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Critique des efforts investis pour l’intégration des TIC en adaptation scolaire

CHAPITRE I PROBLÉMATIQUE

I.2 État de l’utilisation des TIC en éducation des élèves qui ont des incapacités

I.2.1 Critique des efforts investis pour l’intégration des TIC en adaptation scolaire

début des années quatre-vingt pour exprimer l’ouverture de l’État à un phénomène en émergence, qui est la pénétration des TIC dans la société et leur apport potentiel en éducation (Gouvernement du Québec, 1996). Au cours des dernières années, des investissements substantiels ont été faits pour équiper les écoles, pour les connecter à Internet et pour aider les enseignants à accroître leurs connaissances en matière de TIC (Gouvernement du Québec, 2000a; Grenon, 2000; Chalghoumi, 2005; Karsenti, 2009).

Chalghoumi (à paraître, 2011) trace un bilan critique des efforts gouvernementaux en matière d’intégration des TIC en éducation des élèves HDAA. D’une part, elle explique qu’en dépit de l’intérêt accordé par le gouvernement du Canada et du Québec en particulier à ce sujet6, force est de noter que le virage technologique qu’a connu le monde de l’éducation dans les dernières années correspond à un « dérapage technologique » dans le secteur de l’adaptation scolaire. Une situation déjà déplorée qui demeure inchangée depuis 1996 (Chouinard et coll., 1996). D’autre part, elle souligne la faiblesse de l’engagement formel sur la question de l'accès aux technologies de l'information, notamment de la part du gouvernement du Québec et du Canada en comparaison avec les États-Unis (par ex. : The Americans with Disabilities Act (ADA) (U.S. Congress 1991), Individuals with Disabilities Education Act (IDEA) (U.S. Congress, 1997), The Tech Act (U.S. Congress, 1988) et la section 508 du Rehabilitation Act (U.S. Congress, 1998). Ce dernier point est d’autant plus important en matière d’élaboration des plans d’intervention pour les élèves HDAA. Dans l’objectif de dégager les éléments clés du discours du MELS concernant les plans d’intervention, Chalghoumi (2006) a analysé trois des principaux documents liés à l’élaboration du plan d’intervention : 1) Cadre de référence pour l’établissement des plans d’intervention (gouvernement du Québec, 2004), 2) Politique de l’adaptation scolaire

(Gouvernement du Québec, 1999a); 3) Plan d’action de la politique d’adaptation scolaire (Gouvernement du Québec, 1999b). Les résultats de cette recherche ont permis de constater l’absence totale de toute référence à l’utilisation des aides techniques comme moyen d’adaptation. De plus, on ne peut que noter l’absence de toute mention à une éventuelle relation entre le développement des plans d’intervention et la planification et l’évaluation de l’utilisation des aides techniques. Aux États-Unis, ces activités sont considérées comme des éléments cruciaux du processus de développement des plans d’intervention auprès des élèves avec incapacités, comme souligné dans l’IDEA 2004 (U.S. Congress, 2004). Pire encore, Karsenti (2009) critique l’absence totale de toute référence à l’alphabétisation numérique7 en tant que compétence à développer, tant au niveau du programme de formation de l’école québécoise destiné aux écoles primaires et secondaires qu’au niveau du programme de formation des enseignants.

I.2.2 Les personnes qui ont des incapacités intellectuelles et les TIC : une situation déplorable

En ce début de 21e siècle, il est plus que temps que les personnes qui ont des incapacités intellectuelles bénéficient des technologies de l’information et de la communication (TIC), au même titre que les autres membres de la société (Wehmeyer et coll., 2008). Certes plusieurs gains quant à l’accessibilité des personnes handicapées aux TIC ont été enregistrés en conséquence de l’application de l’obligation d’accommodement, enchâssée dans plusieurs politiques et orientations, qui favorise l’inclusion et la participation sociale de tous les citoyens (Ostroff, 2001; Vienneau, 2004). Toutefois, ces gains sont quasi exclusifs aux personnes dont les limitations sont de nature motrice ou sensorielle (Bühler, 1999; Brodin, 2000; Rocque et Desbiens, 2007; Carey, Friedman et Bryen, 2005). En s’intéressant à l’accessibilité au Web et à tous les gains acquis dans ce domaine par les personnes avec incapacités, Friedman et Bryen (2007) soulignent que 6 Pour plus d’informations sur les efforts gouvernementaux en matière d’intégration des TIC en éducation et notamment dans le secteur de l’adaptation scolaire, le lecteur peut consulter Chalghoumi (à paraître, 2011).

