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III.7 Étude de la vitesse au sein des méandres

III.7.2 Vitesse moyenne dans les méandres

III.7.2.1 Mesure de la vitesse moyenne

Analysons maintenant le cas de filets qui méandrent. Nous reportons ici les premiers résultats d’une étude en vitesse pour les méandres, vitesse définie tangentiellement au parcours courbe. Sur la Figure III-25, on peut voir l’avancée du front de colorant pour divers débits en régime de méandres. Les résultats préliminaires permettent déjà de montrer que le passage en configuration méandre fait chuter de manière importante la vitesse moyenne dans le filet liquide

(d’un facteur proche de 2), jusqu’à des valeurs semblables à celles obtenues pour les plus bas débits du régime droit (cf. Figure III-25b). La vitesse moyenne passe ainsi de plus de 56 cm/s à seulement une trentaine de centimètres par seconde. Si le débit est augmenté, en régime de méandres, la vitesse moyenne augmente légèrement, mais très peu comparé à l’augmentation constatée en régime droit. Il serait intéressant de développer davantage cette amorce d’étude de la vitesse pour déterminer précisément la vitesse au seuil du régime instable.

Figure III-25 : Vitesse moyenne de l’écoulement dans les méandres. (a) Avancée du colorant dans un méandre. (b) Distance (curviligne) parcourue par le colorant au cours du temps. La pente des courbes donne la vitesse moyenne de l’écoulement.

III.7.2.2 Modélisation de la vitesse dans les méandres

Voyons ce que devient notre modélisation en Poiseuille pour les méandres. Le modèle de Poiseuille est très bien adapté pour les filets droits et prévoit une vitesse moyenne qui croit comme la racine carrée du débit. Or, nous venons de voir que le changement de forme de filet droit à méandres entraîne une chute importante de la vitesse, alors que le débit continue d’être augmenté. Le modèle de Poiseuille, tel qu’utilisé pour le filet droit, n’est donc plus applicable pour les méandres puisqu’il ne prévoit pas de chute mais une augmentation continue de la vitesse avec le débit.

Toutefois, l’approximation de l’écoulement de Poiseuille pourrait toujours donner une description correcte de l’écoulement moyen dans les méandres, à condition de se rappeler que la sinuosité Σ réduit l’effet de la gravité en g sinα/Σ, et par là-même réduit la vitesse moyenne. À la section III.6.3, nous avons remarqué que les méandres se comportaient comme des arcs de cercles joints par des segments de droite, inclinés d’un angle φ=17° par rapport à l’horizontale. En négligeant la contribution des virages par rapport aux segments inclinés de φ, on peut ap- proximer Σ=l’/l par 1/sin φ (voir Figure III-26a). La projection de l’accélération de la gravité, le long des parties rectilignes devient donc g sinα sinφ, c’est-à-dire qu’elle est réduite d’un coeffi- cient sinφ par rapport au filet droit. En introduisant ainsi grossièrement la sinuosité à travers ce facteur sinφ dans le modèle de Poiseuille dans des tranches d’un cylindre, nous obtenons une vitesse moyenne théorique :

< v > = Γ(θ)g sin α sinφ 3ν Q     1/2 ( III.45 )

Cette valeur théorique de la vitesse moyenne dans les méandres a été comparée aux données expérimentales (cf. Figure III-26b). On retrouve le bon ordre de grandeur, pour des angles de contact entre θa,s et θmoy. L’accord entre les expériences et la modélisation de la vitesse

moyenne par celle d’un écoulement de Poiseuille est donc prometteur, compte tenu des ap- proximations que nous avons faites ici : introduction grossière de la sinuosité et forme du ruisselet en portion de cylindre symétrique alors que les méandres ne sont en réalité plus symé- triques. Ils ont plutôt un angle de contact θa,s sur l’extérieur des virages et θr,s sur l’intérieur, que

l’on approxime ici par un cylindre d’angle de contact θmoy=(θa,s+θr,s)/2.

Figure III-26 : (a) Sinuosité Σ=l’/l approximée par 1/sinφ. (b) Comparaison des données expérimentales de la vitesse moyenne et du modèle de Poiseuille avec cor- rection de la sinuosité par introduction d’un facteur sinφ dans l’effet de la gravité.

III.7.2.3 Retour sur le rayon de courbure : test du préfacteur

Profitons d’avoir réussi à décrire à peu près le champ de vitesse moyen à l’intérieur des méandres pour vérifier si notre modélisation du rayon de courbure par un équilibre iner- tie/forces d’accrochage donnerait non seulement la bonne loi de puissance (cf. section III.5.3.2.1), mais aussi le bon préfacteur. Reprenons l’équilibre inertie/accrochage sur le subs- trat :

ρS< v

2 >

Rc =γ cosθ

(

r,s− cosθa ,s

)

( III.46 ) Pour un film liquide en écoulement sur un plan incliné, <v2> et <v>2 sont indépendantes de l’épaisseur du film et sont reliées par la relation :

< v2 > =6 5 < v >

2

( III.47 )

On peut alors espérer que dans notre portion de cylindre, le facteur entre le carré de la vitesse RMS et la vitesse moyenne au carré sera proche de 6/5. La section S de la portion de cylindre peut se calculer en fonction de l’angle de contact θ et de la hauteur maximale H :

S = H2

(

θ − cosθsinθ

)

/ 1

(

− cosθ

)

2 ( III.48 )

Les équations ( III.40 ) reliant <v> à H et ( III.43 ) reliant <v> à Q permettent d’obtenir le rayon de courbure en fonction du débit, avec cette fois le préfacteur complet. Notons qu’il convient de remplacer g sinα par g sinα sinφ (avec φ=17°) dans les équations, pour rendre compte du fait que les méandres ne descendent pas le long de la ligne de plus grande pente. Nous prendrons également θ=θmoy=(θa,s+θr,s)/2 car c’est la valeur qui reflète le mieux la forme

des méandres approximés par des portions de cylindres. On trouve au final la relation :

< Rc > = 6 5 ρ γ (cosθr ,s− cosθa ,s) g sinφ 3ν Γ(θmoy)     1/2 .Q3/2 sinα ( III.49 )

Nous avons testé cette loi, qui n’a plus aucun paramètre ajustable, sur nos mesures de rayons de courbure moyens des méandres (cf. Figure III-27). L’accord entre les mesures et la valeur prédite est remarquable, et même presque surprenant vu les quelques approximations utilisées dans la modélisation. Les points incertains du modèle sont notamment (i) la valeur probablement non exacte du facteur 6/5 reliant la vitesse RMS à la vitesse moyenne, et correcte uniquement dans le cas d’un film infini, (ii) l’introduction « à la louche » de l’effet de la sinuosité sur la gravité effective résultante, grâce au facteur sinφ, et enfin (iii) la modélisation de la forme du méandre par un cylindre d’angle de contact θmoy, alors que les méandres deviennent dissymé-

triques avec les angles θa,s d’un côté et θr,s de l’autre.

Figure III-27 : Comparaison des mesures de <Rc> au modèle provenant de

l’équilibre inertie/accrochage sur le substrat, avec modélisation de la vitesse par un écoulement de Poiseuille dans des tranches d’une portion de cylindre d’angle de contact (θmoy=θa,s+θr,s)/2. Il n’y a pas de paramètre ajustable pour ce modèle.

III.7.3 Vitesse locale : non-uniformité sur la largeur des