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LA VOLONTÉ AFFICHÉE DE « DÉPASSER » LIMA ET NEW YORK

Conclusion partielle

I.1 L’ORIGINE DE L’ÉQUIPE DE NÉGOCIATION COP

III. La séquence comme une vitrine du Plan d’Actions Lima-Paris

III.2. LA VOLONTÉ AFFICHÉE DE « DÉPASSER » LIMA ET NEW YORK

Si la séquence LPAA ne se spécialise et n’innove pas grâce au choix du type d’événements, les acteurs de l’équipe LPAA ont pris le parti d’organiser une séquence plus imposante en termes de temps, de participants et de médiatisation au sein de la COP. Ils se différencient davantage des occurrences précédentes sur le sujet LPAA par l’ampleur de leur construction que par la forme, classique, des journées-conférences. Nous allons ici voir comment l’équipe LPAA s’est positionnée dans son environnement et a construit sa concrétisation du LPAA à Paris.

Tout d’abord, l’équipe française est forte d’un objet encore balbutiant à la conférence de Lima, le LPAA. L’équipe s’est appuyée en grande partie sur ce qu’elle avait construit lors de la première phase, de la naissance du concept à l’été 2015, pour faire émerger cette séquence. À Lima, il y avait eu un Action Day unique qui faisait office de séquence et posait les prémisses du LPAA et de la séquence que les acteurs ont organisée à Paris. L’équipe française s’est donc armée durant l’année 2015 en construisant le LPAA et est arrivée à la COP21 avec un matériau de base plus fourni et abouti que celui dont l’équipe péruvienne disposait pour préparer la COP20. Les acteurs se sont mobilisés tout au long de l’année, et pas seulement les acteurs de l’équipe française, pour, comme on l’a vu plus haut, établir et négocier les critères, sélectionner les initiatives en appliquant ces critères, rentrer en contact avec les porteurs d’initiatives, etc… Un agent de l’équipe LPAA explique : « on a notamment

tout au long de l’année dernière travaillé à la mobilisation des acteurs non étatiques : appuyer leurs événements, les rendre visibles, essayer de les orienter dans un sens particulier qui était pour nous la prise d’engagements.  » Rien que dans la construction du

LPAA, l’équipe française tranche avec l’aspect embryonnaire du dispositif lors de la COP20 en 2014.

Malgré le fait que certains acteurs du LPAA considèrent a posteriori que l’Action Day de Lima n’était pas suffisamment abouti, le texte adopté lors de la COP20 a tout de même précisé que la COP21 de 2015 devait comporter un Action Day, qui réunirait des personnalités « de haut niveau » pour mettre en avant les actions des acteurs non-étatiques sur le climat. Les acteurs se saisissent de ce «  mandat  » fait à l’équipe française pour expliquer et justifier la naissance de la séquence, qui est souvent présentée par les acteurs de l’équipe comme une «  excroissance  », une prolongation de cet Action Day obligatoire. Les acteurs expliquent que le mandat a été rendu possible par l’équipe péruvienne, déjà impliquée dans cet agenda de l’action en 2014. Dans l’entretien du 26 mai 2016, un agent de l’équipe LPAA explique : « On avait ce mandat qui venait de Lima, qu’on a quand même

poussé, surtout beaucoup le Pérou, il faut leur reconnaître ça. Ils ont fait un gros gros travail, leur Ministre a été très impliqué là-dessus.  » Un agent de l’équipe explique aussi, dans

l’entretien du 13 mai 2016 : « Le Pérou l’année dernière, il y avait un Action Day et c’était

toute la séquence. La France (…) a eu cette idée de dire qu’on allait faire quelque chose de beaucoup plus ambitieux, qu’on avait besoin de beaucoup plus de temps pour exposer toutes les initiatives, on ne peut pas faire tout ça en deux jours, il faut vraiment qu’il y ait du temps de disponible pour montrer chacune des initiatives et l’Action Day qui serait le point culminant de tout ça.  » On retrouve ici la comparaison avec Lima et le fait que l’équipe

française souhaitait réellement trancher avec la « faible ambition » de la réalisation de Lima sur l’agenda de l’action. Les acteurs de l’équipe LPAA se sont donc réellement emparés de ce mandat pour l’amplifier et exister dans la COP21.

