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Conclusion au Chapitre

Section 1 L'émergence de la publicité financière dans la presse quotidienne (1830'-1850')

A partir du début du dix-neuvième siècle, les premières traces de diffusion d'informations financières par les sociétés sont visibles. La communication financière comme contrainte n'est pas encore née, mais nous pouvons y entrevoir les prémices. Ainsi, pour éviter tout anachronisme, nous utilisons l'expression de publicité financière, telle qu'elle est définie dans le chapitre précédent, pour désigner la forme embryonnaire de la communication financière durant cette première période.

Il nous est apparu indispensable de revenir sur l'épisode de la naissance de la publicité qui voit ses débuts dans la presse (1.1.) avant de montrer que la publicité financière n'est qu'une branche de la publicité commerciale (1.2.) donnant ensuite naissance à sa propre presse spécialisée (1.3.)

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Au début du dix-neuvième siècle, un événement va conduire à l'avènement de la publicité financière : il s'agit de la naissance de la publicité. D'après Martin (1992, p.53)169, la publicité prend le départ dans la presse. C'est ainsi du côté de la presse que

les premières formes de publicité, pas seulement financière, font leur apparition.

Il est alors attribué à Emile de Girardin la "paternité entre la publicité et la presse". Il semble qu'il soit à l'origine "du mode de gestion de la presse moderne" (Martin, 1992, p.54)170 : il crée en 1836 le journal La Presse où il annonce un principe

qui sera largement utilisé par la suite dans la presse, selon lequel "les recettes des

169 Martin M. (1992), Trois siècles de publicité en France, Editions Odile Jacob, Histoire, Paris, 430 p. 170 Martin M. (1992), op. cit., p.54.

annonces, auxquelles il entend faire appel abondamment, compenseront le manque à gagner des abonnements"171.

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C'est ainsi que la publicité financière naît dans la presse quotidienne. Elle est alors appréhendée comme une "branche de la publicité commerciale" (Géraud, 1940, p. 148)172 : plus précisément la publicité financière "porte sur tout placement de titres,

sous quelque forme qu'il se présente, et sur divers faits affectant la vie des groupements financiers et de nature à influer sur les fluctuations du marché. Son rôle est de rapprocher commerce et industrie et épargne".

Martin (1992, p. 65)173 situe ainsi la naissance de ce "nouveau secteur publicitaire"

dans la première moitié du dix-neuvième siècle. Martin (1992, p.65)174,175 raconte que

"les annonceurs proposant des actions de sociétés apparaissent dans les premières années de la Monarchie de Juillet et se multiplient rapidement". Il fait remarquer que

171 Martin (1992, p.58) fait toutefois remonter la naissance de la publicité huit ans avant la contribution de Girardin : "Emile Girardin n'est (…) ni le premier à tenter de développer la publicité, ni son introducteur dans les quotidiens parisiens – il y a huit ans déjà qu'elle s'y ait acclimatée quand il fonde la Presse". Toutefois, Girardin est à l'origine d'une innovation, "l'affirmation d'une correspondance entre le prix de l'espace publicitaire et de la diffusion".

172 Géraud (1940), Du démarchage et de la publicité financière : quelques mesures protectrices de l'épargne, Thèse de Droit, Université de Toulouse, 256 p.

173 Martin M. (1992), op. cit., p.65. 174 Martin M. (1992), op. cit., p.65.

175 L'ouvrage de Martin M. (1992), Trois siècles de publicité en France, ne traite cependant pas spécifiquement de la publicité financière. L'auteur précise en introduction (pp. 17-18) que cet aspect de la publicité n'est abordé qu'accessoirement "dans la mesure seulement où [son] histoire interfère avec celle de la publicité commerciale". Martin souligne en effet la spécificité de cette publicité : "La publicité financière représente en effet une forme de publicité tout à fait spéciale, disposant depuis longtemps d'agents et de canaux spécifiques, et dont l'influence sur la politique a été à certains moments si considérable dans notre histoire que son étude constituerait un sujet en soi…". L'objet de notre thèse n'est cependant pas de traiter de l'histoire de la publicité financière, mais davantage du processus qui a conduit le passage de la publicité financière à la communication financière.

la plupart des annonces concernent "d'abord les sociétés d'assurances en commandite, puis arrivent, après 1840, les sociétés de chemins de fer".

A la fin du dix-neuvième siècle, Mermet (1878)176, un avocat, publie un annuaire

de la publicité en France ; dans le premier numéro de cet annuaire paru en 1878, Mermet (1878, p.39)177 souligne l'absence de feuille spéciale consacrée aux finances

au début du dix-huitième siècle. Selon lui, "les journaux de finance n'avaient aucune raison d'être au siècle dernier". Nous rejoignons Mermet sur ce point. En effet, les journaux financiers sont destinés aux petits épargnants. Or l'actionnariat populaire ne se développe qu'à la fin du dix-neuvième siècle. Avant cette période, l'actionnariat est familial. Il va de soi que les familles n'ont pas besoin de journaux financiers pour faire circuler l'information financière sur leurs affaires "familiales".

