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Faire vivre à l’élève des expériences à l’école et dans la collectivité

Chapitre 5 : Discussion

3. Faire vivre à l’élève des expériences à l’école et dans la collectivité

Les intervenants scolaires et les parents ont souligné que les expériences concrètes sont des occasions hors pair pour favoriser les apprentissages des élèves et le développement de compétences. Pour ce faire, ils ont soutenu les élèves en utilisant des situations de la vie quotidienne et en leur proposant des activités propices au développement de leurs compétences en contexte réel. Il appert qu’intuitivement, les parents favorisent et encouragent leurs enfants à participer à des activités dans leur collectivité. Ces activités contribuent au développement d’habiletés essentielles à une vie active après la scolarisation (Julien-Gauthier et al., 2012).

Les moyens compris dans les plans d’intervention de la grande majorité des élèves incluent la réalisation de stages de travail qui représentent donc une stratégie de soutien à la participation des élèves à leur processus de transition. Par ailleurs, face aux difficultés rencontrées par certains élèves en stage, la supervision et l’encadrement sont des stratégies qui ont été soulignées par les parents. Ces éléments apparaissent prépondérants pour que les élèves ayant une déficience intellectuelle puissent être productifs et développer leur potentiel (Ellenkamp et al., 2016).

De même, les activités parascolaires comptent parmi les activités qui contribuent à la préparation du processus de transition. Or, les élèves de cette étude ont une participation variable à des activités parascolaires. Afin de permettre leur participation optimale à des activités parascolaires, il s’avère essentiel pour les intervenants du milieu scolaire d’encourager et de soutenir les parents pour que leur enfant s’y implique. Il est suggéré d’informer régulièrement les parents à propos des activités offertes et des évènements, d’informer les élèves à propos des activités parascolaires qui leur sont offertes et d’encourager leur participation (Bissonnette, 2018).

De surcroit, pour soutenir les élèves dans leur participation au processus de transition, les intervenants scolaires ont besoin d’informations et de formation. Or, les enseignants et les éducateurs rencontrés disposent de très peu de formation spécifique en lien avec la transition de

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l’école à la vie active. Les enseignants en adaptation scolaire sont peu préparés pour accompagner les élèves dans ce processus et n’utilisent pas toujours des pratiques s’appuyant sur des données probantes dans leur enseignement (Burns et Ysseldyke, 2009). Des enseignants indiquent d’ailleurs utiliser peu d’outils pour renforcer la participation de la famille au processus de planification de la transition des élèves ayant une déficience intellectuelle (Mazzotti et Plotner, 2016). Étant donné que les intervenants scolaires semblent disposer d’un temps limité pour réaliser des activités de développement vocationnel et de préparation au travail, qu’ils ont à assumer de lourdes responsabilités et qu’ils manquent de formation sur ces aspects, la contribution des parents pourrait être davantage sollicitée, par exemple dans le soutien aux stages de travail. Les parents ont nommé être peu impliqués dans les activités reliées à la transition en milieu scolaire, pourtant ce sont les personnes qui connaissent le mieux leur enfant. L’engagement des parents favorise l’accès et le maintien en emploi après la scolarisation; ils peuvent aider leur enfant à faire des choix professionnels, à acquérir des connaissances sur les milieux de travail et à adopter des comportements qui favorisent leur insertion socioprofessionnelle (Petner-Arrey et al., 2016).

D’autres modalités de soutien pour favoriser la participation des élèves à des expériences de transition sont formulées dans les paragraphes suivants. En milieu scolaire, seule Sophie a eu accès aux services d’une conseillère d’orientation qui l’a aidée à identifier ses intérêts pour choisir un stage de travail. Les conseillers d’orientation des écoles secondaires semblent peu engagés auprès des élèves ayant une déficience intellectuelle, et cette tâche semble dévolue aux éducateurs spécialisés avec l’appui des psychologues pour les évaluations standardisées. Ces constats font écho aux conclusions d’autres études qui déplorent l’accès limité de ces élèves aux services d’orientation scolaire et professionnelle (Boutin, 2012; Carter, Trainor, et al., 2010). Au Québec, Boutin (2012) souligne que les services dédiés aux élèves ayant une déficience intellectuelle mettent l’accent sur leurs capacités en vue de les placer en emploi plutôt que de considérer en priorité leur potentiel de développement. Cette même auteure milite pour une approche d’orientation axée sur le développement personnel et professionnel des élèves incluant des choix éclairés et une participation sociale optimale en fonction de leurs aspirations. Dans une autre étude réalisée aux États-Unis, celle d’Eisenman et al. (2015), les conseillers d’orientation sont perçus par les élèves comme des personnes de confiance qui les soutiennent dans l’établissement de leurs objectifs et dans les prises de décisions personnelles, familiales et scolaires. Ces conseillers représentent des ressources clés qui pourraient intervenir de manière plus systématique auprès des élèves ayant une déficience intellectuelle pour les amener à effectuer une démarche réfléchie menant à leurs choix. Dans cette démarche, les activités d’exploration du marché du travail (témoignages de travailleurs ayant une

