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Le mode impératif

La morphologie verbale du malgache

1.2.2. Le mode impératif

Généralement, les morphèmes de l’impératif sont les suffixes -a, -o, -y (cf. S. RAJAONA, 2004, p. 30) s’opposant au suffixe -Ø (indicatif). Leurs positions sur l’axe de la syntagmatique sont régies par des règles. Pour former un mot, un morphème autonome ou morphème fondamental doit toujours se combiner avec le radical pour établir la classe distributionnelle du mot (cf. S. RAJAONA, 2004, p. 25). Après qu’un morphème fondamental ait affecté un radical verbal, celui-ci peut recevoir un morphème dépendant, ici, le morphème d’impératif.

Quant au fonctionnement des affixes de l’impératif, pour le cas du suffixe d’impératif -a fonctionnant avec l’agentif-statif, il se place directement après le

26 En français, s’il existe un passé composé ou d’autres temps composés, c’est parce que ce temps « passé composé » dénote à la fois le temps et l’aspect « accompli ». En malgache un morphème de résultatif ne dénote pas le temps mais seulement le fait que l’action est accomplie. Tafajery azy aho. litt. non-fut.-rés.-regarder lui je. « J’ai pu le regarder ». Hotafajery azy aho. litt. fut.-rés.-regarder lui je. « j’aurai pu le regarder ». Dans ces exemples, nous remarquons que le temps ne dénote que le temps et le morphème d’aspect ne dénote que l’aspect. Si les temps composés dénotent tous l’aspect accompli en français ; en malgache, l’aspect résultatif ou accompli sera dénoté par l’un des morphèmes

aha-, Ø-, voa-, tafa- et le temps sera dénoté par l’un des morphèmes à double ou triple valeur. Le

temps n’a rien à voir avec l’aspect. Cette différence entre le français et le malgache est typique de l’opposition entre langues flexionnelles et agglutinantes.

51 radical verbal lorsque celui-ci a reçu le préfixe d’agentif-statif comme dans milalao « notion de jouer » stat.ind.) milalaova « joue, jouons, jouez » (agent.-stat.imp.), manomboka « notion de commencer » (agent.-stat.ind.)

manomboha « commence, commençons, comencez » (agent.-stat.imp.). Ci-dessous les découpages morphologiques respectifs de ces verbes au mode impératif.

milalaova → m- i- lalaov -a

T:r PV:a forme de surface de làlao SI:a

manomboha → m- an- omboh -a

T:r PV:a forme de surface de tòmboka SI:a

Notons que dans certains cas, pour certains radicaux verbaux dont la terminaison est a, ce morphème d’impératif a- prend comme forme de surface l’affixe -Ø et cet affixe dans ce cas a même valeur que -a (SI:a).

Par ailleurs, pour les cas des suffixes -o, -y fonctionnant avec l’objectif, l’agissif, l’instrumentif, l’applicatif et le circonstanciel, Siméon RAJAONA remarque que « la structure morphologique d’un mot n’admet pas la présence simultanée, dans la chaîne, de deux suffixes inflexionnels, à moins que l’un des deux ne soit -Ø ». À ce titre, « si un mot doit comporter deux suffixes infexionnels, l’un des deux, le premier arrivant dans l’ordre structurel – un morphème fondamental – disparaît par amalgame, sur le plan du signifiant, au profit du dernier arrivant – un morphème dépendant ». Siméon RAJAONA appelle cette règle « loi des deux suffixes » (cf. S. RAJAONA, 2004, p.62). Par exemple dans tsarovana « dont on souvient » (obj.

ind.) ou tsarovina « dont on souvient » (obj. ind.) tiré du radical tsiàro/tsaróv-27

« se souvenir, se rappeler, s’éveiller », nous avons comme premier arrivant, le morphème fondamental, -ina ou -ana « objectif ». À l’impératif, l’emploi du suffixe -o et/ou -y entraîne la disparition par amalgame du suffixe -ina ou -ana au profit, ici, de -y que l’on retrouve dans tsaróvy (obj. imp.). C’est comme le cas de hanina « qu’on mange » (obj. ind.) hano « mange, mangeons, mangez » (obj. imp.) par exemple. Ci-dessous, les découpages morphologiques de tsarovy et hano sont fournis.

