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Partie 3 Attaque des matrices cimentaires par les acides organiques

2.3 Vitesses et mécanismes de dégradation

2.3.1 Acide acétique

La figure V-1 montre les évolutions des profondeurs dégradées et des pertes relatives de masse des différents échantillons immergés dans l’acide acétique.

Les courbes du CEM I ont été ajoutées, le ciment Portland servant de liant de référence pour cette étude.

0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5 4 4,5 5 0 10 20 30 40 50 60 70 80 Temps (jours) Profon deurs d égra dée s (mm ) CEM I CEMI + 10%MK CEM I + 20%MK CEM I + 30%MK CEM III/A CEM III/C CEM V CAC a) 0 5 10 15 20 25 0 10 20 30 40 50 60 70 80 Temps (jours) Pe rte s r ela tive s de ma ss es en % CEM I CEM I + 10%MK CEM I + 20%MK CEM I + 30%MK CEM III/A CEM III/C CEM V CAC

b)

Figure V-1: Evolution des dégradations de différentes pâtes de ciments plongées dans l’acide acétique : a) profondeurs dégradées b) pertes relatives de masses

Tout d’abord, les indicateurs de durabilité que sont la profondeur dégradée et la perte de masse ne donnent pas le même classement des liants en matière de résistance à l’attaque acide.

Le CEM III/C est le plus dégradé en profondeur mais il présente la plus faible perte de masse après 75 jours. Le ciment alumineux (CAC) a une perte de masse intermédiaire mais la profondeur dégradée la plus faible.

La variation de masse dépend (i) de la position du front de dégradation, et (ii) du comportement de la matrice cimentaire durant l’attaque acide qui peut se traduire soit par la dissolution totale de la zone dégradée, soit par la dissolution de certaines phases cimentaires seulement et/ou par la précipitation de sels adhérents ou non à la matrice et/ou par la précipitation d’autres phases néo-formées.

Citons deux exemples. Le premier est celui l’acide acétique. Au cours de l’attaque, aucun sel de calcium ne se forme dans la matrice, le calcium de la zone dégradée est quasi-totalement lixivié mais le squelette de gel silico-alumineux est préservé. Dans ce cas, la perte de masse dans la zone dégradée est directement liée à la quantité de CaO contenue dans le liant. Le deuxième exemple est celui de l’acide citrique. Dans ce cas, la zone dégradée est entièrement dissoute et les sels de citrate de calcium qui se forment ne sont pas adhérents donc ne participent pas à un éventuel gain de masse. Pour cet acide, la perte de masse est directement liée à la masse totale de la zone périphérique dissoute et non à la quantité de calcium initiale du liant.

Ainsi, pour le classement des performances des liants, le premier paramètre à considérer est celui de la profondeur dégradée car celle-ci traduit la profondeur de pénétration des agents agressifs dans le matériau cimentaire notamment jusqu’aux armatures, qui peuvent alors entrainer la corrosion des aciers et engendrer la ruine de la structure.

La variation de masse des échantillons ne doit être considérée que pour une profondeur dégradée donnée et elle traduit alors l’intensité de l’altération dans la zone dégradée. Néanmoins, la mesure des pertes de masse est avantageuse car il s’agit d’un essai non- destructif.

D’après les résultats de profondeurs dégradées :

- le ciment alumineux a été le plus performant. Il présente des profondeurs dégradées nettement inférieures aux autres liants sur toute la durée de l’expérience (1,7 mm au bout de 2 mois d’immersion contre 3,1 à 4,7 mm pour tous les autres liants) ;

- Le CEM III/C et le CEM I ont été les moins résistants (profondeurs dégradées de 4,7 et 4,2 mm respectivement au bout de 2 mois) ;

- le CEM III/A et les liants CEM I + MK ont présenté des profondeurs dégradées intermédiaires (3,3 mm au bout de deux mois) ;

- le CEM V/A est celui qui, parmi les liants ordinaires, offre les meilleures performances (3,1 mm au bout de 2 mois).