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déficience intellectuelle, visites de milieux de travail, stages d’un jour, etc.) sont à valoriser.

L’accès au transport rend possible la participation à de nombreuses activités. Tous les parents de la présente étude sont très impliqués dans les déplacements de leur enfant. Quelques parents ont indiqué que la famille doit se mobiliser pour assurer le transport de l’élève, car ils ne vivent pas en milieu urbain. Les déplacements peuvent d’ailleurs constituer un réel défi pour l’accès à une vie active des personnes ayant une déficience intellectuelle (Davies et Beamish, 2009; Timmons et al., 2011), dont la disponibilité d’un réseau de transport en commun (Verdonschot, Witte, Reichrath, Buntinx et Curfs, 2009b). L’éloignement géographique peut occasionner de l’isolement social et réduire les occasions de participation sociale (St-Georges, 2017). Les personnes ayant une déficience intellectuelle qui vivent en milieu rural ont moins facilement accès aux services préparatoires à l’emploi ainsi qu’aux emplois et sont moins impliquées dans des activités productives que leurs pairs des milieux urbains (Lysaght, Petner-Arrey, Cobigo et Ouellette-Kuntz, 2014). Ce faisant, le transport est identifié comme un défi à la participation sociale qui limite les options d’engagement productif et le nombre d’heures de participation à des activités sociales ou de travail (Lysaght et al., 2009).

Les activités organisées auxquelles participent les élèves sont autant d’occasions de participation sociale. Un bon nombre des activités des élèves de l’étude sont réalisées avec leurs pairs ayant une déficience intellectuelle, et ils prennent part à peu d’activités qui s’adressent à la population générale dans leur communauté. La difficulté de certains élèves à intégrer des activités dans un groupe régulier a d’ailleurs été relevée, car il leur est ardu de suivre le rythme. À défaut d’être inclus dans des classes ordinaires, avec des pairs sans limitation, comme le préconisent entre autres Powers et al. (2001) et Salmon et Kinnealy (2007), les élèves ayant une déficience intellectuelle retireraient des bénéfices à intégrer des activités de loisirs régulières, à condition qu’une certaine adaptation puisse leur être offerte pour leur permettre de prendre pleinement part à ces activités. Cette stratégie a été abordée par certains parents. Lors des entrevues, il a aussi été noté que les élèves ont une connaissance très limitée des ressources de leur communauté. La participation à des loisirs dans leur collectivité est une avenue intéressante pour favoriser la socialisation des élèves et pour qu’ils développent des habiletés utiles à la réussite de leur processus de transition.

Enfin, au travail ou en stage, une autre forme soutien peut aussi être offerte aux élèves ayant une déficience intellectuelle, moyennant la formation de travailleurs parrains (tel que suggéré par

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l’éducatrice de Nicolas). Ces travailleurs, qui auraient préalablement manifesté leur intérêt en ce sens, pourraient offrir un accompagnement non spécialisé en milieu de travail, par exemple en supervisant à distance la personne ayant une déficience intellectuelle et en lui faisant des rappels au besoin. Ababou (2009) suggère également de mieux préparer les collègues à recevoir une personne ayant une déficience intellectuelle en stage ou en emploi, car ces travailleurs peuvent contribuer positivement à son intégration lorsqu’ils sont bien informés. Les mentors et les superviseurs d’un programme de transition vers le marché du travail ont grandement modifié leurs perceptions négatives initiales à propos des jeunes adultes ayant une déficience intellectuelle; le fait de côtoyer ces jeunes adultes leur a permis de les accepter et d’adopter un regard positif à leur égard (Gormley, 2015).