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Marie Henry racontée

2 Les sources contemporaines

2-1. La littérature

Marie Henry est racontée à travers les souvenirs de sa fille et de sa petite fille. Dans cette partie, il est question cette fois de ses souvenirs imaginés par Marie Le Drian176. L’autrice édite une première fois son roman sous le nom Marie Poupée souvenir imaginé en 1990 aux édition Kerguelen.

Il est réédité en 2003 aux éditions Blanc Silex sous le titre Marie Henry, Gauguin et les autres, et de nouveau en 2012 aux éditions La Part Commune sous ce même titre. Nous pouvons, au préalable, nous interroger sur le mobile qui justifie ce changement de titre. Marie Le Drian, a-t-elle réalisé la contradiction que génère le titre de la première arie-Poupée » avec

le contenu de son roman177 ? Le deuxième titre Marie Henry, Gauguin et les autres, s’il rend son nom à l’aubergiste, le juxtapose à celui de « Gauguin ». Pourtant, dans le roman, pas une seule fois ce nom n’est mentionné, il est désigné sous son prénom « Paul ». Et bien qu’il soit un personnage central du roman, il l’est tout autant que Jeanne, Maryvonne et Jacob Meijer de Haan, Pourquoi faire le choix d’accoler ce nom quand bien même les autres personnages ont autant d’importance dans le roman ? Nous supposons qu’il y a peut-être un intérêt marketing. En effet, juxtaposer le nom de « Jeanne », « Maryvonne », « Jacob » ou « De Haan » à

« Marie Henry » dans le titre est sans nul doute moins

176 Cf. Annexe 6.

177 En effet, dans l’extrait 3 ligne 21 de l’annexe 6, nous pouvons lire : « On ne dira même plus « Marie-Poupée ». On aura du respect. » Pourtant, dans d’autres passages du texte où le narrateur raconte, « Marie-Poupée » est souvent employé.

Couverture de l’édition originale du roman de Marie Le Drian, Marie poupée, souvenir imaginé, 1993 aux éditions Kerguelen.

Couverture de la troisième édition du roman de Marie Le Drian sous le titre Marie Henry, Gauguin et les autres, La Part Commune, 2012.

52 vendeur que d’accoler celui de « Gauguin », bien plus reconnu du grand public.

Marie Le Drian naît à Lanester en 1949. Elle étudie à Rennes et travaille ensuite à Paris pendant plusieurs années. En 2000, elle s’installe définitivement à Clohars-Carnoët et se consacre pleinement à l’écriture. Marie Henry, Gauguin et les autres est son quatrième ouvrage.

L’action où se situe le récit se déroule entre 1889 et 1890 au Pouldu. Il alterne entre trois points de vue : celui du narrateur hétérodiégétique, de Jeanne du point de vue omniscient et Marie du point de vue interne. Il s’agit de raconter l’histoire des peintres au Pouldu à travers les yeux de Jeanne, une jeune veuve, voisine de Marie Henry, qui vit derrière la villa Mauduit aux Grands-Sables, à travers les yeux et la mémoire de l’aubergiste et enfin, celle du narrateur, qui permet de convoquer les personnages de Maryvonne, la bonne de Marie Henry, Paul Gauguin et Jacob Meijer de Haan.

Nous observerons et analyserons, dans cette étude, tous les extraits qui rassemblent le point de vue de « Marie ». En effet, quel portrait Marie Le Drian façonne-t-elle de Marie Henry à travers ces souvenirs imaginés ?

