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LES CONSÉQUENCES DE CETTE ORGANISATION INTERMINISTÉRIELLE SUR LA PRÉPARATION DE LA SÉQUENCE LPAA

Conclusion partielle

I.1 L’ORIGINE DE L’ÉQUIPE DE NÉGOCIATION COP

I.3. LES CONSÉQUENCES DE CETTE ORGANISATION INTERMINISTÉRIELLE SUR LA PRÉPARATION DE LA SÉQUENCE LPAA

Pour comprendre les conditions d’émergence de la séquence, nous faisons l’hypothèse que la fabrique de la séquence LPAA a été en partie conditionnée par le fonctionnement interne de l’équipe qui lui a donné naissance. On peut en effet analyser que les conditions d’émergence de cette séquence résident au moins en partie dans les jeux d’acteurs à l’œuvre au sein de l’équipe interministérielle, chacun d’eux portant ses propres stratégies. Cette équipe possède des particularités que nous venons d’évoquer. Dans cette partie, nous allons voir les conséquences que cela a eu sur la préparation de la séquence LPAA en décembre, à l’aide des témoignages des agents de l’équipe et de la contextualisation, notamment à propos du climat concurrentiel entre les deux cabinets MEDDE et MAEDI.

Tout d’abord, la concurrence entre les deux cabinets ministériels — MEDDE et MAEDI — est un élément qui revient souvent dans le discours des différents acteurs. La

quasi totalité des acteurs avec qui j’ai mené des entretiens évoquent ce point là. Les acteurs évoquent cette concurrence dans les négociations au sujet de la séquence LPAA notamment, et l’implication des deux cabinets sur les questions ayant trait au LPAA a eu des conséquences sur l’organisation de la séquence LPAA. Les acteurs témoignent que les deux cabinets étaient impliqués dans ce à quoi devait ressembler la séquence à Paris. Un agent de l’équipe, dans l’entretien du 13 mai 2016, l’explique à propos de la préparation de l’Action Day : «  Il y a eu plein de versions possibles. Il fallait qu’il y en ait une qui convienne à la

Ministre, (…) et que ça ne désappareille pas trop par rapport à l’intervention des quatre partenaires. Ce n’était pas si simple. Donc ça a été long, franchement ça a été très long, et ça s’est réglé entre les deux cabinets. » Les deux cabinets sont également intervenus dans

le choix des invités des focus et de l’Action Day, comme l’explique un agent de l’équipe dans l’entretien du 13 juin 2016 : « Il y a eu négociation entre les différents cabinets, négociations

qui étaient parfois un peu ridicules, mais bon chacun défendant plutôt telle personne plutôt que telle autre. » Enfin, dans l’entretien du 7 avril 2016 avec un agent de l’équipe, celui-ci

évoque une réunion particulière dans les bureaux de l’Élysée, qui traduit encore une fois l’opposition entre les deux cabinets ministériels sur certains sujets : « On aurait aimé avoir

une boucle avec tout le monde, où chacun fait son feedback, qu’on n’ait pas les feedbacks MAE et les feedbacks MEDDE qui ne vont pas dans le même sens. » À plusieurs niveaux,

ces deux cabinets intervenaient donc directement dans le processus décisionnel de l’équipe LPAA, et ceci se retrouve dans de nombreux témoignages d’acteurs.

Au-delà de cette concurrence et de ces jeux de pouvoirs entre les deux cabinets, le climat concurrentiel semblait se ressentir au niveau des agents au sein même de l’équipe. Le premier élément que certains acteurs évoquent et mobilisent est le sentiment d’inégalité entre les agents des deux ministères MAEDI et MEDDE. Un agent, dans l’entretien du 2 juin 2016, témoigne : « pour eux [les collègues du Quai d’Orsay (MAEDI), NdA], c’était normal

que les gens du MEDDE travaillent pour Laurent Fabius, mais l’inverse n’est pas évident pour eux. Parce que (…) pour certains, travailler au MAE c’est plus prestigieux que de travailler au MEDDE  ». Certains acteurs utilisent donc un levier de disqualification d’une

partie de l’équipe, c’est en tous cas la façon dont ceci est perçu par ces acteurs « disqualifiés ». Ce phénomène semble avoir été à l’origine de certains jeux d’acteurs et jeux de pouvoir au sein de l’équipe. C’est d’autant plus le cas depuis le 12 février 2016, car la présidence de la COP a été octroyée à Ségolène Royal, suite à la nomination de Laurent Fabius à la tête du Conseil Constitutionnel et dans une logique de non-cumul des mandats. Même si cet élément n’a pas influencé la préparation de la séquence LPAA, il contribue à confirmer l’argument précédent.

