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LA PLACE DE L’ACTION DAY ET DES FOCUS DANS LA SÉQUENCE

Conclusion partielle

I.1 L’ORIGINE DE L’ÉQUIPE DE NÉGOCIATION COP

I. La construction concrète de la séquence au cœur d’une négociation multilatérale

I.1. LA PLACE DE L’ACTION DAY ET DES FOCUS DANS LA SÉQUENCE

L’Action Day, seul point imposé par le mandat de Lima, a été un point de mobilisation important au sein de l’équipe et pour les acteurs, français ou pas. L’hypothèse de travail que nous allons mobiliser ici consiste à dire que l’Action Day était l’événement de la séquence LPAA qui pouvait fournir aux acteurs le plus de visibilité, et que ceux-ci en avaient conscience. Dans l’entretien du 13 juin 2016, un agent de direction de l’équipe LPAA explique : « La conception de l’Action Day, même si je me suis beaucoup impliquée, c’était

assez cauchemardesque, parce que comme c’est devenu plus médiatique, tout le monde s’y est mis. Donc on avait l’Élysée, le cabinet de Fabius, le cabinet de Royal, tout le monde voulant être sûr que le Président, le Ministre, la Ministre soient bien au bon endroit, donc c’est devenu très délicat à gérer.  » Un autre acteur de l’équipe témoigne : «  Évidemment pour toutes les initiatives la première question c’était « est-ce que je peux être sur la scène à l’Action Day ? » Ils avaient tous vite compris que c’était l’événement qui était dans le texte de Lima. Donc il y avait quelque part une pénurie à répartir, c’était le temps de parole à l’Action Day, la présence sur la scène. » L’équipe se retrouve donc en partie dépossédée de

l’Action Day car, s’agissant d’une journée médiatisée et qui constituait le climax de la séquence, les acteurs internationaux et les porteurs d’initiatives avaient compris qu’il était souvent plus intéressant d’intervenir à l’Action Day que dans les focus organisés par l’équipe.

Le choix de la place de l’Action Day a été vu par les acteurs comme une combinaison d’une réflexion interne sur la logique au sein de la séquence et d’une stratégie menée par les acteurs par rapport à la COP21. L’Action Day était donc le lieu de l’attention de la plupart des porteurs d’initiatives au sein de la séquence LPAA, et son positionnement dans la séquence a été la cause de distensions et de négociations au sein de l’équipe et vis- à-vis de l’organisation générale de la COP. Ceci pose également la question du rôle de l’Action Day pour la séquence du point de vue des acteurs. Ceux-ci se sont demandé s’ils voulaient faire de l’Action Day un résumé ou une synthèse des focus ou s’ils voulaient créer un événement à part entière qui aurait un autre rôle…

Les acteurs de l’équipe se sont donc imposés de choisir, une fois que la séquence de huit jours était actée, le jour auquel aurait lieu l’Action Day. Les acteurs de l’équipe ont construit plusieurs possibilités envisageables pour situer l’Action Day dans la séquence et au sein de la COP21, et plusieurs points de vue se sont opposés au sein de l’équipe. Un agent de coordination de l’équipe témoigne, dans l’entretien du 26 mai 2016 : « Donc c’est

vrai que d’entrée, il y a eu tout de suite plusieurs scénarios (deux ou trois). On s’est dit « est- ce qu’on met un Action Day à la fin, on a tous les événements, et on clôt par un Action Day à

haut niveau pour se féliciter et ouvrir ? Est-ce qu’on le met au début ? » ». Un autre agent de

l’équipe explique : « On commençait à se dire que, on commençait à se faire cette réflexion

avec la venue des chefs d’États. Donc comme on parlait d’un événement à très haut niveau, ça aurait pu faire sens, proposer des choses aux chefs d’États. C’était une belle option je trouve, dommage… Ou alors on pouvait le faire entre les deux. Et puis il y avait une dernière option, que moi j’aimais bien, qui était d’avoir deux journées de l’action : une d’ouverture où il y aurait pu avoir les chefs d’États et autres, et une un peu de clôture, qui n’avait pas forcément la même finalité, la même organisation.  » Les acteurs étaient donc face à

plusieurs possibilités qu’ils avaient élaborées pour positionner l’Action Day.

Si la place de l’Action Day dans la séquence ne nous intéresse pas ici en tant que telle, il est en revanche intéressant d’observer comment les acteurs se sont mobilisés autour de cette question et les jeux de pouvoir qu’elle a engendrés. Les acteurs décrivent deux «  visions  » dans l’équipe à ce sujet, un schisme. Un agent de l’équipe LPAA qui a particulièrement travaillé sur l’Action Day explique, dans l’entretien du 13 mai 2016 : «  la

question c’était de savoir si l’Action Day c’est la synthèse de ces journées thématiques, leur point culminant, ou si ça les dépasse. Il y avait deux visions qui s’opposaient là-dessus, on a fait une synthèse des deux. À la fois une mise en valeur de certaines des plus grosses initiatives du LPAA, et en même temps c’est allé au-delà, parce qu’on a pu parler de choses qui n’étaient pas purement dans le LPAA.  » Ce témoignage nous apprend qu’il y avait

effectivement deux visions qui s’opposaient dans l’équipe, quant au rôle de l’Action Day dans la séquence et que les acteurs se sont mobilisés pour appuyer leur «  vision  ». Un agent coordinateur témoigne, dans l’entretien du 26 mai 2016 : «  C’est vrai qu’on avait je

pense deux visions dans l’équipe, on va être clair. Il y avait la vision plutôt de Laurence Tubiana qui pensait que l’enjeu c’était plutôt de mobiliser les acteurs, non-étatique notamment, donc tout ce travail sur les acteurs, les villes, les collectivités, c’est eux qui prennent les engagements complémentaires à ceux des états, et une vision qui était peut- être plus la notre, à Sylvie Lemmet, moi et Véronique Massenet, qui était plutôt (…) tournée autour de cette notion de coopération entre différents types d’acteurs autour d’engagements plus sectoriels et c’était tout le travail, on est reparti et on y reviendra aussi, de ce qu’avait fait l’équipe de Ban Ki Moon à New York. » La première vision correspond donc plus à un

