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Favoriser la collaboration entre l’école et la famille, et avec d’autres acteurs

Chapitre 5 : Discussion

4. Favoriser la collaboration entre l’école et la famille, et avec d’autres acteurs

Les parents abordent peu leur contribution pour favoriser l’insertion professionnelle de leur enfant. Ils ont exprimé soutenir leur enfant pour qu’il devienne plus autonome, servir de guide dans le développement d’habiletés personnelles et de la vie quotidienne et lui prodiguer des encouragements. Toutefois, les parents semblent laisser en bonne partie la responsabilité de la formation au travail et de la réussite de la transition à l’école. Dans leur discours, ils reconnaissent l’expertise des intervenants scolaires en tant que « maîtres d’œuvre » du processus de transition vers la vie active. Ainsi, la contribution des parents se limite dans la plupart des cas à participer au plan d’intervention et à encourager leur enfant dans la réalisation de ses engagements. Ce constat soulève la nécessité de collaboration entre la famille et l’école, particulièrement dans les cas où les parents ont vécu des expériences difficiles avec l’école par le passé. Leur apport doit alors être mis en valeur. Les paragraphes suivants élaborent des actions favorisant la collaboration des parents, comme l’intensification du partage d’informations, la diminution de la surprotection, le maintien d’attentes élevées envers leur enfant, la mise de l’avant de son potentiel et la collaboration avec les partenaires des différents milieux afin d’accroitre l’offre de placement.

Les parents ont identifié d’importantes lacunes dans les informations qui leur sont offertes par l’école sur le processus de transition vers la vie active. Ils indiquent être très peu informés par l’école sur les étapes du processus de transition, la TÉVA et les options postscolaires, et plusieurs parents mentionnent avoir fait des recherches par eux-mêmes pour trouver des éléments de réponse à leurs questions et à leurs inquiétudes. Ces parents ont exprimé qu’ils souhaiteraient que le milieu scolaire partage davantage son expertise au sujet de la transition de façon à être mieux informés.

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L’accès à des informations adéquates et valides permet aux parents d’accompagner leur enfant pour soutenir sa participation lors de la transition (Julien-Gauthier, Ruel, et al., 2016). L’évaluation d’un programme québécois d’informations aux parents d’adolescents ayant une déficience intellectuelle a aussi révélé des résultats prometteurs pour répondre aux besoins de soutien identifiés par les parents, entre autres en leur offrant des informations sur les services et sur la vie après l’école (Picard, Morin et Mondehare, 2014). Des études montrent que pour pallier le manque d’information des parents et la confusion en ce qui concerne les services de transition, le meilleur moyen d’augmenter les connaissances des parents au sujet de la transition est de leur fournir non seulement de l’information écrite, mais aussi de la formation (Young, Morgan, Callow-Heusser et Lindstrom, 2016) et de les engager dans des formations variées (Pleet-Odle et al., 2016). Par le fait même, les parents pourraient s’impliquer davantage dans différents aspects favorisant la participation de leur enfant à son processus de transition : la recherche de stages dans leur communauté, le soutien dans l’exercice de responsabilités et dans la réalisation des objectifs du plan d’intervention (par exemple, en ayant une copie du plan d’intervention qu’ils pourraient consulter au besoin pour accompagner l’élève dans son cheminement). Comme guide pour modifier les pratiques, le modèle de l’implication des parents auprès des élèves fréquentant des classes d’adaptation scolaire d’Hirano et Rowe (2016) comprend les éléments suivants : les connaissances et les habiletés des parents quant à la transition, la construction de leurs rôles de parents dans cette transition ainsi que les attentes élevées envers leur enfant et sa vie postscolaire. Le soutien de la famille est essentiel pour permettre aux élèves de participer de manière optimale à leur processus de transition (Wehmeyer, 2014) et dans la vie adulte (Hetherington et al., 2010; Morningstar et al., 2016).

Pour soutenir et informer les parents, les échanges avec d’autres parents d’élèves ayant une déficience intellectuelle ont été relevés par trois parents de l’étude. L’apport d’entretenir des liens avec d’autres parents qui ont déjà vécu le processus de transition est souligné par Ward et al. (2003). Différentes formes de soutien peuvent être offertes : communications informelles, groupes de soutien pour les familles, etc. Le partage d’expériences et leurs relations d’amitié avec d’autres parents leur apportent aussi un soutien émotionnel et informationnel (Boehm et Carter, 2016).

Bien que dans l’ensemble du discours des parents se dégage l’importance que leur enfant ait une vie active, des exemples de surprotection sont identifiés. La grande majorité des parents se disent inquiets ou préoccupés par ce qui attend leur enfant une fois l’école terminée. La surprotection revient souvent lorsque les intervenants scolaires abordent le rôle de la famille auprès des élèves. Il

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a également été observé à plusieurs reprises que les parents comme les intervenants scolaires parlent des élèves comme s’ils étaient plus jeunes que leur âge réel. Malgré les commentaires encourageant la participation et l’autonomie des élèves, des attitudes protectrices sont observées à leur égard, comme dans l’étude de St-Georges (2017), et ces attitudes peuvent entraver le développement de l’autonomie des élèves et leur participation au processus de transition. Les parents doivent apprendre à relativiser leur anxiété à l’égard du risque associé à une autonomie accrue, car de tels efforts sont favorables au développement de leur enfant (Wehmeyer, 2014).

