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Favoriser la participation de l’élève à la planification de la transition

Chapitre 5 : Discussion

2. Favoriser la participation de l’élève à la planification de la transition

Par rapport au plan d’intervention, la plupart des élèves et leur famille semblent accorder leur confiance à l’école, en laissant le soin aux intervenants scolaires de préparer les objectifs du plan d’intervention, sans remettre cette pratique en question. La majorité des élèves (sauf deux) ne participent pas à la préparation de leur plan d’intervention, de même que leurs parents. Une stratégie utilisée par l’éducatrice de Sophie est de préparer les objectifs d’intervention avec celle-ci avant la rencontre de plan d’intervention pour qu’elle donne son avis et s’approprie sa démarche, et de consigner l’ensemble de sa démarche dans un cartable qui lui sert de repère visuel. L’enseignante de Thomas a émis des recommandations qui vont dans le même sens en insistant sur l’importance de prendre le temps nécessaire pour préparer les objectifs de transition avec l’élève et de respecter son rythme plus lent pour lui permettre d’y participer. De leur côté, dans une étude sur un centre dédié aux élèves ayant une déficience intellectuelle, Point, Rousseau, Joyal et Ouellet (2014) rapportent qu’un questionnaire est d’abord envoyé aux parents pour connaitre les orientations privilégiées par le parent et l’élève dans le cadre du plan d’intervention. Puis, l’élaboration du plan d’intervention est réalisée en présence de l’élève et du parent lors d’une rencontre d’échange et de discussion (Point et al., 2014). Cette façon de faire, où l’élève et son parent prennent une part active aux étapes d’élaboration du plan d’intervention, pourrait permettre aux élèves d’apporter une contribution originale en étant impliqués dans l’ensemble du processus, et éventuellement les amener à être plus engagés dans leurs objectifs d’intervention et dans leur processus de transition.

Les évaluations réalisées en milieu scolaire font partie des stratégies indirectes pour soutenir la participation des élèves à leur processus de transition en informant les intervenants qui leur offrent du soutien. Dans cette étude, des évaluations des intérêts des élèves et des évaluations de stages ont été réalisées. L’importance de l’engagement des élèves dans les évaluations reliées à la transition est d’ailleurs soulignée par Martin et Williams-Diehm (2013). Collier et al. (2016) ont observé qu’un questionnaire d’évaluation informelle de transition permet aux élèves d’identifier eux-mêmes

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leurs forces et les besoins. Cette évaluation conviviale encourage les élèves à participer à leur processus de transition, et ses énoncés évaluent des aspects primordiaux de leur participation : les habiletés de vie autonome, la participation à l’école, dans la communauté et au travail, les objectifs de planification du futur ainsi que la conscience du handicap et la responsabilisation personnelle (Collier et al., 2016). Pour favoriser la participation des élèves aux évaluations, des adaptations de celles-ci peuvent être utilisées; pour les élèves ayant des incapacités intellectuelles plus importantes, des évaluations alternatives peuvent être proposées (Bouck, 2013). Ainsi, l’utilisation de l’Inventaire visuel d’intérêts professionnels (IVIP) (Tétreau, Dupont et Gingras, 2000), observée dans certains milieux de la présente étude, gagnerait à être plus largement implantée comme une évaluation adaptée aux élèves ayant une déficience intellectuelle. L’Inventaire des habiletés socioprofessionnelles (IHSP) (Marquis et al., 2011) pourrait aussi être utilisé dans l’évaluation des stages pour apprécier l’acquisition des habiletés de travail. Ces évaluations balisent le parcours des élèves et les guident pour le choix d’expériences de travail, et elles doivent être partagées avec l’élève et sa famille. Cela permet aux élèves de s’engager dans les activités d’évaluation (Collier et al., 2016) et leur donne l’occasion ainsi qu’à leur famille de faire part de leur point de vue et de leurs recommandations pour les activités de transition afin de définir un profil personnalisé en fonction des objectifs postsecondaires de l’élève (Pleet-Odle et al., 2016).