Action Day au milieu de la séquence pour mettre en exergue ce qui se passait, et la deuxième était davantage portée par les acteurs qui souhaitaient un choix fort, au début ou à la fin de la séquence, dans une logique de cohérence entre les focus. Il y avait donc effectivement deux groupes dans l’équipe qui s’opposaient sur cette question-là, avec des acteurs identifiés et haut placés dans la hiérarchie de l’équipe. Ce sont eux qui avaient le pouvoir de décision sur le problème de la place de l’Action Day.

Finalement, un agent de l’équipe, travaillant particulièrement sur l’Action Day, témoigne dans l’entretien du 13 mai 2016 d’une scène précise, celle de la décision de la place de l’Action Day : «  c’était une réunion, je me souviens avec Christiana Figueres [Secrétaire Exécutive de la CCNUCC de 2010 à 2016 , NdA] et Laurence Tubiana, dans le 94

bureau de Laurence, et il y a eu cette date qui s’est arrêtée, samedi 5 décembre, dans l’esprit de dire que ça serait au milieu, parce qu’au-delà de l’enjeu pour l’Action Day, il y avait l’enjeu pour la COP. Et ça, Christiana Figueres elle était la mieux placée pour savoir la dynamique qu’il y avait pendant les COP. » La décision de la date de l’Action Day a donc été

prise au plus haut lieu de la hiérarchie de l’équipe française COP21, par un acteur qui portait l’une des deux visions et sur conseil «  d’expert  » — car c’est comme cela que sa contribution sur ce point a été perçue — de la Secrétaire Exécutive de la CCNUCC. La date finale de l’Action Day coïncidait effectivement avec la vision que les agents de l’équipe considéraient comme portée par Laurence Tubiana.

Cette décision de placer l’Action Day le 5 décembre 2015 a donc non seulement été prise au sommet hiérarchique de l’équipe, mais a même été court-circuitée par un membre de la CCNUCC. Les acteurs français souhaitaient garder le contrôle sur la séquence et défendaient ce droit de contrôle en tant que pays organisateur. Néanmoins, cette décision sur laquelle la mobilisation des acteurs était importante a été influencée par un membre de la CCNUCC. La date de l’Action Day constituait, sinon un point de discorde dans l’équipe, au moins une question sur laquelle certains acteurs se sont mobilisés pour défendre une « vision » qu’ils s’étaient faite ou appropriée quant au rôle, et donc à la date de l’Action Day.

Une autre question, liée à celle que nous venons de voir, est celle de la place de chacun des focus au sein de la séquence finale. La séquence n’a pas été fixée dans son entièreté en une seule fois, et les responsables de chacun des focus devaient composer avec le stade provisoire auquel se trouvait la séquence. Loin de se positionner dans une logique de cohérence globale, la place de chaque focus dans la séquence a résulté d’une démarche chaotique et tâtonnante des acteurs, qui devaient s’organiser en fonction des autres échéances, à la fois dans la séquence mais aussi à l’extérieur.

Par exemple, pour le focus Villes et Territoires, les deux agents mobilisés sur ce focus dans l’équipe ont dû s’organiser vis-à-vis du Sommet de la Ville de Paris, qui avait lieu le vendredi 4 décembre. Ce sommet était un rassemblement de maires du monde entier, mais qui n’était pas sous l’égide du LPAA. Il y avait donc une sensation de « doublon » dont

Source et pour en savoir plus : site de la CCNUCC : http://unfccc.int/secretariat/ 94

les acteurs se plaignaient, et la journée Villes et Territoires a dû être adaptée en fonction. De plus, d’un point de vue de la place du focus dans la séquence, certains acteurs affirment que ce facteur a eu une grande importance concernant le succès du focus. Dans l’entretien du 2 juin 2016, l’un des agents travaillant sur le focus Villes et Territoires a déclaré : « Ce qui

nous a porté préjudice, c’était l’éloignement de la date par rapport au sommet de la ville de Paris qui était le 4, et beaucoup d’élus locaux, notamment des pays assez éloignés, les pays du sud notamment, ne restaient pas jusqu’au bout. Donc ils nous disaient oui au départ, et puis au fur et à mesure qu’on avançait, on avait des désistements, donc on a eu beaucoup de changements à opérer dans la dernière semaine.  » Les focus de la séquence LPAA

étaient donc directement dépendants des autres événements qui avaient lieu dans toute la COP21 et cela a été un des biais entre l’idée que l’équipe avait de la séquence LPAA et ce à quoi elle a vraiment ressemblé. La définition du rôle et de la place de chacune des journées dans la séquence est donc un facteur qui joue à la fois sur le visage de cette séquence mais aussi sur la façon dont les acteurs se saisissent des événements.

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