« Web accessibility for users with cognitive disabilities lags far behind the general population and behind Web access for other disability groups. » (p. 205). Bohman (2004) résume cette situation en expliquant que « cognitive disabilities are the least understood and least discussed type of disability among web developers. » (en ligne). En effet, alors que les normes d’accessibilité au Web du WAI incluent des éléments se rapportant aux limitations cognitives, la majorité de ces points sont considérés comme des priorités secondaires (Abascal, Arrue, Garay et Tomas, 2003; Bohman, 2004, 2007). Bartlett (2001) a mené une analyse critique du contenu des normes d’accessibilité du Web (The Web Accessibility Initiative (WAI)) (version 1.0). Elle a trouvé que si un contenu Web correspondait aux priorités du niveau 1, ce contenu chercherait à satisfaire en premier lieu les besoins des utilisateurs qui ont des limitations visuelles. Le second niveau de priorité répondrait aux besoins d’une tranche plus large de personnes avec incapacités. Le plus bas niveau de priorités, soit le niveau 3, viserait à répondre, notamment aux besoins de personnes avec des limitations cognitives.

Trente ans après l’Année internationale des personnes handicapées (1981), les personnes ayant des incapacités intellectuelles sont celles qui ont le plus été laissées pour compte au regard des processus d’adaptation et des mesures d’accommodement pour soutenir l’accessibilité universelle, notamment dans l’univers des TIC (Bühler, 1999; Brodin, 2000; Carey, Friedman et Bryen, 2005; Li-Tsang et coll., 2006; Rocque et Desbiens, 2007). En plus, dans d’autres sphères d’activités humaines, dont l’éducation, ces personnes risquent maintenant d’être victimes d’exclusion technologique (Derer, Polsgrove et Reith, 1996; Wehmeyer, 1999).

Très peu de recherches ont été menées pour étudier l’état de la situation de l'utilisation des technologies par les personnes qui ont des incapacités intellectuelles, encore moins en contexte scolaire (Wehmeyer et coll., 2004; Yanna, 2005; Carey et coll., 2005). 7 L’auteur parle de « compétence informationnelle ». 

En ce qui a trait à l’utilisation des TIC par des adultes qui ont des incapacités intellectuelles, Parette et VanBiervliet (1992) qui ont mené une enquête par questionnaire auprès de 680 adultes avec des incapacités intellectuelles en Arkansas aux États-Unis, ont trouvé que seulement 21 % d’entre eux utilisent l’ordinateur. Wehmeyer (1998) constate que dans quatre des cinq domaines d’utilisation des technologies (mobilité, audition et vision, communication, adaptation à la maison, contrôle de l'environnement), le pourcentage des personnes avec incapacités intellectuelles qui utilisent une aide technique est inférieur à 10 %, selon les réponses des 1218 membres de leur famille. Des résultats similaires ont été obtenus par Carey et coll. (2005) qui ont trouvé que les 83 adultes avec incapacités intellectuelles interviewés dans le cadre de leur étude utilisent des technologies simples comme le téléphone, la télécommande du téléviseur, etc. L’utilisation de technologies plus sophistiquées est moins fréquente. Tel est le cas des ordinateurs (41 %), jeux vidéo (37 %), téléphones cellulaires (28 %), Internet (25 %) et agendas électroniques (11 %). Dans leurs conclusions, Carey et coll. (2005) soulignent le peu de recherches existantes sur le sujet, ce qui est une preuve supplémentaire de la faible utilisation des TIC par les personnes qui ont des incapacités intellectuelles.

Au Québec, l’enquête réalisée par Lachapelle, Cloutier et Masson (2002) trace un portrait de l’utilisation des TIC dans 17 des 24 Centres de réadaptation pour personnes présentant une déficience intellectuelle (CRPDI). Un peu plus de la moitié des répondants (56 %) indiquent que des usagers utilisent les TIC à des fins d’apprentissages, ludiques ou de simulation. La majorité (81 %) indique que leurs employés n’ont pas les compétences requises pour former les usagers à l’utilisation des TIC. De plus, seulement la moitié d’entre eux mentionnent que les ordinateurs sont accessibles par les enfants ou les adolescents fréquentant les centres. Il faut noter que 76 % de ces établissements ne possèdent pas de budgets spécifiques pour l’accès aux TIC.

I.2.3 Les élèves qui ont des incapacités intellectuelles : les exclus du virage