L’extrait 1 dans l’annexe 6 est donc la première fois que nous rentrons dans l’esprit de Marie Henry, pour ce faire, c’est le discours direct qui est employé. Au moment où elle raconte, la jeune femme vit avec les peintres depuis plusieurs jours. Suffisamment de temps pour qu’elle formule des regrets, exprimés dans les phrases à l’imparfait : « je n’attendais pas cela. » (l.1.4 et 12), « ce n’était pas ce que je voulais » (l.1) « je voulais des gens d’ailleurs », (l.12). À « pas ceux-là », (l.12) c’est-à-dire, les peintres, elle oppose « les gens bien » (l.12) c’est-à-dire « des femmes fatiguées qui seraient venus pour l’iode et la mer. Des femmes fatiguées que leurs maris auraient visitées le dimanche. » (l.13), dont elle aurait voulu que son auberge soir occupée. Prendre le parti de mentionner le genre de la clientèle donne l’impression que c’est la présence masculine qui dérange Marie Henry. En effet, ces hommes viennent semer « le désordre » (l.1, l.10) et ils cherchent quelque chose sans qu’elle ne sache quoi. Ils viennent troubler « le calme » (l.7, l.14), « la tranquillité » (l.2, l.4, l.18) qui entoure l’aubergiste avant leur arrivée, elle veut « oublier » (l.6, l.7) et « être patronne » (l.4, l.8, l.18), « moi seule à commander » (l.5),

« être enfin tranquille » (l.2, l.4, l.19) dans son auberge. Nous ne savons donc pas pourquoi elle « n’a pas pu les refuser » (l.9), alors même que ces peintres la « dérange » (l.8, l.9, l.16) et qu’elle est seule à commander cette auberge, ce qui, à première vue, lui donne pourtant cette liberté, sur laquelle elle insiste dans le texte. Elle oppose cette nouvelle liberté à sa condition précédente, celle où elle était sous des ordres. C’est donc comme une menace qu’elle envisage la présence des peintres vis-à-vis de cette liberté nouvellement gagnée. Mais elle assure à la fin de l’extrait qu’elle ne « changera rien ici

» (l.15) : ses habitudes ne doivent pas être troublées par ces hommes. La dernière phrase de l’extrait

53 vient appuyer ces propos : « Ils ne me prendront rien. » (l.19). Des phrases courtes et répétitives nourrissent cet extrait. Le ton du texte y est pourtant tout autre au regard des autres chapitres. En effet, il n’y a que lorsque Marie Henry raconte ses souvenirs que les phrases sont courtes, hachées, redondantes, que le vocabulaire est limité et répétitif. En utilisant ce procédé, Marie Le Drian donne l’image d’une jeune femme peu cultivée, au vocabulaire limité.

Au début de l’extrait 2 de l’annexe 6, décider si elle allume le feu de la cheminée de l’auberge la ramène à quelques souvenirs. Cet élément est présent tout le long du texte et semble agir comme une sorte de métaphore du désir. Selon Gaston Bachelard, le feu est un phénomène ambivalent en ce qui concerne d’une part sa puissance destructrice, son pouvoir d’anéantissement, et d’autre part sa capacité transformatrice, sa force génératrice. L’auteur évoque « deux valorisations contraires », le feu désigne donc à la fois « le bien et le mal. Il brille au Paradis. Il brûle à l’Enfer. Il est douceur et torture. »178 Le lien entre le feu et la sexualité est évoqué par Gaston Bachelard. Il découle d’une association archétypale qui résulte de la technique de la génération du feu par frottement de deux pièces de bois179. Dans cet extrait, il se trouve directement associé à la relation qu’entretient Marie Henry avec son ancien maître à Paris qui la « prenait » (l.3, l.9, l.57), il y a trois ans (l.10) en même temps qu’une allusion à sa liberté nouvellement gagnée, celle qui lui permet de décider si elle allume, ou pas, ce feu, métaphore de son désir et de son pouvoir de décision. Elle se trouve donc au service d’un couple à Paris, non sans rappeler le couple pour lequel travaille Célestine dans Journal d’une femme de chambre d’Octave Mirbeau. Si, dans ce récit, il est clair que Célestine subit les agressions sexuelles de son maître et le commandement, toujours plus cruel, de son épouse, il est difficile, dans cet extrait, de se positionner sur la relation entre Marie Henry et son maître. En effet, Marie Le Drian n’établit pas clairement cette relation : elle est évasive. Le verbe « prendre » s’il désigne une relation sexuelle, n’explicite pas si cette relation est consentie par Marie Henry, ou pas : elle semble laisser le bénéfice du doute aux lecteur´ices, quand bien même une relation sexuelle entre une domestique et un maître ne peut pas être véritablement consentie de par la relation de domination qu’elle induit. Pourtant, nous avons le sentiment que cette relation l’est bel et bien. En effet, l’aubergiste ne parvient pas à oublier « les mains chaudes » (l.22) de cet homme, que l’on apprend être le père de Léa, dont elle ne lui révèle pas l’existence. De plus, Marie Henry est en rivalité avec l’épouse de son maître, dont elle ne semble inspirer que le mépris. Elle supporte mal sa « voix de commandeuse » (l.8, l.32), elle supporte davantage, en revanche, l’autorité de son maître : « c’était simple de lui obéir à lui. » (l.10). Qu’est ce qui justifie ce rapport à l’autorité différente selon si c’est un

