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Chapitre 4 : Résultats

7. Reconnaitre les émotions et en parler

La reconnaissance des émotions permet aux élèves de surmonter des situations difficiles pour participer davantage aux activités auxquelles ils prennent part. Les intervenants scolaires indiquent qu’ils leur offrent de l’écoute, leur apprennent à relativiser les évènements qui se produisent à l’école ou en stage, à reconnaitre leurs émotions et à mieux gérer leur anxiété. Il est d’ailleurs à noter que l’anxiété a été identifiée dans les entrevues comme un problème vécu par la grande majorité des élèves. Les extraits suivants témoignent de l’importance accordée par les intervenants scolaires à la reconnaissance des émotions : « Je les interpelle beaucoup sur comment ils vivent certaines affaires [...] d’être capable de s’exprimer par rapport à ça. » (E1); « Tous les matins, on parle de la veille [...] comment tu te sens. » (E8); « dédramatiser beaucoup avec Florence. [...] “Est-ce que c’est SI grave ce qui est arrivé?” » (E2); « les émotions [...] Et s’affirmer, le dire. [...] Je pense qu’il y a ça, lui, il n’ose pas [...] Il va l’écrire, c’est sûr que ça c’est bien. » (E3) L’éducatrice de Sophie explique qu’elle utilise un outil en ce sens :

Elle fait un check-in avec moi le matin. [...] je lui demande comment ça va. [...] si ça va bien, c’est parce qu’elle est dans un bon état. Si elle se trouve ici [montre le thermomètre], on va faire de l’intervention. [...] on a établi ses états. [...] Ses pensées et ses réactions face à ces états-là. [...] puis il y a comme un mini plan d’intervention qui nous permet de la ramener à un calme. (E9)

La reconnaissance des émotions dans la famille a aussi été notée par quelques parents comme une stratégie leur permettant d’engager la conversation sur ce qui trouble l’élève pour en faciliter l’expression ultérieure.

Résultats de l’évaluation de la résilience

En début d’entrevue avec les élèves, la passation de l’Échelle de résilience adaptée a permis de recueillir des informations à la fois quantitatives et qualitatives sur leur résilience au moment de la rencontre. Les résultats moyens à chacun des énoncés de cet instrument sont illustrés à la figure 4. Les chiffres au bas de la figure correspondent aux réponses suivantes à chacune des questions : 0 (non); 1 (réponse intermédiaire/avec de l’aide); 2 (oui).

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Figure 4 : Scores moyens des neuf élèves à l’Échelle de résilience adaptée

Des points forts ressortent de la passation de l’instrument quant à la résilience des élèves : ces derniers mentionnent avoir un bon sens de l’humour et être intéressés par plusieurs choses dans la vie. Ces deux éléments ont été amenés en réponse aux questions directes sur le sujet et dans les réponses des élèves aux entrevues. Les participants ont aussi affirmé qu’ils géraient bien leur vie.

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4 1,6 1,8 2

1. Quand tu as prévu de faire quelque chose, est-ce que tu le fais ? 2. Es-tu capable de te débrouiller par toi-même ? 3. Est-ce que tu te fies plus sur toi que sur les autres ? 4. Est-ce que c’est important pour toi de t’intéresser à des choses ?

5. S'il le faut, est-ce que tu es bien tout seul ? 6. Es-tu fier des choses que tu as faites dans ta vie ? 7. Est-ce que tu prends la vie comme elle vient ? 8. Es-tu bien avec toi-même ? 9. Est-ce que tu peux t’occuper de beaucoup de choses en même temps ?

10. Sais-tu ce que tu veux dans la vie ? 11. Fais-tu ce que tu as à faire sans te demander pourquoi ? 12. Est-ce que tu prends les choses une journée à la fois ? 13. Est-ce que tu peux régler tes problèmes parce que tu l’as déjà fait

avant ?

14. Est-ce que tu t’organises bien ? 15. Est-ce qu’il y a des choses qui t’intéressent ? 16. Est-ce qu’il y a des choses qui te font rire ? 17. D’après toi, est-ce que tu es capable de passer au travers de tes

difficultés ?

18. En cas d’urgence, est-ce que les autres peuvent compter sur toi ? 19. Est-ce que tu peux regarder le pour et le contre d’une situation ? 20. Est-ce que tu fais ce que tu as à faire même si ça te tentes moins ?

21. Est-ce que ta vie veut dire quelque chose pour toi ? 22. Est-ce que tu restes accroché à des choses que tu ne peux pas changer

?

23. Est-ce que tu es capable de te sortir d’une situation difficile ? 24. As-tu assez d’énergie pour faire ce que tu as à faire ? 25. Est-ce que ça te dérange que des personnes ne t’aiment pas ?