27 Les formes comme tsaró- dans tsaroana ou tsiarov- dans fahatsiarovana sont également attestées dans la langue.

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tsarovy → Ø- tsaróv -y

T:r forme de surface de tsiàro SI:i:o:l

hano → Ø- han -o

T:r forme de surface de hìnana SI:i:o:l 1.3. Le temps

« L’expression morphologique du temps est obligatoire pour toute forme verbale » (S. RAJAONA, 2004, p.29). « Le terme de temps désigne le continuum qui procède du déroulement et de la succession des existences, des états et des actions, c’est le temps réel dont la perception serait exprimée par le temps grammatical. » (J. DUBOIS, 2002, p. 478). La perception la plus fréquente concernant le temps est celle qui oppose le présent moment de l’énoncé (maintenant), le passé (avant le moment de l’énoncé ou avant-maintenant) et le futur (après le moment de l’énoncé ou après-maintenant) : ce sont les temps absolus. Dans sa grammaire habituelle28, « le malgache a trois temps, le passé, le présent et le futur » (O. C. DAHL, 1951, p. 180). Ci-dessous, ces trois temps sont présentés dans cet ordre. Ensuite, deux autres temps sont exposés, le « non-futur » le temps utilisé avec les affixes d’aspect et le « thème de présent » le temps utilisé avec le mode impératif. Enfin, une considération générale sur le système temporel malgache est avancée.

28 En français par exemple, à propos des autres temps - autre que le passé, le présent, le futur - comme l’avant passé ou passé antérieur, le passé historique ou passé simple, l’avant-futur ou futur antérieur, etc. , ils n’existent pas en malgache. S’ils existent en français, c’est que dans cette langue, il n’y a pas de morphème séparé pour les catégories du temps et de l’aspect (un seul morphème non-segmentable dénote à la fois ces catégories). Ce qui n’est pas le cas en malgache qui est une langue agglutinante : chaque affixe a généralement une fonction grammaticale distincte et vice-versa, chaque fonction grammaticale est dénotée par un affixe déterminé (voir Principe de la correspondance morphosémantique28 chez S. RAJAONA, 2004, p. 63).

Ainsi, la langue malgache ne tient pas compte de ces autres temps car elle n’a pas d’affixe d’imparfait, de plus que parfait, de passé simple, de passé antérieur, etc.). Elle divise l’axe temporel en trois espaces : le passé, le présent et le futur. Pour elle, le temps et l’aspect ont deux morphèmes distincts, pas comme dans les langues indo-européennes où le temps, l’aspect, le mode, la personne s’amalgament dans un seul morphème et ne sont pas segmentables. Ce qui explique d’une manière générale la présence de plusieurs temps dans la langue française (présent, passé composé, imparfait, plus que parfait, passé simple, passé antérieur, futur simple, futur antérieur, conditionnel présent, conditionnel passé).

53 1.3.1. Le passé

Le temps passé correspond généralement, selon les messages ou énoncés que les locuteurs veulent émettre, ou bien au passé juste avant la production de l’énoncé, le passé composé, ou bien au passé historique, ou bien au passé antérieur et autres passés usités dans les langues indo-européennes comme le plus-que-parfait, ou encore au futur antérieur, comme dans :

(10) Rehefa ho avy aho dia efa lasa ianao.

litt. Quand arriverai-fut. je part. déjà parti-pass. tu. Quand j’arriverai, tu seras déjà parti.

De ce fait, la langue malgache par rapport aux langues indo-européennes n’a qu’un seul passé qui désigne l’espace temporel avant la production de l’énoncé ou avant un point de référence temporel.

Les affixes du temps passé sont soit n-, soit no-. Pour n-, il est placé :

- Soit avant l’affixe x-29 « préfixe de voix circonstancielle », placé directement avant le radical, comme dans nandefasana « la circonstance dans laquelle on a envoyé » et nanolorana « la circonstance dans laquelle on a donné » dont les découpages respectifs sont :

nandefasana → n- an- defas -ana

T:p PV:c forme de surface de lèfa SV:c

nanolorana → n- an- olor -ana

T:p PV:c forme de surface de tòlotra SV:c

- Soit avant l’affixe de l’agentif-statif comme dans nandroso « notion d’avancer au passé » ou nanatanteraka « notion d’accomplir au passé » ou avant l’affixe d’aspect aha- comme dans naharakitra rés. pass. « thésauriser, amasser, mettre au dépôt, au trésor ». Les découpages respectifs de ces verbes sont :

nandroso → n- an- droso

T:p PV:a forme de surface de ròso

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nanatanteraka → n- ana- tanteraka