Dans les milieux des neuf élèves rencontrés, il semble acquis que les élèves soient présents à leurs rencontres de plan d’intervention. Par contre, le contenu des rencontres ne leur est pas pour autant toujours accessible. Une autre stratégie incontournable serait de leur offrir des documents accessibles pour favoriser leur participation, par exemple le matériel adapté fourni par l’éducatrice de Sophie. L’ensemble de la démarche de développement vocationnel pourrait être consigné dans un langage facile à lire et à comprendre18 offrant des repères concrets pour amener les élèves à mieux comprendre la trajectoire pour réaliser leurs aspirations (ex. : cartable de développement vocationnel, portfolio). Ultimement, le plan d’intervention sera lui-même rédigé dans une forme adaptée facilitant la compréhension de l’élève, et ce faisant, amenant son appropriation et son implication accrue au regard de ses objectifs de transition. L’élève pourra également être encouragé à le consulter régulièrement, à la maison comme à l’école, pour qu’il reste conscient de l’importance des objectifs qu’il poursuit quotidiennement. Julien-Gauthier et ces collaborateurs (2015) ont d’ailleurs expérimenté un modèle de plan d’intervention accessible auprès d’adultes ayant une déficience intellectuelle dont les résultats très prometteurs pourraient être utilisés dans

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Le langage facile à lire et à comprendre, également reconnu en Europe, désigne un ensemble de règles pour rendre l'information accessible aux personnes ayant des incapacités intellectuelles (Unapei, 2009).

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l’adaptation de plans d’interventions scolaires. Des documents de référence sont également disponibles pour soutenir la compréhension et l’expression de ces élèves, par exemple le Guide de rédaction pour une information accessible (Ruel et al., 2011) et Moi : guide illustré pour exprimer mes besoins (Mouvement Personne D’Abord du Québec métropolitain, 2001).

Dans certaines études américaines (par exemple Martin, Van Dycke, Christensen, et al. (2006), Kelley, Bartholomew et Test (2011)), la participation des élèves au plan d’intervention va jusqu’à les rendre responsables de l’animation de la rencontre, en prenant un rôle de leadership dans son déroulement. Les élèves sont alors préparés à suivre les étapes suivantes : ouvrir la réunion, présenter les personnes qui y assistent, revoir leurs objectifs et leur niveau d’atteinte, demander des rétroactions aux personnes présentes, établir les objectifs de transition, poser des questions en cas d’incompréhension, gérer les opinions divergentes, établir ses besoins de soutien, résumer les objectifs établis et terminer la réunion en remerciant les participants (Kelley et al., 2011). Cette démarche contraste avec les observations de la présente étude; les élèves auraient effectivement plusieurs compétences à développer pour y parvenir, et la culture des milieux devrait être modifiée pour adopter ce type de changement. Or, cette pratique amènerait un véritable accompagnement pour favoriser la participation de l’élève, tel que le prône l’approche axée sur la résilience.

Une autre façon, plus accessible, de permettre aux élèves ayant une déficience intellectuelle de se sentir entendus et valorisés dans les rencontres de planification de la transition est d’inclure des pairs, des amis ou des mentors comme participants actifs lors de ces rencontres (Cobb et Alwell, 2009). Ceux-ci sont de véritables tuteurs de résilience pour faciliter la participation des élèves à leur processus de planification de la transition. Ces « alliés » aident l’élève à s’exprimer en mettant de l’avant son point de vue, préalablement discuté, lorsqu’il n’est pas capable de le faire. Leur rôle s’apparente à celui des accompagnateurs lors des entrevues, mais ils ne font pas partie du personnel scolaire et ont potentiellement un point de vue complémentaire en défendant les intérêts des élèves.

Au Québec, des initiatives concrètes facilitent la participation des élèves à leur processus de transition. La Carte routière vers la vie adulte. En route vers mon avenir! (Ruel, Sabourin, Moreau, Lehoux et Julien-Gauthier, 2012) est un outil constitué de matériel pédagogique pour l’élève et son entourage qui contient des suggestions d’activités pour permettre aux élèves de préparer leur avenir. Un autre document, Prêt! Pas prêt! Je vieillis! Guide à l’intention des adolescents ayant une déficience motrice (Tétreault et Carrière, 2006), explique la transition dans les différents domaines

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de vie, donne des trucs pratiques et offre un répertoire de ressources. Un guide qui y est rattaché accompagne les parents dans le soutien à offrir à leur enfant (Tétreault et Carrière, 2007). Enfin, Mon projet de vie (Mouvement Personne D’Abord, 2009) est une trousse de sensibilisation à l’importance de centrer les interventions sur les choix de vie des personnes présentant une déficience intellectuelle.