L’une des conséquences directes de cette « disqualification » est le fait que les rôles n’aient, dans certains cas, pas pu être définis précisément au sein des binômes. Certains agents expliquent dans des entretiens que ce flou volontaire de la part des membres de l’équipe permettait en partie de contourner les conséquences de cette organisation. La plupart des sujets étaient traités en binômes, parfois composés d’un agent du MAEDI et d’un agent du MEDDE. En théorie, l’un des membres du binôme est responsable d’un sujet et l’autre est là pour apporter son aide. Mais les rôles n’ont pas été définis aussi précisément dans la plupart des cas. Comme l’explique un agent de l’équipe dans l’entretien du 2 juin : « la responsabilité de qui est devant et qui est en back-up n’a jamais été clairement définie,

parce que ça allait créer des tensions avec les agents qui allaient se sentir dépossédés, donc ça n’a jamais été arbitré clairement.  » pour conclure que «  C’est assez difficile à identifier mais oui il y a peut-être aussi la notion que le quai d’Orsay c’est mieux que le reste. » Le sentiment de supériorité des agents du MAEDI dont ont fait part certains acteurs,

du MEDDE notamment, dans les entretiens, semble donc avoir eu des conséquences directes sur l’organisation de l’équipe.

Une autre dichotomie est observable au sein de l’équipe : celle des profils professionnels. Un agent de l’équipe, qui ne fait partie ni des agents du MEDDE, ni de ceux du MAEDI et dispose donc d’un point de vue plus extérieur, explique dans l’entretien du premier juillet : « une culture plus jeune, des gens stagiaires, des CDD, des gens qui sont

venus par enthousiasme de la CoP ; et un autre groupe sociologique plus en place, plutôt les sous-directeurs, les gens qui ont des postes plus élevés, qui sont eux des gens des structures, des ministères en question. Un enthousiasme fort mais plus conservateur. (…) Un vrai choc des cultures là-dessus, une précarité forte dans un cas et des salaires faibles, dans l’autre cas une ambition de carrière de gens qui laissent passer les conférences les unes après les autres. Demain ils s’occuperont d’autre chose, après demain encore autre chose.  » Ce témoignage rappelle l’observation que nous avons faite plus haut dans la

description de la hiérarchie. Le deuxième groupe que l’acteur évoque est celui des coordinateurs, qui passent effectivement d’un sujet à l’autre en fonction des priorités du Ministère dont ils dépendent et ont rejoint l’équipe en partie dans une logique de carrière.

Cependant, malgré les difficultés que l’on vient d’évoquer relatives au fait de travailler en équipe interministérielle, certains points ont facilité la cohésion de l’équipe. Le premier est le fait de regrouper tous les agents dans un seul lieu. Ceci facilite les interactions entre les différentes hiérarchies, comme le constate cet agent de l’équipe dans l’entretien du 2 juillet 2016 : « Le fait qu’on ait assez vite colocalisé les deux ministères en

septembre, ça a vraiment été une super expérience. C’est ça qui crée le sentiment d’équipe. On a dû plaider pour faire des réunions de service parce qu’il n’y en avait pas. Parce que

finalement les deux hiérarchies ne se sentaient pas la légitimité de parler aux équipes de l’autre, du coup personne n’osait. » La colocalisation géographique de l’équipe semble avoir

été un élément important dans la manière dont se sont joués les jeux d’acteurs lors de la préparation de la séquence LPAA.

I.4. LE LANGAGE COMMUN GÉNÉRÉ PAR LES ÉLÉMENTS DE DISCOURS

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