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LES INTERVENANTS DE L’ACTION DAY ET DES FOCUS

Conclusion partielle

I.1 L’ORIGINE DE L’ÉQUIPE DE NÉGOCIATION COP

I. La construction concrète de la séquence au cœur d’une négociation multilatérale

I.2. LES INTERVENANTS DE L’ACTION DAY ET DES FOCUS

Une autre question, qui a, elle, suscité des mobilisations et des prises de position au- delà de l’équipe LPAA, est celle des invités de l’Action Day et des focus. Il s’agit d’une question dont on comprend aisément l’importance, car elle revient à donner la parole à certains acteurs plutôt qu’à d’autres dans un temps de parole en pénurie, car les demandes de participation dépassaient le temps disponible durant les journées, et particulièrement pour l’Action Day. Le choix des acteurs de l’équipe est donc la traduction d’idées et d’intérêts que ces acteurs veulent mettre en avant au détriment d’autres.

Les acteurs de l’équipe ont donc dû arbitrer, parfois parmi des choix qui n’en étaient pas vraiment, car présentés comme imposés par les cabinets ministériels ou l’Élysée, spécifiquement sur l’Action Day. Encore une fois, on retrouve dans le discours des acteurs une dichotomie qu’ils ont observée, deux « visions » au sein de l’équipe. Dans l’entretien du 13 juin 2016, un agent consacré à l’Action Day déclare : « Il y avait un peu deux façons de

voir dans l’équipe. Il y avait des gens qui ont commencé par dire « voilà la liste des invités, c’est l’Action Day.  » Bon, ça c’était un peu la façon de voir de Laurence Tubiana, Anne- Sophie Cerisola [conseillère de Laurence Tubiana ayant également pour ministère d’origine

le MAEDI, NdA], bon. Soyons honnêtes. Et moi je dois avouer que je ne sais pas construire

un truc sans avoir un fil directeur thématique. Donc on a un peu tourné en rond, franchement ça a été très compliqué pendant tout l’été, parce qu’on essayait de faire des propositions, et à chaque fois elles étaient retoquées. » Le même agent déclare ensuite : « Donc après on

avait une liste longue comme ça, après il y a eu négociation entre les différents cabinets, négociations qui étaient parfois un peu ridicules, mais bon chacun défendant plutôt telle personne plutôt que telle autre, et à la fin on a fait les arbitrages. » Le choix des invités de

l’Action Day apparaît dans le discours des acteurs comme l’un des points du LPAA et de sa séquence qui a le plus mobilisé les cabinets ministériels et l’Élysée. Malgré tout, d’après l’agent que l’on vient de citer, l’équipe possédait tout de même une capacité à trancher et arbitrer.

Malgré leur volonté de sélectionner les acteurs qui intervenaient en respectant et en appliquant les critères du LPAA, les agents de l’équipe ont tout de même fait certaines exceptions et le reconnaissent, comme en témoigne un agent de l’équipe LPAA dans l’entretien du 13 mai 2016 : «  On a fait intervenir aussi des acteurs qui n’étaient pas

forcément des initiatives. Parce qu’ils jouaient un rôle important là-dedans. Par exemple la commissaire européenne aux transports, comme la ministre marocaine, par rapport à la COP22, qui n’était pas un pays qui était particulièrement actif dans une initiative ou l’autre à ce moment-là, mais on l’a invitée dans un panel conclusif par rapport à son rôle dans la COP22, c’était un panel orienté vers le futur. » Le fait de faire intervenir des acteurs qui ne

portaient pas d’initiatives, ou du moins pas dans le cadre du LPAA, est un aspect intéressant de la modulation et des concessions faites par les acteurs au cours de la négociation des invités. En effet, le LPAA proscrit cette logique de plaidoyer, et les acteurs de l’équipe défendent ce point dans le processus de sélection des initiatives, mais peinent à l’appliquer de manière systématique dans le cas de la « séquence ».