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Parmi les points à améliorer (ou les points plus faibles) quant à la résilience des participants, ceux- ci mentionnent ne pas toujours savoir ce qu’ils veulent dans la vie. Il arrive aussi qu’ils restent accrochés à des choses qu’ils ne peuvent pas changer et qu’ils soient dérangés par le fait que des personnes ne les aiment pas. De plus, la majorité des participants obtient un score faible à une question, celle de savoir s’ils peuvent « s’occuper de beaucoup de choses en même temps ».

Le tableau 8 indique les scores totaux des neuf participants à l’Échelle de résilience adaptée et les résultats aux deux facteurs que sont la compétence personnelle ainsi que l’acceptation de soi et de la vie. Des pourcentages ont été ajoutés sous les scores pour faciliter leur comparaison.

Tableau 8 : Résultats des neuf élèves ayant une déficience intellectuelle à l’Échelle de

résilience adaptée

Les scores ont ensuite été ajustés selon la cotation de l’Échelle de résilience adaptée, tel qu’illustré au tableau 9. Les résultats montrent que près de la moitié des élèves présente une résilience qui peut être qualifiée de moyenne alors qu’un tiers se situe dans la moyenne supérieure. La résilience des deux autres participants peut être qualifiée respectivement de basse et de très basse. Ces deux élèves ont une déficience intellectuelle légère, l’un d’eux vit avec des problèmes de santé mentale, l’autre élève s’exprimait peu; il est possible qu’il n’ait pas compris certaines questions (tel que noté au journal de bord de la chercheuse après la passation de l’instrument).

Participants (élèves) Résultat E1 E2 E3 E4 E5 E6 E7 E8 E9 Échelle de résilience adaptée /50 43 (86 %) 40,5 (81 %) 43,5 (87 %) 28 (56 %) 47 (94 %) 30,5 (61 %) 41 (82 %) 40 (80 %) 38,5 (77 %) Compétence personnelle /34 29 (85 %) 26,5 (78 %) 29 (85 %) 21 (62 %) 32 (94 %) 18,5 (54 %) 30 (88 %) 27,5 (81 %) 27,5 (81 %) Acceptation de soi et de la vie /16 14 (88 %) 14 (88 %) 14 (88 %) 7 (44 %) 15 (94 %) 12 (75 %) 11 (69 %) 12,5 (78 %) 11 (69 %)

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Tableau 9 : Ajustement de la cotation de l’Échelle de résilience adaptée

Échelle Total

Très faible Faible Moyenne inférieure Moyen Moyenne supérieure Élevé Resilience Scale1 25-100 101-115 116-130 131-145 146-160 161-175 Échelle de résilience adaptée 7,14-28,6 28,9-32,9 33,1-37,14 37,4-41,4 41,7-45,7 46-50

Participants E4 E6 - E2, E7, E8, E9 E1, E3, E5 -

1 D’après Wagnild, 2011, p. 72.

Les résultats qualitatifs de l’Échelle de résilience adaptée comprennent l’étude des commentaires, explications et précisions mentionnés lors des réponses aux questions. Sur le plan de la compréhension des énoncés, il est observé que, pour trois énoncés de l’instrument, un participant n’a pas réussi à fournir une réponse valide et que pour un autre énoncé, deux participants n’ont pas compris la question.

Les résultats qualitatifs permettent aussi de faire ressortir la présence de tuteurs de résilience auprès des élèves ayant une déficience intellectuelle. Six d’entre eux ont nommé des tuteurs de résilience au cours de la passation de l’Échelle de résilience adaptée. Il s’agissait d’éducateurs spécialisés à l’école (quatre), d’enseignants (trois), de parents (deux), de membres de la fratrie (un) et de la famille élargie (un) ainsi que d’amis (deux). Ces personnes leur offraient un soutien instrumental (ex. : cartable incluant les résultats de différentes évaluations), émotionnel (ex. : faire rire) et informatif (ex. : montrer comment faire une tâche, apporter de l’aide pour les difficultés d’apprentissage). Du soutien d’estime (reconnaissance de la qualité de leurs réponses lors de l’entrevue) a été apporté à deux élèves par des enseignants présents lors de l’évaluation. Lorsqu’elle a été questionnée à savoir si elle avait une belle vie, Sophie a exprimé être bien entourée : « parce que je suis, je trouve que je suis bien entourée de beaucoup de gens. » Les tuteurs de résilience des élèves ont également été identifiés au cours des entrevues, et plus spécifiquement à l’aide de la Grille d’évaluation du réseau de soutien social.

