitre analyser des exemples de risques encourus par le voyageur, et par la même occasion, les limites du voyage comme support de construction identitaire.