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CHAPITRE II MÉTHODOLOGIE

II.3 Une méthodologie en deux volets complémentaires

II.3.2 Volet 2 : l’analyse fonctionnelle

Le volet 2 vise à réaliser l’objectif 2 de cette recherche, à savoir l’élaboration d’un cahier des charges fonctionnel d’un modèle idéal de l’intervention éducative avec les TIC auprès des élèves qui ont des incapacités intellectuelles. Un cahier des charges fonctionnel est un « document dont le demandeur exprime son besoin en termes de fonctions de service et de contraintes. » (Petitdemange, 1997, p. 6). Il permet d’orienter la recherche de solutions vers les besoins réels des utilisateurs (Rocque, 1994; Rocque, Langevin et Riopel 1998; Severin, 2009). Le modèle « idéal » est « le meilleur modèle possible qui se dégage de la démarche de la recherche et du processus de validation en tenant compte de certaines limites de théorisation et des enjeux de la pratique. » (Sauvé, 1992, p. 28). Dans cette thèse, nous avons opté pour l'élaboration d’un cahier des charges fonctionnel d’un modèle idéal au lieu de proposer prématurément un modèle de l’intervention avec les TIC auprès des élèves qui ont des incapacités, qui ne reposerait pas sur une démarche de conception rigoureuse. L’élaboration d’un cahier des charges fonctionnel est une étape réaliste et opérationnelle qui est susceptible de fournir des assises solides pour l’élaboration d’un modèle de l’intervention avec les TIC auprès des élèves qui ont des incapacités intellectuelles.

Développer un cahier des charges fonctionnel, c’est développer une liste de fonctions que le modèle idéal devrait satisfaire. Pour identifier ces fonctions, nous utilisons

fonction et de présenter la démarche de l’analyse fonctionnelle et ses techniques, telles qu’elles sont appliquées dans cette thèse.

II.3.2.1 Fonctions et analyse fonctionnelle

L’analyse fonctionnelle fait partie de la méthode de l’analyse de la valeur pédagogique servant à la conception ou la reconception d’un produit pédagogique (Langevin, 2007). Le produit final de cette démarche est le cahier des charges fonctionnel. Initiée par Miles (1966), l’analyse fonctionnelle est une étape cruciale du processus de conception qui a pour but de trouver toutes les fonctions potentielles d’un produit idéal (Rocque et coll., 1998; Langevin, 2007), en l’occurrence ici, un modèle idéal de l’intervention éducative avec les TIC auprès des élèves qui ont des incapacités intellectuelles. Rocque et coll. (1998) et Severin (2009) la présentent comme la phase la plus importante de l’application de la méthode de l’analyse de la valeur. Elle consiste à « recenser, caractériser, ordonner, hiérarchiser et valoriser les fonctions d’un produit pédagogique. Les fonctions sont les rôles caractéristiques du produit au regard des besoins des utilisateurs Sujets et Agents d’une situation pédagogique spécifique » (Rocque et coll., 1998, p. 8). Ainsi, mener une analyse fonctionnelle d’un produit revient donc à connaître les besoins à satisfaire, et à les exprimer en termes de fonctions pour les comprendre (Severin, 2009).

II.3.2.2 Les techniques de l’analyse fonctionnelle

Langevin (2007) présente trois techniques principales pour identifier les fonctions d’un produit pédagogique. Il s’agit de : 1) l’analyse intuitive; 2) l’analyse d’un produit type; 3) l’analyse écosystémique. Dans cette thèse, nous combinons ces trois techniques pour « générer » les fonctions de notre modèle.

La technique de l’analyse intuitive : Le caractère intuitif de cette technique vient du fait qu’elle ne suit pas des procédures formelles (Langevin, 2007). Toutefois, elle se

l’analyse des besoins des intervenants auprès des élèves qui ont des incapacités intellectuelles (données des focus groups).

La technique de l’analyse de produits similaires : Cette technique consiste à explorer des produits similaires existants pour arriver à faire mieux (Langevin, 2007). Pour cela, nous avons cherché et trouvé deux modèles semblables au modèle futur concerné par notre cahier des charges fonctionnel, et nous avons identifié leurs principales qualités ainsi que leurs défauts ou lacunes les plus apparents. Il s’agit : 1) du modèle mésosystémique École-Famille-Communauté (Rocque et Langevin, 2010); 2) du modèle intégrateur du modèle microsystémique de la situation pédagogique (Robichaud, 2010). Nous avons aussi considéré notre référentiel comme un produit similaire et identifié ses qualités et ses défauts à la lumière des résultats de sa validation par les experts. Chaque qualité inspire une ou des fonctions que le produit à venir devra remplir pour présenter aussi cette qualité. Chaque défaut décelé inspire aussi une ou des fonctions que le produit à concevoir devra remplir pour s’assurer qu’il ne présentera pas ce défaut.

