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6. Staufen1 et Staufen2 : des protéines multifonctionnelles

6.2 Caractérisation de Stau1 et Stau2 chez les mammifères

Pour tenter d’élucider le transport d’ARN chez les mammifères, un homologue pour dStau a été recherché. En fin de compte, deux paralogues ont été identifiés. Le gène codant pour la protéine identifiée Stau1 a été trouvé sur le chromosome 20q13.1, alors que le gène codant pour Stau2 a été repéré sur le chromosome 8q13-q21.1 (Buchner et al., 1999; DesGroseillers and Lemieux, 1996).

Stau1 et Stau2 possèdent chacune quatre dsRBD, comparativement aux cinq de dStau. Stau1 contient les dsRBD correspondant aux dsRBD 2 à 5 de dStau, et ils sont donc nommés ainsi, alors que Stau2 possède les dsRBD similaires aux dsRBD 1 à 4 de dStau (Duchaine et al., 2002; Marion et al., 1999; Tang et al., 2001; Wickham et al., 1999). L’épissage alternatif

permet l’expression de trois isoformes différents de Stau1. L’isoforme le mieux exprimé encode une protéine de 55 kiloDaltons (kDa), nommé Stau155 (Wickham et al., 1999). Un deuxième isoforme diffère du premier par une extrémité N-terminale un peu plus longue, ce qui lui confère une taille de 63 kDa (Wickham et al., 1999). Stau155 et Stau163 sont représentés à la figure 22. Tel que pour dStau, ce sont les dsRBD3 et 4 seulement qui sont capables de lier l’ARN, le dsRBD3 étant le domaine majeur de liaison (Wickham et al., 1999). Il n’est donc pas surprenant que le troisième isoforme de Stau1, appelé Staui, soit moins apte à lier l’ARN, puisqu’il contient une insertion de 6 acides aminés dans le dsRBD3, ce qui en modifie la conformation (Brizard et al., 2000; Duchaine et al., 2000; Fa-Hui et al., 2008; Monshausen et al., 2001). En ce qui concerne Stau2, l’épissage alternatif assure l’expression de quatre isoformes de poids moléculaires différents, qui diffèrent à leur extrémité N- ou C-terminale: Stau252, Stau256, Stau259 et Stau262 (les nombres en exposant représentant leur taille en kDa) (Duchaine et al., 2002; Monshausen et al., 2004). Les quatre isoformes de Stau2 sont aussi représentés à la figure 22.

Figure 22. Représentation schématisée des différents isoformes de Stau1 et Stau2.

Les dsRBD de Stau1 sont représentés en vert foncé, alors que les dsRBD de Stau2 sont en bleu. En vert pâle ou en vert hachuré se trouvent les domaines de liaison à la tubuline (TBD) des différents isoformes, alors qu’en orange ou en mauve sont représentés les SSM ou

Staufen-Swapping Motifs, qui permettent à Stau1 et à Stau2 d’homo- ou d’hétéro-dimériser.

Une distinction à faire entre dStaufen et Stau1/Stau2 est la présence dans ces deux paralogues d’une séquence similaire au domaine de la liaison à la tubuline de la protéine MAP-1B, nommée TBP pour tubuline-binding domain (Wickham et al., 1999). Stau1 et Stau2 sont d’ailleurs souvent retrouvés en colocalisation avec les microtubules, particulièrement dans les dendrites des neurones (Duchaine et al., 2002; Kiebler et al., 1999; Kohrmann et al., 1999; Monshausen et al., 2001; Tang et al., 2001). De même, les deux protéines peuvent interagir avec la tubuline et divers autres éléments du cytosquelette et aussi certains moteurs moléculaires qui sont impliqués dans le transport le long du cytosquelette, comme la kinésine (Brendel et al., 2004; Jeong et al., 2007; Maher-Laporte et al., 2010; Ohashi et al., 2002; Villace et al., 2004). De plus, Stau1 et Stau2 font partie de complexes protéiques contenant de l’ARN et capables de se mouvoir dans les dendrites en suivant les microtubules (Kiebler et al., 1999; Kohrmann et al., 1999). Ces caractéristiques font de Stau1 et Stau2 des candidates idéales pour être impliquées dans le transport d’ARNm aussi dans les cellules de mammifères, rôle qui sera abordé un peu plus loin. Il est cependant important de noter que Stau1 et Stau2 ne semblent pas faire partie des mêmes particules in vivo (Duchaine et al., 2002; Thomas et al., 2005), et par conséquent, il est fort probable que les deux protéines jouent des rôles parfois différents, bien qu’elles aient beaucoup en commun.