Résultats de l’évaluation du réseau de soutien social

Les résultats de la passation de la Grille d’évaluation du réseau de soutien social (Julien-Gauthier, Jourdan-Ionescu et al., 2014b), auxquels s’ajoutent des éléments des entrevues, permettent de dresser un portrait du soutien social offert aux élèves. Les résultats sont présentés en trois sections :

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1) le soutien dans les cinq domaines; 2) la nature du soutien social offert à chaque élève (personnes les plus importantes pour lui); et 3) l’intensité du soutien (fréquence des contacts).

Soutien dans les cinq domaines

Lors de la rencontre avec le parent, la Grille d’évaluation du réseau de soutien social a été présentée à l’élève et les cinq types de soutien ont été expliqués en termes simples avant de demander aux élèves de quels types de soutien ils bénéficient. Tous les élèves ont rapporté obtenir du soutien d’au moins une personne dans chacun des cinq domaines (émotionnel, estime, tangible, informatif, à l’activité sociale). Les graphiques suivants illustrent la provenance du soutien rapporté par les participants et leurs parents.

Le soutien émotionnel réfère aux personnes de confiance vers qui l’élève se tourne lorsqu’il ressent le besoin de se confier, par exemple lorsqu’il se sent triste ou qu’il vit des moments difficiles. Ces personnes lui expriment de l’empathie et de l’intérêt.

Figure 5 : Soutien émotionnel des élèves

Tous les élèves bénéficient du soutien émotionnel de leur famille proche et il s’agit de la source de soutien émotionnel la plus présente dans leur vie. D’ailleurs, deux élèves ont affirmé que ce ne sont que les membres de leur famille proche qui leur offrent ce type de soutien. Les personnes du milieu scolaire (intervenants passés et présents) représentent la deuxième source principale de soutien émotionnel des élèves, rapportée par plus de la moitié d’entre eux. Les amis (y compris des amis de cœur pour deux élèves) sont le troisième type de soutien dont les élèves disposent.

0% 20% 40% 60% 80% 100% Amoureux Amis Milieu scolaire Famille élargie Famille proche

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Le soutien d’estime a trait au regard positif porté sur la personne, à la réassurance et aux encouragements à persévérer face aux difficultés. Cette forme de soutien est importante pour les personnes ayant une déficience intellectuelle, qui sont confrontées à de nombreuses situations d’adversité lors du processus de transition et à des échecs répétés avec lesquels elles doivent composer (Julien-Gauthier, Jourdan-Ionescu, Martin-Roy et Legendre, 2014a).

Figure 6 : Soutien d’estime des élèves

Le soutien d’estime est très majoritairement offert par les membres de la famille proche et les intervenants du milieu scolaire. Trois autres sources de soutien sont rapportées, chacune par un participant : le soutien d’un intervenant du milieu de la réadaptation, le soutien de l’ami de cœur et le soutien de la famille élargie (grands-parents). William se nomme lui-même comme source de soutien d’estime (identifié comme une « autre personne » dans la figure).

Le soutien tangible ou instrumental correspond aux personnes sur qui l’élève peut compter pour obtenir une assistance directe ou pour répondre à des besoins ponctuels (ex. : aide pour réparer son vélo, transport pour une activité, besoin d’argent).

0% 20% 40% 60% 80% 100% Autre personne Amoureux Amis Réadaptation Milieu scolaire Famille élargie Famille proche

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Figure 7 : Soutien tangible des élèves

Les membres de la famille proche sont les plus présents pour offrir du soutien tangible aux élèves. Près de la moitié des participants ne mentionne d’ailleurs que l’aide offerte par leurs parents. Le tiers des élèves fait référence au soutien tangible offert par les intervenants du milieu scolaire. La famille élargie contribue au soutien tangible dans la vie de deux élèves (oncles habitant près du domicile familial et grands-parents). Enfin, une participante mentionne son amoureux.

Le soutien informatif fait référence aux informations, conseils et rétroactions donnés à l’élève par des personnes qui lui montrent comment se procurer ce dont il a besoin (ex. carte d’autobus), se débrouiller (ex. : où s’inscrire pour une activité de quilles).

Figure 8 : Soutien informatif des élèves

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Autres employés (stage) Amis Milieu scolaire Famille élargie Famille proche 0% 20% 40% 60% 80% 100% Amoureux Amis Milieu scolaire Famille élargie Famille proche

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La famille proche est la principale source de soutien informatif, avec près de la moitié des élèves qui la rapporte comme seule source de ce type de soutien. Les intervenants du milieu scolaire sont mentionnés par trois participants. Charlotte indique d’ailleurs : « Quand je ne comprends pas, je regarde (enseignante). » Thomas rapporte recevoir le soutien d’amis et l’aide des autres employés dans son milieu de stage. Son enseignante précise : « C’est incroyable, c’est toute l’équipe qui l’a pris [...] il s’est senti bien entouré. » Pour terminer, deux participants mentionnent obtenir ce type de soutien de leur famille élargie.

