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Sur cette photo, nous pouvons voir les trois villas que Paul Poiret loue en 1914 : la villa Saint Stanislas, la villa Biribi et le plus grand bâtiment, Sainte Anne, est un sanatorium qui accueille les personnes atteintes de tuberculose. Sur la gauche, nous apercevons la maison de Marie Henry et Henry Mothéré, construite dès 1894.

Clec’h Burtul à un point commun avec Le Pouldu : c’est un endroit au bord de la plage, isolé. Marie Henry retourne, après une trentaine d’année, dans la commune dont elle est originaire, Moëlan. Il n’y a pas de commerces à proximité, les plus proches voisins se situent à quelques centaines de mètres. Le couple choisit cette solitude.

Marie Henry habille les murs de sa maison des œuvres de sa collection. Ainsi, dans une lettre écrite à Jean Lachaud138, André Jolly139 évoque sa visite chez Marie Henry : « J’y ai vu à Kerfany des peintures de Jourdan, Laval, Seguin, Sérusier, Bernard, Moret, Maufra et Meijre de Haan, fort intéressantes, genre Gauguin, mais en plus violent. »140 En 1913, Paul et Marguerite Sérusier rendent aussi visite au couple à Kerfany. Wladyslaw Slewinski141 et son épouse rendent également souvent visite au couple.

138 Jean Lachaud (1889-1952) est un peintre qui découvre Pont-Aven en 1908, il est étudiant à l’Académie Julian, académie que fréquente Paul Sérusier et Maurice Denis. Il vit à Nevez, commune limitrophe à Pont-Aven de 1919 à 1934.

139 André Jolly (1882-1969) est un peintre autodidacte de l’École de Pont-Aven.

140 LEFEUVRE Daniel,André Jolly au Musée de Pont-Aven, Le Faouët, liv-Edition, 2019, p.36.

141 Wladyslaw Slewinski (1856-1918) à Paris, est un peintre polonais, associé au mouvement de la Jeune Pologne et à l'École de Pont-Aven. Issu d'une famille aristocratique polonaise, il quitte la Pologne en 1888 pour s'installer à Paris, où il s’inscrit à l'Académie Julian, puis à l'Académie Colarossi. Il rencontre Paul Gauguin en 1889 et une amitié se crée entre les deux hommes. En 1890, il le suit en Bretagne, au Pouldu, et séjournera à l'Auberge de Marie Henry. Après

39 En 1909, un jeune peintre polonais, Waclaw Zaboklicky se rend à Kerfany afin de connaître prendre connaissance de cette collection : il s’attarde un peu chez le couple et y travaille, il réalise d’ailleurs un tableau portrait de la maisonnée. Par ailleurs, Marie Henry et Henri Mothéré accueillent d’autres peintres polonais comme Jan Rubzack qui peint une Plage en plein soleil, puis en 1914 un Ramassage de coquillages - plage Kerfany, deux toiles qui pourraient avoir été faite depuis la terrasse de Marie Henry142. Charles Filiger devenu un ami proche d’Henri Mothéré fréquente aussi la maison à Kerfany. Somme toute, c’est une période où Marie Henry et Henri Mothéré accueillent des personnalités du monde de l’art et des amis de son cercle parisien, désireux et désireuses d’admirer cette collection d’œuvres. D’autres personnalités familières de Kerfany rendent visite au couple : Paul Poiret donc, pendant la guerre 1914-1918, mais aussi des scientifiques comme Pierre et Marie Curie, qui ont l’habitude de venir se reposer à Kerfany et au Pouldu.

La mention de leur foyer sur le recensement de la population est intéressante à observer.

En 1896, Henri Mothéré143 est « rentier » et « chef », Marie Henry est « ménagère » et sa situation n’est pas mentionnée dans le foyer. Ida à quatre ans et est présentée comme la « fille de Marie Jeanne ». En 1901, 1906 et 1911, Marie Henry est inscrite comme « domestique » du foyer. Le dernier recensement précise sa profession en tant que domestique : elle est « ménagère ». En 1901, Marie Henry à 42 ans, ses filles sont inscrites comme « filles de Marie Jeanne », Léa à 12 ans, Ida à 9 ans. En 1906 toutefois, les filles n’apparaissent plus, et pour cause : elles sont en pension à l’école primaire supérieure des filles de Quimperlé144. Elles sont de nouveau mentionnées en 1911, mais ni leur situation, ni leur position dans la famille n’est précisée.

