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Nous en venons enfin au régime de perlage. Les autres régimes de gouttes étudiés jus- qu’ici (ovale, coin, cusp) étaient stationnaires, mais le perlage lui ne l’est plus à proprement parler. Lorsque les gouttes perlent, elle émettent des gouttes satellites par la pointe et perdent donc de la matière. Mais, comme nous faisons glisser des trains de gouttes sur le substrat, les gouttes empruntent chacune un chemin déjà emprunté par une autre goutte avant elle et qui a donc déjà déposé des satellites sur la plaque. Ainsi, les gouttes perlantes larguent des gouttes satellites par la pointe arrière, mais ingèrent par l’avant les satellites de la goutte précédente, à la manière d’un « Pacman » (cf. Figure II-7). La conservation de la masse est donc assurée.

Figure II-17 : Goutte perlante d’huile silicone (η=104 cP), larguant de petites gout- tes satellites derrière elle et en ingérant d’autres par l’avant. L’écoulement se fait de la gauche vers la droite. Ca=7,19.10-3.

II.8.1 Transition de perlage

À la transition cusp/perlage, il est étonnant de voir que l’angle d’ouverture de la pointe vue de côté (Ω) n’est toujours pas nul et vaut environ 7° (cf. Figure II-12a). On aurait pu objec- ter à la transition en coin qu’elle n’est pas à proprement parler une transition de mouillage dynamique puisque le substrat reste sec après le passage de la goutte. Pour la transition de per-

lage, il y a bel et bien dépôt de liquide sur le substrat, alors que l’angle dynamique de reculée est toujours non-nul.

Bien que le régime de cusp ne concerne qu’une faible bande de nombre capillaire, l’angle d’ouverture mesuré à la pointe extrême en vue de dessus (ϕ) chute de 45°, à la transition coin/cusp, à environ de 30° à la transition cusp/perlage (voir Figure II-11a). PODGORSKI

(2001) avait trouvé expérimentalement unetransition de perlage pour un angle d’ouverture du coin ϕ=π/6. Nous retrouvons donc bien cette valeur à condition de mesurer l’angle ϕ à la pointe des cusps et non en son point d’inflexion. De plus, en reprenant les idées de LIMAT &

STONE sur les solutions auto-similaires du coin, mais en introduisant cette fois une longueur de

glissement ad hoc, SNOEIJER a montré que la courbe Ca(ϕ) atteignait un maximum, qui définit la

valeur critique de Ca au-delà de laquelle il devrait y avoir perlage (voir Figure II-18). Cette va- leur est attendue pour un angle ϕ d’environ 25° [SNOEIJER et al (2006)] et est donc tout à fait

compatible avec nos résultats expérimentaux. Malgré ses limites (coin rond), la modélisation du coin par un cône dans lequel on cherche des solutions auto-similaires semble véritablement robuste.

Figure II-18 : Courbe reliant le nombre capillaire à l’angle d’ouverture du coin ϕ, ex- traite de SNOEIJER et al (2006). Les gouttes sont sur la branche de droite. Au fur et à mesure que Ca augmente, l’angle ϕ se referme. Le maximum indique le seuil de per- lage attendu pour notre huile silicone de 10 cP.

II.8.2 Gouttes satellites

En régime de perlage, la goutte principale largue de plus petites gouttes derrière elle. La rupture du filet qui se développe à l’arrière des gouttes se fait comme celle d’un filet d’eau sous un robinet qui se rompt en gouttes, et pourrait faire penser à une instabilité de type RAYLEIGH-

PLATEAU [LIN & REITZ (1998)].

Juste au-delà du seuil de perlage, les gouttelettes, larguées de façon régulière, sont ex- trêmement petites (de l’ordre de 250 µm pour le diamètre des satellites de la Figure II-7e). Elles sont trop légères pour descendre le long de la plaque et restent alors fixées sur le substrat. Pour des vitesses de descente plus importantes de la goutte principale, la taille des gouttes satellites

augmente et peut éventuellement former une cascade de gouttes de plus en plus petites, comme illustrée sur la Figure II-19. Pour des vitesses encore supérieures, les gouttes satellites devien- nent suffisamment grosses pour ne plus rester fixées au substrat et descendre elles aussi le long de la plaque à une vitesse qui dépend de leur volume. Il serait intéressant de mener une étude systématique sur la statistique de taille des gouttes satellites émises par la goutte principale, éventuellement en comparaison avec la largeur du filet qui se déstabilise à l’arrière de la goutte. Cela apporterait certainement des informations précieuses sur la compréhension du régime de perlage.

Figure II-19 : Dépôt d’une cascade de gouttelettes satellites en régime perlant. Temps entre deux images : 1/3 s. η=104 cP, Ca = 15.10−3.

Les gouttes perlantes développent un filet à l’arrière, bien plus long que la petite pointe qu’on pouvait avoir dans les régimes précédents. On pourrait penser que la composante de la gravité dans le plan de la plaque : g sinα conditionne la taille du filet qui se développe. C’est cette dernière approche qui est choisie par SNOEIJER et al (2006) pour tenter de modéliser la forme des gouttes perlantes.

II.8.3 Largeur du ruisselet arrière

Lors du perlage, les gouttes deviennent beaucoup plus longues qu’elles ne l’étaient pour des nombres capillaires inférieurs au seuil de perlage. Cela est essentiellement dû au dévelop- pement d’un « ruisselet » à l’arrière de la goutte (voir Figure II-20). Les gouttes restent bien rondes à l’avant et une excroissance grandit à l’arrière. Ces ruisselets s’allongent et s’élargissent avec la vitesse de descente de la goutte.

Nous avons mesuré la largeur w des ruisselets pour différents nombres capillaires, pour l’huile la plus visqueuse (47V1000), car elle permet d’avoir des ruisselets d’épaisseur constante sur une plus grande gamme de nombre capillaire. Dans le cas des huiles moins visqueuses, le ruisselet se déstabilise plus rapidement et n’adopte plus une largeur constante (voir par exemple Figure II-19). Nous avons reporté sur la Figure II-21 la largeur w en fonction du nombre capil- laire Ca, pour l’huile 47V1000.

Figure II-20 : Développement du ruisselet à l’arrière des gouttes perlantes pour un nombre capillaire croissant. η=1040 cP. L’écoulement se fait du haut vers le bas. (a) Ca=8,93.10-3. (b) Ca=9,92.10-3. (c) Ca=11,42.10-3. (d) Ca=14,91.10-3.

Figure II-21 : Largeur du ruisselet à l’arrière des gouttes perlantes en fonction du nombre capillaire pour l’huile 47V1000 (η=1040 cP). Le capillaire critique Cap au

seuil de perlage est déterminé expérimentalement à 8,83.10-3. La ligne noire épaisse

est un ajustement en racine de l’écart au seuil ; la ligne rouge fine est un ajustement par une droite.

Il semblerait que la largeur w des ruisselets augmente avec Ca comme une racine de l’écart au seuil Ca-Cap, mais il serait nécessaire d’effectuer des expériences complémentaires

pour avoir plus de points, et ainsi s’assurer de la forme de la courbe w(Ca). En effet, vu les erreurs sur nos points expérimentaux, un ajustement de la largeur du filet par une droite (avec une largeur de filet non-nulle au seuil de perlage) n’est pas non plus à exclure. Nous réalisons en ce moment des expériences supplémentaires concernant le perlage, en parallèle du dévelop- pement de la modélisation de la forme des gouttes perlantes et de leur filet par SNOEIJER.