178 BACHELARD Gaston, La psychanalyse du feu, Paris, Gallimard, 2012 [1938], p. 23.

179 BECKER Karin, La symbolique du feu et de la flamme en littérature, Münster, Universität Münster, 2016, p.21, disponible à l’adresse : http://www.ledonline.it/linguae/ consulté le 5 mai 2020.

54 homme ou une femme ? Marie Le Drian insinue-t-elle par là qu’il est plus évident de se soumettre aux ordres d’un homme parce que c’est un homme180 ? Ou de se soumettre à cet homme puisqu’elle semble éprouver du désir pour lui ?

Marie Henry décrit ses « étranges pensionnaires » (l.37), installés dans l’auberge depuis plus d’un mois et demi. Monsieur Meyer, le premier et le second, un ami de ce dernier, dont elle « n’arrive jamais à retenir le nom » (l.44), qui « commande » (l.44). Ce dernier lui rappelle son maître à Paris et cela ne lui

« plaît pas » (l.41). Encore une fois, Marie Henry manifeste des regrets : « je n’aurais pas dû prendre des pensionnaires pour l’hiver. Je gagnais suffisamment avec les marchands de sable. » (l.34). Pourtant, bien que méfiante, elle accepte leur installation, elle accepte la présence de ces hommes qu’elle trouve pourtant dérangeante depuis le début : elle cherche avant tout la présence des femmes, une clientèle féminine (l.29) loin de la gent masculine qui ne la laisse pas tranquille. Nous pouvons nous demander ce qui la pousse à accepter. Ces regrets continuellement formulés dans les extraits nous donnent l’image d’une femme incapable de résister au désir des hommes, à leur demande, incapable de refuser. Elle semble s’être résignée ipso facto à cet état et la seule chose encore en son pouvoir semble être de manifester son regret de son côté, sans le partager à quiconque. En ce sens, Marie Henry n’échappe pas au stéréotype de « la femme » : serviable en toutes circonstances, effacée, soumise au désir de l’homme, qui passe son temps à regretter des choix, comme si elle s’y sent obligée.

Enfin, Marie Henry associe le souvenir de son maître et sa maîtresse peignant ensemble le dimanche aux peintres peignant dans sa cour. Elle l’assure : « un jour, je me vengerais de la peinture ! » (l.54), soulignant là son mépris pour cette activité qu’elle semble associer à une société bourgeoise.

Dans l’extrait 3, Marie Henry continue de comparer Paul Gauguin à son maître à Paris :

« Parce qu’il lui ressemblait, j’ai cru un moment que dans ses bras j’oublierais » (l.1). Il lui prend les mains, la taille en lui lisant une lettre destinée à sa femme. La seule chose qui la préoccupe à ce moment, c’est de savoir si son maître, « le père de sa fille » (l.7) a déjà parlé d’elle dans les bras d’une autre.