Il s’agit donc pour le couple de conserver une tranquillité, loin de tous jugements : il semble davantage évident et conventionnel d’être la domestique d’un rentier que d’assumer une union libre. Par ailleurs en 1921, Marie Henry devient « Marie Mothéré », sa situation change puisqu’elle devient « épouse » ainsi que le précise le recensement. Pourtant, le couple n’est pas marié, ainsi que l’atteste l’acte de décès de Marie Henry. Cette dernière a 62 ans, Henri Mothéré a 58 ans : il s’agit sans doute pour le couple, devenu âgé, de justifier leur union. Ses filles ne figurent plus dans le recensement : Ida se marie en 1918 à Louis Cochonnec, instituteur à Rosporden, une commune

son retour en Pologne en 1905, il revient en France en 1910 et s'installe à Pont-Aven, puis à Doëlan, sur la commune de Clohars-Carnoët ; il y restera jusqu’à sa mort en 1918 à Paris.

142 PENVERN Laurence, Sur la route des peintres, Juin 1019 [consulté le 1er Avril 2020] disponible à l’adresse : http://memoiresetphotos.free.fr/Vie_artistique/Auberges-2.html

143 Son nom de naissance est George Savina Mothéré, ainsi qu’en attestent les recensements. Cependant en 1906, la personne chargée du recensement précise « George Savina dit Henry », là où figure son prénom.

144 Enregistrements de Sabine Roch. Archives de la Maison Musée du Pouldu.

40 située entre Pont-Aven et Quimper. Quant à Léa, elle se marie le 8 janvier 1917 à Louis Lollichon, un marin d’état.

« Mais quel doit être le programme de l’éducation des filles ? Poser cette question, c’est poser celle des objectifs.

Pour quel destin une mère élève-t-elle sa fille ? La tradition voulait que la mère forme sa fille avant tout pour la vie domestique. Cette tradition n’est pas morte, bien au contraire, mais il faut souligner le très vif désir d’instruction qui, désormais, s’y superpose. »145 C’est le choix de Marie Henry qui assure une solide instruction à ses filles : elles deviennent toutes les deux institutrices. Si Léa Lollichon quitte le métier pour s’installer avec son mari à Toulon, Ida Cochonnec consacre sa vie à l’enseignement : elle devient la directrice de l’école dans laquelle elle enseigne à Ergue Ermel à Quimper146.

Léa et Ida à Kerfany, s.d.

145 Op cit. KNIBIELHER Yvonne et FOUQUET Catherine, Histoire des mères, Paris, édition Montalbla, 1982, p.195.

146 Ibid.

41 3.3 Fin de vie à Pierrefeu-du-Var

Marie Henry et Henri Mothéré, qui passent leurs hivers à La Passiflore, la maison de Léa et Louis Lollichon à Pierrefeu-du-Var, quartier des Plantiers, situé à une trentaine de kilomètres de Toulon y déménagent définitivement. Ils vendent leur maison à Kerfany en 1924 pour s’installer chez Léa et Louis Lollichon. Le couple Lollichon voyage beaucoup en raison du métier Louis Lollichon : il est militaire pour la marine nationale.

Marie Henry et Henri Mothéré devant La Passiflore, Juillet 1929.

La famille s’installe à Damas et au Liban jusqu’en 1944, date à laquelle le général de Gaulle rend l’indépendance au Liban : la mission de Louis Lollichon est terminée, la famille rentre en France.

En juillet 1929, Marie Henry et Henri Mothéré demeurent seuls à la Passiflore. Le couple Lollichon engagent alors un couple de breton faisant parti du voisinage pour entretenir la Villa et subvenir aux besoins d’Henri Mothére et Marie Henry147. Elle a alors 70 ans.

Pendant plusieurs années, elle souffre de la maladie de Parkinson. Bien qu’Henri Mothéré soit un soutient dans cette maladie, il ne peut plus subvenir aux besoins de sa compagne en terme d’accompagnement dans son quotidien. Il revient alors dans le Finistère et passe le reste de la seconde guerre mondiale chez Ida Cochonnec à Ergue Ermel, à Quimper. À son retour du Liban, Léa Lollichon décide de placer Marie Henry en maison de retraite. Une situation que vit très mal Marie Henry : le 2 janvier 1945148, Louis Lollichon récupère Marie Henry dans cette maison de retraite pour la ramener à la Passiflore. Mais en descendant de la voiture, Marie Henry meurt d’une crise cardiaque, dans les bras de son gendre. Elle s’éteint à l’âge de 86 ans.

147 Ibid.

148 Cf. Acte de décès de Marie Henry, archives départementales du Var.

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Marie Henry devant La Passiflore, juillet 1929.

©collection particulière

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