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LA NÉGOCIATION DES CRITÈRES DU PLAN D’ACTIONS

Conclusion partielle

I.1 L’ORIGINE DE L’ÉQUIPE DE NÉGOCIATION COP

II. De New York à l’été 2015, la création du Plan d’Actions Lima-Paris

II.3. LA NÉGOCIATION DES CRITÈRES DU PLAN D’ACTIONS

Un autre élément du cadre du LPAA élaboré par l’équipe, qui vise à contrôler les acteurs non étatiques qui œuvrent sous l’égide du LPAA, ce sont ses critères. Nous avons déjà décrit et expliqué les critères du LPAA et ce à quoi ils correspondaient en termes de valeurs que le LPAA emprunte à la COP. Cependant, dans cette partie sur la préparation de l’équipe française, nous allons tenter de dépeindre la manière dont ces six critères ont été négociés par l’équipe française avec ses trois partenaires du LPAA.

Tout d’abord, les avis divergent au sein de l’équipe sur la façon dont les critères ont été définis et négociés. Certains agents témoignent que, pour eux, les critères sont apparus de manière naturelle. L’un des acteurs a expliqué, dans l’entretien du 13 mi 2016 : « Tous

les critères sont venus naturellement car c’était dans l’ADN du LPAA dès le départ.  »

Cependant, on va faire l’hypothèse que ça n’a pas été aussi simple que cela. Les idées étaient peut-être partagées par les partenaires, au travers de cet « ADN » du LPAA, mais il reste toujours la question de la formulation et de la validation des critères par les quatre partenaires du LPAA.

La première question que l’on se pose est : qui a proposé les critères du LPAA à l’origine ? D’après un agent haut placé dans l’équipe LPAA dans l’entretien du 13 juin 2016, c’est à l’initiative du SGNU que l’idée de critères est apparue : « c’est le SGNU qui nous a dit

que eux ils avaient sélectionné, ils avaient utilisé un certain nombre de critères, parce que sinon ils avaient tout et n’importe quoi qui se présentait. Donc ils nous ont convaincus de faire des critères.  » On retrouve ici l’aspect précurseur du SGNU dans la construction du

LPAA et la sélection des initiatives, car le SGNU avait été confronté à la question de la sélection lors de l’organisation du Sommet de New York, le 23 septembre 2014.

Certains critères semblent tout de même avoir été proposés par la France, comme l’explique un acteur de l’équipe interministérielle dans l’entretien du 14 mai 2016 : « on était

une petite équipe projet transversale, avec la sous-directrice que tu viens de voir , Sylvie 91

Lemmet, on était quatre ou cinq quoi. On a fait des réunions de brainstorming, et c’est à travers ces réunions qu’on a été amené progressivement à avoir les idées plus claires sur les critères. Après bien sûr tout cela est amené à constituer des propositions auprès de nos partenaires du LPAA, les critères ont été actés dans ce cadre là. »

Chacun des quatre partenaires semble donc avoir pris une part dans l’élaboration et la proposition de critères aux trois autres partenaires, ce qui a donné lieu à des négociations importantes entre les partenaires. Dans l’entretien du 13 juin, l’agent précédent témoigne : « Les Nations Unies ont été utiles. C’est-à-dire que nous on a fait une première proposition,

et en rediscutant avec eux… Alors à chaque fois il fallait faire tout un tour, on a demandé aux péruviens, qui revenaient avec d’autres critères, la CCNUCC, le SGNU, et tout ça. »

Finalement, les quatre partenaires considèrent, sur conseil du SGNU, qu’il est important de limiter le nombre de critères, mais que ceux-ci contiennent le fameux « ADN » du LPAA, comprendre son système de valeurs. Un acteur de l’équipe explique : «  On en

avait mis trop [des critères, NdA] d’une certaine façon, alors qu’au fond il n’y en a que quelques-uns qui sont vraiment utiles. »

Une fois que les types de critères ont été acceptés par tous les acteurs, ces derniers ont dû définir les pondérations entre les critères et les seuils à partir desquels une initiative donnée satisfaisait ces critères. La question de l’interprétation des critères est un levier d’action pour les acteurs afin de défendre une initiative qui sert leur propre stratégie au détriment d’une autre. Un agent de l’équipe, qui a pris part activement à l’élaboration de ces critères, propose un témoignage précis sur cette question dans l’entretien du premier juillet : « Ce qui se passait c’est que vous aviez autour de la table des gens qui avaient une vision

différente de la pondération entre les critères, de l’importance relative de chacun, voire

Véronique Massenet

même de leur définition. Exemple : l’inclusivité nord-sud, évidemment gros débat. Est-ce qu’on doit exclure l’initiative si elle n’inclut pas assez de gens du sud ? Est-ce qu’une personne du sud si elle est de qualité, une grosse banque de développement d’Afrique du Sud par exemple, est-ce qu’elle est suffisante pour considérer que c’est inclusif ou est-ce qu’il en faut plusieurs ?

On croisait sans arrêt des nomenclatures et des typologies, et chacun, à travers sa vision à lui, avait une opinion de températion relative des choses. Soit j’accorde plus d’importance au secteur privé donc s’il y a un acteur privé, pour moi ça sauve le dossier, soit j’accorde plus au secteur associatif ou citoyen, auquel cas s’il y a un seul citoyen ça suffit à mon bonheur. Du coup je défends le dossier. Ca c’est pour l’inclusivité. Par exemple Sylvie Lemmet était très attachée au fait que le critère des objectifs chiffrés apparaissent à Paris. C’était donc pris en compte très fortement. Alors que d’autres, comme moi par exemple, si l’initiative était vraiment de très bonne qualité, je défendais le fait qu’elle puisse être à Paris, dans le LPAA même si elle ne présentait pas tout d’ores et déjà à Paris.  » Dans ce

témoignage, il est clair que les critères, même une fois actés, continuaient de faire débat dans la manière de les appliquer, chaque acteur se positionnant selon ses priorités et ses attentes particulières. La notion d’appartenance à un certain type de réseau est aussi un élément important. Un acteur qui a plutôt tendance à soutenir un réseau en particulier va être plus enclin à faciliter l’intégration des initiatives sur le critère de l’inclusivité par exemple, comme nous l’avons vu dans la citation.

Au-delà de la pondération des critères, qui constituait pour les acteurs un moyen de faire valoir leurs intérêts, les critères ont été d’un commun accord conçus pour être volontairement exigeants. Dans l’entretien du 13 mai 2016, un agent de l’équipe LPAA explique : «  Ce qu’on voulait avec le LPAA c’est se concentrer sur quelques dizaines

d’initiatives qui ont un impact fort et amènent quelque chose en termes de coopération.  »

Les acteurs s’étaient donc fixé comme objectif le fait que les critères — qui constituent le seul moyen de sélection des initiatives — devaient être suffisamment « durs » pour que seul un petit nombre d’initiatives dans le paysage international satisfassent tous les critères en décembre 2015. Les acteurs ont défini leur objet en lui conférant des conditions d’entrée pour garder le contrôle de son aspect final, en l’occurrence le nombre d’initiatives sous le label LPAA et les caractéristique qu’une initiative devait présenter pour que ses porteurs puissent avoir droit de parole à la COP, durant la « séquence LPAA ».

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