La question de l’évaluation des initiatives revient dans la réflexion lorsque l’on traite ces sujets. Il s’agit du même fonctionnement que pour la sélection des initiatives qui ont le droit de figurer au LPAA, adapté aux acteurs. Certains acteurs ne sont pas considérés par l’équipe comme susceptibles d’apporter assez lors de leur intervention, ou bien l’équipe considère qu’ils ne remplissent pas leur part du contrat en termes d’engagements ou de réalisations. Les acteurs qui n’avaient pas d’initiative assez mûre aux yeux de l’équipe lors de la COP21 ou pas d’annonces particulières au-delà de la continuité de leurs actions précédentes et précédemment présentées lors de la COP20 par exemple, n’ont pour la plupart pas eu voix au chapitre, ou de manière réduite, comme l’explique un agent de l’équipe dans l’entretien du 13 mai 2016 : « Et le problème qui s’est posé, pour faire vite,

c’est que soit ces initiatives au moment de la COP 21 n’étaient pas assez internationales, soit elles n’étaient pas assez mûres, comme c’est le cas des deux que je viens de citer. On n’avait pas de vision claire des délivrables et on n’avait pas d’annonce. C’est vrai que le principe de ces journées c’était des annonces. Pour ces raisons-là on n’a pas pu les retenir, et on a eu beaucoup beaucoup beaucoup de discussions là-dessus. » Les acteurs ont donc

cherché à échelonner les initiatives en fonction des qualités intrinsèques et de mise en œuvre qu’ils leur accordaient. L’équipe possédait donc toujours ce pouvoir sur les initiatives, qui n’étaient pas retenues si l’équipe considérait qu’elles ne correspondaient pas au système de valeurs du LPAA.

Ce système d’annonces nous permet de proposer l’analyse que ces principes peuvent encourager les porteurs d’initiatives à produire des actions courtes et successives plutôt que de mener des actions avec des objectifs ambitieux, et pose question dans la cohérence des critères du LPAA. Les acteurs, toujours en se défendant de procéder de manière classique dans l’organisation des journées focus et de l’Action Day, poussent finalement les porteurs d’initiatives à opter pour une forme de plaidoyer par l’annonce, dans la mesure où des porteurs d’initiatives vont avoir plus facilement accès à la scène et à la parole s’ils présentent un projet vendeur qui possède des résultats immédiats plutôt qu’un sujet de fond qui peine peut-être plus à offrir des résultats rapides mais pourra être plus bénéfique d’un point de vue climatique à moyen et long termes.

Enfin, les acteurs de l’équipe LPAA se saisissaient des zones de liberté dont ils disposaient pour appliquer le plus possible les principes du LPAA selon leur propre vision des choses. Ce phénomène est particulièrement visible sur les trois modératrices qui ont été engagées à l’occasion de l’Action Day. Le rôle que les acteurs de l’équipe leur ont conféré était d’introduire les invités et de faire les transitions entre les interventions, comme l’explique un agent de l’équipe dans l’entretien du 13 mai : «  Elles devaient faire une

introduction en quelques minutes sur le thème qui arrivait dans la partie, et ensuite faire une petite transition très rapide entre les intervenants qui permettait de montrer qu’il y avait des liens entre eux. Et elles permettaient de lancer le speech. » Trois modératrices ont donc été

engagées pour l’Action Day : Yalda Akim, de la BBC World, Georja Calvin Smith, de France 24 et Marjorie Paillon, également de France 24. D’un point de vue des principes que défend le LPAA, leur sélection s’est faite sur leur genre. L’agent de l’équipe chargé de l’Action Day déclare, dans l’entretien du 13 mai : «  Tu remarqueras tristement que ce sont toutes des

femmes, parce que c’était une bonne façon d’équilibrer le manque de femmes sur le reste du panel, c’est malheureux à dire mais c’est comme ça.  » Les postes d’intervenants où

l’équipe pouvait choisir sans trop de conséquences d’un point de vue du contenu de l’Action Day et là où les autres acteurs n’étaient pas très mobilisés ont été utilisés pour porter le principe d’inclusivité du LPAA. C’est exemple montre que l’équipe LPAA a été partiellement dépossédée de la « séquence ».

On peut donc voir, à travers ces exemples, que les principes du LPAA, déjà compliqués à appliquer à la sélection des initiatives d’après les acteurs, le deviennent encore plus lorsqu’il s’agit de créer des événements au cours desquels il faut jongler avec les impératifs de chacun. Les biais induits par ces contraintes spécifiques aux événements de la COP21 produisent une sorte de « reflet soumis à conditions » de la vision de l’équipe sur la « séquence LPAA », dans le sens où les acteurs disent se mobiliser pour représenter les valeurs du LPAA mais doivent composer avec des impératifs et des acteurs qu’ils ne maîtrisent pas et portent donc ces messages et principes dans une avancée chaotique, que ce soit dans la forme générale, où à un niveau plus fin, comme nous allons le voir dans la partie suivante.

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