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Chapitre IV. Méandres mouvants en mouillage total

IV.8 Effet de la viscosité

IV.9.2 L’apport des huiles silicones

Un pas important effectué durant ce travail de thèse porte sur la non nécessité des sur- factants pour former des méandres en mouillage total. Les surfactants ne sont pas à l’origine de l’instabilité sinueuse de méandrage puisque nous avons réussi à observer des méandres d’huile silicone 2 cP dans notre cellule de Hele-Shaw. En deçà d’un débit seuil, les filets d’huile sont droits, et une fois le seul franchi, nous obtenons des méandres descendants. À notre connais- sance, les seuls méandres en mouillage total rapportés jusqu’ici étaient des méandres de surfactants (SDS pour ANAND & BEJAN (1986) ou « Fairy liquid » pour DRENCKHAN et al

(2004)). Remarquons toutefois que les huiles n’ont pas permis de reproduire les méandres re- montants observés avec des solutions de surfactants (rigides uniquement), ces derniers étant alors probablement à l’origine de cette remontée du motif.

Pour l’huile 47V2, le seuil de cette instabilité d’origine inertielle a pu être retrouvé grâce à un équilibre entre les forces d’inertie et la capillarité, et en supposant un écoulement de Poi- seuille dans une section rectangulaire (dont un des côté est imposé par la distance interplaque). L’étude de la largeur des filets en fonction du débit s’est montrée en accord avec l’hypothèse d’un écoulement de Poiseuille au sein de filets, du moins pour les huiles 47V2 et 47V10. Il est à noter par ailleurs que la section des filets d’huile est assez différente de celle des surfactants et s’observe très bien à travers la différence de réfraction de la lumière par ces deux filets.

Le modèle du seuil prévoyait également que le débit minimal à atteindre pour obtenir des méandres augmente avec la viscosité. Pour les débits que nous pouvions imposer (Q<30 mL/min), le modèle anticipait nous ne pourrions voir que le régime droit pour les huiles 47V10 et 47V200 de viscosités respectives 5 fois et 100 fois plus élevées que la 47V2, ce que nous avons en effet constaté. Une tête de pompe, adaptée à la pompe à engrenages utilisée pour les méandres du Chapitre III, et également adaptée aux plus faibles débits nécessaires dans cette expérience, devrait permettre d’explorer ce qui se passe à des débits supérieurs à 30,0 mL/min. Les résultats seraient intéressants aussi bien pour l’huile silicone peu visqueuse 47V2 que pour les huiles légèrement plus visqueuses comme la 47V10.

Contrairement aux méandres de surfactants, les méandres d’huile silicone présentent l’avantage d’exister sur une très grande gamme de débit. En effet, nous n’avons pas réussi à trouver de seuil supérieur pour les méandres d’huile 47V2 avec notre système d’injection (limité pour l’instant à 30 mL/min). Nous avons ainsi pu tirer des conclusions plus sûres sur la mor- phologie de ces méandres, contrairement aux cas des méandres de solutions de surfactants purs, ou même de Fairy (dont les méandres descendants n’existaient que sur une plage de 1,5 mL/min de large).

L’amplitude et la longueur d’onde des méandres d’huile augmentent toutes les deux avec le débit, augmentation que nous ne voyons que pour le régime remontant des méandres de surfactants. Le rapport d’aspect des méandres d’huile (rapport entre l’amplitude et la longueur d’onde) est également plus proche de celui des méandres remontants que des méandres des-

cendants de surfactants. Cette similitude avec le motif remontant reste à expliquer. Toutefois, la similitude avec les surfactants s’arrête ici. En effet, les méandres d’huile silicone ont une vitesse de phase bien supérieure à celle des méandres de solutions de surfactants, même en régime descendant.

IV.9.2.1 Travail futur

Il subsiste encore une foule d’expériences à réaliser avec ces méandres d’huile silicone qui sont réellement beaucoup plus pratiques à étudier que ceux de surfactants. Le travail effec- tué dans ce chapitre fut un vaste débroussaillage des différentes possibilités physico-chimiques permettant la création de méandres en mouillage total. Maintenant que le chemin à suivre sem- ble plus clair, une étude complète avec les huiles silicones permettrait de mieux comprendre ces méandres qui conservent encore bien des mystères. Le but serait déjà d’aboutir à une modélisa- tion hydrodynamique complète des méandres descendants pour l’huile silicone, permettant de décrire la morphologie des méandres (amplitude, longueur d’onde et vitesse de phase), avant de pouvoir espérer se réattaquer à la dynamique des méandres de surfactants, rendue plus com- plexe par des effets physico-chimiques.

Une des premières choses à faire serait d’explorer les régimes à plus haut débit pour l’huile silicone peu visqueuse 47V2. Nous pourrions alors voir si l’on trouve une saturation ou non de la vitesse de phase, trouver sur quelle gamme de débit les méandres existent (y a-t-il un seuil supérieur de fin de méandrage ?), et voir si les méandres finissent par se déstabiliser (et comment ?). L’étude pourrait être complétée par l’injection de filets ayant une viscosité inter- médiaire, par exemple avec l’huile 47V5 de viscosité proche de 5 cP, qui serait facilement comparable à l’huile 47V2.

Des mesures de vitesse de l’écoulement au sein des ruisselets par injection de colorant et suivi de la trace laissée, ou encore mieux, par utilisation de la technique de P.I.V. (Particle Image Velocimetry), permettraient d’avoir de façon sûre la vitesse au sein des filets, sans faire de conjecture sur la forme des ruisselets ou sur celle de l’écoulement. Nous pourrions alors comparer la vitesse à l’intérieur de l’écoulement à la vitesse de phase des méandres.

L’inclinaison de la cellule de Hele-Shaw permettrait de mener une étude sur l’influence de la gravité.

Il serait également intéressant de regarder l’influence de la largeur de l’injecteur en haut de la cellule. Nous avons utilisé un embout de pipette dans toutes nos expériences, mais un nouvel injecteur a été dessiné, se glissant impeccablement entre les deux plaques de la cellule et dont la largeur est réglable à souhait. Nous pourrions alors observer comment le seuil et la forme des méandres s’en trouveraient éventuellement modifiés.

Enfin, une visualisation des films de mouillage laissés par les surfactants ou par l’huile silicone, et la comparaison de leurs épaisseurs, pourrait également fournir des informations quant aux différences constatées entre les méandres en mouillage total formés par les différents liquides mouillant totalement les plaques de la cellule de Hele-Shaw.

Comme on peut le voir, le travail de recherche sur les méandres en mouillage total n’est pas achevé, mais leur origine a tout de même été un peu éclaircie. En particulier, nous savons maintenant que les surfactants ne sont pas nécessaires à l’obtention de méandres en mouillage

total, et que le seuil de méandrage semble bien décrit par un équilibre entre inertie et forces capillaires. Toutefois, les méandres parfaitement réguliers observés avec une solution commer- ciale de Fairy, pour une gamme précise et réduite de débits, n’ont pu être reproduits avec aucune solution simple. Le Fairy commercial garde donc encore le secret de ses méandres uni- ques.