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Conclusion au Chapitre

Section 5 Une volonté d'assainissement de la publicité financière (1940'-1960')

Au lendemain de la libération, les esprits restent marqués "par les nombreux scandales des années 20 et 30 et notamment par les affaires Hanau et Stavisky" (Toussaint, 2005, p.13)226. Les liaisons entre la presse et la finance ont été

dangereuses et pour certaines scandaleuses si bien que "la réputation du journalisme financier, en France, entre les deux guerres est mauvaise" (Jeanneney, 1984, p.205)227.

Il est alors grand temps de repartir sur de nouvelles bases et d'assainir la publicité financière. Toutefois, cette tâche est difficile puisque "beaucoup de français gardent

226 Toussaint (2005), p.13.

en mémoire les liens étroits que certains journaux ont entretenus pendant la guerre avec des milieux d'affaires parfois très proches de l'occupant" (Henno, 1993)228.

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Ainsi, une série de mesures est adoptée en vue d'assainir la publicité financière. Une ordonnance du 26 août 1944 "se focalise sur le statut des entreprises de presse". Parmi ces dispositions de cette ordonnance, Toussaint (2005, p.13)229 évoque

"l'interdiction de toute confusion entre publicité payante et rédaction journalistique" de façon à éviter les relations troubles entre la presse et la finance d'avant guerre.

Les troubles relatifs à la publicité financière d'avant-guerre ont nécessité l'intervention du législateur afin d'assainir cette pratique et d'améliorer l'information financière.

Albert (1964, p.58)230 précise que "dans les années qui ont précédé 1963, il a

souvent été dit que 'l'information' des actionnaires était insuffisante".

"Il y a une vingtaine d'années, l'actionnaire était considéré comme un intrus. Lorsque à l'assemblée, l'un d'eux souhaitait timidement des pronostics sur la tenue de la Bourse des actions de la société, le président répondait d'une manière indignée qu'il n'avait aucun rapport avec le marché financier, qu'il se souciait peu des cours de bourse et qu'il ne voulait prêter la main à aucune spéculation.

Les temps ont bien changé. Non pas que l'actionnaire ait acquis soudain l'estime ou la sympathie des dirigeants. Mais on a besoin de lui.

Avant la dernière guerre, les administrateurs s'installaient dans les entreprises, non pas dans le but de les développer, mais simplement pour participer aux profits. Aujourd'hui, ces méthodes n'ont plus cours. Les entreprises statiques sont condamnés à périr très rapidement. Il faut aller de l'avant et pour cela il faut de l'argent, beaucoup d'argent. Orientée vers l'expansion, l'industrie est une grosse mangeuse de capitaux. Aussi est-on rempli de bonnes intentions à l'égard des épargnants".

Montalenti (p.132) cité dans Albert (1964)

228 Henno J. (1993), op. cit. 229 Toussaint (2005), op. cit., p.13.

230 Albert N. (1964), Recherches sur l'évolution et l'orientation du capitalisme en France, Tome 2, Au service de l'épargne, la Bourse de Paris (1913-1963), Comment on ruine les uns, comment les autre s'enrichissent ?, 72 p.

Pourtant, de nombreux bouleversements au lendemain de la seconde guerre mondiale (la reconstruction économique et sociale, la naissance d’un droit communautaire européen …) ont fait naître chez les français un regain d’intérêt pour l'information financière. Les grands titres de la presse financière doivent alors faire un effort important d’adaptation pour répondre aux besoins d’information des lecteurs. En effet, leur besoin d’être informé grandit. L’économie devient le centre de préoccupation de ces lecteurs, dont un des désirs est de rester informer sur la situation financière, et plus particulièrement sur les performances des entreprises.

Brunereau et Mathiaud, (1975, p.7)231 notent ainsi que c'est véritablement "entre

1959 et 1969 qu'ont été mis au point les textes fondamentaux qui régissent actuellement les informations obligatoires des sociétés".

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Ce contexte d'après guerre, marqué par une très forte croissance économique favorise également la diffusion de normes de comptabilité. Un premier plan comptable avait déjà été établi en 1942 mais n'a pas survécu à Libération. La nécessité d'améliorer les informations économiques dans cette période d'après guerre conduit à définir une nouvelle version du Plan Comptable Général. Touchelay (2005) note que cette normalisation comptable est à la fois imposée par l'Etat dans un "objectif de contrôle et d'encadrement" mais également réclamée par les entreprises qui souhaitent "des outils pour s'orienter dans l'économie concurrentielle". La normalisation comptable permet ainsi de "répondre aux besoins de repères des agents qui sont désormais confrontés à un environnement concurrentiel" (Touchelay,

2005)232. Le nouveau plan comptable adopté en 1957 (suite aux plans comptables

1942 et 1947) "s'impose comme un élément essentiel à l'information de l'entreprise et de ses partenaires publics et privés (Touchelay, 2005).

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Il faut alors trouver des moyens pour drainer l'épargne externe : il faut rassurer les actionnaires suite aux différents scandales qui avaient vu le jour avant la guerre. Il ne s'agit plus pour les sociétés de rester discrètes mais au contraire de se dévoiler au grand public. Le législateur est intervenu dans ce sens. Mais il faut attendre 1959 pour que ce dernier instaure de nouveaux moyens légaux, en tout cas plus précis, d'obtenir une information suffisante sur la marche des sociétés.

En effet, Heurteux (1961, p.45)233 fait remarquer que "seule une ordonnance du 4

février 1959 assure une publicité suffisante des documents de certaines sociétés". La publicité financière semble acquérir un tout autre sens dans les années cinquante. Elle acquiert en effet le sens de publicité légale. Il regroupe dès lors les informations financières réglementées, toute autre information étant proscrite.

Heurteux (1961, p.46)234 rappelle ainsi que "l'article 3 de l'ordonnance du 4 février

1959 fait obligation à certaines sociétés – peu nombreuses d'ailleurs – d'adresser, à tout actionnaire qui en a fait la demande, son bilan, son compte de profits et pertes, le montant de son chiffres d'affaires, l'inventaire des valeurs mobilières détenues par elle en portefeuille"

232 Touchelay B. (2005), "A l'origine du plan comptable français des années 1930 aux années 1960 – La volonté de contrôle d'un état dirigiste", Comptabilité Contrôle Audit, Numéro thématique, juillet 2005. 233 Heurteux C. (1961), op. cit., p.45.

La tradition du secret des affaires d'avant guerre doit donc être rompue. L'obligation pour les sociétés anonymes de publier un rapport sur les comptes prévue par la loi sur les sociétés du 24 juillet 1867 ne suffit plus.

Section 6 – Le renforcement de la publicité financière