Enfin la jeune femme manifeste une décision auquel elle semble formellement vouloir se tenir :

« Paul ne me touchera plus. Je ne veux pas. J’ai déjà donné à ces hommes qui prennent tout. Je ne l’approche plus. » (l.9) et ne semble pas supporter sa façon d’être : « C’est toujours lui qui commande, qui dirige, qui chante ou organise » (l.11). Elle se rapproche davantage de Jacob Meijer de Haan. Elle se réjouit du fait que

180 Cet argument peut s’envisager notamment par la menace que constitue, pour Marie Henry, l’installation des peintres, énoncé dans l’extrait 1. Ces hommes dont elle appréhende la présence, dont elle se plaint fortement dans tous ces extraits. Quid de la situation dans laquelle ces peintres avaient-été des femmes ? Marie Henry aurait-elle nourri autant d’appréhension ?

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« pour la première fois, un homme me parle de moi au lieu de rêver d’elle. Un homme enfin demeure avec moi après m’avoir prise. » (l.37). Alors même que dans l’extrait 1 et 2 elle perçoit l’installation de ces hommes comme une menace à sa tranquillité (ce qui peut laisser sous-entendre qu’elle n’a pas besoin d’un homme) elle explique ligne 32 : « c’est peut-être lui, Jacob, qui me donnera enfin le calme dont je rêve. ». Marie Henry n’a plus de place dans l’auberge pour dormir : Meijer de Haan l’invite dans sa chambre. C’est ainsi que l’aubergiste raconte : « la maison est à moi et l’on me permet de dormir ici ou là. On me donne l’autorisation. » (l.17), elle fantasme un avenir dans lequel enfin « je dormirais là où je voudrais. » (l.27).

Elle a « peur » (l.34, l.39) du départ de ce dernier, censé accompagné Paul Gauguin dans ses projets de voyage. Dans cet extrait, elle semble très préoccupée par le regard d’autrui (l.21 à 27). Enfin, nous apprenons qu’elle est croyante. En effet, elle croit les prédictions d’une diseuse de bonne aventure (l.31) et elle se réjouit d’avoir « mon homme aussi. Le mien. » (l.45) qui lui permet « d’entrer fière à l’église » (l.46).

Par deux fois, dans l’extrait 4, Marie Henry répète qu’elle n’a pas voulu (l.1) ouvrir la porte de sa chambre à Paul Gauguin, « juste pour une journée » (l.2). Cette prise de décision est suivie de quelques injonctions : « je n’avais pas le droit même de le regarder » (l.3), « je n’avais aucun droit et il me donnait des ordres » (l.8), « ne recommence jamais ça… pas toi ! » dixit Paul Gauguin ligne 8. Rappelons- nous pourtant que l’aubergiste, dans l’extrait 3 semblait s’être promise qu’il ne la touchera plus. Elle quitte la chambre du peintre pour celle de Meijer de Haan. Ce n’est ni son envie, ni son désir qui la guide mais avant tout sa « fierté » (l.15) qu’elle avait perdu depuis qu’elle fréquentait la chambre de Paul Gauguin (l.9). Elle souhaite s’abriter dans la belle chambre avec une cheminée car « j’en avais assez que dans la pièce la plus froide, on me parle sans cesse d’une autre maison, d’enfants qui ne sont pas les miens. » (l.16). Pourquoi, dans ce cas, ne pas faire le choix de dormir dans la salle à manger, équipée d’une cheminée et dans laquelle elle peut dormir sans les peintres ? Cela accentue davantage le caractère soumis du personnage, encore une fois. Dans la ligne 17, nous apprenons que l’aubergiste

« commence à devenir vieille » (rappelons qu’elle est âgée de trente ans en 1889…), ce qui vient justifier le besoin qu’on s’occupe d’elle, qu’on lui achète des affaires qu’on fasse les choses à sa place. C’est Jacob Meijer de Haan qui répond à ces demandes.

