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Malgré les avancées nombreuses que nous avons faites dans la compréhension des méandres, leur étude est loin d’être finie et il reste encore beaucoup de pistes à explorer ou à approfondir. Concernant les méandres d’eau tout d’abord, il serait intéressant de mesurer les angles de contact des méandres pour quantifier l’effet des forces d’accrochage sur le substrat et vérifier si elles sont bien mobilisées de façon maximale lorsque les méandres atteignent leur forme stationnaire. Nous pourrions par exemple relever la déviation d’une nappe laser, due à son passage à travers un méandre, ce qui permettrait de remonter au profil des méandres et plus particulièrement aux angles de contact. Cette méthode a déjà été utilisée par RIO (2005) pour reconstruire le profil de gouttes d’huile silicone dévalant un plan incliné non-mouillant. Malheureusement, les quelques essais de projection d’une nappe laser sur les méandres que nous avons effectués n’ont pas été concluants. Les figures de réfraction obtenues sont particu- lièrement complexes, à cause de la courbure des interfaces dans les virages, mais aussi à cause de perturbations par les ondes de surface qui courent le long des méandres. Il serait donc préférable de se limiter plutôt à l’utilisation d’un spot laser.

L’étude détaillée du champ de vitesse pourrait également apporter des informations précieuses à l’amélioration de la compréhension du méandrage. Les mesures que nous avons

effectuées étaient compliquées par la diffusion du colorant au sein du filet, mais également par le fait que l’écoulement présente des gradients de vitesse importants sur la petite largeur milli- métrique des méandres (cf. Figure III-37). La vitesse est bien supérieure sur l’extérieur des virages que sur l’intérieur, et comme intérieur et extérieur s’inversent à chaque virage, le colo- rant ne cesse de se décaler puis de se rattraper pour se redécaler dans l’autre sens. Nous n’avions donc mesuré que la vitesse moyenne, prise au centre des filets. Une méthode alterna- tive au suivi de colorant pourrait être l’utilisation de la technique de PIV (Particle Image Velocimetry) qui permettrait de cartographier l’ensemble du champ de vitesse dans les méan- dres. Nous pourrions ainsi obtenir des informations précieuses sur la totalité du champ de vitesse. Couplées avec les mesures d’angles de contact le long des méandres, nous aurions une caractérisation assez complète des méandres.

Figure III-37 : Gradients de vitesse au sein des méandres révélés par injection de bleu de méthylène. Le colorant n’avance pas en front perpendiculaire au méandre, mais il se déplace beaucoup plus rapidement sur l’extérieur des virages que sur l’intérieur.

Les différences importantes constatées dans le comportement de l’écoulement de flui- des peu visqueux et de fluides de viscosité supérieure à 7 cP (forme finale et nécessité de forcer ou non le déclenchement des méandres) montre qu’il est évidemment crucial de mener mainte- nant une étude approfondie de l’effet de la viscosité sur les méandres. Des expériences d’écoulement de solutions aqueuses de glycérol en concentration variable permettraient de comprendre le rôle exacte joué ici par la viscosité.

Enfin, il serait également profitable de changer de substrats afin de faire varier l’hystérésis de mouillage qui crée une force clef dans le mécanisme des méandres stationnaires. L’utilisation de techniques d’électromouillage [QUILLET & BERGE (2001), MUGELE & BARET

(2005)] pourrait aussi permettre de regarder l’effet du changement des angles de contact. Quel- ques expériences préliminaires effectuées sur une plaque de verre enduite de RainX10, substrat

moins hystérétique que le Mylar (environ 15° d’hystérésis contre 35° pour le Mylar), ont en

10 Le RainX est un produit commercial pour pare-brises, contenant du PDMS et un solvant organique

effet révélé une influence non nulle de l’hystérésis sur le substrat. En faisant couler des mélan- ges eau-glycérol sur le RainX (l’eau pure ne s’écoule qu’en gouttes sur ce substrat, formant les « spermatozoïdes » montrés à la section III.9.1), nous avons constaté que les seuils étaient ra- baissés par rapport au Mylar, ce qui va bien dans le sens prévu par notre modèle du seuil incluant inertie, tension de ligne et forces d’accrochage ( III.50 ).

Il serait également possible de comparer les résultats sur le Mylar et le RainX à un troi- sième substrat, en travaillant avec des huiles silicone sur le vernis de fluoropolymères FC725 que nous avons utilisé pour l’étude des singularités des gouttes au Chapitre II (il faut noter que les huiles silicone ont une tension de surface est beaucoup plus basse que l’eau, de l’ordre de 20 mN/m). En étudiant la forme de zones sèches dans un film d’huile silicone 5 cP sur du FC725, Julien SEBILLEAU a constaté que des méandres pouvaient bel et bien se former sur ce

substrat fluoré (voir Figure III-38). Toutefois, l’hystérésis de mouillage étant très faible (de l’ordre de 5°), les méandres n’arrivent plus à s’accrocher sur le substrat et ne sont plus station- naires. Nous allons retrouver un phénomène similaire dans la partie suivante consacrée aux ruisselets formés entre deux plaques parallèles en mouillage parfait.

Figure III-38 : Méandres d’huile silicone 5 cP sur une plaque de verre enduite du fluoropolymère FC725. Les filets sont ici formés par rupture d’un film continu dont ils captent le liquide. Inclinaison α=70° et débit Q=11,8 mL/s. Vue de trois quarts. Photographie Julien SEBILLEAU.

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