T:p PV:a radical verbal

naharakitra → n- aha- rakitra

T:p PA:a radical verbal

Pour no-, il est placé avant le radical pour les verbes à suffixe -ina ou -ana comme dans norefesina « qu’on a mesuré » et notakomana « qu’on a caché » dont les découpages respectifs sont :

norefesina → no- refes -ina

T:p forme de surface de rèfy SV:o

notakomana → no- takom -ana

T:p forme de surface de tàkona SV:o ou SV:l 1.3.2. Le présent

Le temps présent correspond au temps présent des langues indo-européennes, du moins pour le français. Il désigne le « maintenant », le moment où l’on produit l’énoncé.

Les affixes du temps présent sont soit m-, soit Ø-. L’affixe Ø- est placé :

- Soit directement avant le radical pour les verbes à suffixe -ina ou -ana comme dans refesina « qu’on mesure » et takomana « qu’on cache » dont les découpages respectifs sont :

refesina → Ø- refes -ina

T:r forme de surface de rèfy SV:o

takomana → Ø- takom -ana

T:r forme de surface de tàkona SV:l ou SV:o

- Soit avant les affixes a- « affixe de voix » ou x-30 « préfixe de voix circonstancielle » placés avant le radical comme dans atsangana « à mettre debout » et andefasana « la circonstance dans laquelle on envoie » dont les découpages respectifs sont :

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atsangana → Ø- a- tsangana

T:r PV:i radical verbal

andefasana → Ø- an- defas -ana

T:r PV:c forme de surface de lèfa SV:c

L’affixe m-¸quant à lui, est placé avant l’affixe de voix agentif-statif comme dans mandroso « notion d’avancer au présent » ou manatanteraka « notion d’accomplir au présent » ou avant l’affixe d’aspect aha- comme dans maharakitra rés.prés. « thésauriser, amasser, mettre au dépôt, au trésor ». Les découpages respectifs de ces verbes sont :

mandroso → m- an- droso

T :r PV:a forme de surface de ròso

manatanteraka → m- ana- tanteraka

T:r PV:a radical verbal

maharakitra → m- aha- rakitra

T:r PA:a radical verbal

1.3.3. Le futur

Tout moment après la production de l’énoncé ou après un point de référence temporel est considéré comme futur. Il correspond ainsi à la fois au futur simple et au futur dans le passé (le conditionnel) comme dans :

(11) Nahafantatra aho fa hiova hevitra ianao. litt. Savais je que changeras-fut. avis tu. Je savais que tu changerais d’avis.

Les affixes du temps futur sont soit h-, soit ho-. Pour h-, il est placé :

- Soit avant l’affixe x-31 « préfixe de voix circonstancielle », placé directement avant le radical, comme dans handefasana « la circonstance dans laquelle on enverra » et hanolorana « la circonstance dans laquelle on donnera » dont les découpages respectifs sont :

handefasana → h- an- defas -ana

T:f PV:c forme de surface de lèfa SV:c

hanolorana → h- an- olor -ana

T:f PV:c forme de surface de tòlotra SV:c

56 - Soit avant l’affixe de l’agentif-statif comme dans handroso « notion d’avancer au futur » ou hanatanteraka « notion d’accomplir au futur » dont les découpages respectifs sont :

handroso → h- an- droso

T:f PV:a forme de surface de ròso

hanatanteraka → h- ana- tanteraka

T:f PV:a radical verbal Pour ho-, il est placé :

- Soit avant le radical pour les verbes à suffixe -ina ou -ana comme dans horefesina « qu’on mesurera » et hotakomana « qu’on cachera » dont les découpages respectifs sont :

horefesina → ho- refes -ina

T:f forme de surface de rèfy SV:o

hotakomana → ho- takom -ana

T:f forme de surface de tàkona SV:o ou SV:l

- Soit avant les affixes Ø-, voa-, tafa- pour les verbes à l’aspect résultatif comportant ces morphèmes comme dans horaraka, hovoararaka, hotafandraraka « verser-.rés. fut. » dont les découpages respectifs sont :

horaraka → ho- Ø- raraka

T:f PA radical verbal

hovoararaka → ho- voa- raraka

T:f PA radical verbal

hotafandraraka → ho- tafan- draraka

T:f PA forme de surface de ràraka 1.3.4. Le non-futur

Le non-futur est un autre temps (autre que ho- que nous avons présenté au 1.3.3.) utilisé pour les affixes d’aspect Ø-, voa-, tafa-. Il est le temps utilisé pour désigner le temps passé ou le temps présent pour une forme verbale à l’aspect résultatif avec Ø-, voa-, tafa-, d’où l’appellation « non-futur » (c’est-à-dire ne désignant pas le futur).

