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Partie 3 Attaque des matrices cimentaires par les acides organiques

4.2 Essais sur mortiers et bétons

4.2.1 Tests comparatifs de différents ciments courants

De Belie et al. (1996) ont réalisé une large étude ayant pour objectif d’évaluer la durabilité de différents bétons constitués à partir de 7 ciments ordinaires additionnés ou non de laitiers et/ou de cendres.

Le choix des liants a été fait comme suit :

- CEM I : généralement utilisé pour la préfabrication des éléments de silos d’ensilage, - CEM I sans C3A : correspond aux recommandations de la norme belge NBN B 12-108

qui concerne les bétons soumis aux environnements agressifs chimiquement et aux sulfates,

- CEM II : ciment portland composé avec additifs pouzzolaniques (laitiers, cendres volantes) afin de favoriser une teneur en portlandite réduite de la pâte de ciment hydratée,

- CEM III A, B et C : ciments aux laitiers avec des teneurs croissantes en laitier (36-65, 66-80 et 81-95 % respectivement),

- CEM V : ciment aux laitiers et aux cendres.

Les formulations et les résistances mécaniques des bétons étudiés sont recensées dans le tableau I-15.

Après coulage, les éprouvettes ont été conservées deux mois à 20°C à une humidité relative supérieure à 90 %, puis immergées dans des solutions agressives constituées d’un mélange d’acide acétique et d’acide lactique (30 g/l – 30 g/l). Quatre solutions ont été considérées à partir de ce mélange de base en ajoutant de la soude afin d’obtenir quatre pH de consigne : SL1 (0 g/l NaOH) de pH 2,0 ; SL2 (8,22 g/l NaOH) de pH 3,8 ; SL3 (18,6 g/l NaOH) de pH 4,5 ; SL4 (29,97 g/l NaOH) de pH 5,5.

Tableau I-15 : Formulations des bétons utilisés par De Belie et al. (1996)

I I* II II* III/A III/B III/C V

Type de ciment CEM I 42,5 R CEM I 42,5 R 0% C 3A CEM II/B-M 42,5 CEM II/B-M 42,5 CEM III/A 42,5 CEM III/B 42,5 CEM III/C 32,5 CEM V 32,5 Ciment (kg/m 3 ) 375 420 375 E/C 0,39 0,37 0,39 fc 28 (MPa) 63,7 64,0 63,7 57,8 66,5 66,4 45,6 53,7

Les éprouvettes subissent des cycles d’immersion-séchage. Avant chaque cycle et à la fin de l’essai, les prismes sont conservés dans l’eau jusqu’à ce qu’ils atteignent une masse constante. Les échantillons sont séchés à 60 ± 5% d’humidité pendant 1 jour puis plongés dans des containers contenant 0,8 litre de solution agressive. Après 4 jours d’un cycle, les pH sont ramenés à leurs valeurs initiales pour SL2, SL3 et SL4, et à pH 3 pour SL1, grâce à des ajouts de solutions concentrées d’acides acétique et lactique. A la fin d’un cycle, les prismes sont brossés pour détacher les particules instables.

Les essais comparatifs de durabilité sont réalisés par évaluation de la diminution de volume des échantillons (le volume est mesuré par pesée hydrostatique), de la perte de masse des

échantillons saturés, des pertes de masse par attaque chimique seule et par brossage, de la variation de pH des solutions et de la teneur en calcium des solutions agressives.

Tous ces essais apportent le même résultat au bout de 4 cycles.

Pour les solutions SL1, SL2, SL3, l’ordre croissant de durabilité est le suivant : Ciment Portland

CEM I sans C3A < CEM I <

Ciments avec ajouts

pouzzolaniques CEM II, II* CEM V

< Ciments aux laitiers CEM III/A, B ou C Les meilleures résistances sont obtenues pour les ciments aux laitiers (CEM III/A, B et C) indépendamment des résistances initiales des bétons. Les plus mauvaises performances sont associées aux ciments Portland ordinaires CEM I et I*, le pire étant le ciment sans C3A : les

bétons présentent des pertes de masse 3 fois plus fortes en moyenne que les ciments aux laitiers.

Les travaux de (Gruyaert et al., 2012) confirment les bonnes performances des bétons constitués à partir de laitiers exposés aux acides acétique et lactique. Cet auteur attribue ces bonnes performances à la teneur réduite en portlandite de la matrice de laitier.

Les bétons de ciments à ajouts pouzzolaniques CEM II et aux cendres CEM V présentent des comportements intermédiaires. Les autres additions pouzzolaniques (cendres volantes ou laitiers en proportions moins fortes) sont moins performantes que les ciments aux laitiers seuls. Pour la solution SL4 de pH 5,5, au bout de 2 cycles, les ciments aux laitiers présentent les plus mauvais comportements, puis la tendance s’inverse, pour arriver à la fin des 4 cycles à deux groupes de performances : les meilleurs comportements sont encore obtenus avec les ciments aux laitiers, le ciment portland ordinaire non modifié et le CEM II dont le rapport E/C est le plus faible. Les comportements les moins performants sont encore ceux du CEM I sans C3A.