La résistance plus élevée du CEM V par rapport au ciment Portland viendrait de l’ajout des cendres volantes qui permet de réduire la perméabilité et les coefficients de diffusion de pâtes de ciment (Feldmann 1983). Même si la porosité est plus élevée, la répartition de taille des pores dans les matériaux à base de ciments CEM V est plus étroite et plus fine (Bejaoui 2000). Selon Dhir et al. (1993), le coefficient de diffusion des chlorures diminue avec l’augmentation de la quantité en cendres volantes dans l’échantillon.

La substitution de CEM I par du laitier ou du métakaolin n’a donc qu’un effet limité sur les vitesses d’altération par l’acide acétique. Ce résultat est à comparer à celui d’Oueslati (2011) qui obtenait de bien meilleures performances avec ces liants. L’origine du liant ainsi que les différentes additions auraient pu jouer un rôle dans ce résultat. Selon Kostuch (1993) le métakaolin réagit rapidement avec l’hydroxyde de calcium par réaction pouzzolanique stabilise les silicates de calcium hydratés, (Silverlock 1999).

D’après les résultats de variation de masse :

- le CEM I a montré les pertes de masses les plus élevées. Ceci est vraisemblablement lié à la profondeur dégradée élevée et à la teneur en CaO supérieure à celle des autres liants (cf. tableau V-1) ;

- l’ajout de métakaolin réduit la perte de masse mais avec une teneur optimale qui semble être autour de 20 %. En effet, l’augmentation de la teneur en métakaolin de 20 à 30% n’offre pas d’effet bénéfique supplémentaire ;

- le CEM III/C a les plus faibles pertes de masse à la fin de la manipulation, ceci malgré des profondeurs dégradées supérieures aux autres liants, en raison vraisemblablement de son plus faible taux initial en CaO et de la stabilité des grains de laitier résiduels dans ces conditions (Bertron et al. 2005a).

Le meilleur comportement du ciment alumineux face à l’acide acétique à pH 4 provient certainement de la composition chimique et minéralogique de ce dernier. En effet, le constituant majoritaire du liant CAC est l’aluminate monocalcique, noté CA. Son hydratation produit quatre phases hydratées : CAH10, C2AH8, C3AH6 et AH3. Durant la phase dite de

conversion, qui se déroule 14 jours environ après le début de l’hydratation, les phases CAH10

et C2AH8 sont converties en un assemblage thermodynamiquement plus stable

(C3AH6 + AH3) (Fryda et al. 2008). Ainsi, durant son hydratation, le ciment alumineux ne

produit pas de chaux hydratée (ou portlandite).

La phase AH3 est stable à des pH avoisinant 3,4. De plus, la dissolution des autres phases de

calcium hydratées mène à la formation de cette même phase qui finit, selon Scrivener et al. (1999), par s’infiltrer et boucher la porosité prévenant ainsi la pénétration d’agents agressifs. Par ailleurs, une porosité mal connectée a souvent été observée dans les matériaux à base de ciment alumineux (Ideker 2008). En effet, la phase AH3 est une phase peu cristallisée

(Lamberet 2005) et sa surface spécifique (285 m²/g), un peu plus élevée que celle des C-S-H (200 m²/g) (Kaiser et al. 2003), aurait un effet de cohésion sur la matrice cimentaire réduisant ainsi la porosité. La porosité mal connectée de ces matrices est défavorable à la progression des agents agressifs.

Oueslati (2011) a immergé des pâtes de ciment Portland substituées par 60 et 80 % de ciment alumineux dans des solutions d’acide acétique (0,3 M) à pH 4. Il a été observé la dissolution pure et simple de la couche périphérique du matériau et un taux de lixiviation supérieur à celui des matrices de ciment Portland non substituées. Dans notre cas, les matrices de ciment alumineux ont présenté une meilleure résistance aux attaques par l’acide acétique en termes de profondeur dégradée. L’utilisation du ciment alumineux en substitution du CEM I semble donc être moins favorable à la résistance de la matrice à l’acide acétique que l’utilisation de ciment alumineux seul.