Mermet (1878)178 fait référence à Hatin, qui, dans sa Bibliographie de la presse

périodique, signale toutefois l'apparition, vers 1793, d'un prospectus (qui n'est pas un journal) qui portait le titre de Journal des Finances. Mermet (1878, p.39)179 signale par

ailleurs que les questions financières sont traitées à l'époque "dans des revues encyclopédiques ou dans les journaux de commerce et d'agriculture". Il précise que la première mention du mot "Finances" dans le titre d'un journal apparaît dans le Journal

de l'Agriculture, du Commerce et des Finances fondé en juillet 1765. A partir des années

1820, "le mot bourse commence à figurer plus souvent dans les sous-titres des journaux".

176 Mermet E. (1878), La Publicité en France, guide pratique., Annuaire pour 1878, Paris 177 Mermet E. (1878), op. cit., p.39.

178 Mermet E. (1878), op. cit. 179 Mermet E. (1878), op. cit., p.39.

L'engouement pour la bourse est encore timide au début du dix-neuvième siècle mais dans les décennies qui suivent, cet intérêt va prendre beaucoup d'ampleur.

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Les premiers journaux spécialisés dans la finance sont ainsi nés au début du dix- neuvième siècle. Mais il n'y a pas dans la littérature de réel consensus sur la date de naissance des premiers journaux financiers.

Certains vont chercher très loin les premières traces de journaux économiques et financiers. C'est le cas de Henno (1993)180 qui attribue l'origine de la presse financière

aux vénitiens. Les premières traces d’information économique et financière, utilisée par les marchands de Venise, remontent alors au quatorzième siècle. Pour ce qui concerne la France, les premiers journaux spécialisés sont apparus dès le règne de Louis XV, il y a presque 250 ans.

C'est également le cas de Weitzmann (1952)181, qui, dans le cadre d'un cours sur

l'histoire de la presse économique et financière au centre de formation professionnelle des journalistes (CPPJ)182, explique que la presse économique et

financière, que l'on pourrait croire être une création du dix-neuvième siècle, "ère de l'essor prodigieux de l'industrie et de l'économie", est en réalité "l'héritière d'une tradition qui date du 16ème siècle". Selon l'auteur, les banquiers de l'époque utilisaient

ce qu'il appelle des "nouvelles à la main" pour se renseigner sur les échanges commerciaux ou pour se communiquer les nouvelles indispensables à la bonne

180 Henno J. (1993), La presse économique et financière, Presses Universitaires de France, Que sais-je ? 181 Weizmann P. (1952), "Petite histoire de la presse économique et financière ", Cahiers de la presse française (Paris), 15 juin 1952 (Inspiré du cours de Monsieur Weitzmann dispensé au Centre de Formation Professionnelle des journalistes, intitulé "La presse économique et financière")

marche de leurs affaires. Les banquiers furent d'ailleurs les premiers à utiliser la fameuse Gazette de Renaudot.

Le dix-septième siècle voit ensuite l'arrivée des premiers économistes et l'émergence des questions agricoles et commerciales, qui soulèvent de nombreux problèmes qui furent traités dans une presse spécialisée. Plusieurs journaux spécialisés font en effet leur apparition.

Toutefois, Weitzmann (1952)183 précise que ce n'est qu'en 1836 que naît la

véritable presse financière avec la création notamment des titres suivants : Le Journal

de l'Industrie et du Capitalisme, et L'Actionnaire. En 1837, c'est l'hebdomadaire La Bourse

qui fait son apparition.

En revanche, Henno (1993)184 note que si la presse rencontre "un fort

développement grâce au recours systématique à la publicité" (p. 13) à partir de 1836, c'est en réalité en 1825 que M. de Choisy, financier parisien, "réunit dans un bulletin les cours des effets commerciaux". Ce journal a pu paraître très étrange à l'époque. Il est repris peu de temps après par M. Desfossés, banquier, qui laissera pendant plus d'un siècle son nom à ce journal. En ce qui concerne ce journal, le sous titre de la

Cote Desfossés indique que cette cote fut "fondée en 1825". D'après Henno (1993)185,

c'est à partir de 1835, que les feuilles consacrées à la finance et à la Bourse se multiplient.

C'est ensuite "l'avènement du capitalisme financier ", sous Louis Philippe, qui selon Weizmann (1952), donne naissance à plusieurs publications : Les Cours de la

183 Weizmann P. (1952), art. cit. 184 Henno J. (1993), op. cit. 185 Henno J. (1993), op. cit.

Bourse et de la Banque (1840), Le Journal des Chemins de Fer (1842), Le Crédit, L'Economiste

(1842), Les Mystères de la Bourse (1845). Sous la seconde république, "chaque découverte, chaque nouvelle industrie veut avoir sa presse spécialisée" : d'où la naissance des titres : Le courrier des chemins de fer, La France industrielle, le Journal des

rentiers … (Weitzmann, 1878).

Section 2 – L'autonomie de la publicité financière (1850'-