4.2.2 Effet de la fumée de silice ou des cendres volantes en addition ou

substitution de ciment Portland

De Belie a réalisé une série d’essais de durabilité sur des bétons de ciment Portland ordinaire substitués de cendres volantes ou de fumées de silice (De Belie et al. 1997a). Le processus expérimental était le même que celui décrit dans le paragraphe précédent. Les compositions des bétons et leurs résistances mécaniques à 28 jours sont présentées ci-dessous.

Tableau I-16 : Formulations des bétons utilisés par De Belie et al. 1997a

R FA1 FA2 FA3 SF1 SF2

Type de ciment CEM I 42,5 R

Teneur en ciment (kg/m3) 375 375 338 300 375 340 Addition - CV CV CV FdS FdS Teneur en addition (kg/m3) % de la teneur en ciment % de la teneur en ciment de R 0 0 0 38 10,1 10,1 75 22,2 20 113 37,7 30,1 38 10,1 10,1 35 10,3 9,3 E/L 0,39 0,37 0,37 0,38 0,40 0,40 fc 28 (MPa) 63,7 66,8 63,1 51,7 68,1 68,3

Pour SL1 et SL2, les performances des bétons peuvent être classées dans l’ordre croissant suivant :

Béton non substitué < Béton de cendres volantes < Béton de fumée de silice

Pour SL2, les deux bétons SF1 et SF2 ont des comportements identiques, alors que pour SL1, le SF2 – béton pour lequel les fumées de silice sont en substitution – présente le meilleur comportement de tous les bétons tout au long de l’essai.

Pour SL3, le classement est le suivant : Béton non substitué

Béton de cendres FA3 (fort dosage en cendres, faible dosage en ciment)

< Bétons de cendres FA1 et FA2 < Bétons de fumée de silice SF1 (non substitué) < Bétons de fumée de silice SF2 (substitué) Pour SL4, le classement précédent est globalement respecté, à l’exception du béton non substitué qui présente un comportement intermédiaire, mais les différences sont beaucoup moins nettes.

Ces bons résultats obtenus sur les matériaux contenant des fumées de silice sont contradictoires avec ceux obtenus sur pâtes par les différents auteurs. Cette différence pourrait s’expliquer par un meilleur arrangement granulaire et donc une meilleure compacité des bétons de fumées de silice permettant d’obtenir des propriétés physiques de ces matériaux sensiblement supérieures à ceux des autres bétons. Ces très bonnes propriétés physiques permettraient de compenser la stabilité chimique relativement moins bonne de la matrice cimentaire seule.

L’étude de Bertron (2004) sur les mortiers de ciment CEM V avec des rapports E/L de 0,4 et 0,5 a révélé que ces échantillons ont été les moins résistants en termes de perte de masse et de profondeur dégradée avec les mortiers de ciment Portland en solution agressive composée d’un mélange d’acides organiques des lisiers.

4.2.3 Comparaison entre ciment au laitier et ciment Portland ordinaire

Jiang (2002) a réalisé des essais sur deux ciments portland (CEM I 42,5 R et CEM I 52,5) et un ciment au laitier (CEM III/A 52,5 R contenant 63% de laitier). Les bétons ont été confectionnés avec des rapports E/C de 0,45 et 0,37 et un dosage en ciment de 350 kg/m3. La solution agressive était constituée d’un mélange d’acides acétique et lactique (30 g/l – 30 g/l) de pH initial 2. Le liquide agressif est renouvelé à chaque cycle. Après chaque cycle, les éprouvettes sont brossées afin de simuler l’abrasion liée à l’activité agricole sur les sols (animaux, nettoyage…).

Les essais de compression réalisés à 28 jours montrent que les bétons réalisés avec le ciment CEM III/A offrent des résistances mécaniques supérieures à celles des bétons de CEM I 52,5, pour des mêmes E/C. Cependant, les caractéristiques chimiques et de finesse du ciment ne sont pas fournies. En outre, on peut s’étonner que le CEM I 52,5 témoin produise des résistances inférieures à celles du CEM I 42,5 R.

Au bout de 36 jours d’immersion, avec un pH initial de 2, la profondeur dégradée n’est qu’au maximum de 0,7 mm, ce qui est très peu. Il semble donc que ce mode d’attaque ne présente pas une cinétique très élevée.

Les différents essais réalisés montrent la même tendance. L’ordre croissant des performances des liants dépend du rapport E/C.

Le béton du CEM III/A présente les meilleures performances en termes de profondeur dégradée pour un rapport E/C de 0,45. Les deux bétons de CEM I ont un comportement équivalent.

Pour le rapport E/C de 0,37, les tendances sont modifiées, le CEM I 42,5 R présentant les meilleurs résultats, suivis du CEM III/A puis du CEM I 52,5. Les cinétiques sont modérées et les pentes des cinétiques de dégradation sont quasi identiques pour les 3 bétons, le plus mauvais résultat du CEM I 52,5 étant lié à des dégradations plus importantes aux courtes échéances.