Même si certains acteurs présentent la séquence comme a priori «  ambitieuse et étalée sur la durée de la COP  », l’étendue de la séquence sur huit jours n’a pas été imaginée tout de suite par l’équipe. D’après la directrice de l’équipe LPAA dans l’entretien du 13 juin 2016, « Je me disais qu’il faudrait qu’on fasse notre agenda de l’action sur deux ou

trois jours, je n’avais pas du tout imaginé huit jours je dois dire, je pensais deux ou trois jours avec plusieurs thèmes par journée.  » Il est possible que les trois jours auxquels on a fait

référence ici soient un héritage du Sommet de New York, où les «  action areas  » — les volets thématiques de l’époque — étaient regroupés en trois salles différentes. Les documents de travail que certains acteurs m’ont fournis confirment effectivement cette évolution de l’ambition des acteurs de l’équipe française concernant la durée à consacrer au LPAA et l’ampleur qu’ils souhaitaient pour l’événement.

Les acteurs présentent une ambition d’autant plus élevée que la séquence LPAA de la COP21 s’inscrit dans une dynamique de mobilisation importante de la part des acteurs de

négociation, puisqu’un accord « important » était attendu. L’équipe de négociation présente un effectif bien supérieur à la normale ce qui permet à la moitié de l’équipe de se consacrer à un autre sujet que celui des négociations.

Au-delà des attentes de la COP21 en général, l’équipe est prise entre deux mobilisations ministérielles. Les acteurs de l’équipe sont soumis au jeu de concurrence ministérielle. Laurent Fabius, alors Ministre des Affaires Étrangères et du Développement International a été nommé Président de la COP21 et doit à ce titre s’occuper de l’aspect négociation, géré au quotidien par la moitié de l’équipe interministérielle dirigée par Paul Watkinson située dans les locaux du MEDDE. Sa concurrente, Ségolène Royal, se positionne donc sur le LPAA, avec une quinzaine de personnes de l’équipe pour monter la séquence. La mobilisation des ministres semble avoir été un vecteur important pour l’ambition qu’affichent les acteurs. Un agent de l’équipe explique, dans l’entretien du 26 mai 2016, que : « la Ministre était et reste très mobilisée sur tout ça [le LPAA, NdA] »

Enfin, le fait de se mobiliser sur le LPAA a permis à un certain nombre d’acteurs d’exister en donnant naissance à un objet nouveau. C’était un levier d’action pour la Ministre Ségolène Royal, qui, de l’avis de nombreux acteurs de l’équipe et de la presse, s’était vue dépossédée de la présidence de la COP21. Le Monde a expliqué a posteriori que «  Ségolène Royal s’était vue dépossédée de ce chantier. L’ex-ministre des affaires

étrangères Laurent Fabius, son meilleur ennemi au Parti socialiste, l’avait préemptée lorsque la France avait été désignée en  2013 par la communauté internationale (…) pour présider la 21e Conférence des parties des Nations unies sur le climat (COP21).  » Les 93

acteurs de l’équipe ont repris cette mobilisation à leur compte. Certains sont venus dans l’équipe car ils sentaient que l’implication de la Ministre Royal était importante, d’autres ont été recrutés pour l’occasion.

La mobilisation des acteurs autour de la création de la séquence a été plus importante que lors des manifestations pour l’action des acteurs non-étatiques qui avaient eu lieu précédemment. Les acteurs se sont inscrits dans une certaine logique visant à « faire ce qui n’avait jamais été fait », en prenant comme point de référence les journées de Lima et de New York, au moins au début de leur travail. Cette comparaison a servi de point de départ pour présenter quelque chose de «  plus ambitieux et innovant  ». Une fois que l’étendue de la séquence dans le temps était fixée, les acteurs ont défini les valeurs qu’ils souhaitaient faire transparaître au travers de cette séquence.

ROGER, S. et al (11/02/2016). Ségolène Royal reprend « la totalité du dossier climatique ». In : Le 93

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