En parallèle avec la surprotection, la croyance au potentiel des élèves amène leur entourage à entretenir des attentes élevées vis-à-vis d’eux, comme c’est le cas de la mère d’Émilie. Les attentes élevées ressortent comme un élément contributif à la participation des élèves au marché du travail (Rossetti, Lehr, Pelerin, Huang et Lederer, 2016; Timmons et al., 2011). Les parents qui ont des attentes élevées fournissent à leurs enfants plus de possibilités, de soutien et ils les encouragent à être plus autonomes (Wehman et al., 2015). Les attentes élevées des parents et leur participation active à la planification de la transition sont d’ailleurs des prédicteurs des résultats postscolaires (Mazzotti et al., 2016; Papay et Bambara, 2014). Il est donc essentiel d’encourager les intervenants à s’associer avec les familles pour promouvoir des attentes élevées pour la réussite postscolaire (Pleet-Odle et al., 2016). Cela peut se faire en favorisant les contacts entre l’élève, sa famille et des personnes qui ont réussi leur transition ou par leur participation à un groupe de soutien pour les familles axé sur la transition où l’échange d’idées, de solutions et d’encouragements est favorisé (Pleet-Odle et al., 2016). L’engagement de la famille dans le développement de l’autonomie de l’élève et la croyance en son potentiel peuvent s’accroitre en participant activement au processus de transition (Lindstrom, Doren, Metheny, Johnson et Zane, 2007). Il s’avère aussi pertinent que le milieu scolaire outille les parents pour qu’ils développent une vision claire du processus de transition, de ses enjeux et de la trajectoire de leur enfant en vue d’atteindre ses objectifs postscolaires (Hirano et Rowe, 2016).

Il importe que non seulement les parents, mais également les intervenants scolaires développent une vision positive des élèves. Une enseignante apparait plutôt négative quant au futur qu’elle entrevoit pour ses deux élèves, démontrant peu de croyance en leur potentiel. Cela est particulièrement évident lorsqu’elle exprime voir Charlotte en femme à la maison comme sa mère, en la comparant à ses anciens élèves qui ont eu des enfants et qui vivent de l’aide sociale. Une autre enseignante s’interroge sur la capacité des élèves à exprimer leur point de vue. À ce sujet, dans l’étude de Julien-Gauthier et al. (2012), les parents d’élèves ayant une déficience intellectuelle mentionnent la

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nécessité d’amener les différents intervenants à croire au potentiel de leur enfant pour l’aider à accéder à une vie active après l’école. À l’inverse, il a aussi été noté que certains intervenants scolaires expriment leur croyance au potentiel des élèves davantage que les parents. La collaboration entre la famille et l’école leur permet en outre d’adopter une vision commune positive de l’élève et de ses capacités à participer.

La collaboration entre les milieux scolaires, communautaires, de la réadaptation et de l’emploi permet d’accroitre l’expertise et l’offre de stages destinés aux élèves ayant une déficience intellectuelle (Bissonnette, 2018). Cela répond à une préoccupation des intervenants scolaires qui ont relevé la difficulté d’élargir les choix de stages pour qu’ils correspondent davantage aux intérêts des élèves. St-Georges (2017) note aussi qu’il est parfois ardu de trouver des milieux de stage adaptés aux élèves ayant une déficience intellectuelle. Dans cette dernière étude, la collaboration entre le milieu scolaire et celui de la réadaptation a notamment permis de trouver un milieu adapté pour une élève qui présentait une déficience intellectuelle et des problèmes de santé. Les éducateurs de l’étude de Skaff, Kemp, McGovern et Fantacone (2016) sont également d’avis qu’une plus grande variété d’options postscolaires devrait être offerte aux élèves ayant des incapacités, mais que les enseignants ont trop de responsabilités en ce qui a trait au soutien aux élèves. Les résultats de l’étude québécoise de Jolicoeur et ses collaborateurs (2017) montrent que pour favoriser la recherche de milieux de stage, les acteurs scolaires apprécieraient une meilleure visibilité de leurs missions. À cet effet, certains projets ont été mis de l’avant, comme des soirées de reconnaissance des milieux qui avaient accueilli les élèves ou des capsules d’information permettant aux employeurs de voir les élèves au travail (Jolicoeur et al., 2017). L’établissement de collaborations pourrait simplifier le travail des intervenants scolaires, tout en privilégiant l’utilisation d’un langage cohérent avec les objectifs postsecondaires et en facilitant le lien entre les familles, les élèves et les intervenants des services postscolaires (Stevenson et Fowler, 2016).