La technique de l’analyse écosystémique : Cette technique d’analyse consiste à considérer chaque composante d’un écosystème et se demander : « Quelles fonctions le produit idéal devrait-il remplir pour satisfaire aux besoins exprimés? » On peut aussi regarder chaque relation entre ces différentes composantes et se demander « Quelles fonctions le produit idéal devrait remplir pour faciliter cette relation? » Appliquer cette technique nécessite au préalable, le choix d’un cadre approprié, c'est-à-dire une représentation de l’écosystème où sera utilisé le futur produit. Dans le cadre de notre thèse, la schématisation de notre référentiel nous sert d’écosystème. Nous avons effectué une analyse des fonctions par composantes, à la lumière des éléments clés identifiés dans la schématisation articulée de notre référentiel (élève qui a des incapacités intellectuelles, intervenant, technologie, objet d’apprentissage et milieu). Cette technique a été appliquée, notamment par Boutet (1997) et Robichaud (2010). Ces deux auteurs proposent un procédé de génération des fonctions par déduction qui s’appuie sur l’ergonomie et l’écologie.

fonctionnelle susvisées. Ce tableau met en relief la place importante de notre référentiel dans l’élaboration du cahier des charges fonctionnel d’un modèle idéal de l’intervention éducative avec les TIC auprès des élèves qui ont des incapacités intellectuelles.

Tableau 3 : Application de trois techniques de l’analyse fonctionnelle

Techniques Repères Le référentiel développé (version 2.0)

Autres éléments théoriques et praxiques de la thèse (recension des écrits, cadre de référence, etc.)

Technique de l’analyse intuitive

Résultats de l’analyse des besoins des intervenants auprès des élèves qui ont des incapacités intellectuelles (données des focus groups découlant de la validation du référentiel).

Le modèle mésosystémique École-Famille-Communauté (Rocque et Langevin, 2010)

Le modèle microsystémique de la situation pédagogique (Robichaud, 2010)

Technique de l’analyse de produits similaires

Le référentiel développé (version 2.0) et les résultats de sa double validation

Technique de l’analyse écosystémique

Le référentiel développé (version 2.0)

II.3.2.3 Élaboration du cahier des charges fonctionnel

Pour élaborer le cahier des charges fonctionnel, nous sommes passée par les étapes suivantes :

1. Identification des différents utilisateurs du futur modèle à savoir, des utilisateurs de premier niveau et des utilisateurs de deuxième niveau étant donné que le modèle visé par notre cahier des charges se situe en amont de l’intervention éducative avec les TIC auprès des élèves qui ont des incapacités intellectuelles (voir Chapitre VI);

2. L’analyse fonctionnelle à travers l’application des trois techniques présentées dans la section précédente;

fonctions pour constituer le cahier des charges.

Dans ce qui suit, nous explicitons notre démarche d’application de la dernière étape du processus d’élaboration du cahier des charges fonctionnel. Toutes les fonctions potentielles générées par l’analyse fonctionnelle ne sont pas nécessairement retenues dans le cahier des charges fonctionnel. Une démarche d’épuration s’est imposée que nous détaillerons au Chapitre V. Pour y arriver, nous nous sommes basés sur les composantes identifiées et étudiées dans notre référentiel (Élève, Agent d'éducation, Technologie, Objet d’apprentissage et Milieu)10. Nous avons réorganisé l’ensemble des fonctions identifiées antérieurement selon les composantes spécifiquement visées par chacune de ces fonctions. Cette nouvelle réorganisation a permis une épuration des fonctions. En effet, les fonctions redondantes ont été regroupées. Par la suite, nous n’avons retenu qu’une seule de ces fonctions pour représenter cet ensemble. À quelques reprises, nous avons reformulé une nouvelle fonction pour mieux décrire l’essence des fonctions regroupées. Le résultat de cette opération d’épuration a permis de produire le cahier des charges fonctionnel. Enfin, nous avons procédé à la caractérisation, la hiérarchisation et la valorisation des fonctions retenues.

La caractérisation des fonctions a consisté à classifier les fonctions en se basant sur la typologie de fonctions de Rocque et coll. (1998). Ces auteurs distinguent trois types de fonctions : les fonctions d’usage, les fonctions contraintes et les fonctions d’estime. En premier lieu, les fonctions d’usage traduisent la partie rationnelle du besoin (Severin, 2009). Elles spécifient l’utilité du modèle (par ex. : établir des balises pour l’intervention éducative avec les TIC auprès des élèves qui ont des incapacités intellectuelles). En deuxième lieu, une fonction contrainte est une limitation de la liberté du concepteur (règlement, normes, etc.) (Severin, 2009). Plus précisément, les fonctions contraintes sont les fonctions qui identifient les rôles imposés par l’une ou l’autre des composantes ayant

des caractéristiques des élèves qui ont des incapacités intellectuelles qui affectent leur utilisation des TIC). Enfin, les fonctions d’estime traduisent la partie subjective du besoin. Il s’agit des fonctions relatives à l’esthétique, la qualité, la valeur d'échange (Rocque et coll. (1998). Elles sont tributaires de la motivation psychologique des utilisateurs (par ex. : avoir l’air facile à utiliser) (ibid.).

Rocque et coll. (1998) ajoutent qu’en plus de caractériser les fonctions générées par l’analyse fonctionnelle (fonctions d’usage, fonctions contraintes et fonctions d’estime), il serait important de les hiérarchiser et de les valoriser. La hiérarchisation consiste à « déterminer l’importance relative de chaque fonction (fonction principale, fonctions secondaires et fonctions complémentaires. » (ibid., p. 9). La valorisation consiste à attribuer un coût à certaines fonctions (ibid.). Pour la valorisation de ces fonctions, nous y reviendrons à la lumière de notre cahier des charges fonctionnel.