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La voix applicative

La morphologie verbale du malgache

1.4. Les voix

1.4.4. La voix applicative

« Nous appelons verbe applicatif tout verbe qui comporte le suffixe -ana et qui, employé en fonction de prédicat, exige un énoncé minimum de 3 membres dont le troisième membre est nécessairement un agi-expansion » (cf. S. RAJAONA, 1972, p. 154). Le sujet de cet énoncé est appelé « sujet-destinataire ». La phrase dans laquelle existe ce verbe est une phrase orientée à la voix applicative41. En d’autres termes, un verbe à valeur applicative est un verbe qui comporte obligatoirement le morphème d’agissif dans son système verbal. Ainsi, fatrar-ana « dans quoi on bourre, à qui on fourre » et tolor-ana « à qui l’on offre » sont des verbes applicatifs car ils comportent le suffixe -ana et exigent quand ils son employés en fonction de prédicat, un énoncé minimum de trois membres dont le membre complément est un agi-expansion. C’est ainsi que l’on a :

(34) Fatrar-ana vary ny kitapo.

litt. prés.-Bourrer-app. riz le sac. Le sac est bourré de riz.

(35) Tolor-ana voninkazo i neny.

litt. prés.-Offrir-app. fleurs la maman. Maman est celle à qui les fleurs sont offertes.

Les phrases (34) et ( 35) sont à la voix applicative et leur élément complément est respectivement un agi-expansion ou un complément direct, car il devient sujet dans des phrases dont le verbe est à l’agissif :

41 Otto Chr. DAHL parle de « passif locatif ». Il le définit comme le verbe passif considéré en rapport avec le lieu où se fait l’action ou, suivant la conception indonésienne, le lieu qui subit l’action, et est formé par le suffixe -ana p. ex. Velarana tsihy ny trano litt. Déployer-app. natte la maison « Une natte est déployée à la maison » (O. C. DAHL, 1951, p. 196). Dans la nouvelle nomenclature que nous utilisons et exposons au chap. 5 ce terme de locatif a été choisi pour désigner l’applicatif de Siméon RAJAONA.

69 (36) A-fatratra ao anaty kitapo ny vary.

litt. prés.-Bourrer ou entasser-agi. là dans sac le riz. Le riz est entassé dans le sac.

(37) A-fatratra ny vary

litt. prés.-Entasser-agi le riz. Le riz est entassé.

donc vary est un complément direct dans (34) ; et, (38) A-tolotra an’i neny ny voninkazo.

litt. prés.-Offrir-agi. à’la maman les fleurs.

Les fleurs sont offertes à maman. ou (39) A-tolotra ny voninkazo.

litt. prés.-Offrir-agi. les fleurs. Les fleurs sont offertes.

donc voninkazo est un complément direct dans (35). Vary et voninkazo le sont également dans les phrases à l’agentif comme dans :

(40) M-am-atratra vary ao anaty kitapo izy. litt. prés.-Entasser-agen. riz là dans sac il. Il entasse le riz dans le sac.

(41) M-an-olotra voninkazo an’i neny izy.

litt. prés.-Offrir-act.-stat. fleurs à maman il. Il offre des fleurs à maman.

Les entrées lexicales verbales fàtratra « 1. Presser, bourrer, tasser, fourrer. 2. Être serré, se serrer, être bourré, tassé, se tasser. » et tolotra « 1. Offrir, donner, présenter. 2. S'offrir, se livrer, se rendre. » comportent respectivement le suffixe -ana et le préfixe a- dans leur système verbal. Ce suffixe -ana se distingue de -ana morphème de l’objectif par le critère de l’énoncé minimal : 2 membres pour l’objectif (12)-(13)-(14) et 3 pour l’applicatif (34)-(35), et on peut confirmer cette distinction par les deux points suivants. Premièrement, pour les radicaux verbaux qui ne sont pas compatibles avec l’affixe a- dans leur système verbal, -ana est obligatoirement un affixe de l’objectif, car lorsque -ana est un affixe de l’applicatif, le système de conjugaison du verbe fournit obligatoirement des formes avec l’affixe de l’agissif a-. C’est ainsi que ome-(a)na « qu’on donne, à qui on donne », fanten-ana « qu’on choisit, qu’on trie », amban-ana « qu’on menace » sont objectifs car il n’existe pas de

70 formes *a-ome, *a-fantina, *a-ambana. Deuxièmement, pour les entrées lexicales verbales comportant les paradigmes de formes à morphèmes -ana et a- à la fois : -ana est applicatif si a- est agissif ; en revanche, -ana est objectif si a- est instrumentif (cf. 1.4.1.). Sur le plan de la syntaxe, l’agi exige un énoncé minimum de deux membres alors que l’instrument exige un énoncé minimum de trois membres (cf. S. RAJAONA, 1972, p. 147-150). Il s’ensuit que suivant le comportement de l’énoncé comportant le morphème a-, on tranchera si -ana est objectif ou applicatif42. C’est ainsi que -ana dans :

(42) Roso-ana sakafo ny vahiny.

litt. prés.-Offrir-app. mets les invités.

Les invités sont ceux à qui sont offerts les mets.

est applicatif car l’énoncé avec le morphème a-, ici, peut se limiter à 2 membres : (43) A-roso ny sakafo.

litt. prés.-Offrir-agi. les mets. Les mets sont offerts.

En revanche -ana dans :

(44) Fafa-(a)na amin’ny spônjy ny solaitra.

litt. prés.-Essuyer-obj. avec une éponge le tableau. Le tableau est essuyé avec une éponge.

est objectif car l’énoncé avec le morphème a-, ici, est d’au moins 3 membres : (45) A-fafa ny solaitra ny spônjy.

litt. prés.-Essuyer-inst. le tableau l’éponge.

L’éponge est l’instrument avec lequel est essuyé le tableau. (46) *A-fafa ny spônjy.

litt. *prés.-Essuyer-inst. l’éponge.

*L’éponge est l’instrument avec lequel est essuyé.

42 Nous dirons également que la voix applicative exige comme complément nécessaire un agissif, tandis que la voix instrumentive exige comme complément nécessaire un objet. En d’autres termes, il y a un lien de dépendance unilatérale entre : d’une part, la forme applicative et la forme agissive ; et d’autre part, la forme instrumentive et la forme objective en ce sens que toute forme applicative requiert nécessairement une forme agissive et toute forme instrumentive requiert obligatoirement une forme objective mais l’inverse n’est pas vrai.

71 L’énoncé type de la voix applicative est « verbe applicatif + complément d’agi + sujet-destinataire » comme dans :

(47) Bosasah-ana rano ny kianja.

litt. prés.-Répandre-app. eau le terrain. De l’eau est répandue sur le terrain.

(48) Boseseh-ana sakafo ny gana.

litt. prés.-Gaver-app. aliments le canard. Le canard est gavé d’aliments.

Bosasahana et bosesehana sont des verbes applicatifs ; les éléments comme rano « eau » et sakafo « aliments » sont tous deux compléments directs ; ny kianja « le terrain » et ny gana « le canard » sont sujets-destinataires. Rano et sakafo sont également des compléments directs dans les phrases à l’agentif comme dans :

(49) M-ana-bosasaka rano amin’ny kianja izy. litt. prés.-Répandre-agen. eau sur le terrain il. Il répand de l’eau sur le terrain.

(50) M-ana-bosesika sakafo ny gana izy.

litt. prés.-Gaver-agen. aliments les canards il. Il gave les canards d’aliments.