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Conclusion au Chapitre

Section 4 La revendication d'une publicité écrite et réglementée (1870'-1940')

Si les scandales financiers sont associés au libéralisme de la loi de 1881, ils sont également associés par Lemarchand (1995)217 au mouvement de déréglementation de

la loi de 1867. Parallèlement à l'autonomie de la publicité suite à la "déréglementation" (Lemarchand, 1995)218, et aux scandales financiers, un

mouvement revendique une publicité écrite et réglementée.

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Lemarchand (1995, p.11)219 note ainsi que plusieurs réformes sont souhaitées. La

première porte sur "la nécessaire publicité à donner aux comptes de sociétés ".

L'organisation de la publicité financière est très éphémère depuis la loi de 1867. Ces scandales, évoqués dans la section précédente, ont fait de la protection de l'épargne une préoccupation de l'époque. Cette réflexion passe par une réflexion sur "la présentation des états financiers" (Lemarchand, 1995, p.8)220. Il est temps pour le

législateur d'intervenir pour préciser l'organisation de la publicité légale car la publicité financière s' apparente jusqu'à cette époque à une pratique douteuse.

217 Lemarchand Y. (1995), art. cit. 218 Lemarchand Y. (1995), art. cit. 219 Lemarchand Y. (1995), art. cit. 220 Lemarchand Y. (1995), art. cit..

Lemarchand (1995) évoque un projet de loi rédigé par Vavasseur qui prévoyait "qu'une copie certifiée du bilan et du compte de profits et pertes de toute société par actions serait déposée au greffe de la justice de paix et du tribunal de commerce du lieu de son établissement dans le mois suivant l'assemblée générale". Toutefois la commission extraparlementaire instituée en 1875 ne prévoyait que la publication annuelle du bilan (Lemarchand, 1995). Lemarchand (1995) note également de fortes revendications d'une publicité écrite et réglementée, notamment chez Neymark (1882)221. Mais ces revendications se soldent en échec.

Il faut attendre 1935 pour que le droit à une publicité écrite soit précisé par le législateur. Le Décret-loi du 8 août 1935222 (portant modification de l'article 34 du

code de commerce et des articles 27 et 31 de la loi du 24 juillet 1867 sur les sociétés par action) vient en effet préciser le "droit de communication des actionnaires". Il est intéressant de noter que le terme utilisé ici est celui de communication. L'utilisation du terme publicité ou tout simplement de consultation serait plus approprié.

Ce décret donne le droit à tout actionnaire à toute époque de l'année de prendre connaissance ou copie de tous les documents sans exception qui ont été soumis aux assemblées générales pendant les trois dernières années (bilans, comptes de profits et pertes, rapports du conseil d'administration et des commissaires aux comptes…), les procès verbaux de ces assemblées. Toutefois, l'actionnaire ne peut exiger la communication de l'inventaire. L'actionnaire peut également demander la communication (sans en prendre copie) de la feuille de présence relative aux trois dernières assemblées.

221 Cité dans Lemarchand (1995), art. cit.

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4..22..LLaarréégglleemmeennttaattiioonnddeellaappuubblliicciittééppaarrllééee

A côté de cette publicité écrite, Géraud (1940, p. 147)223 souligne également le

difficile contrôle de la publicité parlée. Même si, "dans la recherche et la sollicitation des épargnants en vue d'un placement de valeurs mobilières, l'utilisation des démarches à domicile, moyens de mise en œuvre de la publicité parlée, s'appuie, dans la pratique, sur des documents écrits destinés à renforcer l'action de la parole, à en préparer et prolonger les effets", Géraud (1940) met en évidence que la publicité parlée est difficile est contrôlée. En revanche la publicité écrite l'est plus aisément et peut donc faire l'objet de dispositions réglementaires.

Il est intéressant de noter que la problématique de sincérité des informations, toujours d'actualité aujourd'hui, est très présente au début du siècle. Une publicité financière, le terme étant employé par l'auteur pour désigner la publicité écrite réglementée, s'avère indispensable : "Il est certain que l'emploi de ce genre de publicité présente, pour le souscripteur, une garantie supérieure à celle qui résulte des sollicitations verbales, émanées des démarcheurs, prospecteurs et guichetiers. Une publicité écrite réglementée, assujettie à des énonciations obligatoires, et pour laquelle la loi a prévu des sanctions contre la fausseté des renseignements fournis, dit pour le moins donner à son destinataire un minimum de confiance dans la sincérité de ses indications". Il est toutefois naïf de la part de l'auteur, et nous en avons la preuve aujourd'hui, qu'une information réglementée est forcément sincère. Le législateur s'est donc consacré à un "effort de moralisation" dans la publicité légale : "elle doit répondre à la nécessité d'informer les épargnants, de porter à leur connaissance la création, les modalités de constitution des sociétés et de leur fournir un moyen

pratique de se procurer, sur telle entreprise, les renseignements susceptibles de les intéresser".

Avant le décret de 1935, le démarchage financier ainsi qu'un ensemble de mesures destinées à assurer la protection de l'épargne font l'objet des préoccupations du Parlement (Patin, 1936, p. 7)224. Patin distingue deux tendances opposées à l'époque

que nous avons représentées dans le tableau ci-dessous :

Tableau 1. 1 – Démarchage financier : deux tendance opposés

Conception d'orientation libérale

Conception s'inspirant des législations allemandes et anglaises Position Maintien du démarchage sous réserve

d'une réglementation étroite permettant d'éviter les abus

Suppression pure et simple du démarchage

Patin (1936, pp. 7-8)225 cite le Professeur Jèze partisan de la deuxième tendance :

"Sans doute, disait encore M. le Professeur Jèze, y avait-il des démarcheurs honnêtes qui se consacrent au placement de valeurs sérieuses; il n'en est pas moins vrai que, d'une manière générale, le démarchage à domicile a plus de dangers que d'avantages." "Les démarcheurs ont beau protester, les faits sont là pour prouver que dans tout krach, les victimes ont été amenées par milliers par des démarcheurs habiles. C'est par le moyen des démarcheurs qu'on lance des affaires véreuses. Dans les choses humaines on ne peut se contenter de l'à peu près. Le démarcheur à domicile étant la base de tous les grands krachs financiers et présentant des dangers manifestement inévitables, le plus sage est d'interdire le démarchage à domicile, même si quelques démarcheurs honnêtes et consciencieux en souffrent".

Le Décret-loi du 30 octobre 1935 opère alors une distinction essentielle entre le colportage et le simple démarchage. "Se livre au colportage celui qui se rend au domicile des particuliers, autres que les banquiers ou les officiers ministériels, ou dans les lieux non réservés à cet effet, pour offrir ou se procurer des valeurs mobilières,

224 Patin P. (1936), Le démarchage financier, Thèse pour le doctorat en droit, Université de Paris, Paris, Jouve et Cie Editeurs, 154 p.

avec livraison immédiate des titres et paiement immédiat, total ou partiel, soit en argent, soit en valeurs".

L'article donne la définition du démarchage : " Se livre au démarchage celui qui se rend habituellement au domicile des particuliers autres que les banquiers et les officiers ministériels, ou dans les lieux publics non réservés à cet effet, pour conseiller la souscription, l'achat, l'échange ou la vente des valeurs mobilières ou offrir une participation à des opérations sur ces valeurs".

La publicité financière n'est plus seulement chargée de vanter une activité, elle doit aussi la défendre contre des critiques malintentionnées. En fin de compte, cette réglementation ne supprime pas cette pratique douteuse : le démarchage financier est maintenu.

Section 5 – Une volonté d'assainissement de la publicité