• Aucun résultat trouvé

Évolution des grandeurs moyennes<R c >, <λ> et <A>

III.5 Morphologie des méandres

III.5.3 Évolution des grandeurs moyennes&lt;R c &gt;, &lt;λ&gt; et &lt;A&gt;

Intéressons nous donc aux valeurs moyennes de l’amplitude, de la longueur d’onde et du rayon de courbure au sommet des virages, pour une configuration donnée (un débit et une inclinaison). Si l’on trace ces valeurs moyennes sur la gamme d’existence en débit des méandres, pour toutes les inclinaisons étudiées, on obtient la série de courbes de la Figure III-13.

Figure III-13 : Données brutes des moyennes sur les virages d’un méandre. (a) Rayon de courbure moyen au sommet des virages. (b) Longueur d’onde moyenne. (c) Amplitude moyenne.

Les trois paramètres augmentent de façon monotone avec l’inclinaison α de la plaque et le débit Q. On remarque qu’à la transition régime droit/méandres, l’amplitude, la longueur d’onde et le rayon de courbure sont non-nuls, et de l’ordre du centimètre. La transition est donc du premier ordre, ce qui confirme que le seuil de méandrage est bien marqué, et donc facilement déterminé « à l’oeil ». Par ailleurs, les domaines d’existence des méandres sont plus importants pour des plaques peu inclinées, comme nous avons pu le constater lors de l’étude des seuils de méandrage (cf. Figure III-9). Essayons d’utiliser notre compréhension du méan- drage pour expliquer la variation de <A>, <λ> et <Rc> avec le débit Q et l’inclinaison α.

III.5.3.2 Lois d’échelle pour <Rc>, <A> et <λ>

III.5.3.2.1 Rayon de courbure moyen <Rc>

La forme des méandres devrait à nouveau être donnée par l’équilibre entre l’inertie, la tension de ligne et l’accrochage sur le substrat :

ρQ 2 S 1 Rc − C(θ)γ w 1

Rc = γ cosθ

(

r ,s− cosθa ,s

)

( III.23 ) Le rayon de courbure Rc est ici le rayon final atteint pour la forme stationnaire des méandres. À

nouveau, la gravité ne joue pas de rôle dans l’équilibre latéral aux sommets des virages des méandres, et n’est donc toujours pas prise en compte ici. Les calculs d’ordres de grandeur des forces à l’équation ( III.22 ) ont montré que la capillarité et l’inertie étaient les deux forces do- minante pour de faibles rayons de courbure de l’ordre du millimètre, comme c’est le cas pour le seuil de méandrage. Les forces d’inertie et de tension de ligne décroissant avec le rayon de courbure, l’accrochage sur le substrat devient la force dominante pour les rayons de courbure atteints par les méandres stationnaires (de l’ordre de 1 à 6 centimètres). Comme la tension de ligne est négligeable devant l’inertie (voir les ordres de grandeur à l’équation ( III.22 )), les deux forces dominantes sont dorénavant l’accrochage et l’inertie.

Les méandres stationnaires peuvent donc être modélisés par un équilibre accro- chage/inertie :

ρQ

2

S 1

Rc =γ cosθ

(

r ,s − cosθa ,s

)

( III.24 ) où Rc est le rayon de courbure final atteint par le méandre considéré. Nous pouvons en déduire

une loi d’échelle sur le rayon de courbure en supposant à nouveau un écoulement de Poiseuille : v ∝ w2 g sinα

ν ( III.25 )

Q ∝ w4 g sinα

ν ( III.26 )

On trouve alors que le rayon de courbure est proportionnel au débit à la puissance 3/2 et à la racine carrée de sinα :

< Rc > ∝ ρ γ (cosθr ,s− cosθa ,s) g ν     1/2 .Q3/2 sinα ( III.27 )

Cette loi d’échelle a été testée sur nos données en traçant < Rc > / sin α en fonction du débit Q (voir Figure III-14), et le modèle s’ajuste tout à fait bien à nos résultats expérimen- taux. En y regardant de plus près, on remarque que certains groupes de données (pour des inclinaisons fixées) semblent avoir une pente légèrement différente de celle proposée. Ces petits écarts pourraient provenir du fait que l’on a négligé le terme capillaire par rapport au terme d’inertie et au terme d’accrochage. La partie capillaire ajouterait une contribution au rayon de courbure proportionnelle à Q1/4sin−1/4α . Cette contribution supplémentaire a plus de poids aux faibles inclinaisons et aux faibles débits, et entraîne une diminution du rayon de courbure final Rc, ce qui va bien dans le sens du décalage observé sur la Figure III-14.

