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LA VOLONTÉ D’ORGANISER DES JOURNÉES

Conclusion partielle

I.1 L’ORIGINE DE L’ÉQUIPE DE NÉGOCIATION COP

II. De New York à l’été 2015, la création du Plan d’Actions Lima-Paris

II.4. LA VOLONTÉ D’ORGANISER DES JOURNÉES

Dans cette partie, nous allons mener une réflexion sur la question de savoir pourquoi les acteurs qui revendiquent agir pour le climat sont persuadés que l’influence qu’ils peuvent avoir dans ce domaine passe par le fait d’organiser des journées sur ces sujets. C’est en effet une idée répandue parmi les porteurs d’initiatives contre le réchauffement climatique et les réseaux d’acteurs sectoriels. On peut citer l’exemple de SLoCaT, un réseau important d’acteurs du transport, essentiellement publics. Un des membres fondateurs de SLoCaT explique, dans l’entretien du 30 juin 2016, les objectifs qu’il défend aujourd’hui derrière la création du réseau, ainsi que les méthodes qu’il considère comme indispensables : « We set this up in 2009, and the idea was really like : «  how do we influence global policies on

sustainable development and climate change ?  » So we discovered that if you want to be effective in this context, in terms of climate change, you need to be active in the COPs, (…) and then it’s clear that if you’re able to work closely with the COP presidency, eventhough your work is focusing on non state actors, that it’s more likely that you would be able to be influential. »

Les acteurs de l’équipe et les porteurs d’initiatives sont a fortiori persuadés que le fait d’organiser des journées était un bon moyen de faire peser dans la balance l’action climatique portée par des acteurs non étatiques. Aucun acteur n’a évoqué lors des entretiens une alternative à ces journées.

L’action pour le climat a sans doute besoin d’être communiquée, au grand public et aux partenaires de l’action climatique comme les équipes gouvernementales ou les ONG. Cependant, le fait que les acteurs organisent des «  journées  » en les considérant comme principal vecteur de leurs actions nous questionne sur ce point que les acteurs semblent considérer comme évident. Comme on l’a vu au paragraphe précédent, les têtes pensantes de certains réseaux d’acteurs qui organisent des «  side-events  » durant les COP considèrent que c’est le meilleur moyen d’être «  influent  » sur les questions de politiques environnementales. Il s’agit de réseaux de lobbying qui œuvrent via la sphère publique pour étendre leur influence auprès des négociateurs.

D’autre part, il s’agit aussi d’un raisonnement que tiennent les acteurs des équipes gouvernementales et des présidences de COP. L’organisation d’un Action Day à Lima en est un bon exemple. L’organisation de la séquence LPAA à Paris en est un meilleur encore. L’équipe LPAA est partie du simple constat qu’une journée à Lima ou une demi journée à New York n’étaient pas suffisantes, et a donc pris la décision d’en organiser davantage. La méthode en elle-même ne semble pas avoir été remise en question lors de la construction de la séquence. Les principes du LPAA et son fonctionnement sont certes novateurs dans le

domaine de l’action climatique, mais la manifestation que les acteurs lui ont donnée lors de la COP21 est en fait une reprise de ce que faisaient déjà les réseaux d’influence et de lobbying sectoriel auparavant.

Sans pour autant adopter une attitude prescriptive, on peut se demander quelles sont les raisons qui font que les acteurs qui participent à l’élaboration des COP utilisent l’organisation de journées pour créer leurs actions. En effet, les acteurs ne présentent pas ces journées uniquement comme des lieux d’expositions de leurs actions déjà engagées. Ces journées sont construites pour être aussi le lieu où se fait l’action, où se créent les initiatives. Un acteur de l’équipe LPAA utilise d’ailleurs, lors de l’entretien du 2 juin 2016, la formule : «  Les initiatives qui ont été lancées à Paris lors du focus, elles continuent à se

développer ». Ce constat a aussi été fait par les acteurs de l’équipe française à propos du

Sommet de New York du 23 septembre 2014. Au-delà de leur dimension d’exhibition, les acteurs intègrent donc dans les journées des objectifs de construction de l’action.

En poussant ce raisonnement, et grâce aux témoignages des acteurs, il semble même que la communication autour de ces événements soit un aspect secondaire, et que la construction et le lancement des initiatives soit ce qui importe le plus aux acteurs qui organisent ces « focus ». Comme le dit un agent de l’équipe LPAA dans l’entretien du 2 juin 2016, « En fait ça a juste cristallisé un mouvement, qui aujourd’hui ne fait que se poursuivre.