Le soutien à l’activité sociale procure à l’élève un sentiment d’appartenance avec des personnes qui partagent ses intérêts, des activités sociales ainsi que des moments de plaisir et de détente.

Figure 9 : Soutien à l’activité sociale des élèves

Il s’agit du domaine dans lequel les élèves obtiennent les sources les plus variées de soutien : quatre élèves font référence à deux sources différentes de soutien à l’activité sociale, quatre élèves à trois sources différentes et un élève à quatre sources. La famille proche occupe une place moins importante que dans les autres types de soutien. Tous les élèves mentionnent des amis (ou un amoureux). Les membres de la famille élargie sont nommés par près de la moitié des élèves.

Personnes les plus importantes pour les élèves ayant une déficience intellectuelle

Les élèves ont identifié entre cinq et treize personnes comme les personnes les plus importantes dans leur vie. Ces personnes sont celles avec qui les élèves aiment parler et faire des activités. La figure 10 illustre, pour l’ensemble des participants, la composition de ce réseau de soutien.

0% 20% 40% 60% 80%

100% Personnes fréquentées dans

les loisirs Amoureux

Amis

Famille élargie

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Figure 10 : Provenance du soutien des personnes les plus importantes pour les élèves

Tous les élèves mentionnent leur famille proche (moy. : 3,2)16, huit élèves nomment des amis (moy. : 2,5), sept élèves font référence à leur famille élargie (moy. : 1,7), trois élèves mentionnent des professionnels du milieu scolaire (moy. : 2) et deux élèves nomment leur amoureux(se). L’annexe 7 détaille les personnes les plus importantes pour chacun des élèves.

Réseau de soutien envisagé après la fin de la scolarisation

La majorité des élèves maintiennent des amitiés en dehors de l’école (services de répit et de loisirs, organismes communautaires) ou ils mentionnent qu’ils continueront de fréquenter les mêmes amis après la scolarisation, à l’éducation des adultes. La majorité des parents n’entrevoient pas de changements majeurs dans le réseau amical de leurs enfants. Plusieurs d’entre eux mentionnent que ceux-ci resteront en contact avec leurs meilleurs amis en communiquant par téléphone et en fréquentant les mêmes activités. Émilie utilise déjà « Skype » pour communiquer avec un ami, sa sœur lui ayant appris à utiliser ce média.

Les amis les plus importants de plus de la moitié des élèves ne fréquentent pas la même école qu’eux. Certains élèves comme Thomas, Florence et Sophie sont un peu isolés à l’école d’après leurs intervenants scolaires et leurs parents. La mère de Thomas exprime de l’inquiétude par rapport au fait que son fils n’ait plus accès au réseau social de l’école : « Ça coupe beaucoup de monde ça déjà. Parce que ça l’entoure beaucoup présentement ». Le père de Charlotte mentionne être très inquiet par rapport à ses futures fréquentations : « ses contacts c’est souvent des garçons qu’elle connait par Internet. Donc t’es jamais certain de ce que ça peut donner ». Son enseignante indique

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La moyenne est indiquée en nombre de personnes et calculée sur le nombre de personnes ayant mentionné ce type de soutien parmi les personnes les plus importantes pour elles.

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que Charlotte restera sans doute en contact avec les enseignantes de qui elle se sent proche. Quelques parents indiquent ne pas être inquiets, car ils sont d’avis que le réseau social évolue avec le temps. La mère de Nicolas exprime à ce sujet : « Je pense qu’il va développer d’autres réseaux sociaux. Il va l’agrandir. Ses amis auxquels il tient, il va les garder. Il va continuer de les voir même s’il ne les voit pas au travail, dans d’autres activités, comme les quilles. » La mère de Florence mentionne que sa fille pourra créer des liens en stage et au travail, et que les intervenants en réadaptation pourront l’informer sur les activités destinées aux adultes.

Les intervenants scolaires questionnés sur les moyens utilisés par les élèves pour rester en contact font référence à Facebook, aux textos, aux courriels et aux numéros de téléphone que les élèves s’échangent naturellement entre eux. Les jeux vidéo en ligne et les activités d’un Regroupement pour l’intégration sociale sont aussi mentionnés. Les élèves nomment sensiblement les mêmes moyens de communication. Une seule initiative organisée vise le maintien du réseau social en facilitant la poursuite des activités sociales après la scolarisation (activités les vendredis soirs). Enfin, aucun intervenant scolaire ne mentionne d’initiative visant à encadrer les contacts des élèves en dehors de l’école, par exemple en entreprenant la création d’un carnet d’adresses. Cet outil serait davantage utilisé en déficience intellectuelle moyenne selon l’enseignante de Thomas.

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