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2. La réponse aux dommages à l’ADN

2.1 La réparation de l’ADN

2.1.2 Voies et molécules impliquées dans la réparation

Comme mentionné ci-dessus, les premiers intervenants dans la réponse aux dommages à l’ADN sont les senseurs du dommage. En fonction du type de dommage, il existe différents types de senseurs. Cependant, des domaines conservés dans ces protéines sont responsables du recrutement des médiateurs majeurs de la réponse aux dommages à l’ADN (Falck et al., 2005). Ces médiateurs obligatoires sont des protéines de la famille des kinases reliées aux phosphoinositide-3 kinases (PIKK) : ATM (Ataxia Telangiectasia Mutated), ATR (ATM- and

Rad3-related) et DNA-PKcs (sous-unités catalytiques de la kinase dépendante de l’ADN). Ces

kinases sont sans contredit les joueurs les plus importants de toutes les voies qui sont activées lorsque des lésions dans l’ADN se produisent. Leur activation dépend néanmoins de leur recrutement à l’ADN par les protéines senseurs mentionnées plus haut. ATM est donc recrutée par la protéine Nbs1 (qui forme avec Mre11 et Rad50 le complexe MRN), ATR par son coactivateur ATRIP (ATR-interacting protein), et DNA-PKcs par Ku80 (qui forme le dimère Ku avec Ku70). Bien qu’ATM, ATR et DNA-PKcs sont activées en réponse à des types de dommages différents (discuté plus loin), leur recrutement se fait de façon semblable par des domaines conservés présents dans la région C-terminale des protéines Nbs1, ATRIP et Ku80, respectivement (Falck et al., 2005) (Fig. 6).

Figure 6. Modèle du recrutement des protéines ATM, DNA-PKcs et ATR sur les sites de dommages à l’ADN.

ATM est recrutée par la protéine Nbs1 (N) du complexe MRN et phosphoryle des cibles impliquées dans la voie de réponse aux bris double brin (DSB). DNA-PKcs est recrutée par le complexe Ku et active la réparation de DSB par NHEJ. ATR est recrutée par ATRIP sur des sites de bris simple brin et est impliquée dans leur réparation. Tiré de (Jackson, 2009).

Chacune de ces kinases possède une pléthore de cibles qui sont impliquées dans tous les aspects de la réponse aux dommages à l’ADN. Certaines de ces cibles sont communes aux trois kinases, mais en général, leurs fonctions en aval du dommage à l’ADN sont plutôt différentes (Jackson, 2009).

La kinase DNA-PKcs, par exemple, est surtout connue pour son rôle dans le NHEJ après la production de cassures double brin. Deux DNA-PKcs étant généralement recrutées sur l’ADN, elles peuvent alors s’autophosphoryler, ce qui protège les extrémités de l’ADN et assure le recrutement du complexe XRCC4/LIG4, qui permet enfin la religation des extrémités double brin (Ciccia and Elledge, 2010; Mahaney et al., 2009). La protéine ATR est quant à elle surtout recrutée sur l’ADN lorsque des séquences simple brin existent dans l’ADN, lorsque des bris simple brin se produisent par exemple, ou encore lorsque des problèmes de réplication se manifestent, comme un blocage d’une fourche de réplication. Les régions simple brin sont d’abord stabilisées par le complexe RPA (Replication protein A), puis il y a recrutement de ATR/ATRIP et aussi de protéines nécessaires pour stimuler l’activité kinase de ATR, comme le complexe 9-1-1 (Rad9-Hus1-Rad1) et TopBP1 (Topoisomerase II Binding

Protein 1), ce qui permet d’assurer la stabilité de la fourche bloquée et possiblement sa remise

en fonction (Ciccia and Elledge, 2010). ATR peut aussi agir comme intermédiaire dans le processus complexe permettant la réparation de bris double brin par recombinaison homologue, qui est habituellement mis en marche par l’activation d’ATM. Effectivement, le complexe MRN peut faire compétition au complexe Ku pour la reconnaissance des cassures double brin, et recrute alors ATM sur le site du dommage. Une des protéines indispensables pour la première étape menant à la recombinaison homologue, la résection des extrémités libres de l’ADN, est BRCA1 (Breast Cancer 1), une ubiquitine ligase activée lorsque phosphorylée par ATM (Ciccia and Elledge, 2010).

Il est donc clair que les modifications posttraductionnelles jouent un rôle essentiel dans la réponse rapide aux dommages à l’ADN, non seulement la phosphorylation assurée par les PIKK, mais aussi l’ubiquitination, l’acétylation, la méthylation et la sumoylation. Un des exemples classiques montrant comment toutes ces modifications permettent de coordonner la cascade d’événements se produisant après un stress génotoxique est la phosphorylation très rapide de l’histone H2AX par ATM. En fait, la phosphorylation de H2AX permet surtout d’établir une plateforme sur le site du dommage pour le recrutement des nombreux facteurs impliqués dans le processus, comme BRCA1, ce qui se fait par la liaison directe entre l’histone phosphorylée et la protéine MDC1 (Mediator of DNA damage checkpoint protein 1) (Lou et al., 2006). Cette association qui se forme entre H2AX phosphorylée, ATM et MDC1 est nécessaire pour la propagation de la phosphorylation de H2AX sur une plus grande région de l’ADN, outre la petite région du dommage, et en conséquence, l’amplification du signal initial du dommage (Lou et al., 2006). Au final, ceci permet le recrutement de nombreuses cibles d’ATM ainsi que de protéines impliquées dans la régulation de la structure de la chromatine, qui sont nécessaires pour assurer l’accès des facteurs de réparation à l’ADN (Fig. 7).

Enfin, un autre type de modification posttraductionnelle assez commune est provoquée par deux protéines de la famille des polymérases poly (ADP-ribose) (PARP), soit PARP1 et PARP2. Ces enzymes peuvent agir autant comme senseur et comme médiateur du dommage, surtout dans le cas de bris simple brin et d’intermédiaires dans la réaction d’excision de base (BER) (Lord and Ashworth, 2012). PARP1/2 s’associe au bris simple brin grâce à des motifs doigts de zinc et produit des chaînes de poly (ADP-ribose) (PAR) qui sont assemblées sur diverses protéines, dont PARP elle-même, certaines histones et d’autres facteurs impliqués dans le BER (Ciccia and Elledge, 2010; Lord and Ashworth, 2012). Plusieurs protéines possèdent des domaines pouvant lier les chaînes PAR, ce qui supporte le recrutement par exemple de complexes qui remodèlent la chromatine afin d’assurer l’inhibition de la transcription sur des sites endommagés de l’ADN (Chou et al., 2010).

En définitive, la réponse aux dommages à l’ADN qui vise la réparation de l’ADN est un processus très complexe qui requiert la reconnaissance du dommage par certains facteurs,

l’interaction directe entre plusieurs protéines, l’activation d’enzymes telles que des kinases et des ubiquitines ligases, l’interaction entre des sites phosphorylés, ubiquitinés, PARylés, etc, et encore d’autres facteurs qui vont soit assurer la réparation de l’ADN par différents mécanismes (BER, NHEJ, recombinaison homologue), soit déclencher une signalisation qui va se propager pour affecter plusieurs autres activités cellulaires.

Figure 7. Rôle de la phosphorylation de H2AX et du recrutement de MDC1 dans la propagation du signal initié par ATM sur un site de dommage à l’ADN.

Voir détails dans le texte. Tiré de (Lou et al., 2006).