Un autre attribut de Stau1 et Stau2 est leur capacité à s’associer avec le réticulum endoplasmique rugueux (RER), les ribosomes et les polysomes, ce qui a été montré à de nombreuses reprises (Brendel et al., 2004; Duchaine et al., 2002; Luo et al., 2002; Mallardo et al., 2003; Marion et al., 1999; Ohashi et al., 2002; Thomas et al., 2009; Thomas et al., 2005; Villace et al., 2004; Wickham et al., 1999). De façon plus précise, l’association entre Stau1 et le ribosome dépend de son dsRBD4 et du TBD, ce qui permet une interaction protéine- protéine, mais l’ARN semble aussi jouer un rôle dans cette association, puisque l’activité de liaison de l’ARN du dsRBD3 est nécessaire pour assurer une interaction optimale (Luo et al., 2002). Il semble donc que Stau1 et Stau2, via leur interaction avec le RER, les ribosomes et les polysomes, puissent jouer un rôle dans la régulation de la traduction de leurs ARNm cibles, rôle qui sera aussi abordé ci-dessous. Les deux paralogues peuvent aussi faire partie d’un complexe RNP qui se forme afin d’inhiber la traduction en réponse à un stress, les granules de stress (Thomas et al., 2009; Thomas et al., 2005). Les granules de stress contiennent diverses

RBP dont HuR et TIAR, ainsi que la petite sous-unité ribosomique, et peuvent bloquer la traduction au niveau de son initiation. En fait, il a été montré que la déplétion de Stau1 facilite la formation de ces granules en réponse à un stress, alors que la surexpression de Stau1 stabilise les polysomes afin qu’ils demeurent intacts face à ce stress (Thomas et al., 2009).

Stau1 et Stau2 peuvent aussi transiter par le noyau. Il a ainsi été montré que Stau1 peut interagir avec l’ARN de la télomérase (hTR) dans le nucléole, ce qui pourrait favoriser la maturation, l’assemblage ou la localisation de hTR (Bachand et al., 2001; Le et al., 2000). Un signal de localisation nucléaire (NLS) a d’ailleurs été identifié à l’extrémité C-terminale du dsRBD3 de Stau1, ce qui permet sa localisation dans le nucléole (Martel et al., 2006). Quant à Stau2, il a été montré qu’elle peut interagir dans le noyau avec la protéine du pore nucléaire p62, avec Tap, impliquée dans l’export de l’ARN et avec deux protéines de l’EJC, Y14 et Mago (Monshausen et al., 2004). Il est intéressant de remarquer que les différents isoformes de Stau2 ne sont pas nécessairement exportés du noyau par le même mécanisme. Effectivement, Stau259 et Stau262 peuvent toutes deux être exportées par l’exportine-5, l’exportine-5 étant capable d’interagir avec le dsRBD3, mais seule Stau259 peut être exportée par Crm1, étant donné que l’épissage alternatif de cet isoforme crée un signal d’export nucléaire (NES) à son extrémité N-terminale (Macchi et al., 2004; Miki and Yoneda, 2004). Au final, Stau1 et Stau2 ne s’observent pas facilement au noyau sauf de façon transitoire, alors que leur localisation principale se trouve dans le cytoplasme, associées au RER (Duchaine et al., 2002; Wickham et al., 1999). Néanmoins, la régulation de la formation de divers RNP dans le noyau par Stau1 et /ou Stau2 est une possibilité intéressante (Martel et al., 2006).

6.3 L’interaction de Stau1 et de Stau2 avec leurs ARNm cibles