L’affixe du non-futur est Ø-. Il désigne le passé ou le présent. Il se place directement avant les affixes d’aspect Ø-, voa-, tafa- comme dans raraka,

57 voararaka, tafandraraka « verser » à l’aspect résultatif dont les découpages respectifs sont :

raraka → Ø- Ø- raraka

T:p:r PA radical verbal

voararaka → Ø- voa- raraka

T:p:r PA radical verbal

tafandraraka → Ø- tafan- draraka

T:f PA forme de surface de ràraka 1.3.5. Le thème de présent

Le thème de présent est l’appellation fournie par S. RAJAONA (2004, note 8, p. 19) pour l’affixe de temps utilisé avec le mode impératif. L’impératif n’a pas de valeur temporelle. Il se construit sur le thème de présent. À proprement parler, il se construit sur le présent mais comme celui-ci ne s’oppose à aucun autre affixe de temps (passé, futur), S. RAJAONA a préféré l’appeler « thème de présent ».

L’affixe du thème de présent est soit m-, soit Ø-. Le fonctionnement de ces affixes est le même que nous avons présenté au 1.3.2. Comme exemples, les découpages morphologiques de matoria « dorme, dormons, dormez » et jereo « regarde, regardons, regardez » sont présentés ci-après dans cet ordre.

matoria → m- a- tori -a

T:r PV:a forme de surface de tòry SI:a

jereo → Ø- jere -o

T:r forme de surface de jèry SI:i:o:l 1.3.6. Les systèmes temporels

Le malgache a deux systèmes temporels qui correspondent aux deux modes. Pour le mode impératif, la langue présente un système à deux temps constitué d’un procédé morphologique de préfixation par Ø- « non-futur »/ho- « futur » comme dans voajery rés. « complètement regardé (non-futur) » vs hovoajery rés. « sera complètement regardé (futur) ». Les découpages respectifs de ces verbes sont présentés ci-dessous.

voajery → Ø- voa- jery

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hovoajery → ho- voa- jery

T:f PA:i:l:o radical verbal

Quant aux morphèmes de temps fonctionnant avec le mode indicatif, ils sont dénotés ou bien par un procédé morphonologique ou bien par un procédé morphématique. Le procédé morphonologique /m « présent » : n « passé » : h « futur/ s’applique d’une manière générale aux verbes à l’agentif-statif alors que le procédé morphématique Ø- « présent », no- « passé », ho- « futur » s’applique aux verbes autres que les actifs-statifs (cf. S. RAJAONA, 2004, p. 28-29). Ces systèmes reposent sur l’opposition « passé/présent/futur »32. Ci-après quelques exemples relatifs à ces opositions « passé/présent/futur » sont présentés.

- /n « passé » : m « présent » :h « futur »/ avec nijery, mijery, hijery « regarder » à la voix active-stative, respectivement au temps passé, présent et futur :

nijery → n- i- jery

T:p PV:a radical verbal

mijery → m- i- jery

T:r PV:a radical verbal

hijery → h- i- jery

T:f PV:a radical verbal

- no- « passé »/Ø- « présent »/ho- « futur », avec nojerena, jerena, hojerena « regarder » à la voix objective, respectivement au temps passé, présent et futur :

nojerena → no- jere -na

T:p forme de surface de jèry SV:o

jerena → Ø- jere -na

T:r forme de surface de jèry SV:o

hojerena → ho- jere -na

T:p forme de surface de jèry SV:o

Enfin remarquons que Siméon RAJAONA (1972) synthétise le système temporel en malgache et donne les marques des temps verbaux de la langue. En faisant abstraction des oppositions entre système à 2 temps et à 3 temps, l’on

32 Siméon RAJAONA liste exhaustivement également les contextes d’emploi de ces deux systèmes (S. RAJAONA, 1972, p. 279, 280).

59 remarque que ces oppositions indiquent au moins 3 fonctionnements différents des systèmes de temps. Au chapitre 10, les différents affixes touchés par l’ensemble de ces systèmes sont revus. Ils y sont codés et adaptés pour permettre le traitement automatique du malgache.