Dans cet extrait Paul Gauguin boit beaucoup d’eau de vie (l.22, l.40). Dans son ivresse, il accuse l’aubergiste de ne rien comprendre à ses œuvres, précisément, à ses couleurs, l’aubergiste, quant à elle, craint sa violence (l.21, l.24). Et Marie Henry l’admet : elle ne pense pas aux couleurs (l.26, l.27, l.32, l.34), elle agit ipso facto, elle ne comprend pas (l.38). Néanmoins, elle aime bien le jaune « à cause des ajoncs » (l.35), cette couleur qui lui rappelle aussi un tissu que son maître à Paris lui achète pour qu’elle se souvienne et qu’elle pose sur son lit (l. 36). Elle a une vision pragmatique des

56 couleurs, c’est l’occasion de décrire sa garde-robe : une jupe noire, un corsage blanc en été et un tablier gris. Cette vision revêt aussi un caractère stéréotypé, notamment lorsqu’elle évoque les vêtements que portent sa fille : « Léa, elle, est toujours en rose, parce que c’est une fille. Je ne pense pas au rose lorsque je choisis. « (l.33). Marie Le Drian a-t-elle pris la peine d’observer les œuvres qui représentent Léa ? Manifestement, ce n’est pas le cas, sur aucun des tableaux où Léa est représentée, elle ne porte du rose : elle porte même du bleu sur la plupart des représentations en couleur. L’autrice préfère, encore une fois, convoqué les stéréotypes de genre en faisant l’impasse sur le contexte de l’époque.

Sous les conseils de Maryvonne, Marie Henry demande aux peintres de recouvrir les murs de la salle à manger avec de la chaux afin d’apporter davantage de lumière à la pièce. Mais les peintres préfèrent habiller les murs et le plafond de leurs couleurs. Ce n’est donc pas Marie Henry qui les autorise, mais les peintres qui s’offrent ce droit, contre sa volonté. Dans cette entreprise, les seules préoccupations de l’aubergiste sont : le regard des autres, c’est-à-dire la clientèle de l’auberge (l.55 à 60) et le ménage. En effet, elle est obsédée par les tâches que laissent les peintres sur le plancher (l.53, l.61. l.63, l.64) et par le désordre qu’ils sèment (l.52, l.60). Nous pourrions imaginer que les peintres s’occupent du rangement et du nettoyage après avoir peint les murs de Marie Henry de leurs couleurs contre son gré. Mais cela ne semble pas traverser l’esprit de l’aubergiste, qui regrette que Maryvonne ne puisse l’aider dans cette tâche (« Comment je vais faire, moi, pour ravoir ce plancher ? » l.64), puisque qu’elle s’en va pour quelques temps célébrer les noces de sa sœur dans le Morbihan.

L’extrait 5 commence par une phrase d’accroche percutante : « J’ai toujours eu des revanches à prendre » (l.1). Il s’agit vraisemblablement d’une revanche sur les hommes, l’aubergiste s’interroge :

« Il y aurait eu un moment que je n’aurais pas vraiment senti et qui marquerait la fin des revanches ? » (l.3),

« Lorsque j’ai quitté Paul pour Jacob ? » (l.4). À cette dernière affirmation, l’aubergiste assure qu’elle n’a rien décidé, « C’est venu comme ça, par hasard, de quitter une chambre pour une autre, mieux chauffée. Un homme pour un autre. » (l.5).

Alors même qu’elle semble regretter l’installation des peintres dans son auberge tout au long des extraits précédents, elle est ravie d’apprendre que pour la première fois, un homme fait le choix de rester avec elle (l.15) : Paul Gauguin concrétise ses projets de départ tandis que Meijer de Haan ne fait pas le choix de l’accompagner, mais de rester aux côtés de Marie Henry. Un enfant, une maison, un homme qui vit avec elle : « j’ai tout maintenant. Comme les autres. » (l.20). Une réussite que l’aubergiste se garde d’afficher : « je n’ai jamais parlé de mes affaires » (l.40), « je n’ai pas besoin de cela. J’ai l’habitude d’être seule » (l.43) contrairement aux autres femmes.