Figure III-14 : Comparaison des données expérimentales du rayon de courbure moyen <Rc> avec le modèle équilibrant inertie et accrochage sur le substrat.

Un autre point qui pourrait expliquer le petit écart entre la loi prédite et les valeurs expérimentales est la réduction de la pente effective par la sinuosité Σ (rapport de la longueur curviligne totale l’ du méandre à la distance l entre ses deux extrémités) :

Σ= l '

l ( III.28 )

Une sinuosité qui vaut 1 correspond au filet droit, et plus le méandre fait de courbes, plus la sinuosité augmente. Pour un filet droit qui descend une hauteur ∆h en parcourant une longueur

l, la composante de la gravité qui s’exerce sur le filet vaut g sinα avec α=∆h/l. Lorsqu’il méan- dre, le filet descend cette même hauteur ∆h en une longueur l’ >l. La gravité effective est alors g sinα’, où sinα’=∆h/l’. En introduisant la sinuosité Σ, la gravité devient :

g sin α

Σ ( III.29 )

au lieu du g sinα dans l’équation ( III.27 ), donnant le rayon de courbure des méandres. Un filet qui méandre voit donc sa pente moyenne réduite (et donc la gravité effective) par rapport à un filet droit. Étant donné que la sinuosité Σ augmente avec Q et α [NAKAGAWA & SCOTT

(1984)], les exposants du débit et de l’inclinaison devraient être inférieurs à ceux qui sont pré- sentés dans l’équation ( III.27 ), ce qui ramènerait davantage les différentes séries de points sur une même courbe maîtresse. Néanmoins, ces corrections sont faibles et l’essentiel du compor- tement des méandres est capté par notre modèle.

III.5.3.2.2 Longueur d’onde et amplitude moyenne

Voyons comment évoluent les deux autres grandeurs caractéristiques des méandres : la longueur d’onde <λ> et l’amplitude <A>. Nous pouvons nous attendre à ce que la « longueur d’onde » moyenne des méandres, <λ>, suive les mêmes lois que le rayon de courbure. En effet, si les méandres étaient idéalement constitués de demi-cercles suivis par des segments de droites horizontaux, <λ> et <Rc> devraient être reliés par la relation :

<λ >= 4 < Rc > ( III.30 )

La loi <λ >∝ Q3/2

sin α est comparée aux résultats expérimentaux sur la Figure III-15a, et elle reproduit très bien nos données.

Concernant l’amplitude, nous n’avons pas vraiment réussi à trouver, pour l’instant, ce qui détermine l’amplitude des méandres et donc ce qui permettrait de la modéliser. Toutefois, vu qu’à la fois le rayon de courbure et la longueur d’onde suivent les mêmes lois d’échelle, nous avons essayé de voir si cette loi n’était pas universelle et ne s’appliquerait pas pour les trois grandeurs <A>, <λ> et <Rc>. La courbe de <A>/(sinα)

1/2

en fonction du débit est reportée sur la Figure III-15b. De nouveau, cette loi d’échelle décrit correctement l’évolution constatée expérimentalement, même si des écarts notables apparaissent aux faibles débits. L’évolution des grandeurs caractéristiques de la morphologie des méandres est donc dictée par une même loi de puissance universelle :

< A >, <λ >,< Rc >

(

)

∝ Q3/2

Figure III-15 : Loi d’échelle en fonction du débit pour (a) la longueur d’onde moyenne des méandres, (b) l’amplitude moyenne.

Nous disposons dorénavant des lois d’évolution en fonction des paramètres de contrôle Q et α de chacune des grandeurs <A>, <λ>, et <Rc>, indépendamment. Cependant, ces trois grandeurs devraient être fortement reliées les unes aux autres si elles suivent bien les mêmes lois d’échelle. Nous allons donc tenter d’explorer le lien entre les trois grandeurs.

III.6 Les méandres comme fonction : une approche