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La voix agentive

La morphologie verbale du malgache

1.4. Les voix

1.4.3. La voix agentive

« Nous appelons verbe agentif tout verbe qui comporte l’un des morphèmes Ø-, a-, an-, am-,ana-, i-38et qui, employé en fonction de prédicat, se combine dans un énoncé complet, avec un objet ou agi expansion39. » (cf. S. RAJAONA, 1972, p. 454).

37 Nous appelons verbe circonstanciel tout verbe à morphème complexe, comportant un préfixe à variantes Ø-, a-, an-, am-, ana-, i- et un suffixe -ana comme dans Ø-i-lalaov-ana « la circonstance où

l’on joue », Ø-an-dehan-ana « la circonstance où l’on part, marche ».

38 Eventuellement aha- dans quelques verbes comme mahalala en face de ahalalana, mahafantatra en face de ahafantarana est également un morphème de l’agentif. À ce titre, nous supposons que, dans l’ancienne langue, il existait un morphème alternant aha- désignant l’agentif-statif. Par la suite, ce morphème aurait perdu ce sens grammatical – sauf pour ces quelques verbes comme cités ci-dessus – pour ne dénoter que l’aspect résultatif de tout autre morphème d’agentif-statif.

65 Le sujet de cet énoncé est « agent »40. Formellement, un verbe a une valeur agentive lorsque son paradigme verbal comporte ou bien un objectif (cf. 1.4.1.) ou bien un agissif (cf. 1.4.5.). En effet, la voix agentive est caractérisée d’une part, par les signifiants Ø-, i-, a-, an-, ana-, am- comme dans m-Ø-ila « avoir besoin, désirer, demander, chercher, exiger, s’exposer à, être sur le point de, menacer de », m-i-hira

« chanter », m-an-doa « 1. Vomir. 2. Payer, rembourser, verser de l’argent. », m-am-oy « abandonner, renoncer à, céder à, donner » d’une part ; et, d’autre part,

par l’emploi obligatoire d’un complément direct dans un énoncé. Ainsi, les verbes ci-dessus sont des verbes agentifs car leurs conjugaisons respectives comportent ou bien l’objectif comme dans ila-ina « dont on a besoin, qui est nécessaire, qu’il faut, qu’on demande, qu’on cherche », hira-ina « que l’on chante, ce avec quoi on s’amuse » ou bien l’agissif comme dans a-loa « 1. À vomir ; 2. Qu’on paie, qu’on restitue », a-foy « qu’on abandonne, qu’on cède, qu’on sacrifie, à quoi on renonce, qu’on rejette ».

D’une manière générale, il y a 2 types d’énoncés à la voix agentive : d’une part, les énoncés qui ont un objet ; et, d’autre part, les énoncés qui ont un agi comme complément d’objet. Premièrement, les énoncés tournés à la voix agentive qui ont un agi comme complément d’objet entrent dans 2 catégories de phrases :

− « verbe agentif + complément d’agi + sujet » comme dans : (30) M-an-doa vola ny vahoaka.

litt. prés.-Payer-agen. argent la population. La population paie de l’argent. où :

mandoa est un verbe agentif.

vola est un complément d’agi parce qu’il devient sujet d’une phrase dont le verbe est à l’agissif – nous appelons verbe agissif tout verbe qui comporte le préfixe verbal a- et qui, employé en fonction de

40 L’agent est l’élément qui, employé directement ou par réversion, en fonction de sujet, exige comme prédicat, dans un énoncé minimum de trois membres dont le troisième est un objet ou agi, un verbe à préfixe Ø-, a-, an-, am-, ana-, i-. En termes sémantiques, c’est l’élément dont part une action verbale

transitive portant sur un objet ou transformant un agi. La notion d’agent suppose la notion d’objet ou d’agi. (voir S. RAJAONA, 1972, p. 426). En linguistique générale, le terme d’agent est utilisé sans présupposer la présence d’un complément : le sujet de certains verbes intransitifs est qualifié d’agent parce qu’il agit volontairement, par exemple bluffer, chahuter, communier, déambuler, embrayer,

flâner, gesticuler, ironiser, jardiner, paresser, pédaler, pique-niquer, raisonner, renifler, temporiser, tricher...

66 prédicat, exige un énoncé minimum de 2 membres (cf. 1.4.5). C’est ainsi que nous avons A-loa ny vola. litt. prés.-Payer-agi le argent. « L’argent est payé. ».

ny vahoaka est un sujet-agent.