57 En sollicitant deux stéréotype de genre, Marie Le Drian évoque des souvenirs de l’aubergiste avec Meijer de Haan qui « a pris la place de l’homme » (l.22). Il l’amène souvent se promener dans la lande et il s’émeut de la beauté de son visage ce qui n’est pas sans troubler l’aubergiste qui explique : « Je n’ai jamais vu un homme pleurer. Jamais. Même lui, là-bas, lorsque je suis partie il n’a pas bronché. » (l.29). Elle craint l’arrivée des lettres et les messages qu’elles délivrent qui peuvent venir troubler ce nouvel équilibre.

Cette crainte de l’arrivée des lettres trouve tout son sens dans l’extrait 6. Nous apprenons que Jacob Meijer de Haan a dû rejoindre Amsterdam. Nous nous trouvons à l’automne et l’aubergiste ne cesse de répéter tout au long de cet extrait que « tout a changé » (l.1, l.4, l.13, l.22, l.26, l.42, l.48). Une nouvelle venue de Lucienne, une domestique travaillant avec elle chez ce couple parisien, arrive de Paris. Marie Henry apprend par cette lettre le décès de son ancien maître causé par une mauvaise grippe. Si c’est « sans s’attendrir » (l.9) que Lucienne lui écrit cette nouvelle, Marie Henry est dévastée. Tenue au secret, Lucienne, est la seule à connaître la relation entre son maître et Marie Henry et la seule à connaître l’existence de Léa. Cette dernière est d’ailleurs l’unique raison pour laquelle elle apprend ce décès. L’impact que cette mort a sur l’aubergiste est très important : elle a tout perdu (l.13, l.21, l.23, l.26, l.42). Léa et ce tissu à fleurs jaunes sur lequel il la prenait (l.7, l.11, l.39) deviennent les uniques vestiges de cette relation ; tout ce qui lui reste. Le passage suivant donne le sentiment que Marie Henry n’a pas construit cette auberge pour elle, pour gagner son indépendance, mais pour le rendre fier d’elle : « Tout était pour son regard » (l.17), « il aurait vu ce que

Cette crainte de l’arrivée des lettres trouve tout son sens dans l’extrait 6. Nous apprenons que Jacob Meijer de Haan a dû rejoindre Amsterdam. Nous nous trouvons à l’automne et l’aubergiste ne cesse de répéter tout au long de cet extrait que « tout a changé » (l.1, l.4, l.13, l.22, l.26, l.42, l.48). Une nouvelle venue de Lucienne, une domestique travaillant avec elle chez ce couple parisien, arrive de Paris. Marie Henry apprend par cette lettre le décès de son ancien maître causé par une mauvaise grippe. Si c’est « sans s’attendrir » (l.9) que Lucienne lui écrit cette nouvelle, Marie Henry est dévastée. Tenue au secret, Lucienne, est la seule à connaître la relation entre son maître et Marie Henry et la seule à connaître l’existence de Léa. Cette dernière est d’ailleurs l’unique raison pour laquelle elle apprend ce décès. L’impact que cette mort a sur l’aubergiste est très important : elle a tout perdu (l.13, l.21, l.23, l.26, l.42). Léa et ce tissu à fleurs jaunes sur lequel il la prenait (l.7, l.11, l.39) deviennent les uniques vestiges de cette relation ; tout ce qui lui reste. Le passage suivant donne le sentiment que Marie Henry n’a pas construit cette auberge pour elle, pour gagner son indépendance, mais pour le rendre fier d’elle : « Tout était pour son regard » (l.17), « il aurait vu ce que

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