Donc qu’on ait communiqué ou pas, à mon sens ce n’est pas le plus important, c’est qu’il y a une dynamique qui s’est lancée à ce moment-là, presque inscrite dans le marbre.  » La

séquence LPAA semblait donc s’adresser, pour les acteurs, davantage à la sphère diplomatique et aux acteurs engagés sur le climat plutôt qu’au grand public, à l’exception peut-être de l’Action Day, qui lui était organisé pour mettre en avant le dispositif LPAA auprès de la « société civile ».

C’est une hypothèse qui est corroborée par le témoignage d’un acteur extérieur à l’équipe, puisqu’il travaille pour Michelin. Dans l’entretien du 30 juin 2016, l’échange suivant a eu lieu :

« Pierre Marques : J’ai eu la sensation en faisant la revue de presse sur le sujet que

la séquence LPAA avait été un petit peu moins médiatisée que ce qui était voulu au départ. Quel est votre avis là-dessus et comment vous l’expliquez si vous êtes d’accord avec ça ?

Acteur : C’est tout-à-fait vrai ! Je crois que c’est un fait ce que vous dites, mais au

fond c’est assez normal je dirais, même si on aurait, du côté LPAA, aimé que ce soit plus médiatisé. Je pense que l’objectif de CoP 21 c’était d’arriver à un accord diplomatique, à l’accord entre les gouvernements et c’est ça qui était le point d’orgue de cette CoP 21, et

objectivement il faut vraiment s’en féliciter. La partie agenda des solutions n’avait été conçue que comme finalement un élément de démonstration, je dirais même de pression… »

Pour cet acteur, la séquence LPAA organisée à Paris s’apparente clairement plus à une opération de lobbying, ou en tout cas d’influence, auprès des négociateurs de la COP. Ce témoignage fournit une analyse de la citation que l’on a vue plus haut, où l’acteur affirmait que c’était en organisant des journées lors des COP que l’on devenait influent.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que les acteurs se félicitent de leur réussite en citant notamment le fait que les négociateurs aient reconnu leur action lors de la COP. Le texte de l’Accord de Paris précise : «  Se félicite des efforts déployés par les entités non

parties afin de développer leurs actions en faveur du climat, et encourage l’affichage de ces actions sur le portail des acteurs non étatiques pour l’action climatique.  » D’ailleurs, les 92

acteurs utilisent le fait que la séquence figure dans le texte comme une preuve de la reconnaissance de leur action par les négociateurs : «  on se rend compte quand même

après coup qu’ils [les négociateurs, NdA] ont bien perçu que ça existait, ça a quand même été mis dans le texte, c’est pas le hasard. Et ce sujet de l’Action est maintenant assez bien percolé.  », témoigne un acteur de l’équipe interministérielle lors de l’entretien du 26 mai

2016.

L’organisation de journées lors des COP semble donc être une pratique reconnue parmi les acteurs, qu’ils soient gouvernementaux ou pas. Ceci ne prouve cependant pas que l’organisation de journées soit en effet un moyen de pression et d’influence efficace et intéressant pour les acteurs, mais c’est un de ceux utilisés malgré tout. En réalité, des acteurs indépendants organisent des «  side-events  » de manière classique et établie. La spécificité de notre cas réside dans le fait que le pays organisateur et hôte de la COP a cette fois-ci organisé toute une séquence de «  side-events  » en s’inspirant de la pratique habituelle des réseaux d’acteurs non-gouvernementaux.

C’est donc au travers de ces différents prismes — la conférence de Lima, la volonté d’organiser des journées, la mise en contact et le renforcement des relations avec les porteurs d’initiatives et la négociation des critères — que l’on a entrevu la construction du LPAA pendant ce que l’on a décrit comme sa première phase. Nous n’avons pas encore traité de sa concrétisation à Paris, mais cela semblait une étape préliminaire importante pour comprendre le système de valeurs du LPAA, la façon dont il est gouverné et les relations que les acteurs ont établies entre eux.

Point 118 de l’Accord de Paris adopté le 12 décembre 2015, consultable sur le site internet de la 92

III. La séquence comme une vitrine du Plan d’Actions

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