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Pertinence de la recherche : une pertinence évaluée en coûts

CHAPITRE I PROBLÉMATIQUE

I.5 Pertinence de la recherche : une pertinence évaluée en coûts

Malgré des avancées importantes en matière de droits des personnes qui ont des incapacités intellectuelles, et même si plusieurs arrivent à apprendre à lire, la majorité des élèves qui ont des incapacités intellectuelles légères, et pratiquement tous ceux qui ont des incapacités moyennes à sévères, demeurent analphabètes après 15 années d’école (Langevin et coll., à paraître, 2011). Alors que les finalités de leur éducation sont l’autonomie et l’atteinte d’une véritable participation sociale, ils deviennent des citoyens dépendants et isolés socialement (Bouchard et Dumont, 1996; El Chourbagui, 2007). Les dépendances des élèves qui ont des incapacités intellectuelles, une fois rendus adultes, ont des coûts élevés tant pour la personne qui a des incapacités intellectuelles que pour son entourage et pour toute la société.

Lorsqu’un enfant n’acquiert pas les compétences élémentaires permettant d’agir comme un membre responsable et productif de la société, ce n’est pas seulement l’enfant qui est perdant, mais le corps social tout entier. En fait, le coût résultant du défaut d’éducation des enfants est beaucoup plus important que le coût de leur éducation (Hilman et Jenkner, 2004, p. 2).

Approchée tantôt comme une partie intégrante du concept d’alphabétisation (Irish Information Society, 2000), tantôt comme son extension (UNESCO, 2008; Pérez et Murray, 2010), ou comme un concept distinct, mais tout aussi important (BECTA, 2002), l’alphabétisation numérique occasionne aussi des coûts importants qui peuvent être répartis en deux catégories : les coûts d’opportunité et les coûts de mesures correctives (Maxwell et Teplova, 2008).

I.5.1 Les coûts d’opportunité de l’alphabétisation numérique

Les coûts d’opportunité (Orivel, 2005), dits aussi coûts de renonciation (Maxwell et Teplova, 2008), correspondent aux coûts des bénéfices auxquels les personnes qui ont des incapacités intellectuelles et la société doivent renoncer puisque les premiers ne peuvent

pas réaliser leur plein potentiel de contribution à la société. Comme s'évertue à argumenter le rapport Bouchard dans « un Québec fou de ses enfants », nous pouvons considérer les efforts d’introduction des TIC en éducation des élèves qui ont des incapacités intellectuelles comme un investissement en prévention qui est économiquement et « socialement rentable » (MSSS, 1991). Certes ces efforts coûtent cher, objectera-t-on, mais « [...] on estime que chaque dollar investi en fait économiser trois en service de protection, de réadaptation ou de santé » (ibid., p. 80). En effet, le coût palliatif des services destinés à ces personnes est nettement plus élevé que les coûts générés par leur éducation (MSSS, 1991). Le rapport de l’OCDE « Regards sur l’éducation 2009 » soutient cette idée : « L’éducation a toujours constitué un investissement clé pour l’avenir, pour les individus, pour l’économie et pour la société dans son ensemble. » (OCDE, 2009, p. 13). Dans les pays de l’OCDE, le rendement public net de l’investissement dans une formation tertiaire (niveau supérieur) dépasse 50 000 dollars américains. Il est rentable d’investir dans des formations de niveau supérieur vu que les coûts engendrés sont de loin inférieurs aux bénéfices de l'éducation chiffrés en dollars américains8. Ce rendement augmente avec le niveau de scolarité (ibid.), il atteint son apogée en formation de niveau supérieur. Néanmoins, l’augmentation des compétences en alphabétisation des personnes dont les niveaux sont faibles, dont les personnes qui ont des incapacités intellectuelles, pourrait avoir des répercussions plus importantes à long terme que l’investissement dans la formation de niveau supérieur (Coulombe et Tremblay, 2005; Groupe Financier Banque TD, 2007). Ces résultats s’ajoutent à ceux du rapport du Groupe Financier Banque TD (Groupe Financier Banque TD, 2007). Ce rapport étudie, entre autres, les gains en productivité réalisés grâce à une meilleure alphabétisation, on y explique que ces gains pourraient être très conséquents. À titre d’exemple, une amélioration de la cote d’alphabétisme des personnes avec compétences faibles (niveaux 1 et 2) à des compétences adéquates (niveau 3) injecterait à peu près 80 milliards de dollars canadiens dans l’économie canadienne (ibid). Mieux encore, une augmentation de 1 % du taux d’alphabétisme créerait des gains économiques de

32 milliards de dollars canadiens (ibid). Ces gains seraient trois fois plus importants que l’investissement dans le capital physique (équipement, capitaux, etc.) (Coulombe et Tremblay, 2005).

I.5.2 Les coûts des mesures correctives de l’alphabétisation numérique

Les coûts des mesures correctives, aussi dits coûts palliatifs correspondent aux coûts que doivent assumer la personne qui a des incapacités intellectuelles et la société lorsqu’on tente de corriger les dommages causés plus tôt au cours de la vie. Ces coûts correspondent à des services palliatifs à offrir à ces personnes parce que le système scolaire n’a pas disposé de moyens pédagogiques suffisamment efficients. Ces coûts comprennent les coûts des programmes sociaux (santé, services sociaux et aide en revenu minimum garanti, etc.). En plus, pour pallier l’échec du système scolaire auprès de ces élèves, un important réseau de « centres de réadaptation en déficience intellectuelle » a été mis sur pied. Il y a une vingtaine de ces centres au Québec qui regroupe des milliers d’intervenants, de professionnels et de cadres, ainsi que des dizaines de milliers « d’usagers ». Les coûts associés à ce réseau et à ses services nous donnent une idée approximative des coûts palliatifs consécutifs à l’échec du système scolaire auprès des élèves qui ont des incapacités intellectuelles. Comme nous l’avons argumenté plus haut, les technologies pourraient contribuer à changer cette situation. Tous les coûts cités ci-dessus, notamment ceux engendrés par les CRPDI, pourraient sans doute être réduits, si les personnes qui ont des incapacités intellectuelles profitaient du potentiel des technologies pour diminuer leurs dépendances. Pour atteindre un tel objectif, il est primordial que les TIC, qui font partie intégrante de la société d’aujourd’hui, soient intégrées dans l’enseignement et l’apprentissage des élèves qui ont des incapacités intellectuelles.

Pour conclure ce chapitre, nous pensons qu’actuellement, l’exploitation des TIC en éducation des élèves qui ont des incapacités intellectuelles est une nécessité dont il faut 8 Voir l’indicateur A8 du rapport. 

penser les balises. La recherche pourrait jouer un rôle de premier rang pour faire avancer les savoirs pratiques et théoriques sur ce sujet. Or, le domaine de l’intervention avec les TIC auprès des élèves qui ont des incapacités intellectuelles est un champ à l’état embryonnaire caractérisé par l’éclatement et l’absence de balises de recherche et de pratique, et où il y a eu jusqu’à maintenant peu de contributions théoriques et pratiques. « Aucun projet de recherche ou d’activité en général ne pourra être réalisé sans connaître la réalité à laquelle il se réfère » (Estrela, 1989, p. 23). Le besoin est criant en matière de recherche sur ce sujet. D’où la pertinence de cette recherche qui cherche à jeter un éclairage articulé sur le domaine en mettant en place des balises solides pouvant servir de cadre à l’élaboration d’un modèle de l’intervention éducative avec les TIC auprès des élèves qui ont des incapacités intellectuelles.