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Partie 3 Attaque des matrices cimentaires par les acides organiques

3.3 Influence des paramètres physico-chimiques des acides et de leurs sels sur l’agressivité

3.3.2 Propriétés physiques des sels

Lorsque le sel se forme, les conséquences sur la matrice peuvent être très variables. Les propriétés intrinsèques des sels semblent jouer un rôle prépondérant sur l’agressivité de la matrice.

3.3.2.1 Volume molaire du sel

Le tableau III-6 rappelle les volumes molaires des sels de calcium des acides succinique, malique, tartrique et citrique dont la formation a été identifiée au cours de l’étude, sauf dans le cas du malate de calcium, pour lequel la forme exacte du sel n’a pas pu être formellement déterminée.

Tableau III-6 : Volumes molaires de certains sels des acides succinique, malique, tartrique et citrique

Sel de calcium Ca-succinate tri-hydraté Ca-malate trihydraté Ca-tartrate tétra-hydraté Ca-oxalate mono-hydraté Ca-citrate tétra-hydraté Volume molaire (cm3/mol) 116 128 143 66 518

Cette étude fait apparaitre une corrélation entre les volumes molaires des sels de calcium et l’agressivité des acides pour lesquels les sels de calcium se sont formés au cours de l’attaque. En effet plus l’écart de volume molaire est grand entre le sel de calcium formé et les phases cimentaires aux dépends desquels ils se sont formés (i.e. principalement Ca(OH)2 et/ou

C-S-H), plus l’agressivité de l’acide augmente. Pour mémoire, les volumes molaires de Ca(OH)2 et des C-S-H sont respectivement 33,1 cm3/mol et 88,1 à 125 cm3/mol (Taylor

Ainsi, l’acide citrique dont le sel de calcium (Ca-citrate tétra-hydraté) a le volume molaire le plus élevé (518 cm3/mol) a été l’acide le plus agressif. La formation du sel a certainement conduit à l'éclatement de la zone périphérique des échantillons.

A contrario, l’oxalate de calcium monohydraté, qui se forme dans les zones périphériques des échantillons, a le volume molaire le plus faible et l’acide oxalique a été le moins agressif des acides. Si on réalise un bilan volumique des phases dans la matrice cimentaire :

- dans la pâte de ciment saine : les travaux de Bejaoui et Bary (2007) indiquent que dans une pâte de CEM I de rapport E/C = 0,27, la portlandite Ca(OH)2 occupe environ 15%

du volume total de la pâte. Par ailleurs, la porosité totale de la pâte, mesurée par l'intrusion d'eau, est d'environ 28-30% (tableau V-3, chapitre V, et Bertron et al. 2007a). La porosité capillaire (diamètre poral > 10 nm), mesurée par porosimétrie au mercure, représente environ 10% (Bertron 2004b) du volume de la pâte.

- dans la zone altérée d’une pâte immergée dans l’acide oxalique : le volume d'oxalate de calcium est 2 fois supérieur à celui du Ca(OH)2 (66,4 vs 33,1 cm3/mole) aux

dépends duquel il s’est formé, sa formation peut se faire sans dégât pour la matrice si le volume à combler est équivalent à 2 fois celui de la portlandite.

On peut donc supposer que la formation d’oxalate de calcium se produit en comblant (i) le volume initial de Ca(OH)2 dissous (15%), (ii) la porosité capillaire (10%) et, peut-être (iii)

une petite partie de la porosité des hydrates (5% pour que le bilan volumique soit exact). Le bilan volumique permettrait d’expliquer que la formation du sel d’oxalate de calcium monohydraté dans la pâte de CEM I n’induise pas de dommages à la matrice et agisse positivement en colmatant la porosité, empêchant ainsi la progression du front d’altération vers l’intérieur de la matrice.

