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Conclusion au Chapitre

Section 2 L'autonomie de la publicité financière (1850' 1880') et la constitution d'une presse spécialisée

Si la publicité financière fait ses débuts dans la presse quotidienne aux côtés de la publicité commerciale, elle va très rapidement conquérir son autonomie (2.1.) en se constituant sa propre presse spécialisée (2.2.).

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La publicité financière quitte en effet la presse quotidienne dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle. La publicité financière conquiert son autonomie et devient un secteur publicitaire à part entière. Une fois de plus, il nous est difficile de dater avec exactitude cet événement : nous pouvons, en effet, noter une absence de consensus sur la date de séparation entre la publicité financière et la publicité commerciale. Toutefois, une rapide revue de la littérature sur le sujet nous permet de situer cette séparation dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle.

Martin (1992, p.81)186 situe ainsi la disparition de la publicité financière de la

presse quotidienne, vraisemblablement aux alentours de 1865. Il fait en effet remarquer que "les hebdomadaires économiques et boursiers la lui enlèvent, d'autant

qu'elle est la moins coûteuse". Cet enlèvement est "le début d'un divorce entre publicité financière et publicité commerciale, qui ira en s'affirmant".

Ce phénomène est également évoqué par Lefebure (1992, p.130)187 qui situe

l'autonomie de la publicité financière et de la publicité commerciale quelque part dans la période qui s'étend entre 1850 et 1880.

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Lorsque la publicité financière quitte la presse quotidienne, elle se constitue sa propre presse : la presse financière voit le jour. Cet intérêt des milieux financiers pour la presse est ainsi mis en évidence par Bellanger et al. (1972, p.169)188. Ainsi, "dans la

première moitié du dix-neuvième siècle, le voisinage de la Bourse et du quartier des journaux était apparu symbolique"189.

Cet intérêt des milieux financiers pour la presse financière est tout à fait compréhensible : Heurteux (1961, p. 73)190 fait en effet remarquer qu'à défaut

"d'obtenir par des voies légales les informations dont ils avaient besoin, les épargnants furent obligés d'employer les moyens les plus aléatoires en vue de satisfaire leur légitime curiosité".

Ainsi, l'absence d'obligations légales justifiait à l'époque le recours aux informations diffusées dans la presse. En effet, quels autres moyens que "de recourir

187 Lefebure A. (1992), Havas, Les arcanes du pouvoir, Editions Grasset, 406 pages.

188 Bellanger C., Godechot J., Guiral P., Terron F. (1972), Histoire générale de la presse française, Tome 3, de 1871 à 1940, PUF, 687 pages.

189 Ce voisinage est encore d'actualité. Les grands titres financiers siègent près du Palais Brongniart à Paris.

190 Heurteux C. (1961), L'information des actionnaires et des épargnants, Thèse de Droit, Université de Grenoble, 463 p.

aux renseignements communiqués par la presse économique et financière" ou alors "de s'adresser directement aux sociétés, aux banques, ou aux agents de change, avec l'espoir de recueillir par ce canal les éclaircissements sollicités" (Heurteux, 1961, p. 73)191. Certains, nous le verront ultérieurement, ont profité de ce vide juridique pour

escroquer les petits épargnants

Mises à part les informations qu'elles diffusent dans la presse économique et financière, les entreprises françaises sont très discrètes sur leur situation économique et financière. La presse économique et financière constitue alors le vecteur historique de diffusion d'informations financières. Ce vecteur a tellement de succès que chaque jour le nombre de feuilles financières s'accroît mais "il est vrai [aussi] qu'il en meurt souvent, que beaucoup sont éphémères" (Mermet, 1878)192. Weitzmann (1952)193

estime ainsi à soixante, le nombre de titres nouveaux, sous le second empire, qui paraissent de 1852 à 1870, dont la Cote de la Banque et de la Bourse (qui deviendra la Cote Desfossés).

Lefebure (1992)194 explique d'ailleurs que ce mouvement aura des conséquences

notables sur l'activité des publicitaires et le développement de la presse". Ainsi, avec la loi sur la liberté de la presse de 1881, les publications se multiplient : "caution et timbres supprimés, tout un chacun peut éditer sa feuille" (Lefebure, 1992)195.

Le milieu financier est très vite concerné. Lefebure (1992) fait ainsi remarquer que "les groupes financiers qui ont un pied dans la presse se retrouvent dans une position

191 Heurteux (1961), thèse cit. 192 Mermet E. ( 1878), op. cit. 193 Weitzman P. (1952), op. cit. 194 Lefebure A. (1992), op. cit. 195 Lefebure A. (1992), op. cit.

délicate. Comment en effet, dans la multitude des nouveaux titres, déterminer ceux qui ont de l'influence, comment se garder de certains d'entre eux qui manifestent rapidement leur sens de la critique pour attirer les subventions ?".

Lefebure (1992)196 souligne alors les effets pervers des dispositions de 1881 : "un

journal même si son tirage est limité, peut nuire considérablement à une opération financière souvent fragile…" si bien que "toutes les annonces financières laissent désormais l'épargnant indifférent, les escroqueries qui éclatent au grand jour l'ont quelque peu refroidi". (Lefebure, 1992, p.129)197.

Dès 1868, les directeurs des journaux "sérieux" comprennent qu'il n'est pas possible de vendre un placement financier "comme une poudre dentifrice". Trop d'emphase peut, à terme, dissuader le petit épargnant aussi sûrement que la multiplication des scandales dont la presse fait l'objet à cette époque.

Il convient alors de changer de tactique et "remplacer les annonces racoleuses par de brefs communiqués, des articles de fond, des conseils plein de sérieux et de sollicitude". La vente des placements financiers comme un produit quelconque doit être bannie. C'est ainsi que naîtra la véritable publicité financière, dont les méthodes sont aussi discrètes qu'efficaces : "Comptes rendus avantageux, incitations discrètes à se porter acquéreur d'un titre sans pour autant engager la responsabilité du journaliste" (Lefebure, 1992)198.

196 Lefebure A. (1992), op. cit. 197 Lefebure A. (1992), op. cit.,p.129. 198 Lefebure A. (1992), op. cit.,p.129.

Selon Géraud (1940, p. 149)199, la publicité financière a pris au début du 20ème

siècle "une importance considérable à la suite du développement et de la création d'entreprises d'envergure toujours plus grande, nécessitant la réunion d'énormes capitaux".

Il assigne à la publicité financière la "tâche" suivante : "multiplier les appels à l'union des petits capitaux, atteindre et intéresser le plus grand nombre d'épargnants, dans un pays où la fortune mobilière est infiniment disséminée". Pour ce faire la publicité financière a mis en œuvre un ensemble de moyens "affectant les formes les plus variées et les plus insinuantes pour frapper le public, l'impressionner, parler à sa raison et à son imagination" : "Annonces, prospectus, affiches, circulaires, réclames, jusqu'à la publicité à l'écran et à la T.S.F. incitent chaque jour la population à souscrire ou à acheter". Géraud (1940, p.149)200 n'oublie pas bien entendu "les

exagérations et réclames mensongères".

Section 3 – Le mauvais départ de la publicité financière