− « verbe agentif + complément d’agi + complément prépositionnel + sujet » comme dans :

(31) M-am-afy voa amin’ny tanimbary izy.

litt. prés.-Semer-agen. graine sur’la rizière il. Il sème les graines sur la rizière. où :

mamafy est un verbe agentif.

voa est un complément d’agi – A-fafiny amin’ny tanimbary ny voa. litt. prés.-Semer-agi-lui sur’la rizière les graines. « Les graines sont semées par lui sur la rizière. ».

tanimbary complément prépositionnel – Am-afaz-a(na)-ny voa ny tanimbary. litt. prés.-Semer-circ.-il graine la rizière. « La rizière est le lieu où il sème les graines. » ou bien Fafaz-a(na)-ny voa ny tanimbary. litt. prés.-Semer-app.-il graine la rizière. « La rizière est le lieu où il sème les graines. ».

izy est un sujet-agent.

Deuxièmement, les énoncés orientés à la voix agentive qui ont un objet comme complément direct entrent dans 2 catégories de phrases :

− « verbe agentif + complément d’objet + sujet » comme dans : (32) M-an-isa vola izy.

litt. prés.-Compter-agen. argent il. Il compte l’argent. où :

manisa est un verbe agentif.

vola est un complément d’objet parce qu’il devient sujet d’une phrase dont le verbe est à l’objectif – un verbe objectif est un verbe qui comporte le suffixe -ina ou -ana et qui, employé en fonction de prédicat, exige un énoncé minimum de 2 membres (cf. 1.4.1.). C’est ainsi que nous avons Isa-i(na) ny vola. litt. prés.-Compter-obj. le argent. «L’argent est compté. ».

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− « verbe agentif + complément d’objet + complément prépositionnel + sujet » comme dans :

(33) M-am-andrika vorona amin’ny siligaoma izy.

litt. prés.-Piéger-agen. oiseau avec’le chewing-gum il. Il piège les oiseaux avec du chewing-gum. où :

mamandrika est un verbe agentif.

ny vorona est un complément d’objet parce qu’il devient sujet d’une phrase dont le verbe est à l’objectif. C’est ainsi que l’on a Fandrih-a(na)-ny amin’ny siligaoma ny vorona. litt. prés.-Piéger-obj.-lui avec’le chewing-gum les oiseaux. « Les oiseaux sont piégés par lui avec du chewing-gum. ».

siligaoma est un complément prépositionnel introduit par la préposition amin « de ». Ici, ce complément est un complément circonstanciel à valeur d’instrument parce qu’il devient sujet d’une phrase dont le verbe est à l’instrumentif. « Nous appelons verbe instrumentif, tout verbe qui comporte le suffixe a- et qui, employé en fonction de prédicat, exige un énoncé minimum de 3 membres dont le troisième membre est nécessairement un

objet-expansion » (cf. 1.4.6.). C’est ainsi que nous avons Am-andrih-a(na)-ny vorona ny siligaoma. litt.

prés.-Piéger-circ.-il oiseaux le chewing-gum. « Le chewing-gum est l’instrument par lequel il piège les oiseaux. » où siligaoma est un complément circonstanciel car il devient sujet d’une phrase dont le verbe est au circonstanciel. La circonstance est ici à valeur d’instrument car nous avons A-fandrika ny vorona ny siligaoma. litt. prés.-Piéger-inst. les oiseaux le chewing-gum. « Le chewing-gum est l’instrument par lequel il piège les oiseaux. ».

izy est un sujet-agent.

Trois points sont toutefois à souligner : premièrement, Siméon RAJAONA emploie plutôt la dénomination « voix agentive » à la place de « voix active ». Selon DUBOIS, un verbe est à la voix active « lorsque le sujet du verbe est l’agent d’une action qui s’exerce sur un objet » (J. DUBOIS, 2002, p. 509). Deuxièmement, comme la voix circonstancielle existe partout dans la conjugaison, les verbes agentifs

68 admettent sans exception cette voix. Il en résulte que les types d’énoncés dont la forme verbale est à la voix « active », peuvent recevoir chacun des compléments circonstanciels. Troisièmement, sur le plan morphématique, de tous les morphèmes d’agentif que nous avons cités ci-dessus, c’est plutôt le morphème an- qui a vocation d’agentif (voir S. RAJAONA, 1972, p. 409).