Le tartrate de calcium était moins protecteur vis-à-vis de la matrice que l’oxalate de calcium. Ceci est probablement dû au fait que son volume molaire est supérieur à celui de l’oxalate de calcium (143,1 contre 66,4 cm3/mol). En supposant que la formation de ce sel est uniquement liée à la dissolution de l'hydroxyde de calcium (33,1 cm3/mol), le volume molaire du sel est trop élevé pour remplacer la phase réactive et sceller la porosité sans générer de contraintes internes. On peut penser que, pendant les deux premiers mois de l'expérience, la formation de tartrate de calcium génère des micro-fissures qui ne sont pas suffisantes pour permettre à de grandes quantités d'agents agressifs de pénétrer plus profondément dans la matrice cimentaire. Après deux mois, la propagation des micro-fissures dans la matrice peut avoir généré des macro-fissures et des dégradations macroscopiques ont ensuite été observées.

3.3.2.2 Forme mésoscopique des sels

La forme mésoscopique du sel peut également être considérée comme un paramètre important pour déterminer l'effet protecteur d’un sel à la surface de la matrice cimentaire. En effet la forme mésoscopique du sel de calcium est en mesure d’influencer l’adhérence du sel sur la matrice, ses propriétés de contact et de recouvrement. Par exemple, la forme hexagonale plane (nid d’abeille) est celle qui a le plus fort taux de recouvrement d’une surface plane (Hales 2001). Il convient par ailleurs de noter que la forme du sel de calcium est variable et dépend

de nombreux paramètres dont (i) les paramètres chimiques, notamment le pH, les concentrations, (ii) les conditions expérimentales (agitation), la présence d’autres molécules réactives comme (iii) la nature du substrat ou le support de germination et de croissance des sels (Petrova et al. 2004, Jung et al. 2005 Thomas 2009).

Dans le tableau III-7 sont répertoriées différentes formes mésoscopiques des sels d’oxalate mono- et di-hydraté et du tartrate de calcium tri-hydraté recensées dans la littérature.

Le tartrate de calcium tétrahydraté précipite dans une forme prismatique tandis que l’oxalate de calcium monohydraté précipite en forme hexagonale, forme plus favorable pour couvrir une surface. Le sel d'oxalate de calcium monohydraté peut également précipiter sous une forme prismatique. Les sels sont synthétisés généralement à partir de chlorure de calcium et d’oxalate de potassium ou de sodium (Singh et al. 1988, Thomas 2009) mélangés à différentes températures, sous différentes conditions d’agitation et avec parfois quelques autres molécules actives comme l’acide polyacrylique, le chlorure de magnésium de fer etc… Il en est de même pour les sels de tartrate de calcium qui eux sont faits à partir de chlorure de calcium et de tartrate de sodium ou potassium (Grases et al. 1993). La croissance des cristaux de tartrate de calcium à partir du champignon Aspergilus Niger a aussi été étudiée (Parekh et al. 2009). Tableau III-7 : Formes de quelques sels de calcium

Sel Oxalate de calcium

monohydraté Oxalate de calcium dihydraté Tartrate de calcium tetrahydraté Formes mésoscopiques recensées Hexagonale (Sandersius2007, Petrova 2004) Prismatique (Petrova 2004) Etoilée (Petrova 2004) Bipyramidale Sphérique (Jung 2005) Prismatique (Parekh 2009)

Les données sur la forme des sels et sur leur affinité envers la matrice de ciment doivent être approfondies dans les études ultérieures.

3.3.2.3 Adhérence des sels

Un sel de calcium n’adhérant pas à la matrice cimentaire ne peut être protecteur. Néanmoins, ce paramètre est difficilement quantifiable car il faudrait avoir des informations sur la nature et les énergies des liaisons chimiques mises en jeu lors de la création des sels de calcium et leur interaction sur la surface d’un matériau cimentaire.

Par ailleurs, comme mentionné au paragraphe précédent, la forme mésoscopique pourrait également jouer un rôle aussi sur l’adhérence du sel de calcium.

3.4 Mécanismes par les mélanges d’acides et effet prépondérant de l’acide